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Penser le mouvement de place publique  à partir de la « démocratie sauvage »  
Postdoctorante

(université Paris-Est Créteil - ANR AMULEX, CEDITEC)

Comment penser les mouvements de la place publique qui ont eu lieu au début des années 2010 à travers le concept de « démocratie sauvage » forgé par Claude Lefort ? « Concept fugace »1, « marginal » ou « énigmatique »2, le terme n’est pas facile à saisir. Mentionné uniquement six fois3 dans l’œuvre de Claude Lefort, ce dernier semble se garder de lui donner une définition arrêtée rendant alors quelque peu difficile son articulation à des cas empiriques. Par conséquent, définir le concept de la démocratie sauvage s’avère une tâche complexe. Pourtant, et dans la lignée des auteurs qui se sont consacrés à l’interpréter, le concept de la démocratie sauvage nous semble constituer un des éléments conceptuels clés pour comprendre non seulement la définition du politique chez Lefort mais aussi pour mettre l’accent sur la dimension contingente et transformatrice des mouvements de place publique des années 2010.

Cet article a pour objectif d’explorer le réseau conceptuel auquel est attachée l’expression de « démocratie sauvage », et par là-même de penser le mouvement social « Gezi Park » qui a eu lieu à Istanbul en 2013. Ce mouvement sera abordé dans cet article en tant que mouvement de la place publique et fera l’objet d’une relecture à partir du concept de la démocratie sauvage. Notre hypothèse est que cette relecture peut contribuer à comprendre comment et selon quelles modalités les mouvements sociaux du début des années 2010 déploient des pratiques contestataires qui interrogent, ou du moins travaillent, le principe de la démocratie dans nos sociétés contemporaines.

Nous précéderons à une analyse en trois temps : (1) nous allons introduire le mouvement Gezi et ses « échos » tout en interrogeant en quoi il fait « événement » dans la société turque ; (2)  il s’agira ensuite d’aborder l’articulation des pratiques contestataires pendant et après ce mouvement en les mettant en lien avec les différentes dimensions du concept de la démocratie sauvage ; (3) enfin nous tenterons de montrer comment est mise en avant une vision spécifique de la démocratie et du politique au sein de ces « mouvements de la place publique »4. Il convient de souligner que nous nous appuyons principalement sur des sources secondaires, c’est-à-dire sur des auteurs qui interprètent la notion de la démocratie sauvage soit pour l’expliciter soit pour l’aborder dans le cadre des mouvements de contestation. Comme nous l’avons souligné, Claude Lefort utilise cette notion, qui apparaît de façon dispersée, de façon non systématique à différents moments de son œuvre notamment quand il évoque la démocratie moderne, la division sociale, l’antitotalitarisme, les droits individuels etc. Par ailleurs, ces termes ne font pas non plus l’objet d’une définition. Faire une lecture systématique des œuvres de Lefort en vue de proposer une discussion conceptuelle approfondie de ce concept dépasserait le cadre et les objectifs de cet article. Nous nous proposons d’explorer cette notion en l’articulant à l’étude du mouvement Gezi. En plus de nos lectures spécifiques de Lefort5, nous nous inspirons de différentes lectures de l’œuvre de Lefort dont celles de Miguel Abensour6. Nous mobilisons aussi des auteurs tels que Nilüfer Göle7 et Alban Bensa et Eric Fassin8car ils nous permettent de nous emparer de l’approche lefortienne. Les données empiriques mobilisées sont issues de notre thèse de doctorat soutenue le 29 mars 2024 à l’EHESS9.

Mouvement Gezi et ses échos

En 2013, le mouvement social « Gezi Park » est lancé par un groupe de militants écologistes voulant montrer publiquement leur opposition à la décision du Premier ministre turc de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, qui veut détruire le parc Gezi pour le remplacer par un centre commercial. La première occupation du parc par les écologistes, le 28 mai 2013, prend une ampleur inédite avec le rassemblement, en très peu de temps, de nombreux citoyens, de collectifs et d’organisations politiques dans le parc et sur la place adjacente, la place Taksim. Cette occupation du parc par de multiples acteurs contestataires très différents les uns des autres (féministes, supporters de foot, nationalistes, musulmans anticapitalistes...) aboutit à la mise en place d’une vie communautaire qui perdure pendant plus de trois semaines, jusqu’à l’évacuation des occupants par les forces de l’ordre le 16 juin 2013. Comme les mouvements sociaux qui ont eu lieu à partir de 2010 (Occupy Wall Street aux États-Unis [2011], les Journées de juin au Brésil [2013], le mouvement du 15M en Espagne [2011], les printemps arabes [2011], ainsi que Nuit Debout [2016] en France), le mouvement Gezi se caractérise par l’occupation des places publiques urbaines en tant que mode d’action protestataire. Au-delà de l’occupation des places, ces mouvements ont également des similitudes dans la manière dont ils mobilisent les émotions et les valeurs qu’ils défendent : la démocratie directe, la dignité et la justice sociale.

La vague politique initiée par le mouvement Gezi se solde par la mise en place de pratiques répressives qui, sans être nouvelles, se sont renforcées par étapes, tandis que la période post-Gezi (2013-2016) est marquée par la (re)configuration, la (re)activation d’un espace foisonnant pour les mouvements sociaux stambouliote. Se sont ainsi formés plusieurs collectifs, assemblées, « forums », associations de quartier, squats dans les espaces publics de la ville d’Istanbul. Ces collectifs, divergents dans leur choix d’action contestataires et dans leur positionnement par rapport à la politique instituée, ont tous été animés par ce que les participants au mouvement appellent « l’esprit de Gezi » (Gezi Ruhu, en turc). Dans ce contexte, la question urbaine, et plus spécifiquement celle de l’écologie et de l’environnement urbains, semblent être l’une des préoccupations centrales autour de laquelle un ensemble d’acteurs continue à se mobiliser afin de marquer son opposition à la politique d’aménagement du territoire du gouvernement en place. Le mouvement a également mis en évidence des horizons contre-hégémoniques, notamment la manière dont la sensibilité environnementale urbaine s’articule au politique. Le mouvement s’est essoufflé dans un climat de répression politique grandissant, mais ce que l’on appelle l’esprit de Gezi a non seulement perduré, mais a proliféré dans différentes mobilisations locales, donnant au militantisme urbano-environnemental ses caractéristiques principales. Ce militantisme revendique l’équité et l’accès à l’environnement ainsi qu’aux espaces publics en général, compris comme des « lieux de vie », que ce soit dans l’espace urbain, dans des zones ultrapériphériques ou rurales, et il est animé par des sentiments anti autoritaires et anti-institutionnels.

Gezi fait « événement » 

Il existe une quantité innombrable de publications scientifiques et journalistiques à propos du mouvement Gezi. Comme c’est le cas très souvent devant des grands événements historiques, les universitaires, les journalistes et enfin l’élite culturelle entrent dans une course à la définition pour fixer les caractéristiques de l’événement, figer les acteurs dans des catégories établies et donc rendre intelligible ce qui est profondément inconnu et nouveau.

Dans cet effort de définition des caractéristiques et des causes du mouvement, on peut distinguer deux grands types d’interprétation ; (1) la catégorisation sociologique des acteurs contestataires, (2) l’interrogation sur la dimension politique ou non de l’occupation, il s’agit d’identifier la ou les classes sociales qui représentent le mouvement Gezi et donc de fournir une analyse politique à partir de cette catégorie10. Est-ce que ce sont les jeunes citadins précaires avec un capital culturel élevé qui s’opposent au gouvernement ? Dans l’affirmative ont-ils des raisons proprement politiques ? Ou bien cherchent-ils à exprimer leur frustration, presque individuelle, face au système social et économique de la société turque qui ne cesse de les dévaloriser ? La recherche de la dimension proprement politique du mouvement est également l’une des thématiques les plus abordées : il s’agit d’interroger la cause écologiste afin de montrer dans quelle mesure celle-ci résiste à l’articulation avec la politique11 : lorsqu’il s’agit d’étudier les conflits environnementaux, l’apolitisme présupposé des acteurs contestataires prend une ampleur importante car ces conflits, de par leur nature, voient souvent le jour dans des contextes locaux et contre des problèmes spécifiques tels que la destruction d’un village, la disparition d’une rivière, la délocalisation des habitants, etc. Ce désintérêt pour les conflits environnementaux, car ils seraient a priori apolitiques, éphémères et ponctuels, est également visible dans de nombreuses publications scientifiques sur le mouvement Gezi. Seules quelques-unes l’ont analysé en prenant en compte sa dimension environnementale et écologique12. Beaucoup d’analyses séparent les préoccupations « environnementales » et « les autres » plus dignes politiquement, comme la « démocratie ». La « défense des arbres » est considérée comme fondamentalement écologique est ainsi séparée voir faussement opposée aux préoccupations plus nettement politiques.

De manière générale la plupart des travaux s’attachent à « (…) montrer que l’événement n’en est pas un : la nouveauté n’est pas si nouvelle, le surgissement s’inscrit dans une perspective historique, une tradition culturelle, une logique sociale. Une fois encore, on s’emploie à réduire la surprise de l’événement : ce qui se passe était inscrit dans le passé, immédiat ou lointain – tout était déjà joué. A posteriori, nous aurions pu prévoir l’événement13 ». Parmi ces analyses très riches, rares sont les travaux qui discutent principalement du caractère inédit de cette occupation. Dans les pages qui suivent, nous allons aborder les caractéristiques de ce mouvement tout en l’articulant aux dimensions de la notion lefortienne de la démocratie sauvage : (1) division de la société ; (2) refus de la politique instituée ; (3) pratiques contestataires expérimentales.

Peuple divisé et immaîtrisable lors de l’occupation

L’intérêt de nombreux chercheurs pour les dynamiques du mouvement n’est pas surprenant car par son ampleur, ses productions créatives, ses échos ainsi que par la présence d’acteurs contestataires multiples et variés, le mouvement Gezi représente un tournant dans l’histoire politique de la Turquie. Du 2 juin au 16 juin 2013 le parc et la place Taksim adjacente deviennent un espace où les acteurs contestataires vivent une expérience transformatrice. Il est aussi la première occupation de place organisée qui dure aussi longtemps en Turquie. Alors que le mouvement devient rapidement national14 et perdure dans le temps avec la tenue de forums publics, des occupations des maisons, la formation des collectifs de lutte dans plusieurs quartiers de la ville d’Istanbul, il ne donne pas pour autant lieu à l’émergence d’un parti politique.

Il résiste également à la formalisation et donc à la stabilisation des revendications politiques pendant et après le mouvement. Cette dernière caractéristique s’explique en partie par l’absence d’un leader ou d’un groupe organisé capable de représenter la multitude d’acteurs contestataires très divers du mouvement Gezi. Un des participants du mouvement, un primo-engagé, souligne ainsi, lors d’un entretien, les conflits suscités au sein de l’occupation entre les militants confirmés, potentiellement membres des partis politiques et/ou organisations de gauche, et « les occupants ». « Pendant l’occupation, les gauchistes ont organisé une réunion dans le local de TMMOB15 pour discuter de la désignation d’une figure politique appelée à être le représentant du mouvement. Ça m’a mis hors de moi. Parce qu’en fait sur la place publique on avait des problèmes super pratiques, par exemple un problème des toilettes, un problème de gestion de taches (ménagère, nourriture etc.). Et ben non. Eux ils discutent des “figures”, des “représentants” déconnectés de ce que nous vivions sur la place publique. »

Le mouvement ne voit pas surgir et encore moins s’instituer de leaders, de représentants politiques désignés et identifiés en tant que tel, ce qui ne signifie pas que le mouvement était privés d’acteurs contestataires qui ont organisé, cadré et dirigé l’occupation. Le mouvement Gezi se développe presque à l’encontre de la politique institutionnelle. Il refuse l’ensemble des partis politiques comme de possibles interlocuteurs ou des acteurs légitimes. « Pendant l’occupation du parc, la visibilité (des acteurs partisans) est délibérément réduite. Seules apparaissent publiquement la plateforme “Solidarité pour Taksim ” et des groupes culturels aussi variés que les femmes, la résistance végane, le bloc LGBT ou les jeunes Arméniens16. » Il s’agit, pour reprendre les mots de Lefort, d’« […] un “peuple” sauvage et divisé qui est l’antonyme du Peuple Un mutique et figé ». Cela rend impossible une potentielle représentation ou direction de ces pluralités d’acteurs et d’agir contestataires17. Autrement dit, comme le souligne Nilüfer Göle, ces acteurs contestataires appartenant à des mouvements différents tels que le féminisme, l’écologie, les mouvements religieux, syndicaux, etc., n’agissent pas au sein de l’occupation sous leurs propres bannières. Ils y sont en tant que personne « [qui] manifestent personnellement et mettent en scène leur malaise “personnel” en public18 ».

Notre interlocuteur primo-engagé met justement l’accent sur la particularité de l’action collective lors de l’occupation. La coordination de cette action collective ne se fait pas à partir d’un consensus ou bien d’une suppression volontaire des différences : au contraire elle se met en œuvre à partir des divisons, des conflits ainsi que des négociations permanentes. Cette coordination donne lieu à des « sociabilités improbables »19. Les supporters de l’équipe de football Beşiktaş et les individus LGBTIQ+ se retrouvent pendant l’occupation à défendre collectivement la place publique contre les forces de l’ordre. Cette alliance n’est pas anodine car, en temps normal, ces deux acteurs s’évitent en raison notamment des attitudes machistes et sexistes des supporteurs de football envers la communauté LGBTIQ+. Or pendant l’occupation, ils agissent ensemble. Les individus LGBTI+ leur apprennent des insultes non sexistes à employer contre les forces de l’ordre et les supporters leur donnent accès à leur savoir-faire technique de défense d’un lieu, savoir-faire qui vient de leur répertoire d’action collective mobilisé dans les stades où les affrontements entre les forces de l’ordre et les supporters sont monnaie courante.

Le refus de toute délégation du pouvoir, ou plutôt son impossibilité, engendre une attention accrue à la manière dont ces différents acteurs contestataires interagissent l’un avec l’autre, afin de non seulement défendre la place publique, mais aussi de prendre soin de l’espace occupé. Il faut nettoyer la place, coordonner l’arrivée de la nourriture, gérer la question des toilettes… Il faut s’occuper de la dimension pragmatique de l’occupation. De plus, toutes ces pratiques doivent être en phase avec l’esprit du mouvement : horizontal, égalitaire, de respect mutuel et radicalement solidaire. En somme, le refus de délégation du pouvoir donne lieu à des pratiques et des attitudes politiques préfiguratives. La politique préfigurative désigne le processus selon lequel les objectifs que les militants veulent atteindre sont fondamentalement configurés par les moyens employés. Elle implique que les pratiques politiques en vigueur dans le mouvement incarnent les formes de relations sociales, de prise de décision et d’expérience qui constituent la finalité ultime du mouvement20. Il s’agit d’un peuple divisé et volontairement immaîtrisable qui prend conscience au fur et à mesure de l’occupation de la pluralité des voix, des agir contestataires et des horizons politiques en commun. Au lieu de choisir un mode d’action collectif qui privilégie la politique majoritaire avec la désignation d’un représentant, ce peuple reconnaît et accepte la division ainsi que le conflit. Dès lors, il s’agit d’inventer des moyens symboliques et matériels afin d’organiser le désordre et la mésentente de manière à ce que la coordination entre acteurs contestataires puisse être assurée sans pour autant lisser les différences et, ce faisant, effacer ce que Lefort dénomme l’« hétérogénéité du social21 ».

Mais que se passe-t-il une fois que l’événement a pris fin ? La défense du parc contre les forces de l’ordre ainsi que le maintien de l’occupation constituaient des injonctions fortes pour l’organisation ainsi que pour la coordination du conflit et du désordre entre les acteurs contestataires sur la place publique. Les expérimentations politiques donnent-elles lieu à des formes de contestations qui durent dans le temps ? Si oui, sous quelles formes et quelles modalités ? Dans les deux parties suivantes, nous allons discuter des « échos » du mouvement Gezi à partir de deux thématiques : (1) le refus de la politique institutionnelle, (2) les pratiques contestataires expérimentales, au sens où elles sont relativement nouvelles sur la scène militante d’Istanbul. Elles sont des expérimentations que l’on peut caractériser comme débordantes car ces pratiques ne font référence, ni dans leurs formes ni dans leur mise en œuvre, à des traditions politiques existantes. Nous verrons aussi que ces pratiques contestataires sont intimement liées au refus de la politique institutionnelle, choix qui va être celui des collectifs de lutte dans la période post-Gezi (2013-2018). Pour comprendre cela nous analyserons les modes d’action du collectif écologiste, Défense des forêts du nord (Kuzey Ormanları Savunması – KOS en acronyme turc)22.

Refus de la politique institutionnelle comme pilier d’une culture politique émergente

Comme l’a signalé Nilüfer Göle, le refus volontaire de la politique institutionnelle constitue une des conditions nécessaires pour que le mouvement de la place publique trouve la capacité à « [...] raviver les imaginaires sociaux et à régénérer la toile démocratique23 ». Le terme imaginaires sociaux a ici le sens de culture politique24 des mouvements d’opposition progressiste, ou du moins démocratique. Comme nous l’avons déjà souligné, une des caractéristiques de l’esprit de Gezi, de sa culture politique, est le refus volontaire de se coordonner avec des acteurs de la politique instituée. Ce positionnement extra-partisan va à l’encontre du paradigme politique dominant, la « pathologie de l’acteur unique », au sein de la culture politique de la société turque. Cet acteur se définit en tant que « acteur [qui] s’identifie à l’historicité par le biais d’une utopie et se définit au sein des valeurs d’une idéal de société dans le futur. […]. [Il se place, par conséquent] en dehors des rapports sociaux du temps présent [.] Il refuse ses rivaux [ainsi que] les autres acteurs en les identifiant à l’ordre établi »25. À mesure qu’ils produisent des projets et des actions politiques qui visent à la prise du pouvoir étatique « les acteurs [contestataires] s’éloignent des expressions civiles. Ce qui est politique domine ce qui est social, les expressions politiques cachent même les rapports sociaux26 ». Dans ce raisonnement politique selon lequel il faut accéder au pouvoir politique institué afin d’avoir un impact décisif sur l’État, tout peut alors servir de prétexte : l’écologie, le droit des femmes, le nationalisme et les droits des minorisés. Il s’agit de trouver des prétextes pour construire un conflit politique qui viserait presque exclusivement à peser sur les composantes de l’appareil étatique ou la « représentation » politique27.

Selon nous, les participants du mouvement Gezi parviennent à raviver et à diversifier les pratiques contestataires en forgeant une nouvelle culture politique. En effet, pour les collectifs de luttes formés au lendemain du Gezi, la cohérence entre les actions (la forme, la mise en pratique et l’échelle), les mots d’ordre et les modes d’organisation interne doivent être en consonance avec les pratiques et les valeurs du mouvement Gezi. La culture politique de Gezi a ainsi les caractéristiques suivantes : une structure organisationnelle non-hiérarchique et sans leader, un processus de prise de décision fondé sur le consensus, un refus d’alliance avec les acteurs partisans, une mise en pratique de l’inclusion, de l’antisexisme, de l’antiracisme et du respect mutuel. L’échelle d’action elle aussi est très significative. Les collectifs qui se considèrent comme des enfants de Gezi se mobilisent presque exclusivement sur les problèmes locaux à l’échelle des quartiers, ou pour la gestion des squats, la mise en place d’actions contestataires contre les projets de construction de l’aménagement urbain (construction d’un garage, destruction des logements etc.). La possibilité d’intégrer les collectifs est définie non pas par l’orientation ou l’appartenance politique mais plutôt par l’expression franche et directe de ce que la personne souhaitant intégrer le groupe veut apporter au collectif. Autrement dit, ce ne sont pas les idées politiques qui priment pour intégrer un collectif mais plutôt les intentions d’actions concrètes. Celles-ci peuvent prendre la forme des tâches organisationnelles internes comme de contributions à des actions politiques du collectif de lutte en question.

Une autre raison qui invite à parler d’une nouvelle culture politique n’est pas uniquement liée aux attitudes et aux pratiques contestataires qui se distinguent des mouvements de gauche pendant l’occupation de Gezi Park. Ce sont en effet ces nombreux collectifs de lutte, aux effectifs plutôt réduits et aux moyens modestes, en raison des pratiques répressives, qui maintiennent et diffusent les manières d’agir contestataires propres aux contestataires de la place Gezi au sein de la société après le déclin du mouvement. Toutes ces initiatives locales contribuent à maintenir et à enrichir le capital militant28 notamment des primo-engagés. Ils parviennent ainsi à stabiliser et à mobiliser la participation politique des individus, ce qui augmente considérablement la probabilité de la politisation de tous ces acteurs. La force de cette culture politique est également due au fait que le mouvement Gezi a réussi à valoriser l’activité et l’identité militante au sein de la société turque où, depuis le coup d’État du 12 septembre 1980, le militantisme est considéré comme dangereux, coûteux et criminel. Ainsi une des participant·es que nous avons interviewée l’affirme très clairement :

« pour la première fois dans ma famille, j’ai acquis de la valeur, je n’étais plus la sale gauchiste… même pour trouver un appart à Istanbul, quand les propriétaires me reconnaissaient, ils me faisaient tout d’un coup confiance, “ah tu es la meuf de Gezi”, je n’ai jamais trouvé aussi facilement un appartement à Istanbul, c’est assez dingue ».

Les « militants-bénévoles » hors de la politique instituée

Lors de notre enquête en 2018 au sein du collectif de la lutte écologiste, la distance vis-à-vis de la politique instituée est l’une des thématiques qui revient systématiquement pendant les entretiens, et ce sur plusieurs niveaux. Lorsqu’il s’agit de définir leur identité au sein des collectifs en lutte, trois termes sont utilisés : bénévoles (gönüllü), membre (üye), défenseur (savunucu) et activiste (aktivist). Ce dernier terme, aktivist, est utilisé quand les personnes interviewées décrivent leur positionnement politique contestataire face à tel et tel acteur, à telle et telle situation. Toutefois, quand elles évoquent leur distance vis-à-vis de la politique instituée ou qu’elles critiquent les mouvements de gauche, elles emploient les termes de « bénévole », « membre » ou « défenseur » dans un souci de différenciation. Au sein du collectif écologistes, les membres se définissent comme « bénévole de la nature » au sens où ils sont au service de la nature dans un positionnement défensif et non pas dans une posture politique offensive contre tel ou tel acteur politique ou économique. Il s’agit bien évidemment du « discours » des acteurs car ils se situent bel et bien, par leurs actions et par leurs revendications contre les entreprises de construction, le maire d’un quartier et surtout contre ce qu’ils appellent le « système des partis », autant le parti politique au pouvoir que les partis politique d’opposition, « qui ne font que reproduire la corruption et l’oppression ». Utiliser le terme « bénévole » ou « défenseur » constitue ainsi une véritable stratégie de distinction pour marquer clairement leur différence par rapport au militantisme de gauche potentiellement associé, en Turquie, à des acteurs partisans.

Ces différentes manières de se définir en tant qu’individu politiquement engagé et membre d’un collectif de lutte écologiste, démontre, non pas une dynamique de dépolitisation (ce que pourrait laisser entendre le terme « bénévole ») mais plutôt la recherche d’une qualification de l’identité militante sans association aux composantes de la politique institutionnelle. Cette réflexion collective sur comment se définir dans la période post-Gezi en tant que militant fait écho à la réappropriation du qualificatif « maraudeurs » lors de l’occupation : le premier ministre de l’époque qualifie les occupants de « marginaux », de « voyous », et de « racailles » ou « maraudeurs » (çapulcu) afin de les disqualifier dans l’opinion publique. Mais très vite ces termes insultants sont réappropriés par les occupants. Ils gagnent de nouvelles significations et « maraudeurs » devient l’identité commune des occupants et même du mouvement lui-même. La recherche de nouveaux termes pour se définir est également accompagnée par la conception et la mise en œuvre des actions qui sont supposées faire perdurer l’esprit de Gezi et donc contenir cette exigence anti-institutionnelle comme principe d’action.

Des pratiques contestataires qui innovent : la place de l’action directe

« C’est que les travailleurs n’auraient pas levé l’interdit qui pèse sur l’action directe, n’auraient pas un moment écarté les consignes de leurs organisations, n’auraient pas oublié toutes les raisons qui les déterminent quotidiennement à se soumettre, et fait en l’espace de trois jours l’expérience de leur solidarité et de leur force, bref que le désir ne se serait pas réveillé d’affronter collectivement le pouvoir de l’État[.] […] [D]ans le moment où les travailleurs font irruption sur la scène politique, ils prennent une initiative dont la portée excède de loin le champ de la revendication que circonscriront les syndicats. […] En un instant, l’on découvre que la prétendue nécessité de la soumission est fondée sur un rapport de force et que ce rapport peut être inversé29. »

Dans cette analyse des actions des travailleurs en 1968, Lefort estime que la première condition de l’action directe est de prendre de la distance avec les organisations politiques existante. Une fois que l’action est affranchie de la tutelle des organisations et de celles des autorités établies, elle devient directe, exemplaire et audacieuse. Cette autonomie dans l’action peut ensuite provoquer l’imagination collective et initier un processus d’empowerment. C’est dire que l’on est face à l’articulation d’une dynamique individuelle d’estime de soi et du développement des compétences à travers un engagement collectif et une action sociale transformatrice30. À titre d’exemple, pendant le mois de juillet 2013 donc un mois après le mouvement Gezi, un forum public se tient dans le quartier de Yeldeğirmeni à Istanbul. Au vu du nombre élevé de personnes et de la régularité du forum – qui a lieu une fois par semaine –, l’un des participants propose d’occuper un bâtiment vide pour avoir un endroit à l’abri pendant les mois d’hiver. La proposition acceptée, les membres de forum occupent ce bâtiment qui devient le local de la « La Solidarité de Yeldeğirmeni ». Derrière ce « prétexte » d’avoir un endroit à l’abri, l’idée est bel et bien de transformer ce bâtiment, pour en faire un lieu commun et autonome afin de montrer qu’« une autre vie est possible » dans la continuité de « l’esprit de Gezi ».

À la fin du mois d’août, la Solidarité entre donc dans le bâtiment et débute les travaux en nettoyant les gravats à l’intérieur. Les petits commerçants ainsi que les habitants du quartier soutiennent ce projet et apportent leur aide en apportant à manger ou à boire ou en permettant aux « occupants » d’utiliser leur électricité. Par ailleurs, c’est avec l’intervention des forces de l’ordre que la Maison se fait connaître du grand public. Cette intervention ne donne pas lieu à une évacuation ou à des affrontements avec les occupants, les forces de l’ordre « [ne font que] terroriser le quartier en l’occupant avec leurs voitures parce qu’ils voient qu’il n’y a rien d’idéologique dans la maison31». La principale raison de la non-évacuation réside dans la réaction des habitants du quartier qui défendent l’occupation en affirmant aux forces de l’ordre qu’ils connaissent « très bien ces enfants qui ont nettoyé ce bâtiment abandonné et en très sale état » et donc « qu’il faut les laisser tranquille32 ». Cette équipe initiatrice de l’occupation a pour objectif d’installer des ateliers artistiques et culturels et de construire une bibliothèque et des salles pouvant accueillir des enfants. Les occupants de la Maison n’ont pas de projet clair et bien défini au préalable. Il s’agit plutôt de définir des activités collectivement et surtout selon les besoins du quartier : « personne n’est le propriétaire de ce lieu, personne n’a le pouvoir décisionnel sur cet endroit, on va installer poser un tableau noir et des craies, ainsi chacun peut venir écrire son programme33». Enfin, il est décidé collectivement de nommer la Maison occupée « Don Quichotte » étant donné qu’elle se trouve dans le quartier de Yeldeğirmeni qui signifie « moulin à vent ».

Cet exemple montre comment l’action directe peut articuler le social et le politique sans nécessairement faire appel à des « grandes idéologies » ou bien à des orientations politiques partisanes. Avec la Maison occupée, l’objectif est d’expérimenter dans quelle mesure un autre mode de faire du politique et de nouer des liens sociaux est possible. Est-ce que la Solidarité est capable ou non de gérer les tâches pratiques de manière collective et équitable ? Est-ce que le squat est autorisé ? Si oui dans quelle condition ? Comment garder le lien avec le quartier en sachant que le profil sociologique des jeunes urbains politisés est foncièrement différent de celui des habitants du quartier ? Travaillés constamment par ce type de question, les occupants de la Maison parviennent à mettre en place des activités sociales qui ont des impacts concrets dans la vie des participants. À titre d’exemple, une interviewée, primo-engagée, nous affirme lors de notre entretien que c’est en participant aux séances de « l’atelier de mouvement » qu’elle a appris à ne pas être intimidé par le corps masculin. L’atelier consiste en des exercices de respiration ainsi que des mouvements corporels où, nous raconte l’enquêtée, « tu fermes tes yeux et tu bouges comme tu veux, tu touches aussi [le corps] des personnes de sexe opposé, tu apprends à être détendu par rapport à ça. Je me suis fait beaucoup d’amis là-bas et puis après, naturellement j’ai intégré le collectif du vélo ». Ayant subi des violences physiques de la part de son père jusqu’à l’âge de 30 ans car elle ne respectait pas l’heure de rentrée à la maison défini par son père, elle se sent libérée d’un poids social mais aussi politique dans son rapport avec les hommes. Plus qu’une organisation politique, la Maison occupée met en scène et travaille les tensions de la société à l’échelle individuelle.

Les occupants de la Maison font donc partie de ces acteurs impliqués dans le laboratoire d’expérimentation politique du mouvement Gezi qui décident ensuite de poursuivre un engagement politique. Ils continuent à agir avec ce qu’ils ont collectivement bâti ou ce qu’ils ont imaginé bâtir à partir de perspectives politiques collectives acquises, pour certains, pour la première fois dans leurs vies. Animés par un dégoût de la politique instituée et de leurs représentants, ils tentent, dans l’après-mouvement Gezi, de se réapproprier les espaces urbains, péri-urbains, ruraux, les forêts, les quartiers, les bâtiments : c’est-à-dire, sans se référer aux acteurs de la politique instituée, perçus comme « sales » et « corrompus », motivés uniquement par la recherche du profit économique. Le fait qu’une occupation de la place publique au centre d’Istanbul, malgré des pratiques répressives importantes, ait été possible démontre la fragilité du modèle que d’aucuns jugeaient invulnérable. On retrouve là un « esprit du temps » souligné par Lefort dans son analyse du mouvement de Mai 68. « Là, le possible renaît, un possible indéterminé, un possible qui va se relancer et se modifier d’événement en événement, et qui entraîne un nombre de plus en plus important de manifestants, fait basculer dans sa course les militants politiques eux-mêmes34 ».

En guise de conclusion : le goût du réel

Après la fin de notre enquête de terrain en septembre 2018, le candidat du parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (Cumhuriyet Halk Partisi – CHP en acronyme turc CHP), Ekrem İmamoğlu, remporte la municipalité d’Istanbul lors des élections municipales qui ont lieu le 31 mars 2019. Cette victoire met fin à 25 ans d’hégémonie du camp de l’AKP à la mairie d’Istanbul. Rappelons-le, Recep Tayyip Erdoğan est élu maire d’Istanbul en 1994 sous l’étiquette du Parti de la prospérité (Refah Partisi – RP en acronyme turc).

Né à Istanbul en 1954, Erdoğan a un rapport sentimental et politique à cette ville qui représente pour lui l’œuvre suprême du génie turc35. Lors de la démission de la mairie d’Istanbul de Kadir Topbaş en 2017, Erdoğan affirme « si on perd Istanbul, on perd la Turquie36 ». Il n’est donc pas étonnant que le président de la République refuse de reconnaître le résultat des élections et impose la tenue d’un nouveau scrutin pour la mairie d’Istanbul en 2019, en remettant en cause le processus électoral. Trois mois après le 23 juin 2019, le parti d’Erdoğan perd de nouveau la municipalité d’Istanbul avec la très forte mobilisation de l’électorat en faveur du candidat de l’opposition, Ekrem İmamoğlu. Cela révèle notamment l’attachement de la population à la légitimité acquise par les urnes, y compris parmi les électeurs de l’AKP37.

La victoire d’Ekrem İmamoğlu a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme au sein des collectifs écologistes de la ville d’Istanbul. Et ce, non seulement parce qu’il représente le principal parti d’opposition, mais également en raison de sa campagne électorale de 2019 qui a donné une place très importante à la protection des forêts de la ville, à la création d’espaces verts, ainsi qu’à la protection des espaces naturels de vie et à la lutte contre le changement climatique. Mais cet enthousiasme s’explique surtout par l’implication des militants écologistes dans la campagne électorale du maire : des militants anti-institutionnels d’autrefois, deviennent des militants d’un parti politique établi et réformiste. Comment expliquer ce changement ? Est-ce qu’il s’agit d’une dépolitisation progressive qui suit l’essoufflement de la dynamique contestataire générale de la société ? Ou bien s’agit-il d’une reconversion militante38 qui décrit le processus de réengagement de certains militants dans la politique partisane et inversement ? Ayant acquis des savoir-faire importants dans l’organisation de l’action collective ainsi que dans les dossiers très techniques de l’aménagement urbain et l’environnement, ces militants ont-ils trouvé un espace institutionnel qui valorise et met en œuvre immédiatement leurs compétences politiques et techniques générant, par conséquent, des rétribution symboliques39 importantes ?

Claude Lefort nous propose une autre analyse autrement subtile.

« Le pouvoir, en quelque lieu qu’il prétende à régner, trouvera des opposants qui ne sont pas prêts néanmoins à en installer un meilleur. D’une société qui chercher à se boucler sur son leurre et à enfermer les hommes dans ses hiérarchies, les opposants seront toujours prêts à déranger les plans. De toutes les occasions, ils se saisiront pour stimuler les initiatives collectives, abattre les cloisons, faire circuler les choses, les idées et les hommes, mettre chacun en demeure d’affronter les conflits au lieu de les masquer. Si je ne me trompe, ce language-là ne se nourrit pas de l’illusion d’une bonne société, délivrée de contradiction. Inspirerait-il des actions d’un nouveau genre dans les années qui viennent ; des groupes, en plus grand nombre qu’autrefois, gagneraient-ils, à l’entendre, le goût du possible, sans perdre le sens du réel, on devrait convenir alors que la révolution a mûri ».

Nous pouvons reformuler ce propos en affirmant que le goût du possible laisse sa place au sens du réel. Les militants écologistes de KOS et ceux d’autres Maisons occupés, entrent dans une phase de désillusion importante suite, d’une part, à des causes perdues et, d’autre part, au rétrécissement de l’espace contestataire de la ville. Face à ce sentiment d’échec, la perspective d’une victoire électorale leur permet de se projeter dans un futur proche moins dystopique.

En outre, ce cadre partisan leur permet d’avoir un impact concret et une certaine prise sur la politique environnementale de la municipalité d’Istanbul. Le premier avril 2019, le collectif KOS félicite İmamoğlu pour sa victoire, en lui rappelant qu’il espère qu’il tiendra sa promesse de protéger les forêts du nord, tout en faisant référence au mouvement Gezi à travers le partage d’une photographie prise au moment de l’occupation et qui montre une banderole sur laquelle on lit : « Les arbres qui étaient ici avant votre arrivée, vont vous saluer d’ici pendant votre départ/Siz yokken burada olan ağaçlar siz giderken de burada selam duracaklar. 40»

Très rapidement, le maire élu met en place des dispositifs qui visent à la participation des citadins dans le processus de prise de décision au sujet des espaces verts d’Istanbul avec le mot d’ordre « Istanbul est à toi. Décidons de son futur ensemble » (Istanbul senin. Geleceğe Birlikte Karar Verelim en turc)41. À titre d’exemple, les 5 et 6 février 2020, le palais des congrès d’Istanbul accueille un atelier unique en son genre sur l’avenir des forêts urbaines, des arbres enregistrés par la municipalité, des parcs publics et des terrains de loisirs de la ville. Intitulé à juste titre Atelier des espaces verts d’Istanbul42, l’événement est organisé par la municipalité de la métropole d’Istanbul (İBB en acronyme turc) et attire quelque mille deux cents participants à travers quatorze sessions sur une variété de sujets allant du jardinage sur les toits à la façon de protéger les anciens bostans (jardins potagers) de la ville. La salle principale est bondée le matin du premier jour. Fonctionnaires municipaux, professionnels de l’aménagement urbain, universitaires, étudiants et militants environnementaux urbains se bousculent pour s’asseoir afin d’assister au discours d’ouverture du nouveau maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu43. Il commence son discours en faisant allusion au bilan écologique de la direction locale sortante : « Si nous parlons à 50 stambouliotes pris au hasard de cet atelier sur les espaces verts », poursuit le maire sur un ton sarcastique, « la plupart d’entre eux réagiraient en disant : “Quel espace vert ? En ont-ils laissé un seul ?” Triste, mais vrai !44 ».

Le même jour, la vision de la nouvelle administration municipale en matière d’espaces verts est également rendue publique. Ses objectifs immédiats sont d’accroître la participation citoyenne à la planification et à la conception, d’apporter plus d’espaces verts aux quartiers les plus défavorisés, de remplacer les aménagements paysagers humides par des solutions moins gourmandes en eau et d’économiser les 25 millions de dollars dépensés chaque année pour la campagne de fleurissement urbain et le somptueux festival des tulipes d’Istanbul. Le maire İmamoğlu fait alors la déclaration suivante : « je vous promets deux choses : nous prendrons le changement climatique au sérieux et nous n’ouvrirons en aucun cas nos espaces verts limités aux chantiers de construction45 ». Avant tout, nous constatons à quel point un atelier consacré aux parcs et aux arbres de la ville constitue la scène parfaite pour qu’un maire nouvellement élu brille sous le regard critique des militants, des universitaires et des urbanistes. Les espaces verts n’occupent pas beaucoup d’espaces physiques dans l’Istanbul contemporaine46, pourtant, depuis le début des années 2010, non seulement la politique urbaine mais aussi les lignes de fracture politiques nationales se sont souvent construites autour de l’espace vert urbain, en particulier sur la question de la disparition des forêts urbaines, des parcs publics et des jardins potagers. Comme nous l’avons mentionné, au cœur de cette attention accrue envers l’écologie et les espaces verts de la ville se trouve le mouvement Gezi et les collectifs militants écologistes et urbains formés à son issue.

Force est de constater qu’à partir de l’élection d’İmamoğlu, nous observons une ouverture au sein de l’espace politique institué à ces acteurs de la société civile dont fait partie le collectif de Défense des forêts du nord. En effet, l’investissement des militants autrefois hostiles à la politique instituée dans des dispositifs participatifs mis en place par un parti politique est particulièrement intéressant. Cet investissement donne lieu, en avril 2020, à la dissolution du collectif de lutte au profit de la fondation de l’Association de recherche des forêts du nord (KOD). À partir de cette date, KOD participe au projet Réhabilitation et application des forêts du nord d’Istanbul (Kuzey Ormanları Rehabilitasyon ve Uygulama – KORU Istanbul en acronyme turc) lancé le 10 avril 2022. Ce projet est piloté par le Département d’urbanisme et de construction de la municipalité métropolitaine d’Istanbul (Istanbul Büyükşehir Belediyesi (İBB) İmar ve Şehircilik Dairesi Başkanlığı) et par un autre organisme (Boğaziçi Peyzaj İnşaat Müşavirlik Teknik Hizmetler Sanayi Ticaret Anonim Şirketi – BİMTAŞ en acronyme turc) qui offre des services de planification et d’aménagement des territoires de la ville d’Istanbul. Son objectif est de protéger les zones naturelles d’Istanbul et de prévenir et contrôler la destruction de celles-ci. Les citoyens sont invités, dans le cadre de ce projet, à exprimer leurs opinions, à poser des questions et à participer au projet bénévolement à travers son site web (https://koru.istanbul/anasayfa). KOD participe, dans le cadre de KORU Istanbul, à la préparation du rapport qui s’intitule Document de stratégie KORU Istanbul (Koru İstanbul Strateji Belgesi en turc) publié le 10 novembre 202347. Sur le site de KOD, le résumé du rapport est publié :

« Les zones prioritaires d’action sont les régions détruites par le gouvernement de l’AKP à des fins de location. Ces zones ont été identifiées comme le bassin de Sazlıdere sous la menace du Kanal d’Istanbul, le bassin de Terkos sous la pression de l’aéroport d’Istanbul et de l’autoroute de Marmara Nord, le bassin d’Ömerli sous la destruction des activités minières, la forêt de Belgrade, les forêts du nord et les zones rurales48 ».   

L’étude de ces dispositifs environnementaux participatifs et la façon dont ils contribuent à la transformation d’un collectif de lutte écologiste, fondé au lendemain d’un mouvement social national, en une association environnementale institutionnelle impliquée dans la politique des espaces verts de l’İBB, peut constituer une des pistes de recherche afin de prolonger la discussion sur la désillusion et les dynamiques de reconversion militante dans des contextes répressifs. Cette institutionnalisation progressive passe par une montée en puissance du registre d’action de contre-expertise au sein du collectif KOS au tournant de l’année 2016. Restent à étudier les modalités spécifiques de cette transformation à plusieurs échelles. À l’échelle micro d’abord, afin de comprendre comment les militants se sont confrontés à la réalité d’échec, au sens où leurs actions dans la période post-Gezi n’ont engendré aucun changement significatif. Leurs décisions de s’investir dans l’espace partisan proviennent-elles de ce sentiment d’échec ? Ou bien considèrent-ils qu’ils ont « naturellement » le droit d’investir cet espace institutionnel car il est devenu disponible en grande partie grâce à leur travail militant débuté en 2013 ? Ou bien encore, entrent-ils dans une carrière partisane étant convaincus qu’il serait presque impossible de créer du changement social par le bas dans la société ? Enfin à l’échelle méso, les raisons de cette transformation sont sans doute à chercher dans les interactions entre les membres collectif KOS et les différents niveaux de gestion de la municipalité métropolitaine d’Istanbul. Cela peut également mettre en lumière les dynamiques sociales et politiques qui ont permis la victoire écrasante d’Ekrem İmamoğlu lors des élections municipales de 2019. Par ailleurs, en mars 2025, Ekrem İmamoğlu est sur le point d’être désigné par la primaire du CHP comme candidat à la présidentielle de 2028. Très vite, son diplôme universitaire, nécessaire à sa candidature, est invalidé par l’université d’Istanbul ce qui le rend inéligible. Il est arrêté le lendemain pour des accusations de corruption.

En somme, le sens de la réalité semble envahir nos enquêtés en 2018, que ce soit en raison des camarades assassinés lors des attentats de 2016, des interactions violentes avec les habitants des villages qui menacent parfois physiquement les écologistes ou bien des échecs politiques des luttes. Certains décident donc, au lieu de se désengager, de se mobiliser pour les élections municipales auprès du maire d’opposition. Grace aux écrits de Claude Lefort, nous considérons ce changement d’investissement politique non pas comme une dynamique de dépolitisation mais plutôt comme le signe d’une maturation politique. Les militants, au lieu d’entrer dans une séquence de désengagement, selon eux synonyme de mort sociale, s’investissent là où ils peuvent afin de faire perdurer, comme ils peuvent, l’esprit de Gezi.

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    1

    Arthur Guichoux, « La démocratie ensauvagée », Esprit, n° 1, 2019, p. 75-82.

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    2

    Antoine Chollet, « L’énigme de la démocratie sauvage », Esprit, n° 1, 2019, p. 136-146.

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    3

    Antoine Chollet, « L’énigme de la démocratie sauvage », Esprit, n° 1, 2019, p. 136-146.

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    4

    Nilüfer Göle, « Démocratie de la place publique : l’anatomie du mouvement Gezi », Socio, vol. 3, 2014, p. 351-365.

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    5

    Edgar Morin, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, Mai 68, La Brèche, Paris, Fayard, 2008.

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    6

    Miguel Abensour, « “Démocratie sauvage” et “principe d’anarchie” », dans La Démocratie contre l’État. Marx et le moment machiavélien, Paris, Le Félin, 2004, p. 161-190.

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    7

    Nilüfer Göle, « Démocratie de la place publique : l’anatomie du mouvement Gezi », Socio, vol. 3, 2014.

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    8

    Alban Bensa et Eric Fassin, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, n.°38, 2002, p. 5-20.

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    9

    De la place publique aux forêts du nord : une étude sociologique des collectifs de lutte écologistes dans l’après-mouvement « Gezi Park » à Istanbul (2013-2018), sous la direction de Nilufer Gole, Paris, École des hautes études en sciences sociales. Tous les entretiens cités ci-dessous ont été réalisés dans le cadre de cette recherche doctorale.

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    10

    Efe Can Gürcan et Efe Peker, « A class analytic approach to the Gezi Park events: Challenging the “middle class” myth’», Capital & Class, vol. 39, n° 2, 2015, p. 321–43.

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    11

    Murat Arsel, Fikret Adaman et Bengi Akbulut, « “A few environmentalists”? Interrogating the “the political” in Gezi Park”, in Fikret Adaman, Bengi Akbulut et Murat Arsel (dir.), Neoliberal Turkey and its discontents. Economic Policy and the Environment under Erdogan, Londres, I.B. Tauris, p. 191-200.

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    12

    Begüm Özkaynak, Cem Aydın, Pınar Ertör-Akyazı et Irmak Ertör, « The Gezi Park resistance from an environmental justice and social metabolism perspective », Capitalism Nature Socialism, vol. 26, n° 1, 2015, p. 99-114. Ömür Harmanşah, « Urban utopias and how they fell apart: The political ecology of Gezi Parkı », in Umut Özkırımlı (dir.), The Making of a Protest Movement in Turkey: #occupygezi, Londres, Palgrave Pivot, 2014, p. 121-133.

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    13

    Alban Bensa et Eric Fassin, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, n.°38, 2002, §4.

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    14

    Le 2 juin, selon le bilan annoncé par le Ministère de l’Intérieur, on dénombre, dans 67 villes du pays, 237 manifestations de protestation et 1730 gardes à vue depuis le 28 mai. Le 2 juin, après 36 heures de manifestation, la police se retire du parc où commence l’occupation pacifique qui va durer jusqu’à la nuit du 15 au 16 juin 2013. « İçişleri Bakanı Güler: 67 ilde 235 eylem ve etkinlik yapıldı » [Selon le Ministère de l’Intérieur, Güler : dans 67 villes il y a eu 235 manifestations et activités], Radikal, le 2 juin 2013, URL : https://web.archive.org/web/20131112035047/http://www.radikal.com.tr/turkiye icisleri_bakani_guler_67_ilde_235_eylem_ve_etkinlik_yapildi-1135983.

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    15

    Confédération des ingénieurs et architectes de Turquie (Türk Mühendis ve Mimar Odaları Birliğ - TMMOB en acronyme turc).

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    16

    Deniz Günce Demirhisar, « Chapitre 3. Le parc Gezi : l’espace d’un mouvement social dans un imaginaire global », Mouvements sociaux, édité par Geoffrey Pleyers et Brieg Capitaine, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2016, §6.

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    17

    Arthur Guichoux, « La démocratie ensauvagée », Esprit, n.° 1, 2019, p. 81.

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    18

    Nilüfer Göle, « Démocratie de la place publique : l’anatomie du mouvement Gezi », Socio, vol. 3, 2014, §4.

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    19

    Nilüfer Göle, « La visibilité disruptive de l’Islam dans l’espace public européen : enjeux politiques, questions théoriques », Cahiers Sens public, vol. 15-16, n° 1-2, 2013, p. 165-184.

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    20

    Darcy K. Leach, « Prefigurative Politics », in David A. Snow, Donetella Della Porta, Bert Klandermans et Doug McAdam (dir.), The Wiley-Blackwell Encyclopedia of Social and Political Movements, Hoboken, Wiley-Blackwell 2013 ; Carl Boggs, « Revolutionary process, political strategy, and the dilemma of power », Theory and Society, vol. 4, 1977, p. 359–393.

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    21

    Claude Lefort, « Préface », Éléments d’une critique de la bureaucratie, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1979, p. 25.

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    22

    Ce collectif de lutte fait l’objet d’une analyse approfondie dans notre thèse de doctorat.

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    23

    Nilüfer Göle, « Démocratie de la place publique : l’anatomie du mouvement Gezi », Socio, vol. 3, 2014, §20.

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    24

    Par le terme culture politique on entend les valeurs et les modes d’organisation politique que les acteurs contestataires prennent comme référence et se voient, en partie, dans l’obligation de mettre en œuvre. Cet usage de culture politique se base sur la définition de culture proposée par Jacques Lagroye, Bastien François et Frédéric Sawicki : « La culture spécifique de chaque groupe social, qui conditionne pour partie les comportements, les attitudes et les croyances de ses membres, résulte de modes de vie, d’expériences des relations entre individus et entre groupes, de “grilles d’interprétation” des faits sociaux ». Les cultures politiques des groupes et des institutions constituent alors un « ensemble de pratiques, de taches particulières, de rites et de règles de conduite entre des personnes », ainsi qu’un « ensemble de croyances, ou de représentations, qui concernent ces pratiques, qui définissent leur signification et qui tendent à justifier leur existence ». Jacques Lagroye, Bastien François et Frédéric Sawicki, Sociologie politique, 6ème édition., Paris, Dalloz/Presses de Sciences Po, 2012, p. 423 et p. 143.

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    25

    Nous reprenons les propos de Nilüfer Göle, Mühendisler ve İdeoloji, İstanbul, Metis Yayınları, 2012, p. 23. Pour la version en français, voire Nilüfer Göle, Ingénieurs en Turquie : avant-garde révolutionnaire ou élite modernisatrice ?, Thèse de doctorat, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1982.

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    26

    Nilüfer Göle, Mühendisler ve İdeoloji, İstanbul, Metis Yayınları, 2012, p. 23. Pour la version en français, voire Nilüfer Göle, Ingénieurs en Turquie : avant-garde révolutionnaire ou élite modernisatrice ?, Thèse de doctorat, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1982.

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    27

    Onur Eylül Kara rend compte de cette même dynamique dans son étude sur la politique mineure. Contrairement à la politique majeure, celle-ci se base sur la multiplicité des singularités, sur l’amitié/camaraderie publique et ne se configure pas sur la base d’une conflictualité confrontationnelle et réactionnaire. Onur Eylül Kara op. cit.

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    28

    Özge Zihnioğlu, « Strategizing post-protest activism in abeyance: retaining activist capital under political constraint », Social Movement Studies, vol. 22, n° 1, 2023, p. 122-137.

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    29

    Edgar Morin, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, Mai 68, La Brèche suivi de vingt ans après, Paris, Editions Complexe, 1988, p. 40.

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    30

    Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener, L’empowerment, une pratique émancipatrice ?, Paris, La Découverte, 2013.

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    31

    « Türkiye’nin İlk İşgal Evi Don Kişot » [La première Maison occupée de la Turquie], Lavalarla, Alternatif Ankara Hayatı !, le 24 novembre 2021, URL : https://www.lavarla.com/turkiyenin-ilk-isgal-evi-don-kisot.

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    32

    « Türkiye’nin İlk İşgal Evi Don Kişot » [La première Maison occupée de la Turquie], Lavalarla, Alternatif Ankara Hayatı !, le 24 novembre 2021, URL : https://www.lavarla.com/turkiyenin-ilk-isgal-evi-don-kisot.

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    33

    « Türkiye’nin İlk İşgal Evi Don Kişot » [La première Maison occupée de la Turquie], Lavalarla, Alternatif Ankara Hayatı !, le 24 novembre 2021, URL : https://www.lavarla.com/turkiyenin-ilk-isgal-evi-don-kisot.

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    34

    Edgar Morin, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, Mai 68, La Brèche suivi de vingt ans après, Paris, Editions Complexe, 1988, p. 49.

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    35

    Nicolas Cheviron et Jean-François Pérouse, Erdoğan. Nouveau Père de la Turquie ?, Paris, Les Éditions nouvelles François Bourin, 2016, p. 43.

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    37

    Ahmet Insel, « Un autoritarisme électif et autocratique : l’erdoganisme », Critique, n.° 889-890, 2021, p. 559-572. Nilüfer Göle , « Masa, Meclis ve Meydan : Toplum ve siyasetin degisen koordinatlari » [Table, Assemblée et Maidan : les coordinations changeants de la politique].

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    38

    Hélène Combes, « Pour une sociologie du multi-engagement : réflexion sur les relations partis mouvements sociaux à partir du cas mexicain », Sociologie et Sociétés, 2009, vol. 41, n.°°2, p. 161-188, p. 163.

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    39

    Daniel Gaxie, « Économie des partis et rétributions du militantisme », Revue française de science politique, vol. 27, n°1, 1977. p. 123-154, p. 140.

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    40

    « #İstanbul’un yeni belediye başkanı @ekrem_imamoglu! Kendisini tebrik ediyor, #KuzeyOrmanları’nı koruma sözünü tutacağına inanıyoruz #MartınSonuBaharOldu Gidenlere sözümüz ise #Gezi’den : » [#Nouveau maire d’Istanbul @ekrem_imamoglu ! Nous le félicitons et croyons qu’il tiendra sa promesse de protéger les #ForêtsduNord. #FinmarsestDevenuPrintemps. À ceux qui partent, nous affirmons de #Gezi : ], le 1er avril 2019, URL:https://twitter.com/kuzeyormanlari/status/1112620920886181889?t=Z9bdmYwfrpbvWm4p1EI3Gw&s=08

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    41

    « Yeşil İstanbul » [Istanbul Vert] : le site internet de Département des Parcs, Jardins et Espaces verts de la Municipalité Métropolitaine d’Istanbul, URL : https://yesil.istanbul/.

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    42

    « Istanbul Yeşil Alanlar Çalıştayı » [Atelier des Espaces Verts d’Istanbul], les 5-6 février, 2020, https://yesil.istanbul/workshop-detail_istanbul-yesil-alan-calistayi.

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    43

    Le maire d’Istanbul Ekrem İmamoğlu a été condamné le 14 décembre 2022 à deux ans et sept mois de prison et inéligibilité pour « insulte » envers les membres du Haut Conseil électoral. Cette condamnation est d’une importance capitale car à cause de l’inéligibilité, il ne peut pas se présenter lors des élections présidentielles et législatives qui ont lieu en mai 2023. Nicolas Bourcier, « En Turquie, l’opposition contrainte à la riposte après la condamnation du maire d’Istanbul, potentiel rival d’Erdoğan », Le Monde, le 15 décembre 2022.

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    44

    Le discours d’ouverture d’Ekrem İmamoğlu partagé sur sa page facebook officielle, le 5 février 2020, URL : https://www.facebook.com/watch/live/?ref=watch_permalink&v=262593344707186

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    45

    Le discours d’ouverture d’Ekrem İmamoğlu partagé sur sa page Facebook officielle, le 5 février 2020, URL : https://www.facebook.com/watch/live/?ref=watch_permalink&v=262593344707186

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    46

    Avec seulement 2,2 % de son territoire alloué aux parcs ou aux jardins, Istanbul se classe au bas d’une liste de quarante villes établies par le Forum culturel des villes du monde. De même, l’index des villes vertes publié par TravelBird, une agence de voyage néerlandaise, classe Istanbul avant-dernière d’une liste de cinquante villes. Suliman Adela, « Iceland’s Reykjavik Tops Index for Green Cirty Gateways », Reuters, 2018, https://www.reuters.com/article/us-cities-environment-green/icelands -reykjavik-tops-index-for-green-city-getaways-idUSKBN1HV1TO

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    47

      « Strateji Belgesi » [Document de Stratégie], KORU Istanbul, URL : https://koru.istanbul/mevcut-durum-analizleri.

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    48

    « İstanbul doğal ve kırsal alanlarının tümü tahrip ve tehdit altında! » [Les espaces naturels et ruraux d’Istanbul sont sous la menace de destruction !], Site internet de KOD, URL : https://kuzeyormanlariarastirma.org/istanbul-dogal-ve-kirsal-alanlarinin-tumu-tahrip-ve-tehdit-altinda/.

     

     

    Pour citer cette publication

    Tuncel , Gökçe (dir.), « Penser le mouvement de place publique  à partir de la « démocratie sauvage »   », Politika, mis en ligne le 17/12/2025, consulté le 17/12/2025 ;

    URL : https://politika.io/fr/article/penser-mouvement-place-publique-a-partir-democratie-sauvage