La double résistance d’Émilienne Moreau (1914-1918, 1940-1945)
Professeur des universités

(Université de Picardie - Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits)

Le 11 août 1945, à Béthune, le général de Gaulle remet la Croix de la Libération à Émilienne Moreau-Evrard1, qui devient, avec Marie Hackin, Berty Albrecht, Laure Diebold, Marcelle Henry et Simone Michel-Lévy, l’une des six femmes à devenir compagnon de la Libération — sur 1038 compagnons, la seule avec Laure Diebold à avoir survécu à la guerre. Son parrain est le « gaulliste de gauche » Yvon Morandat. Cette décoration récompense un engagement dans la lutte contre l’Allemagne hitlérienne, mais est aussi décernée à celle qui s’était fait connaître, dès la Première Guerre mondiale, comme « l’héroïne de Loos ». Les deux tiers du rapport justificatif contenu dans le mémoire relatif à la proposition de nomination dans l’Ordre de la Libération rappellent le courage dont elle fit preuve durant la Première Guerre mondiale2, ce que Jean-Christophe Notin appelle un « édifiant passé ». À partir de son itinéraire, cet article tentera de montrer en quoi la résistance pendant la Première Guerre dans les territoires occupés du Nord de la France a été, en quelque sorte, un laboratoire pour la résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale.

« L’héroïne de Loos »

Émilienne Moreau est née dans le Pas-de-Calais à Wingles le 4 juin 1898, dans une famille de mineurs. Son père, Henri, alors âgé de trente-quatre ans (il était né à Sin-le-Noble le 6 juin 1864), est employé aux mines : cette « gueule noire » avait commencé à extraire du charbon dès douze ans. Sa mère, Catherine Robin, est « ménagère ». Émilienne Moreau passe son enfance à Lens, où son père, diplômé de l’École des maîtres mineurs de Douai, est « porion », soit contremaître chargé de surveiller l’exécution des ordres de l’ingénieur à la mine. En juin 1914, la famille s’installe à quelques kilomètres de Lens, dans le bourg de Loos-en-Gohelle. Son père, âgé alors d’une cinquantaine d’années, retraité de la mine, y tient en gérance une épicerie-mercerie-bonneterie.

Quelques mois plus tard, c’est le déclenchement de la guerre. Début octobre, la commune est investie par les Allemands. Après un affrontement entre les Allemands et le 109e régiment d’infanterie française, Loos est occupé à partir du 9 octobre par le 110e R.I. Badois. D’autres régiments se succéderont au cours de l’occupation. De nombreux habitants en sont partis, certains quelques jours seulement avant l’occupation, quand ils ont su que Lens était occupé. Il ne restait, au moment de l’invasion, qu’environ 320 personnes — sur 3 000 habitants avant la guerre, parmi lesquelles, comme dans l’ensemble de la France occupée, beaucoup de femmes et d’enfants et une cinquantaine d’hommes, dont une vingtaine à peine étaient valides. L’abbé Campagne recense 83 familles demeurées à Loos sous l’occupation, dont la famille « Moreau-Robin ». La ville subit le sort de nombreuses communes occupées. L’occupant pille les ressources, emploie les hommes à démonter les appareils de cuivre de la mine et des brasseries pour les charger sur des voitures à destination de l’Allemagne, de même que les machines agricoles ; il enlève toutes les chaudières de cuivre des cuisines. Jusqu’à la mise en place du ravitaillement américain, l’hiver 1914-1915 est particulièrement dur pour l’alimentation : « nous ayant enlevé le blé, les Allemands nous délivrèrent par tête et par jour 110 grammes de farine de seigle, avec laquelle il fallait faire confectionner du pain qui souvent était immangeable » rapporte l’abbé Campagne, qui fait office de seule autorité française, la municipalité étant absente3.

Six habitants de la commune sont victimes, lors de l’invasion, des « atrocités » allemandes. Le 9 octobre, quatre habitants accusés d’avoir caché un soldat français du 109e régiment d’infanterie, Gustave Dejeux, sont abattus par l’ennemi : Auguste Lenfant, Alexis Meurdesoif, Placide Doby (ancien maire d'Haisnes), et Télesphore Petit (président de la caisse rurale de Loos) sont emmenés à coups de crosse et fusillés sur la route d’Hulluch. Deux autres Loossois, Jean-Baptiste Marquette et Paul Delaby, sont tués pour s’être approchés de la fosse 15, où se sont installés les Allemands.

À partir de décembre, Loos subit au quotidien les bombardements alliés, particulièrement intenses lors d’une attaque française les 8 et 9 mai 1915, menée pour appuyer la conquête des collines de Notre-Dame-de-Lorette, au sud de Lens. À partir de ce moment, l’occupation devient encore plus rigoureuse : « À partir du 9 mai, les Allemands changèrent d’attitude à notre égard […] L’attaque française les rendit enragés. Le nouveau major, le capitaine d’artillerie Backraus, un Prussien, devint odieux. Ce fut des recensements toutes les semaines, des visites domiciliaires, des mesures tyranniques de toutes sortes, des évacuations forcées. Il me menaça plusieurs fois d’exil et de mort, parce que je lui résistais en défendant mes droits et ceux de mes paroissiens » rapporte l’abbé Campagne. Le 10 août, Loos doit payer une contribution de guerre de 7 000 francs.

Émilienne Moreau est directement affectée par l’occupation. Le 7 décembre 1914, son père, qui vivait caché dans un grenier depuis qu’il a été menacé d’être fusillé pour être sorti pendant le couvre-feu, meurt. L’état civil étant désorganisé par l’occupation, ce n’est qu’en janvier 1922 que son acte de décès est transcrit sur les registres de la commune, selon un jugement du tribunal civil de première instance de Béthune. Il y est indiqué qu’il est décédé « victime des événements de guerre4 ». Dans Loos pratiquement vidé de ses habitants, le cercle de deuil qui entoure Émilienne Moreau et sa famille est très restreint :

Nous sommes obligés de confectionner nous-même son cercueil, le menuisier du village nous ayant quitté au début des hostilités. Il a cependant laissé quelques planches dans la réserve… Le cercueil est porté, sur une charrette, jusqu’au cimetière. Je marche derrière la dépouille de mon père, avec maman, mon petit frère et ma petite sœur. Nous sommes accompagnés du curé, de deux vieux du village réquisitionnés pour le service des occupants, et de quatre soldats prussiens5 .

À seize ans, Émilienne reste seule avec sa mère, sa jeune sœur Marguerite et son frère de dix ans, Léonard. Elle prend en charge une quarantaine d’enfants du village livrés à eux-mêmes, âgés de trois à treize ans, leur fait la classe en l’absence de l’instituteur mobilisé et les met à l’abri pendant les bombardements. Elle négocie avec les autorités le droit de ramasser des morceaux de charbon sur les terrils du village avec des élèves et en profite pour observer le système de défense.

En septembre 1915, les Alliés lancent une offensive en Artois. C’est la troisième bataille d’Artois, menée par la Xe armée française renforcée et par la Ière armée britannique de Douglas Haig (1e et 4e corps). Joffre était convaincu qu’un effort porté sur la région Lens-Arras pouvait être décisif. À partir du 20 septembre, Loos subit de violents bombardements. « Les 23 et 24, notre pauvre village devient un véritable enfer. La nuit du 25, on peut se demander si ce n’est pas la fin du monde ! » note l’abbé Campagne. Le 25 septembre, les highlanders écossais du 9e bataillon Black Watch, « les sentinelles noires », investissent Loos. La défense allemande est redoutable et les pertes écossaises importantes. Le brigadier Thuillier, sur le terrain deux jours plus tard, raconte dans son journal : « En face de la redoute de la route de Lens, les Highlanders Écossais morts portant le kilt de la Black Watch tapissaient littéralement le sol. À quelques mètres de l’ancienne première ligne allemande, et sur un carré d’environ 40 mètres de côté, le tapis de morts était si dense qu’il était difficile de poser le pied ailleurs que sur le corps d’un Écossais mort ». À 7 heures, ce qui restait du bataillon force son chemin vers le bas de la vallée et pénètre dans Loos6. Les Écossais se dirigent vers le terril transformé en forteresse par les Allemands, qu’Émilienne avait observé auparavant comme elle le rapportera dans ses souvenirs : 

Les Allemands ont fait de très importants travaux de défense, au sein de l’immense montagne de schiste. Ils ont creusé des casemates, reliées par des tunnels, où ils ont dissimulé des mitrailleuses et des canons. Les postes sont reliés entre eux par un réseau téléphonique, et ils ont même l’électricité ! Tout cela constitue une forteresse imprenable, en cas d’attaque par nos troupes ; nos obus risquent de s’enfoncer sans s’éclater dans la terre friable du crassier. En revanche, les Prussiens pourront balayer tout ce qui se présentera devant eux7 .

Émilienne Moreau parvient à guider les soldats pour leur permettre de prendre les Allemands à revers. Les Écossais neutralisent le crassier et le combat se poursuit dans le centre du village, y compris à l’arme blanche. Émilienne transforme sa maison en poste de secours avancé où elle soigne les blessés pendant vingt-quatre heures. Un médecin britannique, le docteur Burns, l’initie à la pratique du pansement. Alors que, dans l’après-midi, les Allemands regagnent du terrain, elle participe avec trois blessés légers écossais à la mise hors de combat de tireurs embusqués dans la cave d’une maison en face du poste de secours. Prise par une sorte de furie, comme elle rapporte dans ses mémoires, elle prend des grenades et les lance dans l’escalier de la cave. « J’ai tué des hommes. Tout cela s’est passé en quelques minutes. Je n’ai pas eu le temps de penser et de m’interroger » écrit-elle dans ses souvenirs8. Quelques heures plus tard, alors qu’elle reste seule avec un blessé dans une cave, elle est prise pour cible : elle sent une balle effleurer sa tête. Elle se saisit alors d’un revolver d’ordonnance déposé par un infirmier que l’arme gênait dans ses mouvements, dirige l’arme vers la porte et abat deux Allemands. En dehors d’un réflexe de légitime défense, on peut émettre l’hypothèse que l’exécution des six otages lors de l’invasion, puis, surtout, le sort fait à son père et le décès de celui-ci ont renforcé sa haine des Allemands et ont transformé la fillette timide en adolescente audacieuse prenant tous les risques9.

Après la libération, Loos subit, du 26 au 30 septembre, un nouveau bombardement, de la part des Allemands cette fois, et doit être évacué : « après bien des pourparlers avec l’état-major anglais, il fut résolu que le 30, dans la nuit, la population évacuerait Loos pour se rendre à Béthune. Des auto-camions viendraient la prendre à la grand’route, éloignée d’environ 500 mètres du village. Jusque-là, il fallait transporter sur des brancards les infirmes et les enfants » rapporte l’abbé Campagne à la fin de sa brochure. Marguerite, la jeune sœur, blessée, doit être hospitalisée à Béthune. Émilienne, sa mère et son frère se réfugient d’abord à Gosnay, dans la maison d’une tante d’Émilienne, puis à Halicourt, chez un oncle, le frère cadet de son père.

Alors que sa situation familiale est incertaine, Émilienne Moreau devient l’incarnation de la résistance à l’envahisseur et son action est médiatisée. Le 7 octobre 1915, elle reçoit les félicitations officielles du commandant britannique. Une lettre du major général Hobbs lui est adressée :

J’ai l’honneur de vous faire connaître que l’assistance que vous avez bien voulu prêter au médecin affecté au 9e Bataillon du Black Watch, à Loos, les 25 et 26 septembre 1915, aussi bien que le courage avec lequel vous avez aidé à l’attaque de l’ennemi ont été portés à la connaissance du Général commandant la 1ère armée britannique. Le général Sir Douglas Haig me charge de vous écrire afin de vous exprimer son admiration très sincère du patriotisme et du courage dévoués dont vous avez fait preuve à cette occasion, et de vous informer qu’il s’est donné le plaisir de porter à la connaissance des autorités militaires françaises le récit de votre dévouement10 .

Le 2 novembre, elle reçoit une citation à l’ordre de l’armée signée du général Foch, ce dont aucune femme n’avait jamais bénéficié :

Le 25 septembre 1915, dès la prise par les troupes anglaises du village de Loos, s’empressa d’organiser dans sa maison un poste de secours, s’employa pendant toute la journée et la nuit qui suivit à y transporter des blessés, à leur prodiguer ses soins et à mettre toutes ses ressources à leur disposition, sans accepter la moindre rétribution. N’hésita pas à sortir de chez elle, armée d’un révolver, et réussit, avec l’aide de quelques infirmiers anglais, à mettre hors d’état de nuire deux soldats allemands qui, embusqués dans une maison voisine, tiraient sur le poste.

Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre 1914-1918 avec palme.

Le 27 novembre 1915, « l’héroïne de Loos » est décorée de sa croix de guerre sur la place d’armes de Versailles par le général de Sailly, commandant le département de Seine-et-Oise, en même temps que des soldats dont certains sont des grands blessés. Les autorités allemandes avaient fait savoir que « tout civil capturé par leurs troupes serait considéré comme franc-tireur et fusillé » si Émilienne Moreau était décorée aux Invalides avec les honneurs militaires11 : les Allemands considéraient l’action d’Émilienne Moreau comme celle d’un franc-tireur12 et on sait que les prétendues actions de franc-tireur ont servi de justificatif aux Allemands pour les atrocités qu’ils ont commises en 1914. Le même jour, Émilienne Moreau est reçue à l’Elysée par le président Poincaré13. Ces hommages à Émilienne Moreau sont contemporains de ceux rendus à Edith Cavell, exécutée par les Allemands. Le 28 novembre a lieu au Trocadéro une manifestation en l’honneur de l’infirmière anglaise condamnée à mort à Bruxelles pour avoir facilité le départ de soldats belges, avec des discours de Ferdinand Buisson, de Séverine et de Painlevé.

Émilienne Moreau décorée à Versailles en 1915

Émilienne Moreau décorée à Versailles en 1915.

De la part des Britanniques, Émilienne Moreau reçoit, en 1916, trois décorations. La Military Medal, récemment créée, lui est décernée pour son action de renseignement. Elle est également décorée de la Royal Red Cross. Cette distinction, établie en 1883 par la Reine Victoria, est décernée au personnel de santé des forces armées britanniques, pour services exceptionnels. Elle lui est conférée pour « avoir soigné et par ce moyen sauvé la vie de nombreux soldats britanniques ». La lettre du 7 juillet 1916 signée de Haig lui annonçant la nouvelle précise : « votre conduite est connue de toute l’armée britannique et tous se joignent à moi dans l’expression de gratitude et d’admiration ». Elle reçoit enfin le Venerable Order of St John of Jerusalem, établi en 1888 par la reine Victoria, décoration rarement décernée à une femme. Une réception est organisée à l’ambassade britannique le 28 juillet 1916, à l’occasion de laquelle l’ambassadeur lui remet ces décorations :

Vous auriez pu, mademoiselle, vous réfugier dans un abri souterrain tandis que le village de Loos était violemment bombardé par l’ennemi. Vous avez préféré la part d’une héroïne. Au-milieu d’une fusillade intense, vous n’avez, pendant vingt-quatre heures, cessé d’aider au transport de nos blessés à votre maison transformée en poste de secours et de leur prodiguer des soins attentifs et dévoués. Pour votre conduite héroïque, le roi vous a conféré la médaille militaire britannique dont il n’a été décerné que 2 046 depuis le commencement de la guerre et le commandant en chef de l’armée britannique en France m’a prié de vous présenter, en même temps, la médaille de l’ordre hospitalier de Jérusalem, qui vous est offerte par cette société pour le sauvage de vies14.

L’histoire d’Émilienne Moreau sert à la propagande alliée. Elle est présentée comme un modèle pour les femmes françaises, comme le montre une lettre que lui adresse le 4 décembre 1915 le maire de Vermelles, commune limitrophe de Loos : « Si nos admirables femmes françaises avaient besoin de leçons de courage pour tenir jusqu’à la victoire complète que tous nous sentons prochaine, c’est auprès de vous qu’elles iraient les chercher15 ». La presse française, et notamment le groupe dirigé par l’ancien ministre et sénateur Jean Dupuy — qui l’a accompagné à l’Élysée — s’empare de son histoire. Le Miroir du 28 novembre 1915 met à la « une » sa photographie en habit de deuil — qu’elle porte après les morts de son père et de son frère, tué au combat16, avec la légende suivante :

Pendant un an, dans Loos envahi, la jeune Émilienne Moreau, âgée de dix-sept ans, a imposé, par sa fermeté, le respect à nos ennemis mêmes. Son père, porion médaillé, mourut de chagrin. En septembre, lors de l’attaque anglaise, elle se cacha dans un grenier, assista à l’assaut et s’élança au-delà des Anglais pour les guider. Menacée par les Allemands, elle en tua cinq à coups de grenades et de revolver.

Émilienne Moreau

Photographie Émilienne Moreau utilisée par Le Miroir pour faire sa une le 28 novembre 1915.

L’Image de février 1918 (n°171) la met également « à la une », photographiée avec ses décorations, françaises et britanniques. Tandis qu’en 1916 les Éditions Deschamps, de Béthune, éditent une carte postale montrant les ruines de la « maison d’Émilienne Moreau, héroïne de Loos », une carte postale la représentant est diffusée par Le Petit Parisien : « On distribue ma photo, que beaucoup de soldats mettent dans leur paquetage avant de monter en ligne » écrit-elle dans ses souvenirs17. Ce journal à grand tirage lui propose, contre l’importante somme de 5 000 francs, de rédiger son histoire, publiée du 12 décembre 1915 au 16 janvier 191618 sous le titre de « Mes mémoires 1914-1915 ». Cette somme permet à la jeune femme de subvenir aux besoins de sa famille qui se trouvait dans une situation financière précaire, avec une allocation militaire de 3 fr. 50 par jour et une aide de 1 fr. 50 pour les enfants.

Ce feuilleton a la tonalité un peu ampoulée propre aux codes de la culture de guerre de l’époque19 et accentue le caractère mélodramatique de certains épisodes — le lecteur est frappé de différences entre le contenu de ce récit et le contenu des mémoires publiés en 1970 par Émilienne Moreau, sans doute plus proche de la réalité, par exemple sur les obsèques du père. « On ne sait pas si la réalité est digne du feuilleton ou si le feuilleton impose ses lois à la réalité » note Françoise Thébaud20. Le récit a notamment pour objectif d’entretenir chez les lecteurs la haine de l’ennemi : « Par la relation toute simple d’événements auxquels j’ai assisté, de faits, de conversations, de scènes dont j’ai été soit témoin, soit victime, en racontant dans le détail ce que je sais et ce que j’ai vu et des souffrances de mon pays, et des infamies de l’envahisseur, je veux exalter, s’il est possible, la haine qui ne sera jamais trop forte dans un cœur français contre l’Allemand » se fixe-t-elle comme objectif21. Elle évoque en effet la « sauvagerie » des Allemands (7 décembre), « les cruautés, déprédations, destructions stupides » commises lors de l’invasion (11 décembre), « la virtuosité des Allemands comme maîtres incendiaires », les pillages, « les soldats achevés par l’ennemi », les « ignobles orgies », la « chasse aux civils » (12 décembre), les avances qu’elle subit et « les femmes exposées aux brutalités de ces goujats » (16 décembre), les perquisitions (15 décembre),  les « vexations », les travaux sous les obus imposés aux prisonniers civils (22 décembre), les réquisitions, les « fouilleurs » recherchant les cachettes aménagées par les habitants du pays occupé (23 décembre). En contre-point, elle rapporte de nombreuses anecdotes montrant comment les occupés, en particulier les enfants, ont su s’opposer aux occupants et conserver un esprit patriotique, bravant par exemple les interdictions pour arborer les trois couleurs le 14 juillet grâce à des fleurs coupées (1er janvier 1916). Elle rapporte qu’elle-même « avait pris le parti, quoi qu’il pût arriver, de tenir tête aux Allemands » (29 décembre) et transcrit un dialogue, réel ou fictif, qu’elle a eu avec un officier allemand, à qui elle aurait déclaré : « Si je regrette une chose, c’est de ne pas être un garçon, pour pouvoir me battre » (2 janvier 1916). Elle raconte enfin comment elle a pu « servir » (3 janvier 1916) pendant la bataille de Loos, même si le récit de l’exécution des Allemands est censuré dans les éditions du 8 et 9 janvier et remplacé par des « blancs » — ce qui rend d’ailleurs difficilement compréhensibles les intertitres : « cas de légitime défense », « dans mon droit ». Pourquoi cette censure ? Françoise Thébaud écrit « qu’il ne faut pas démoraliser le lecteur avec d’horribles histoires vraies ». On peut plutôt penser qu’il s’agit de ne pas fournir aux Allemands de quoi accréditer la thèse de l’existence de francs-tireurs.

L’occultation de l’exécution des Allemands est encore plus manifeste dans une image d’Épinal, due au dessinateur Georges-Ferdinand Bigot, éditée sous le titre : « Une gloire / française / Émilienne Moreau / L'héroïne  de Loos / “Presque la Jeanne d'Arc du Nord” a dit d'elle un officier anglais22 ». Le texte illustrant les quatre vignettes l’assimile aux « braves soldats », mais ne mentionne nullement qu’elle ait renseigné les Anglo-saxons et tiré sur les ennemis ; il montre simplement la transformation de l’institutrice en une infirmière ayant soigné les soldats anglais. Crainte de la censure ou volonté de ne pas trop faire sortir l’héroïne de son rôle de femme, de son genre ? :

Entre son père, un porion médaillé, retraité après trente ans de service, et sa mère, Émilienne Moreau, jeune fille de 17 ans, vivait à Loos-en-Gohelle quand la guerre éclata. Studieuse par goût, elle préparait son brevet élémentaire, voulant être institutrice.

Un matin d’octobre 1914, l’ennemi envahit le village et, pendant une année, il l’occupa. Durant tout ce temps dans sa petite maison de la grand’place où elle avait improvisé une salle de classe pour les enfants du pays, Émilienne Moreau tint tête aux envahisseurs. Par sa conduite exemplaire, son attitude calme, résolue toujours, par sa présence d’esprit constamment en éveil, elle réussit à imposer le respect aux officiers allemands comme aux soldats. Elle fut la sauvegarde du foyer quotidiennement menacé, la protectrice de sa mère, de sa sœur, de son petit frère et de tous ces enfants dont, malgré tout, elle poursuivait l’instruction. Elle fut l’ange gardien qui, des nuits et des nuits, veilla au chevet de son père et défendit son agonie contre la présence de l’ennemi détesté. Le pauvre homme mourut de chagrin et aussi faute des soins que nécessitait son état. Il fallut l’ensevelir. Il n’y avait pas de menuisier, pas de bois, rien ! Du bois, elle en trouva dans les lignes allemandes et, aidée de son petit frère âgé de dix ans, sut en confectionner un cercueil.

Mais tout cela n’est rien encore. Voici septembre 1915 qui approche. Elle remarque que les Allemands sont inquiets, préoccupés, on dit que les Anglais avancent, que les Ecossais, les hardis et superbes highlanders, sont proches, qu’ils vont attaquer. Si c’était vrai ! Et pour la première fois depuis que Loos a été envahi, elle néglige et les siens et ses petits élèves. Enfin, c’est l’attaque. Elle monte jusqu’au grenier de sa maison ; de cet observatoire elle domine le champ de bataille. Elle reste là trois jours et trois nuits, oubliant la faim, la soif, regardant !

Autour de sa maison, les obus éclatent, comme autant de tonnerres. Les murs tremblent, les toitures s’écroulent. C’est le plein de la bataille. Mais voici, dominant le fracas, des hourras de triomphe. Victoire ! Les Allemands ont reculé et les Anglais tiennent le village. Enfin ! En hâte, elle quitte son observatoire, elle descend, elle sort : des cadavres jonchent les rues, il y a du sang partout. Dans un détachement qui apparait, elle reconnait ces Highlanders fameux que les Allemands redoutaient tant. Ils foncent au chant du God save the King. Elle les attend. L’hymne national fini, elle s’élance au-devant des soldats et, à son tour, de tous ses poumons, elle chante La Marseillaise. Les soldats de la vieille Angleterre s’étonnent d’abord, puis ils s’enthousiasment. Ils entourent cette jeune fille, ils l’acclament et, avec elle, ils entonnent l’hymne glorieux de Rouget de l’Isle. Quand ils ont repris leur élan victorieux, elle pense alors à secourir ceux qui sont tombés et, sans souci des projectiles qui arrivent encore jusqu’à elle, un à un elle les soulève. Elle n’est pas bien forte, mais sa volonté décuple l’énergie de ses muscles. Elle leur donne à boire, elle les panse de son mieux, elle les couche comme elle peut, aussi bien qu’elle peut, et les chirurgiens anglais la trouvent penchée sur ces braves dont bon nombre lui auront dû la vie.

À l’hommage de l’Angleterre s’est joint l’hommage unanime de la France, justement fière de son héroïne ; Émilienne Moreau, citée élogieusement à l’Ordre de l’Armée, a été décorée de la Croix de Guerre avec palme, au même titre que les braves d’entre les braves et parmi eux.

dessin de Georges-Ferdinand Bigot

Dessins de Georges-Ferdinand Bigot. 

Émilienne Moreau est également citée en exemple aux enfants. Elle figure dans le livre de Joseph Jacquin et Aristide Fabre Petits héros de la Grande Guerre, illustré par Henry Morin, paru en 1918 chez Hachette dans la collection « Bibliothèque des écoles et des familles ». L’histoire, fortement inspirée de ses Mémoires, est intégrée à la section « comment ils se battent ». Elle est présentée comme l’incarnation « pendant les longs mois de l’occupation [de] toute la force de la résistance de la population opprimée », des détails patriotiques étant ajoutés comme le fait qu’elle aurait écrit au tableau pendant ses cours : « Nous devons être fidèles à notre patrie et la chérir davantage qu’elle souffre ». Cette fois, il est clairement mentionné qu’elle a tué des Allemands : une image en couleur la montre abattant les deux soldats allemands avec le révolver.

Dessin d’Henry Morin dans Petits héros de la Grande Guerre

Dessin d’Henry Morin dans Petits héros de la Grande Guerre.

Sa popularité est également grande dans le monde anglo-saxon. La presse illustrée britannique s’empare de son histoire. Ainsi, the War illustrated la met à sa « une » de l’édition du 4 décembre 1915 sous le titre « the Joan of Arc in the British Lines at Loos » avec un dessin de Stanley Wood la montrant dominant des soldats écossais au combat et la légende suivante :

Les cas authentiques enregistrés où les femmes prennent une part active à la guerre sont nombreux et variés. L'un des plus remarquables était celui d'une héroïne de Loos, âgée de dix-sept ans, qui a été honorée par l'ordre du jour de l'armée française pour avoir soigné des blessés britanniques et tué cinq Allemands avec un revolver et des grenades. Lors d'une attaque allemande sur Loos, elle a combattu côte à côte avec des Highlanders et des soldats britanniques. Le général Sir Douglas Haig lui exprime son admiration et sa gratitude pour son courage et son aide23.

Ce même mois de décembre 1915, des soldats écossais, dont plusieurs ont pris part à la bataille de Loos, se rendent au bureau londonien du Petit Parisien et demandent au journaliste de faire parvenir à Émilienne Moreau un bouquet de bruyère cueilli pour elle sur les montagnes d’Écosse, « en témoignage d’admiration pour son courage et de reconnaissance pour son dévouement24».

Son histoire est adaptée au cinéma par le réalisateur australien George Willoughby, qui tourne en 1916 The Joan of Arc of Loos. Le film a été décrit comme « l'une des plus grandes entreprises d'images jamais tentées en Australie ». Le village de Loos-en-Gohelle a été recréé sur la plage de Tamarama à Sydney par le décorateur Jack Ricketts. La bataille a été mise en scène avec 300 figurants dont 100 militaires de retour. Une avenue de peupliers près de l'hippodrome de Randwick servait de substitut à la campagne flamande. Selon le résumé du film qui se trouve sur Wikipedia, l’histoire, racontée en cinq actes, est très romancée :

En 1915, les troupes allemandes dirigées par le capitaine von Epstein capturent la paisible ville de Loos-en-Gohelle et commencent à commettre des atrocités envers la population locale. Von Epstein convoite une jeune paysanne, Émilienne Moreau, mais elle s'échappe vers les lignes alliées. À la suite d'une vision de Jeanne d'Arc, elle contribue à encourager les troupes alliées dans une attaque pour reprendre la ville. Elle tombe amoureuse d'une estafette française qui est capturée par les Allemands et participe aux attaques contre les officiers allemands qui tirent sur la Croix-Rouge. Émilienne parvient à organiser l'évasion de son amant et se marie avec lui. Elle est également décorée d'une croix militaire25.

Tout en voyant ses actions médiatisées, Émilienne Moreau prépare le brevet de capacité pour l’enseignement primaire, auquel elle est reçue en mai 191626, mais elle n’est qu’une éphémère institutrice. Après l’armistice, elle retourne dans sa ville natale où elle rachète la boulangerie d’une tante. C’est cette profession de « boulangère » qu’elle déclare lorsque, le 3 mai 1927, elle épouse à Wingles François Fournier, électricien. Elle adhère à la SFIO en 1930 et, veuve en juin 1931, se remarie à Lillers le 13 janvier 1934 avec Just Évrard, secrétaire général adjoint de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, dont le frère Raoul est député SFIO. Elle devient secrétaire générale des femmes socialistes du Pas-de-Calais en 1934. Le gouvernement de Front Populaire la nomme chevalier de la Légion d’honneur par décret du 30 juin 1937. Elle est alors bénéficiaire d’une carte de combattant, ce qui est rare pour une femme.

Compagnon de la Libération

La Seconde Guerre mondiale déclenchée, c’est dans le Pas-de-Calais qu’Émilienne Moreau va « reprendre le travail » en 1940, un département sous l’emprise du commandement militaire de Lille. Au début de l’occupation, elle est placée en résidence surveillée à Lillers par les Allemands qui n’ont pas oublié ses actions de la guerre précédente. Puis la famille Evrard prend part à la diffusion de tracts ronéotypés et de journaux socialistes comme L’homme libre, bulletin d’information ouvrière fondé par le maire socialiste de Roubaix Jean Lebas, et travaille à la reconstitution du Parti socialiste en zone nord. Contactée par l’Intelligence Service, la famille fait aussi du renseignement sur l’implantation des troupes d’occupation.

Arrêté en septembre 1941, Just Évrard, soupçonné d’avoir participé au sabotage d’une usine à Liévin (il a en effet donné des directives), est libéré en avril 1942. Pressentant qu’il va être de nouveau arrêté, il gagne Paris, y rencontre des responsables socialistes qui l’enjoignent à gagner la Haute-Savoie où il pourra assister Robert Lacoste et parvient à franchir la ligne de démarcation, caché sous le tender d’une locomotive. Émilienne, qui a un temps vendu du désinfectant aux mairies du Pas-de-Calais, pour subsister et aussi pour collecter des renseignements27, le rejoint à Thonon-les-Bains, grâce à un ausweis en règle fourni par des amis employés des services de police de Lens. Là, elle organise des passages de la frontière suisse, à la fois pour mettre à l’abri des résistants et, dans l’autre sens, pour convoyer des fonds répartis ensuite entre les syndicats et les mouvements clandestins.

Le couple s’installe ensuite à Lyon, participe à la reconstruction de la SFIO, en recevant d’importantes personnalités de la Résistance socialiste comme Gaston Defferre, Daniel Mayer, Augustin Laurent ou Robert Lacoste28. Émilienne Moreau, connue notamment comme « Jeanne Poirier » ou « Émilienne la Blonde », commence alors une importante activité d’agent de liaison, représentative de la résistance féminine : les femmes étaient souvent utilisées comme agents de liaison par les organisations résistantes, qui mettaient à profit leur moindre visibilité comme le présupposé d’innocence qui les entourait dans les représentations de l’occupant29. Émilienne Moreau transporte des messages, de l’argent, des consignes, remplit des missions jusqu’à Toulouse, Paris, Marseille, Thonon pour le compte du comité d’action socialiste, ainsi que du réseau de renseignements « Brutus » et du groupe « La France au combat », dans lesquels Gaston Defferre joue un rôle important30. Elle change à plusieurs reprises la teinte de ses cheveux pour brouiller les signalements et échappe à plusieurs reprises à l’arrestation, notamment, à Lyon, en mars (lors de l’affaire dite du « 85 de l’Avenue de Saxe ») et en mai 1944.

Comme son mari, elle est désignée par « France au combat » pour siéger à l’Assemblée consultative provisoire, qui tient ses séances à Alger jusqu’à fin juillet 1944. Dans sa notice du Maitron, Jean-Marc Binot note qu’elle n’apparaît pas dans les comptes rendus et dans la liste des délégués de cette assemblée. Le dossier constitué pour sa promotion comme officier de la Légion d’honneur fait pourtant état de cette qualité, mais dans ses mémoires Émilienne Moreau ne rapporte rien de ses activités à cette Assemblée, ce qui accréditerait l’hypothèse qu’elle n’y a de fait jamais siégé. Après trois tentatives ratées pour la faire sortir de France de manière à ce qu’elle puisse remplir sa fonction, elle est évacuée sur l’Angleterre par une opération aérienne le 6 août 1944, et peut y retrouver son mari. À Londres, elle prononce plusieurs conférences et discours à la BBC, où elle rend hommage au rôle joué par les femmes françaises dans la Résistance. Elle rentre en France en septembre 1944, retrouve à Péronne son beau-fils Raoul qui avait échappé in extremis à la déportation à Buchenwald et aide son mari à reformer les sections socialistes du Pas-de-Calais.

Émilienne Moreau à Londres

 Émilienne Moreau à Londres.

Incarnant une seconde fois la Résistance féminine française, elle reçoit la croix de compagnon de la Libération31 et est promue, en 1947, officier de la Légion d’honneur. En revanche, quand elle sollicite en 1956 l’Office départemental du Pas-de-Calais des anciens combattants et victimes de guerre pour obtenir la carte de combattant volontaire de la Résistance32, il apparaît qu’il n’y a eu aucune demande d’homologation de ses services pendant la guerre et de certification d’appartenance aux FFC33, et, sous la Ve République, sa candidature au grade de commandeur de la Légion d’honneur est rejetée par le ministre des Armées, Pierre Guillaumat34.

Son engagement socialiste se poursuit, notamment comme membre de la commission exécutive fédérale du Pas-de-Calais de 1947 à 1955, membre de la commission féminine nationale de la SFIO en 1944-1946 et membre du comité directeur de la SFIO de 1945 à 1951 puis de 1952 à 1963, date à laquelle elle ne se représente pas. Elle est également présidente de la fédération du Pas-de-Calais des anciens combattants républicains. Alors que son mari est député socialiste de 1945 à 1962, elle est, de 1947 à 1958, conseiller de l’Union française, désignée par le Conseil de la République, ce qui la conduit à faire de nombreux voyages en Afrique. En juin 1947, elle fait partie de la délégation française à la troisième conférence socialiste internationale à Zurich. En 1970, elle publie un livre de souvenirs, La Guerre buissonnière, écrit avec son mari et ses beaux-enfants, où elle évoque ses deux guerres (essentiellement la seconde, puisque le sous-titre est « Une famille française dans la Résistance ») quelques mois après mai 1968, qu’elle relativise avec humour : « Il paraît que ma petit-fille a lancé des pavés en mai… La belle affaire ! Moi, à son âge, j’avais tué quatre Prussiens. »

Elle meurt à Lens le 5 janvier 1971, mort qui passe presque inaperçue : Le Monde ne lui accorde, le 6 janvier, qu’une succincte biographie d’un millier de signes, mettant essentiellement en avant son engagement socialiste. Un demi-siècle plus tard, le même journal se rattrape : le journaliste Luc Bronner lui consacre un long article le 24 août 2021 dans la série « Nos oubliés ». Mais il souligne « qu’Émilienne Moreau n’est célébrée que dans une poignée de bâtiments ou de lieux publics. Dix rues, une allée, une impasse, six écoles maternelles ou élémentaires, un centre de logements de jeunes travailleurs », ainsi qu’une « terrasse » sur la place de la République à Paris, inaugurée en 2013 lors de la rénovation de la place. La figure d’Émilienne Moreau a pourtant été progressivement remise en lumière. Dans les années 1970, la troisième promotion d’élèves officiers de l’École interarmées du personnel militaire féminin de Caen-Carpiquet l’a prise pour marraine. Un timbre à son effigie est édité par La Poste en 2018, dans une série « Mémoire de héros 14-18 », comprenant également Maurice Genevoix ou Roland Garros : le dessin reprend la photographie qui faisait la « une » du Miroir. La journaliste féministe Titiou Lecoq fait de cette « sacrée femme » une figure de son livre Les Grandes oubliées, pourquoi l’histoire a effacé les femmes, préfacé par Michelle Perrot, paru en 202135.

L’itinéraire d’Émilienne Moreau renvoie aux deux occupations qu’a subies la France au XXe siècle, celle de 1940-1945, à laquelle la mémoire collective pense spontanément quand on parle de « l’occupation », mais aussi celle que subissent dix départements du Nord et de l’Est entre 1914 et 1918, désormais mieux connue36, alors qu’à la fin du siècle dernier les populations ayant subi l’occupation pendant la Première Guerre mondiale pouvaient encore être intégrées dans les « oubliés de la Grande Guerre37 ».

Sous ces deux occupations s’est développée une résistance féminine, dont Émilienne Moreau revendique le caractère « genré38». Dans une intervention à Londres le 15 août 1944, elle explique en effet :

Ce sont, pour la plupart, des femmes qui font les liaisons des groupes de résistance, ce sont des femmes qui portent et distribuent souvent les journaux et les tracts. Ce sont encore des femmes qui, lors de la tentative d’invasion de l’Angleterre, allaient dans les ports, sur les plages, dans les bois, et revenaient fourbues, lasses, épuisées, rapportant aux organisations les renseignements sur la concentration des troupes et des péniches destinées à l’invasion de [l’Angleterre]. La femme française a réagi, j’oserai dire, plus vite que les hommes parce que, mère de famille, elle s’est trouvée aux prises avec toutes sortes de difficultés que ne connaissent pas les hommes […] Ce sont les femmes qui acheminaient les vivres destinés au ravitaillement des membres des organisations traquées par la Gestapo, la police de Vichy et les Miliciens. Ce sont les femmes qui, sous certains déguisements, allaient et venaient pour transmettre les ordres des chefs de nos organisations. Ce sont les femmes qui, pour la plupart, allaient à travers la France, déjouant les traquenards des armées de policiers qui pullulent dans notre pays, pour aller se renseigner sur les concentrations de troupes. Ce sont les femmes, et je les connais bien, croyez-moi, qui abritent nos petits gars pleins de courage et d’héroïsme, après un coup de main sur un train, une écluse, un ouvrage de défense allemand39.

De telles actions avaient été également observées pendant la Grande Guerre, où des femmes, comme Louise de Bettignies, avaient dirigé des réseaux de passeurs ou des réseaux de renseignements40. L’action d’Émilienne Moreau, alors, avait été quelque peu différente. Certes, comme le souligne Manon Pignot41, contrairement aux adolescentes russes, elle n’avait alors jamais abandonné son identité de genre et l’exaltation de son héroïsme dans la presse avait été de pair avec le rappel de son identité et de ses qualités féminines : Le Petit Parisien du 15 novembre 1915 souligne qu’elle « fut la sauvegarde du foyer quotidiennement menacé, la protectrice de sa mère, de sa sœur, de son petit frère, un blondin de dix ans. Elle fut l’ange gardien qui, des nuits et des nuits, veilla au chevet de son père et défendit son agonie contre la présence de l’ennemi détesté » ; son nom est donné à un symbole virginal, une rose blanche lors du concours de la roseraie de Bagatelle en juin 1917 ; comme les femmes charitables, elle est sollicitée pour participer, avec Guynemer, à des manifestations visant à collecter de l’argent pour les blessés ; un dessin d’Adolphe Willette, reproduit dans le cahier de photographies de La Guerre buissonnière, la compare aux héroïnes du Moyen Age, avec la double date 1429-1915, renvoyant à la délivrance d’Orléans par Jeanne d’Arc. La légende la compare à Jeanne Hachette, figure de la résistance beauvaisienne à Charles le Téméraire en 1472 : « O Émilienne Moreau ! Émule de Jeanne Hachette !… Votre virginale vaillance présagerait-elle que la France sera encore sauvée par une jeune fille ?… ». Mais, contrairement aux « Girl Guides », elle avait pris les armes contre les Allemands et en avait tué plusieurs42, et avait pu de ce fait être assimilée à un soldat. Le Petit Parisien du 3 décembre 1915 publie une lettre à Émilienne Moreau, attribuée à une petite fille de douze ans — mais qui pourrait tout aussi bien avoir été rédigée par un de ses journalistes, dans laquelle il est écrit : « Vous êtes un soldat […]. Vous avez fait tout ce que vous avez pu pour servir notre chère patrie, comme le ferait un vaillant homme de France ».

Les engagements d’Émilienne Moreau montrent combien, en 1940, la forte résistance aux Allemands dans les régions du Nord s’inscrit dans une réminiscence de l’invasion et de l’occupation que ces territoires avaient subies lors du premier conflit mondial et que leurs habitants n’ont pas oubliées : entre les deux guerres, expositions, statues, livres y avaient entretenu leur mémoire. La Voix du Nord, l’un des premiers organes de la presse résistante du Nord, proclame le 1er avril 1941 : « Nous restons les envahis de 1914, qui avons accepté toutes les privations ; nos pensées d’aujourd’hui sont le prolongement de nos sentiments d’alors. » Émilienne Moreau et son mari font eux aussi le parallèle entre 1914 et 1940. Dans un discours prononcé à Londres le 30 août 1944, elle fait le lien entre les deux invasions : « Si nous connaissions bien les Allemands, eux aussi nous connaissaient bien. Dès le 19 mai 1940, ce fut une orgie de sang pour les populations du Nord. Les Allemands fusillèrent les civils partout où l’armée avait opposé une résistance, ils bombardèrent les villes que les troupes avaient déjà abandonnées, ils mitraillèrent les femmes et les enfants, non par nécessité militaire, mais parce qu’ils voulaient semer la terreur dans cette population qu’ils avaient arrachée à la République et à leur Patrie. Comme en 1914, ils incendièrent des villes sur leurs passages. Tout près de chez moi, deux villes, Courrières et Oignies, furent brûlées sous le prétexte qu’on s’y était battu. 250 civils furent fusillés, sans compter tous ceux qui moururent dans les incendies43 ». Son mari, Just, fait pareillement le lien : « Déjà en 1914 nous avions été envahis et nous avions résisté. La haine de l’occupant était tenace, vivace, et elle a subsisté44. » Ni du côté allemand, ni du côté français n’avaient été oubliées les actions de résistance et de collaboration qui avaient eu lieu entre 1914 et 1918. Émilienne Moreau rapporte avoir été avertie, dans les années 1930, par le 2e Bureau que deux Allemands, probablement membres du parti nazi, étaient venus en France pour exécuter « l’héroïne de Loos45 », et elle est placée en résidence surveillée par les Allemands en 1940 ; a contrario, les Allemands font libérer en 1940 les Français qui avaient été condamnés après 1918 pour intelligence avec l’ennemi et étaient encore incarcérés, par exemple Jeanne Legrand ou Alphonsine Gobron qui avaient été condamnées à perpétuité46.

Très vite, dans le Nord, les autorités lilloises d’occupation constatent que la population est « plus gaulliste, plus anglophile, plus communiste qu’ailleurs » et, dès novembre 1940, le député « républicain indépendant » du Nord Jean-Pierre Plichon écrit : « Voilà le fait essentiel. Le gouvernement [de Vichy] est extrêmement impopulaire… Si une consultation devait ratifier son action, le chiffre des suffrages favorables n’atteindrait pas 1 %47 ». Dans une conférence de presse tenue à Londres le 15 août 1944, Émilienne Moreau fait état de cette anglophilie : « Je viens d’une région que vous connaissez bien, et où l’on vous aime. On y a conservé le souvenir de ceux qui, en 1915, ont délivré mon petit village de la région minière du Pas-de-Calais48 ». Hommes et femmes du Nord s’engagent donc rapidement dans la Résistance. L’engagement féminin y semble plus important et précoce qu’ailleurs, à cause du caractère massif de la présence allemande et de la mémoire des occupations antérieures49. Des élus manifestent de nouveau leur opposition à l’occupant. Jean Lebas, maire de Roubaix, arrêté en 1915 pour avoir refusé de livrer aux Allemands la liste des jeunes de dix-huit ans promis puis interné à la forteresse de Rastadt d’où il revint, malade, en janvier 1916, participe en 1940 à l’accueil des soldats alliés et des parachutistes bloqués en Belgique ou en zone occupée ; il fonde un journal clandestin L’Homme libre, mensuel dont six numéros sont diffusés à plusieurs centaines d’exemplaires ; le 21 mai 1941, il est arrêté par la Gestapo à son domicile tandis que son fils Raymond l’est à la mairie, ainsi que sa nièce ; condamné en 1942 à trois ans de travaux forcés, il meurt en déportation, au camp de Sonnenburg sur l’Oder, en 194450.

La résistance d’Émilienne Moreau pendant la Seconde Guerre mondiale est donc connectée à son action médiatisée pendant la Grande Guerre, qui n’a pas été oubliée dans les années 1940. Émilienne Moreau rapporte que, lorsqu’en avril 1944, à Lyon, Mme André Philip la présente à un homme qui pourrait aider son beau-fils Roger à s’évader du camp appelé « Hippo-Palace » où il avait été incarcéré comme réfractaire au STO avant d’être déporté, cet inconnu « rectifia la position, [la] salua et déclara : « Madame, vous êtes l’héroïne de Loos. J’ai conservé, pendant toute la guerre de 1914, votre photo dans mon gourbi. Je la mettais bien en vue, et je n’ai jamais oublié vos actes héroïques51. » Et on ne peut que suivre Catherine Lacour-Astol quand elle estime que « la notoriété de la lady of Loos, icône d’une résistance féminine avant la lettre, n’est sans doute pas étrangère à son élection, en 1945, parmi les Compagnons52 ».

À la fin de sa vie, ceux qui rendent hommage à Émilienne font le lien entre ses activités de résistance pendant la Première Guerre mondiale et la seconde. Ainsi son beau-fils Raoul écrit dans La Guerre buissonnière : « Les parents ont décidé de faire de la résistance. Ça ne nous a pas surpris. Avec le passé d’Émilienne et les activités politiques de mon père, c’était la moindre des choses53. » Et quand le maire socialiste de Lille Augustin Laurent, préfacier de La Guerre buissonnière, prend la parole aux obsèques d’Émilienne Moreau, en janvier 1971, il déclare, projetant sur 1915 un vocabulaire habituellement utilisé pour la Seconde Guerre mondiale : « J’apporte l’ultime message d’adieu à cet être d’élite qui a allié un courage et un sang-froid à de la témérité s’apparentant à de l’héroïsme. Quelle a été la signification profonde de son geste en 1915 ? Ce fut un acte de résistance inspirée par un réflexe instinctif, le sursaut d’un peuple libre qui refuse la défaite. »

Unfold notes and references
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1

L’essentiel des renseignements biographiques concernant Émilienne Moreau se trouve dans Guy Krivopissko, Christine Levisse-Touzé, Vladimir Trouplin, Dans l’honneur et par la victoire, les femmes compagnons de la Libération, Paris, Tallandier, 2008, dans Jean-Marc Binot, Héroïnes de la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2008, p. 107-126 et dans la notice du « Maitron » : notice MOREAU-EVRARD Émilienne [née MOREAU Émilienne, épouse EVRARD, dite] par Jean-Marc Binot, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 11 juin 2022. On peut également se référer à son livre de souvenirs : Émilienne Moreau (avec la collaboration de Michel Levine), La Guerre buissonnière, une famille française dans la Résistance, Paris, Solar éditeur, 1970. Son dossier de Légion d’honneur, comportant plusieurs pièces intéressantes citées dans cet article, est en ligne sur la base Léonore sous le nom d’Émilienne Evrard (19800035/1070/23091). Son cas est beaucoup plus rapidement traité dans : Jean-Christophe Notin, 1061 compagnons, Histoire des compagnons de la Libération, Paris, Perrin, 2000, p. 563-564 (avec quelques erreurs : ses beaux-fils deviennent ses fils, un voyage à Alger en 1944 non attesté…).

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2

Jean-Marc Binot, Héroïnes de la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2008, p. 125.

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3

Campagne, L'Année tragique à Loos-en-Gohelle sous l'occupation allemande, Aire-sur-la-Lys, Lequin, 1916, 29 pages. Nous remercions Audrey Cassan pour la communication de ce document conservé aux archives du diocèse d’Arras.

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4

Archives du Pas-de-Calais, 3 E 528/23.

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5

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 33.

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6

Christophe Jupon, Loos-en-Gohelle dans la tourmente. Août 1914-août 1917, Loos-en-Gohelle, Echos loossois, 1996, p. 52.

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7

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 35.

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8

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 39.

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9

Manon Pignot, L’Appel de la guerre, des adolescents au combat, 1914-1918, Paris, Anamosa, 2019, p. 219.

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10

Dossier de Légion d’honneur.

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11

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 45.

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12

Voir l’article du Petit Parisien du 29 décembre 1915 : « La presse allemande attaque l’héroïne de Loos », qui évoque les articles de la presse allemande évoquant « la barbarie » d’Émilienne Moreau et ajoute : « Il n’y a pas une Émilienne Moreau faisant le coup de feu en franc-tireur et violant les conventions de La Haye, que l’Allemagne invoque après les avoir violées toutes, il y a une Française recevant avec joie ses libérateurs. »

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13

Le Figaro, 28 novembre 1915.

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14

Le Petit Parisien, 29 juillet 1916.

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15

Reproduite dans Le Petit Parisien du 13 décembre 1915.

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16

Henri Moreau, né le 8 janvier 1893 à Wingles, adjudant au 8e régiment d’infanterie, est « mort pour la France » le 4 juin 1915 à Pontavert, bois de la Mine (Aisne). Il se destinait à être contrôleur des mines.

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17

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 49.

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18

Ce numéro du 16 janvier, contenant la fin du récit d’Émilienne Moreau, est manquant sur Gallica et nous n’avons pas pu voir comment elle concluait son récit.

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19

Manon Pignot, L’Appel de la guerre, des adolescents au combat, 1914-1918, Paris, Anamosa, 2019 p. 219.

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20

Françoise Thébaud, La Femme au temps de la guerre de 1914, Paris, Stock, 1986, p. 79-80.

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21

Le Petit Parisien, 3 décembre 1915.

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23

Traduction en français de l'auteur, en version anglaise : « The authentic cases on record where women take an active part in the war are many and various. One of the most notable was that of a seventeen-year-old heroine of Loos, who was honored by the French Army order of the day for tending British wounded and killing five Germans with a revolver and grenades. In a German attack on Loos she fought side by side with Highlanders and British soldiers. General Sir Douglas Haig expresses his admiration and gratitude for her courage and assistance ».

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24

Le Petit Parisien, 2 décembre 1915.

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26

Le Petit Parisien, 25 mai 1916.

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27

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 125.

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28

Sur la reconstruction de la SFIO : Daniel Mayer, Les Socialistes dans la Résistance, souvenirs et documents, Paris, PUF, 1968 — Marc Sadoun, Les Socialistes sous l’occupation, Résistance et collaboration, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982 (peu de choses sur la famille Evrard).

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29

Fabrice Grenard et Catherine Lacour-Astol, « Femmes en résistance », Historiens et géographes, n°461, février 2023.

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30

Georges Marion, Gaston Defferre, Paris, Albin Michel, 1989, p. 73-101.

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31

Le décret du 11 août 1945 est publié au Journal officiel du 25 août.

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32

Les femmes ne représentent qu’environ 10 % des titulaires de la carte du combattant volontaire de la Résistance (Fabrice Grenard et Catherine Lacour-Astol, « Femmes en résistance », Historiens et géographes, n°461, février 2023, p. 43).

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33

Dossier Émilienne Moreau, Service historique de la Défense, 16P 429340.

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34

Jean-Marc Binot, Héroïnes de la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2008, p. 126.

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35

Titiou Lecoq, Les Grandes oubliées, pourquoi l’histoire a effacé les femmes, Paris, L’Iconoclaste, 2021, p. 267-271 (avec une confusion entre Ordre du mérite et Ordre de la Libération).

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36

Voir notamment : Annette Becker, Les Cicatrices rouges, Paris, Fayard, 2010 et Philippe Nivet, La France occupée 1914-1918, Paris, Armand Colin, 2011.

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37

Annette Becker, Oubliés de la Grande Guerre, Paris, Noësis, 1998.

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38

Pour la Seconde Guerre mondiale, voire le récent dossier « Femmes en résistance » sous la direction de Fabrice Grenard et Catherine Lacour-Astol, Historiens et géographes, n°461, février 2023.

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39

Cité dans Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 267-268.

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40

Voir par exemple Françoise Thébaud, La Femme au temps de la guerre de 1914, Paris, Stock, 1986, p. 60-68.

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41

Manon Pignot, L’Appel de la guerre, des adolescents au combat, 1914-1918, Paris, Anamosa, 2019, p. 224.

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42

Le nombre varie selon les sources. L’hypothèse haute est de cinq (trois à la grenade, deux au revolver), Émilienne Moreau en revendique quatre.

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43

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 274.

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44

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 79.

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45

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 23-25.

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46

Voir sur ce cas Philippe Nivet, « Vivre avec l’ennemi. Les relations entre occupants et occupés en Picardie (1914-1918) » dans Olivia Carpi et Philippe Nivet (sous la direction de), La Picardie occupée du Moyen-Age au XXe siècle, Amiens, Encrage, 2005, p. 81-136 (p. 133).

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47

Étienne Dejonghe, « Les départements du Nord et du Pas-de-Calais » in Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (sous la direction de), La France des années noires, 1. De la défaite à Vichy, Paris, Points/Seuil, 2000, p. 523-563.

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48

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 266.

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49

Julien Blanc, « Le rôle des femmes dans la résistance pionnière », Historiens et géographes, n°461, février 2023, p. 44-48.

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50

Notice LEBAS Jean, Baptiste par Jean Piat, Justinien Raymond, version mise en ligne le 12 novembre 2010, dernière modification le 3 novembre 2022.

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51

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 192.

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52

Catherine Lacour-Astol, Le Genre de la Résistance, la Résistance féminine dans le Nord de la France, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 314-315.

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53

Émilienne Moreau, La Guerre buissonnière, Paris, Solar, 1970, p. 57.