Pasolini, l’Afrique, la Grèce. Je est un autre
Pasolini filmant son reflet dans la vitrine d’un magasin africain (Carnet de notes pour une Orestie africaine, Pier Paolo Pasolini, 1970)

Pasolini filmant son reflet dans la vitrine d’un magasin africain (Carnet de notes pour une Orestie africaine, Pier Paolo Pasolini, 1970).

Entre la fin de l’année 1968 et l’hiver 1969-1970, Pasolini réalise le Carnet de notes pour une Orestie africaine (Appunti per un’Orestiade africana) presque intégralement tourné en Afrique, en Tanzanie continentale et en Ouganda. Le titre expose d’emblée le principe du film : le projet (des « notes » pour un film) d’une analogie (entre le mythe grec antique et l’histoire africaine contemporaine). C’est ce principe que l’on peut lire dans un texte de 1968 intitulé « L’Athéna blanche » :

Le thème profond de l’Orestie, au moins pour nous, lecteurs modernes, est le passage d’une période historique « médiévale » à une période historique « démocratique » : d’où la transformation des Ménades (déesses médiévales de la terreur existentielle) en Euménides (déesses de l’irrationalité dans un monde rationnel).

S’il se produit aujourd’hui, en Afrique, quelque chose de semblable, c’est indubitablement parce qu’Athènes (modèle formel démocratique) incarne le monde blanc progressiste ; et Athéna, la déesse qui a enseigné à Oreste la démocratie, en instituant le premier tribunal humain et l’institution du vote, est une déesse blanche.

Le projet d’un film tiré de l’Orestie d’Eschyle et situé dans l’Afrique noire moderne pourrait être un fil conducteur parfait pour un documentaire sur l’Afrique noire moderne1.

Le cinéaste sait bien que le rapprochement entre l’Afrique contemporaine et la Grèce antique n’est pas nouveau, qu’il est loin d’aller de soi et qu’il peut être problématique. La formulation pasolinienne de l’analogie dans ce texte ne laisse pas de déranger, avec l’association Athènes / blancheur / progrès / démocratie. Or, ce que le titre du film indique aussi, ce sont les modalités filmiques du rapprochement pasolinien, qui prend la forme d’appunti, c’est-à-dire de notes. En d’autres termes, pour Pasolini, le fil conducteur idéal pour documenter l’Afrique noire moderne, ce n’est pas tant le montage spatio-temporel Grèce / Afrique que le projet de ce montage, le « projet d’un film tiré de l’Orestie ». La distinction est de taille, car c’est en elle que se réfléchissent les critiques d’occidento-centrisme, de paternalisme, d’orientalisme que des exégètes du film ont pu émettre à l’encontre de Pasolini.

En réalité, l’Afrique et la Grèce n’émergent pas dans son œuvre seulement à la fin des années 1960. Elles sont des constructions proprement pasoliniennes qui constituent, à bien des égards, les deux coordonnées fondamentales de sa Weltanschauung.

Préambule : notes sur le Carnets de notes pour une Orestie africaine

Le mythe d’Oreste raconte, dans l’interprétation qu’en donne Pasolini, le passage d’un État tribal et archaïque à une société démocratique, gouvernée par la raison. Oreste, coupable de matricide, est poursuivi par les déesses sanguinaires de la vengeance, les Érinyes, jusqu’à ce que la déesse Athéna instaure le premier tribunal humain, première assemblée démocratique de l’histoire. Oreste est acquitté. Mais la grandeur d’Athéna réside en ceci : loin de refouler les antiques et irrationnelles Érinyes hors de la cité moderne, la déesse les accueille, les transformant en Euménides, reconnaissant la dimension productive et fertile de ce qu’elles incarnent – le passé, l’irrationnel, l’archaïque.

L’analogie avec l’Afrique des années 1960 est, pour Pasolini, évidente : le passé, les rites et traditions, ne doivent surtout pas disparaître dans les nouveaux États indépendants, « modernes » et démocratiques. Dans ce schéma se trouve un postulat ou même un ensemble de postulats : celui de l’arrivée assez récente en Afrique, prise dans sa globalité, de la raison et de la démocratie, par la voie « blanche » du progrès. Comme nous le verrons, Pasolini en est en grande partie conscient et se soumettra à la critique au sein même du film. Il importe surtout ici de noter que la cible du cinéaste n’est pas tant la colonisation ou ses conséquences que ce qui constitue pour lui, en cette fin des années 1960, la menace la plus immédiate qui pèse sur l’Afrique : ce qu’il nomme « l’homologation »2, autrement dit la standardisation des modes de vie et de pensée, le refus / l’absorption de la différence, l’uniformisation des cultures et leur déréalisation – leur perte de substance, de densité historique, la disparition de leurs particularités – sous le coup du néocapitalisme.

L’analogie entre le texte d’Eschyle et l’Afrique contemporaine a sans doute pris forme dans son esprit bien plus tôt, au début des années 1960, à un moment où les mouvements de décolonisation bouleversent la donne géopolitique mondiale. En effet, entre la fin 1959 et le printemps 1960, il traduit toute la trilogie antique pour une mise en scène de Vittorio Gassman et Luciano Lucignani dans le théâtre antique de Syracuse. Quelques mois plus tard, il voyage en Afrique pour la première fois. Ce n’est donc que dix ans plus tard qu’il filme une Orestie en Afrique : dix années marquées par de nombreux voyages sur le continent africain et dans le Tiers-monde, mais aussi aux États-Unis ; dix années marquées aussi par sa prise de conscience croissante des désastres engendrés à l’échelle mondiale par le néocapitalisme, et par l’expérimentation de formes artistiques et cinématographiques susceptibles de renouveler et de réactualiser sans cesse l’engagement civique de l’artiste contre la puissance d’absorption et de neutralisation des pouvoirs et médias hégémoniques.

Le film se tient précisément sur le fil de cette ambivalence temporelle, accueillant à la fois le moment de réflexion sur les pays récemment issus de la décolonisation – correspondant à la période 1959-1961, celle de la traduction de l’Orestie et de la découverte de l’Afrique par Pasolini – et le mouvement de sa pensée lors de la décennie suivante, en lien avec les transformations historiques, géopolitiques, culturelles. L’ambivalence est loin d’être inconsciente, puisque le cinéaste demande justement à un étudiant de Rome, dans une scène du film, s’il serait plus pertinent de tourner la tragédie d’Oreste dans l’Afrique des années 1970, ou s’il devrait plutôt « rétro-dater » le film dans l’Afrique des années 1960, « c’est-à-dire au moment où la majeure partie des États africains a acquis l’indépendance »3.

Cette complexité tient, en réalité, à la forme même du film telle que Pasolini la conçoit et la conceptualise : le « da farsi », l’œuvre « à faire », et les « appunti », les notes de travail qui la constituent. Car Pasolini n’a jamais envisagé de filmer, à la suite du Carnet de notes, une « véritable » Orestie africaine : en réalité, les Notes pour une Orestie africaine s’inscrivent dans un plus vaste projet de Notes pour un film sur le Tiers-monde, dont il a eu l’idée en Inde en 1967-19684. Or le « da farsi » relève d’une poétique pasolinienne de l’inachèvement dont l’un des objets est d’accueillir la dimension palimpsestique de la réalité. En 1964, il écrivait dans la note no 1 de La Divine Mimésis que le livre devrait être écrit par couches, sans élimination des strates successives :

À la fin, le livre doit se présenter comme une stratification chronologique, un vivant processus formel : où une nouvelle idée n’effacerait pas la précédente, mais la corrigerait, ou plutôt la laisserait absolument inaltérée, la conservant formellement comme un document du passage de la pensée. Et comme le livre sera un mélange de choses faites et de choses à faire – de pages achevées et de pages ébauchées, ou seulement projetées – sa topographie temporelle sera complète : il aura à la fois la forme magmatique et la forme progressive de la réalité (qui n’efface rien, qui fait coexister le passé avec le présent, etc.)5.

Ainsi, tout en suivant la trame de la tragédie eschyléenne, Pasolini expérimente diverses solutions d’adaptation : repérages en quêtes de lieux et des acteurs, séquence ethnographique de reconstitution de rituels funéraires, images d’archives de la guerre du Biafra, entretiens jouant des réminiscences du cinéma-vérité, essai de film musical en free-jazz. Le film a un air d’improvisation, d’ouverture et d’expérimentation, en partie factice (comme nous l’avons dit, Pasolini ne prévoit pas d’autre Orestie que celle qu’il réalise sous cette forme de notes, et la structure même du film est très pensée) mais également réelle et fondamentalement liée à sa réalisation. Il tourne en effet sans doute en Afrique entre l’hiver 1968 et l’hiver 1969, à l’occasion des voyages qu’il a pris l’habitude de faire chaque année autour des fêtes de Noël et du Nouvel an, et début 1970 pour les séquences romaines. La documentation à ce sujet n’est guère abondante, car le film est tourné de manière peu conventionnelle, sans scénario, sans véritable plan de production, avec une équipe très réduite6.

L’Afrique selon Pasolini

Un rêve rimbaldien

Le premier voyage de Pasolini en Afrique a lieu en février 1961, au Kenya, encore sous tutelle britannique, à la suite de son premier voyage en Inde à l’hiver 1960-1961 en compagnie d’Alberto Moravia et Elsa Morante7. Mais son premier contact personnel avec ce pays africain remonte en réalité au début des années 1940, lorsque son père, lieutenant d’infanterie, y est fait prisonnier. Le Kenya revêt alors déjà une dimension intime, poétique et politique, puisque c’est là que Pasolini envoie à son père Carlo Alberto Pasolini son tout premier recueil de poésies, Poésies à Casarsa, publié en 1942 : un geste provocateur, puisque les poèmes sont écrits en dialecte – interdit par le régime – et dédiés à un père qu’il n’aime pas et qui se bat pour Mussolini, un père « prisonnier, victime ignare / et sans esprit critique / de la guerre fasciste8 ».

Pasolini retourne régulièrement en Afrique jusqu’à sa mort en 1975, parcourant une quinzaine de pays : Zanzibar, Égypte, Maroc, Ghana, Guinée, Sénégal, Mali, Érythrée9… En 1964, la publication de Poésie en forme de rose, recueil de poèmes écrits entre 1961 et 1964, rend manifeste l’importance prise par le continent africain dans la pensée pasolinienne au début des années 1960, à la suite de ce premier voyage et à l’heure des mouvements de décolonisation10. Début 1962, Pasolini part pour un mois en Égypte, au Soudan et au Kenya, avant d’aller en Grèce. Il se rend de nouveau, début 1963, au Yémen, au Kenya, au Ghana et en Guinée. Entretemps, il est devenu réalisateur, puisqu’il a tourné Accattone (1961) quelques mois après son premier voyage, puis Mamma Roma (1962) quelques mois après le deuxième voyage.

Si tout s’était déroulé comme prévu, l’Afrique aurait été explicitement présente dans son cinéma bien avant la fin des années 1960 : au retour de son deuxième voyage, peu avant le tournage de Mamma Roma, Pasolini évoque au cours d’un entretien un « petit sujet » intitulé Le Père sauvage, dont il écrit non pas un scénario à proprement parler mais un « traitement » qu’il publiera quelques années plus tard, en 196711. C’est l’histoire, dans un État africain récemment décolonisé et en proie à la guerre civile, le Congo, d’un père « préhistorique », incarnation d’une Afrique archaïque et barbare, de son fils, le lycéen Davidson, et d’un professeur européen qui tente d’ouvrir à ses élèves la voie d’une modernité démocratique, libérée de l’aliénation coloniale récente (ses élèves comprennent moins les poètes noirs contemporains comme Léopold Sédar Senghor qu’un auteur latin comme Ennius). Dans l’entretien de février 1962, Pasolini parle de la « formation d’une nouvelle classe dirigeante qui devra contribuer à porter son pays à un niveau “européen” »12. Ce traitement, inspiré d’un article publié par Yves Bénot racontant l’expérience d’un enseignant en Guinée, retrouvé dans les documents de Pasolini relatifs au Père sauvage, annonce les thèmes de l’Orestie africaine. La réalisation du Père sauvage fut empêchée en 1963 par le procès d’outrage à la religion lié au troisième film de Pasolini, La Ricotta. Mais lorsque, à la fin de la décennie, il voulut réaliser un film dans l’Afrique contemporaine, c’est à ce traitement qu’il songea d’abord, avant d’opter pour une adaptation de la trilogie d’Eschyle.

Le tournage en Tanzanie et en Ouganda du Carnet de notes pour une Orestie africaine semble ainsi être l’aboutissement visible d’un intérêt pour l’Afrique dont l’impulsion majeure furent les voyages effectués au tout début de la décennie. Mais il faut aussi voir à quel point l’Afrique est une projection pasolinienne ancienne, antérieure à la rencontre réelle avec le continent. Dans le recueil Les Cendres de Gramsci paru en 1957, le poète évoquait déjà des « soleils africains » brûlant les borgate13 romaines, vues comme une « périphérie méridionale »14. Quelques années plus tard, dans un poème daté d’avril 1960 publié dans La Religion de mon temps, il écrit :

J’ai été rationnel et j’ai été

irrationnel : jusqu’au bout.

Et maintenant... ah, le désert assourdi

par le vent, le superbe et immonde

soleil d’Afrique qui illumine le monde.

 

Afrique ! Ma seule

alternative.................................

...............................................15

Commentant le dernier vers dans une lettre adressée à son ami Francesco Leonetti, Pasolini précise : « C’est une interjection décadente, de défaite, où l’Afrique n’est pas l’Afrique de Lumumba, mais celle de Rimbaud. »16 Il citera de nouveau ce vers en novembre 1961, cette fois après son voyage au Kenya, dans un article du quotidien Vie Nuove, où il devient la métonymie de la crise existentielle exprimée dans La Religion de mon temps :

La Religion de mon temps exprime la crise des années soixante… La sirène néocapitaliste d’un côté, le désistement révolutionnaire de l’autre : et le vide, le terrible vide existentiel qui s’ensuit. Quand l’action politique devient moins intense, ou se fait incertaine, on ressent alors soit un désir d’évasion, de rêve (« Afrique, mon unique alternative ») soit une insurrection moraliste17.

 

L’Afrique selon Pasolini est donc d’abord rimbaldienne : un songe, un lieu rêvé pour l’évasion, pour la fuite hors de l’Italie. Le poète maudit, homosexuel, voleur de feu, qui aura enjoint aux poètes de « trouver une langue »18 avant de renoncer à l’écriture et de partir, en Abyssinie notamment, est une figure d’identification majeure pour Pasolini depuis sa jeunesse. Il aurait affirmé avoir cessé d’être « naturellement » fasciste le jour où il avait entendu le poète Antonio Rinaldi lire « Le bateau ivre », en 1937 (selon le récit de Pasolini) ou 1938-1939 (selon la rectification d’Antonio Rinaldi)19. La poésie hermétique avait représenté pour lui, tout comme l’écriture en dialecte frioulan, une réaction à la grandiloquence du fascisme, et une résistance linguistique aux prétentions soi-disant égalitaires et en réalité uniformisatrices du régime.

Ainsi compris, l’auteur des Illuminations, dont Pasolini traduit d’ailleurs trois poèmes vers 1949-1950, est l’anneau qui relie l’étudiant et jeune poète des années 1940 – qui se découvre en Rimbaud l’hermétique et envoie des poèmes en dialecte à son père prisonnier au Kenya – à l’intellectuel engagé des années 1960, qui s’identifie à un Rimbaud « africain ». En un sens, le passage de Pasolini de la littérature au cinéma, et à un cinéma toujours en mouvement que l’on pourrait dire « d’exploration », au début des années 1960, n’est pas sans rappeler le geste rimbaldien de renonciation à la littérature pour une autre manière d’explorer le monde, en l’arpentant concrètement. Si Pasolini n’a jamais abandonné l’écriture (il a plutôt choisi d’en faire un instrument de mise à l’épreuve constante du langage), il a néanmoins vécu et conceptualisé son passage à la réalisation cinématographique comme la possibilité de se défaire de l’arbitraire du langage et de résister à l’homologation du langage par le pouvoir bourgeois, au profit du cinéma conçu comme « langue écrite de la réalité »20. C’est une même pulsion qui entraîne le passage au cinéma et la découverte des mondes africains : le besoin d’échapper à ce qu’il nommera bientôt « l’irréalité », l’homologation. Dans ce contexte, l’Afrique revêt un rôle précis.

Pasolini, l’Italie et les mouvements de décolonisation

Le vide existentiel dont parle Pasolini au début des années 1960 tient à la disparition de l’élan révolutionnaire né de la résistance au fascisme et à la diffusion concomitante du modèle néocapitaliste en Italie. Or, dans ce contexte, l’Afrique n’est pas uniquement le lieu d’un rêve décadent de fuite hors du monde occidental bourgeois, mais bien un nouveau terrain de lutte, un lieu très concret et pourtant en même temps déterritorialisé par Pasolini, qui, comme nous le verrons plus loin, le transforme en « concept ».

L’intérêt de Pasolini pour les mouvements de décolonisation est réel, et il importe de noter qu’il est assez exceptionnel dans l’Italie de la fin des années 1950 et 1960. À l’automne 1960, il publie un « Témoignage pour les 121 »21, en réaction au Manifeste des 121 signé par des intellectuels et artistes français en septembre de la même année, avec le sous-titre « Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». Bien qu’il reconnaisse la complexité de la situation franco-algérienne et sa difficulté à en saisir tous les aspects, il déclare être « de tout cœur avec les Algériens » et admirer le courage des intellectuels signataires du texte : il se demande alors « s’il y aurait en Italie 121 intellectuels capables d’un tel acte de courage […] politique et civique », répondant qu’il serait sans doute difficile d’en trouver même un tiers. L’interrogation porte en réalité moins sur la nécessité de soutenir précisément les mouvements de décolonisation que sur l’incapacité plus fondamentale de ses compatriotes à « intervenir, directement ou indirectement, dans la vie de la société ». L’horizon est néanmoins le même, puisque ce que Pasolini reproche aux intellectuels italiens est d’avoir renoncé à l’engagement et ainsi mis fin à la voie ouverte par la résistance au fascisme : or, c’est en Afrique qu’il en trouve, à cette date, un possible relai. C’est ce qu’il exprime très nettement en 1961 dans son texte « La Résistance noire » dont nous reparlerons.

L’un des signataires du manifeste, Jean-Paul Sartre, revient à plusieurs reprises dans l’œuvre du poète en lien avec les mouvements de décolonisation puis, plus largement, avec la question du Tiers-monde. Au début des années 1960, sans doute suite au Manifeste des 121, il est explicitement lié à l’Algérie. En effet, c’est à lui que Pasolini dédie en 1962 le poème « Prophétie », qui raconte le débarquement en Calabre d’Alì et de milliers d’hommes et de femmes descendus d’Alger sur « les trirèmes volés aux ports coloniaux »22, pour porter à Rome la révolution. L’histoire lui aurait été racontée par le philosophe, rencontré à Paris en 1962 à l’occasion de la traduction française du roman de Pasolini, Una vita violenta.

Un an plus tard, en 1963, la guerre d’Algérie prend une place particulière dans le film de montage La Rage, composé principalement avec les archives du ciné-journal Mondo Libero, que le producteur Gastone Ferranti, à l’origine de la commande, met à sa disposition. « Que s’est-il passé dans le monde, après la guerre et l’après-guerre ? », demande Pasolini au début du traitement23. Et de répondre : « La normalité. Oui, la normalité. Dans l’état de normalité, on ne regarde pas autour de soi. » La Rage est alors une entreprise de dessillement du regard, attirant l’attention vers une « infinité de problèmes » que Pasolini décline : le colonialisme, la faim, le racisme. Ce dernier est central et prend une « infinité de formes » :

C’est la haine qui naît du conformisme, du culte de l’institution, de l’arrogance de la majorité. C’est la haine pour tout ce qui est différent, pour tout ce qui ne rentre pas dans la norme, et perturbe ainsi l’ordre bourgeois. Malheur à celui qui est différent ! voilà le cri, la formule, le slogan du monde moderne. Haine envers les noirs donc, les jaunes, les gens de couleur : haine envers les juifs, haine envers les enfants rebelles, haine envers les poètes.

Les séquences du film liées aux mouvements de libération en Afrique – Tunisie, Tanganyika, Togo et la longue séquence de la guerre d’Algérie – s’inscrivent dans cette dénonciation plus générale du règne de la normalité, c’est-à-dire de la norme et du refus de la différence. « Gens de couleurs, l’Algérie est rendue à son histoire ! […] Gens de couleur, ce sont les jours de la victoire de tous les résistants du monde ! », commente en voix off l’écrivain Giorgio Bassani.

Que la décolonisation soit intégrée à un mouvement plus large – nous y reviendrons – n’ôte rien à la force du geste pasolinien, a fortiori lorsqu’on le replace dans le contexte italien. Giovanna Trento rappelle cette situation particulière du poète et cinéaste dans un pays resté en bonne partie à l’écart des mouvements de terrain géopolitiques et intellectuels issus du processus de décolonisation. Ayant perdu ses colonies dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Italie n’est pas secouée par les débats et prises de conscience qui touchent les autres pays européens, et elle l’est d’autant moins que la question coloniale est, depuis la fin de la guerre, l’objet d’un refoulement dû en partie à un sentiment de honte d’avoir perdu la guerre et les colonies, et plus largement à la difficulté d’affronter le passé fasciste24. Il est vrai que Pasolini ne revient pas, ou très peu, sur le passé colonial italien. La Rage témoigne toutefois de l’importance qu’il accorde aux mouvements de décolonisation, et cela même pour penser la continuité entre le fascisme historique et la modernité néocapitaliste.

L’insistance sur le racisme dans le traitement de La Rage est en soi notable, en ce que, dans les années 1950 et 1960, la question du racisme, passé ou contemporain, fait l’objet d’une dénégation ou d’un rejet sur d’autres pays : l’Allemagne nazie tout d’abord, puis les États-Unis, termes de comparaison permettant aux Italiens d’être lavés de tout soupçon25. Or, Pasolini renverse l’équation, créant à plusieurs reprises des parallèles entre l’Allemagne nazie et l’Italie néocapitaliste, comme dans le film Porcherie en 1969, ou tissant à partir de la situation des noirs aux États-Unis un vaste réseau mondial, et en premier lieu italien, de victimes du racisme. C’est évidemment cette position qui explique le revirement du producteur de La Rage, qui obtint du cinéaste qu’il réduise son film et accepte un contrepoint, réalisé par Giovannino Guareschi, a priori de droite et dans les faits d’une « monstruosité morale »26 telle que Pasolini songea à retirer sa signature du film. C’est aussi ce qui explique les difficultés rencontrées pour l’Orestie africaine, tant pour sa production (d’après Dacia Maraini, le producteur Franco Cristaldi, sollicité, aurait répondu qu’il était trop risqué de produire un film interprété exclusivement par des acteurs noirs) que pour sa diffusion (la RAI refusa d’acheter le film, et il ne fut projeté qu’une seule fois en public, en 1973 à Venise, dans une section dédiée aux films en marge de la distribution)27.

De l’Afrique noire au Black Power

Au beau milieu du Carnet de notes pour une Orestie africaine, Pasolini émet soudainement une idée : faire interpréter toute l’Orestie en free jazz par des acteurs noirs américains. S’ensuit une longue séquence, correspondant dans la tragédie d’Eschyle à la prophétie de Cassandre, chantée par Yvonne Murray et Archie Savage, au son du saxophone de Gato Barbieri, de la contrebasse de Marcello Melio et la batterie de Donald F. Moye28.

Archie Savage et Yvonne Murray, Carnet de notes pour une Orestie africaine

Archive Savage et Yvonne Murray dans une séquence de free jazz (Carnet de notes pour une Orestie africaine, Pier Paolo Pasolini, 1970).

Pasolini commente ainsi en voix off le sens de cette séquence : « Les vingt millions de sous-prolétaires noirs américains sont les leaders de tous les mouvements révolutionnaires du Tiers-monde. » L’importance donnée au sous-prolétariat noir américain est liée au premier voyage de Pasolini à New York, en 1966, qui l’amène à s’intéresser à la lutte pour les droits civiques et aux mouvements Black Power. Ainsi, à la fin de l’année 1968, lorsqu’il évoque dans un entretien sa future Orestie transposée en Afrique, il dit songer à Cassius Clay pour le rôle d’Oreste29.

Dans cet entretien, Pasolini situe l’Orestie à l’intérieur d’un ensemble plus vaste, les Notes pour un poème sur le Tiers-monde, vaste projet qui a pour ambition de traiter des problèmes du Tiers-monde en cinq épisodes interdépendants répartis sur cinq zones géographiques : Inde, Afrique noire, pays arabes, Amérique du Sud et ghettos nord-américains. Or, dans le traitement correspondant à ce projet, Cassius Clay n’est pas cité à propos de l’épisode africain, mais de l’épisode nord-américain. Plus précisément, Pasolini propose qu’il soit l’interprète de Malcolm X, protagoniste principal du film sur les ghettos d’Amérique du Nord, qui fut assassiné en 1965. Cassius Clay peut ainsi représenter l’une ou l’autre zone géographique et les problèmes qui lui sont liés, indifféremment. C’est tout à fait cohérent avec le projet des Notes pour un poème sur le Tiers-monde, ainsi entendu :

Les thèmes fondamentaux du Tiers-monde sont les mêmes dans tous les pays qui lui appartiennent. C’est pourquoi tous ces thèmes seront présents, implicitement ou explicitement, dans les cinq épisodes30.

Chaque film abordera donc la question du Tiers-monde à partir d’un thème spécifique – la religion et la faim (Inde), le rapport entre culture « blanche » et culture « de couleur » (Afrique noire), le nationalisme (pays arabes), la guérilla (Amérique du Sud), le « dropping out » ou l’exclusion et l’auto-exclusion (ghettos d’Amérique du Nord) – mais dans un rapport d’intégrations réciproques et même d’ouvertures vers d’autres aires : « Par exemple l’Italie du Sud, ou les zones minières des grands pays nordiques avec les baraques d’émigrés italiens, espagnols, arabes, etc. » Les écrits des leaders du Black Power sont alors à nouveau convoqués, non pas pour tel ou tel épisode, mais comme sources fondamentales d’une prise de conscience de l’ensemble de ces problèmes dans l’esprit de « nombreuses minorités » : Pasolini accole « les témoignages et les œuvres des écrivains les plus divers, de Sartre à Fanon, de Obi Egbuna à Carmichael ». Sartre, dont Pasolini sait qu’il avait préfacé l’ouvrage de Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, revient ici comme élément d’un ensemble plus vaste de divers porte-paroles des « minorités » qui inclut désormais les leaders du Black Power.

Ainsi, l’intérêt pour la lutte pour les droits civiques se superpose à et actualise l’intérêt du début des années 1960 pour les mouvements de décolonisation. Le Carnet de notes pour une Orestie africaine, documentaire sur l’Afrique issue de la décolonisation, expose cette stratification par l’incursion soudaine sur le territoire nord-américain – même si la séquence de free jazz est enregistrée au Folk studio de Rome31. Il faut bien lire cette ouverture géographique à la fois en synchronie et en diachronie. En synchronie, elle signifie, conformément au projet des Notes pour un poème sur le Tiers-monde, que l’Afrique noire et les ghettos d’Amérique du Nord sont liés par des problématiques communes qui concernent plus globalement le Tiers-monde. En diachronie, cela signifie que le salut de l’Afrique noire issue de la décolonisation se trouve peut-être désormais, en cette fin des années 1960, non plus tant en elle-même que du côté américain, dans la lutte contre le racisme et la haine de la différence, dans l’affirmation du black power comme exemple de la résistance à l’homologation, à ce qui est pour Pasolini l’imposition planétaire d’un modèle blanc, petit-bourgeois, occidental.

Cette lecture diachronique est liée à l’étrange temporalité de l’Orestie africaine, que Pasolini expose clairement dans le film, en disant en voix off qu’il sera très « daté », l’Afrique dont il est question étant plutôt celle de 1960 que celle de la fin des années 1960. En effet, l’optimisme manifesté dans le film – lié à l’espoir que l’Afrique puisse trouver une voie propre, entre modèles néocapitaliste et communiste, lui permettant de maintenir ses traditions, son identité culturelle – n’est plus tout à fait de mise dans la pensée pasolinienne au moment où il tourne. Au contraire, il observe alors les conséquences apocalyptiques d’un néocolonialisme économique qui dissémine dans le Tiers-monde ce qu’il voit comme la catastrophe de l’homologation occidentale (drames écologiques, destructions des patrimoines et des paysages, arasement des diversités culturelles). Ainsi, si l’incursion nord-américaine dans le film africain signifie l’interrelation fondamentale de tous les lieux du Tiers-monde tel que Pasolini l’entend, elle contient aussi l’idée d’un possible déplacement du moteur révolutionnaire.

Le « concept » Afrique

On voit bien, d’après ce qui précède, qu’il n’est pas difficile de reprocher à Pasolini, comme le font Michael Hardt et Antonio Negri à propos de L’Odeur de l’Inde, récit du premier voyage de Pasolini dans le Tiers-monde, de faire fi des diversités nationales, culturelles, etc., et donc, paradoxalement, d’occulter les différences et de ramener l’autre au semblable32. De fait, au fil des pages, Pasolini relève toutes sortes d’analogies entre l’Inde et le Frioul, l’Italie méridionale ou les banlieues de Rome33. Or, ce principe analogique, qui consiste à tisser un vaste réseau planétaire potentiellement révolutionnaire, est justement élaboré dans « La Résistance noire », préface que Pasolini écrit pour l’anthologie poétique Letteratura negra dirigée par Mario Pinto De Andrade en 1961, sous la forme d’un « concept “Afrique” ». L’idée est empruntée à deux vers du poète sierra-léonais Davidson Nicol – « Tu n’es pas un pays, / Afrique, tu es un concept » – à qui Pasolini reproche de n’en rien faire, alors qu’il faudrait y voir « le concept d’une condition sous-prolétarienne extrêmement complexe encore inutilisée comme force révolutionnaire réelle »34. La détermination géographique n’intervient que dans un second temps : « On identifie l’Afrique avec tout le monde de Bandung, de l’Afroasie qui, disons-le clairement, commence à la périphérie de Rome, comprend notre Sud, part d’Espagne, de Grèce, des États méditerranéens, du Moyen-Orient » ; et elle ouvre en réalité la voie à une détermination politique qui fait de l’Afrique un topos révolutionnaire. La même année, Pasolini écrit dans l’hebdomadaire du Parti communiste Vie nuove que Bandung est la « capitale de la moitié de l’Italie »35. Comme on l’a vu, cette déterritorialisation de l’Afrique est ancienne et un soleil africain brûlait déjà sur les périphéries romaines des Cendres de Gramsci.

Cette élaboration du concept Afrique, qui hérite à sa manière de la « négritude » de Léopold Sédar Senghor – souvent cité par Pasolini et évoqué dans l’Orestie africaine36 – et qui se greffe sur la conférence de Bandung de 1955 avec l’émergence de la conscience du « Tiers-monde », ne peut se comprendre qu’à la lumière de son ancrage premier, c’est-à-dire la formulation pasolinienne de la pensée de Gramsci sur le Sud de l’Italie, et de son horizon ultime, à savoir la critique de ce que Pasolini appellera le « Second fascisme », à savoir le néocapitalisme et l’avènement de l’homologation.

Ce cadre, et notamment la reformulation et le redéploiement pasoliniens de la pensée gramscienne dans le cadre du Tiers-monde, permettent à des auteurs comme Luca Caminati, Cesare Casarino ou Giovanna Trento de saisir en quoi « il peut être considéré comme partie intégrante de la littérature de la décolonisation »37. Pasolini déplie en fait la « question méridionale » proprement italienne pour l’intégrer aux enjeux planétaires qui émergent dans la seconde moitié des années cinquante avec la décolonisation. Il offre ainsi au projet gramscien, alors monopolisé par la question de la Guerre froide, son terrain le plus fertile38, et préfigure la reprise de la pensée du marxiste hétérodoxe dans le champ des postcolonial et des subaltern studies dans les années 1980. Que Pasolini puisse passer de la « question méridionale » italienne à ce que Giovanna Trento appelle un « panméridionalisme » planétaire, avec Bandung et la décolonisation comme moteurs de ce déploiement, se comprend si l’on considère que c’est précisément en termes « coloniaux » que le parti communiste, et Gramsci en particulier, avaient pu penser la situation du Sud de l’Italie par rapport au Nord du pays. Dans un texte de 1926 sur la question méridionale, Gramsci écrivait, citant un passage de L’ordine nuovo, journal des communistes turinois :

La bourgeoisie septentrionale a soumis l’Italie du Sud et les îles, et les a ravalées au rang de colonies d’exploitation ; le prolétariat du Nord, en s’émancipant lui-même de l’esclavage capitaliste, émancipera les masses paysannes méridionales asservies à la Banque et à l’industrialisme parasitaire du Nord39.

À la fin des années 1950 et au fil de la décennie suivante, Pasolini construit un vaste réseau d’êtres « subalternes », qu’il désigne plutôt d’un terme résolument non gramscien à la tonalité paternaliste en parlant d’« humbles »40, et qu’il pense en termes moins économiques qu’existentiels. La lutte des classes est biaisée, qui conduit en réalité à l’uniformisation des modes de vie, des cultures, des désirs, et donc à l’absorption de toute altérité dans la grande machine uniformisatrice de l’embourgeoisement. Et le « développement », au cœur des logiques géopolitiques qui articulent, à la suite de la décolonisation, les relations entre les pays dits développés et pays dits en voie de développement, est un leurre semblable, un fait « pragmatique et économique »41 promu par ceux qui produisent, menant à une homologation planétaire. C’est ce que dénonce le film Les Murs de Sanaa, tourné en 1970, qui observe la destruction de l’antique capitale du Yémen à la faveur d’une modernisation du pays financée par le régime chinois. Dans l’Orestie africaine, l’Afrique incarnerait encore la terre d’un possible « progrès » opposé au « développement » qui plonge l’occident dans ce qu’il nomme une « nouvelle Préhistoire »42.

On voit là sinon l’ambivalence, du moins la complexité de la vision pasolinienne de l’Afrique, car cette idée s’articule à une conception de l’Afrique comme continent longtemps resté hors de l’histoire et encore imprégné d’un état préhistorique – un immobilisme, une anhistoricité partagés par tout le monde « méridional » tel qu’il le construit, le sous-prolétariat, le monde paysan, le sud de l’Italie, etc. Or, c’est précisément dans la survivance de cet état archaïque – des données d’une Préhistoire positive – que réside pour lui la possibilité d’une résistance à cette « nouvelle Préhistoire », à cette sortie apocalyptique de l’histoire (il parle aussi d’Après-histoire), qu’il constate au cours des années 1960, et qui se caractérise entre autres par le cercle infernal et planétaire de la (sur)production-consommation et ses conséquences culturelles, environnementales, anthropologiques. Ainsi l’Afrique est pour Pasolini le lieu du progrès, précisément en ce qu’elle pourrait maintenir, au cœur de l’histoire, des dynamiques « préhistoriques » de résistance – notamment la temporalité cyclique des rituels, eux-mêmes nés des rythmes naturels, etc.43 – aux logiques apocalyptiques du néocapitalisme.

Pasolini n’accorde donc aucune attention, dans l’Orestie, aux lieux précis de tournage, la Tanzanie ou l’Ouganda, qu’il intègre dans une Afrique noire homogène, relayant apparemment les clichés et fantasmes antérieurs. En réalité, il n’ignore pas la diversité des situations géopolitiques, économiques, culturelles, des pays africains. Lorsqu’il dit dans le film que les frontières du Congo ou du Nigeria ont été établies par les colonialistes, et qu’elles relèvent d’une « réalité faussée, fabriquée sur un coin de table par les maîtres européens », on comprend que l’Afrique unifiée qu’il met en scène est une manière, évidemment arbitraire, de désengager le continent d’une structuration qui l’arrime aux logiques occidentales, et de reformuler les enjeux liés à la décolonisation sur un autre plan, qui consiste en l’élaboration d’une cartographie personnelle, et plus encore d’un lieu pour ainsi dire « mental », conceptuel, par lequel il élabore les caractéristiques de l’homologation et d’une résistance possible à ce phénomène. En d’autres termes, il voit dans la décolonisation un moment historique susceptible de prendre le relai d’autres moments historiques qui ont déçu, à commencer par l’après-guerre et les espoirs de justice sociale qu’avait incarnés la Résistance italienne au fascisme44. Une justice sociale qu’il n’entend pas en termes économiques, mais en termes politico-existentiels, et dont l’envers est le « racisme », entendu comme rejet de la différence.

Moi, un noir

Paradoxalement, le vaste réseau pasolinien de la subalternité, qui rassemble sous une bannière commune et a priori indifférenciée des situations et expériences très diverses – paysans, sous-prolétaires, noirs, juifs, homosexuels – et semble ainsi occulter les particularités, est donc plus fondamentalement une affirmation de la valeur absolue de la différence. C’est bien ce qu’identifie Cesare Casarino lorsqu’il met en évidence chez Pasolini l’existence d’un « universalisme transnational fondé sur des potentiels communs et des projets communs »45. Ce qui est commun, c’est précisément l’altérité, c’est-à-dire la réserve de contradiction que ces populations incarnent littéralement : contradiction du modèle capitaliste bourgeois et de l’imposition d’une « normalité » totalitaire.

À partir de la fin des années 1960, la normalité et le racisme qui l’accompagne s’avancent masqués, parés des brillants atours de la « tolérance ». Le 26 avril 1974, Pasolini termine une recension d’un ouvrage sur les homosexuels par une référence au Livre blanc de Cocteau et au suicide de son protagoniste, qui avait compris « qu’il était intolérable d’être toléré »46. Dans le Voyage à Cythère, film baudelairien imaginé par Pasolini en 1962, donc à l’époque du Père sauvage avec lequel il présente de nombreuses similitudes, un professeur homosexuel se suicidait, après avoir énoncé ainsi les raisons de son geste : « La majorité et la minorité, la normalité et la monstruosité, la société et l’individu... », c’est-à-dire « les raisons qui peuvent conduire un homme “différent” comme lui à ratifier le refus de la société par sa propre disparition. Et, mêlée à cela, la rage devant la société triomphante »47. Dix ans plus tard, la référence pasolinienne au Livre blanc signe une permanence du racisme, dissimulé sous le masque du progrès : ce n’est plus parce qu’il est rejeté, mais toléré, qu’un homme se suicide.

Ce professeur, comme celui du Père sauvage, a évidemment une dimension autobiographique, et Pasolini ne cessera par la suite de se projeter dans des êtres « différents », « minoritaires », « rejetés », « anormaux », « monstrueux », autant de termes récurrents qui désignent ceux qui dérogent à la normalité et dont le « noir » ou la « couleur » est en quelque sorte pour lui le paradigme. On sait tout ce qui peut conduire le poète à vivre intimement la différence. Pasolini n’est pas seulement et « simplement » athée, homosexuel, ou communiste, il fait une expérience complexe et souvent contradictoire de ces catégories, ébranlant leur stabilité identitaire : communiste toute sa vie, mais expulsé du parti en 1949 et plus jamais encarté ; athée et anticlérical mais pétri par la culture catholique, réalisateur de l’Évangile selon saint Mathieu, lecteur d’histoire des religions et chantre de l’immanence du sacré ; bourgeois critique de sa classe, homosexuel jamais militant et pourfendeur de la tolérance ; révolutionnaire déclarant être « une force du passé »48. Pasolini s’insurge à plusieurs reprises contre ce qu’il nomme le racisme du bourgeois, « qui ne sait pas reconnaître d’autres expériences vitales que la sienne, et qui reconduit toutes les autres expériences vitales à une substantielle analogie avec la sienne »49. L’analogie est pourtant au cœur de toute son œuvre, mais elle fonctionne précisément à rebours de ce schéma bourgeois qui consiste à s’assimiler l’autre : elle opère comme une figure de la contradiction intime.

C’est ce qu’expose le texte « Une expérience vitale différente »50, dans lequel Pasolini commence par évoquer cette composante fondamentale de son style que Franco Fortini avait identifiée chez lui, à savoir cette sous-espèce de l’oxymore que l’antique rhétorique appelait sineciosi, par laquelle s’affirment, sur un même objet, deux termes contradictoires, et dans laquelle la contradiction est indépassable, précisément en ce qu’elle est constitutive de chacun des deux termes, qu’elle intensifie (Rome, « superbe et misérable ville »51). Dépliant alors l’horizon personnel de cette figure rhétorique, Pasolini en fait la forme stylistique de sa propre structure interne contradictoire, « brisée, c’est-à-dire ouverte » : celle de bourgeois voulant être marxiste, ouvert sur un monde différent, le monde pré-bourgeois qui survit, le Tiers-monde, la « pensée sauvage » étudiée par Lévi-Strauss52. En d’autres termes, l’analogie vise à contredire une identité personnelle par une altérité tout aussi intimement vécue, et donc à revendiquer une forme de pluralité et de mobilité existentielle. « Le scandale de me contredire »53, revendique-t-il dans Les Cendres de Gramsci.

En 1968, il voit donc une analogie entre sa situation et celle d’un noir :

La bourgeoisie, quand j’étais enfant, au moment le plus délicat de ma vie, m’a exclu : elle m’a mis sur les listes des rejetés, des différents : et je ne peux plus l’oublier. Il m’en est resté un sentiment d’offense et, justement, de mal : le même que doit éprouver un noir de Harlem quand il se promène sur la Ve Avenue. Ce n’est pas un hasard que j’aie trouvé une consolation, chassé du centre, dans les périphéries54.

Dix ans plus tôt, dans une épigramme intitulée « À la France », il voit une ressemblance physique entre lui et Sékou Touré :

J’ai la joyeuse surprise de voir que je ressemble

à Sékou Touré, le président de la Guinée ;

le nez écrasé et les yeux vifs ;

lui aussi remonté à la grisaille de l’histoire

des gouffres de pur esprit sauvage :

nègre vraiment comme était blond Rimbaud55.

Le poème est écrit à un moment très précis de l’histoire du pays, alors que Sékou Touré vient d’être élu président de la nouvelle Guinée indépendante. C’est le seul pays africain à avoir refusé la proposition du général de Gaulle d’intégrer la Communauté française, et le titre du poème « À la France » est moins une dédicace qu’une adresse provocatrice à un pays qui s’engage dans une guerre économique et de déstabilisation de son ancienne colonie. Mais on voit bien comment cette situation historique concrète et particulière, certainement à l’origine du poème, se noue à ce qui est pour Pasolini le véritable enjeu africain et qu’incarne alors Rimbaud, troisième terme « africain » du poème avec Sékou Touré et Pasolini, à savoir la résistance au modèle bourgeois néocapitaliste.

Ce que contiennent les mots même et donc les notions de subalterne ou de Tiers-monde chez Pasolini, c’est précisément l’altérité, laquelle est en soi porteuse d’une résistance à l’homologation en cours. C’est ainsi que peut être comprise la requalification des termes à l’œuvre dans ses textes, qui tend à créer des polarités existentielles – et non plus économiques, ethniques, culturelles, religieuses – opposant la minorité et la majorité : d’un côté, les noirs, l’Afrique, le Tiers-monde, les juifs, les homosexuels ; de l’autre, les blancs, les bourgeois, les hétérosexuels. La ligne de démarcation est essentiellement la suivante : l’anormalité vs la normalité, c’est-à-dire la minorité vs la majorité, au sens non quantitatif et non identitaire où Gilles Deleuze et Félix Guattari ont pu l’entendre. Contre la normativité du majoritaire, les minoritaires se caractérisent « par le devenir ou la flottaison, c’est-à-dire par l’écart qui les sépare de tel ou tel axiome constituant une majorité redondante »56.

Dans le texte de l’intervention qu’il avait préparée pour le Congrès du Parti radical qui eut lieu deux jours après sa mort, le 4 novembre 1975, Pasolini revenait sur la question de l’altérité véritable, « qui exclut toute possible assimilation des exploités aux exploiteurs »57. Il ne s’agit pas de proposer une alternative au capitalisme, mais bien de maintenir des altérités multiples, qui enrayeraient sa propension à changer l’humanité elle-même, à la réduire à un ensemble indifférencié d’individus pétris de faux besoins et moulés sur un modèle unique, ce que Pasolini appelle un « génocide anthropologique »58. « Il faut donc lutter pour que restent vivantes toutes les formes, alternatives et subalternes, de culture »59. Pasolini met alors en garde contre un nouveau conformisme de gauche, qui se tromperait dans sa lutte pour les minorités et ferait le jeu du pouvoir en absorbant l’altérité, par la « réalisation falsifiée et totalisante des droits civiques »60.

La position pasolinienne, qui implique, comme il le fait dans ce texte, de reconsidérer la loi pour le divorce et l’avortement à l’intérieur de cette question du minoritaire, n’est pas sans être provocatrice, ce dont il a conscience puisqu’il s’agit justement, dit-il, d’agir « avec autant de volonté, d’irrationalité et peut-être d’arbitraire qu’il en faut pour prendre la réalité à contre-pied – éventuellement les yeux tournés vers Wittgenstein –, afin d’y réfléchir librement »61. Prendre la réalité à contre-pied, et continuer, « éternellement contraires, à prétendre, à vouloir, à [s’]identifier avec ce qui est autre ; à scandaliser ; à blasphémer »62.

L’hypothèse grecque

« Coïncidence Grèce antique avec Afrique »

Le Carnet de notes pour une Orestie africaine propose une analogie entre la Grèce antique et l’Afrique contemporaine, qui se noue dans l’œuvre pasolinienne autour de 1960 et se poursuit jusqu’au roman inachevé Pétrole. Comme nous l’avons déjà noté, Pasolini traduit les trois pièces d’Eschyle entre la fin de l’année 1959 et le printemps 1960, pour la mise en scène que Vittorio Gassman et Luciano Lucignani préparent dans le théâtre de Syracuse. Or, la scénographie conçue par Theo Otto mobilisait totems, masques, trophées, et les chorégraphies confiées à la danseuse haïtienne Mathilda Beauvoir prenaient la forme de danses vaudou63. Par ailleurs, Pasolini lit ou relit Eschyle à peu près en même temps qu’il se plonge dans les poèmes de l’anthologie Letteratura negra, qu’il préface pour leur publication en 1960. Cette circonstance poétique informe certainement sa vision de ce qu’il appellera plus d’une décennie après, dans une note de son roman Pétrole où il propose une réécriture des Argonautiques d’Apollonios de Rhodes, la « coïncidence Grèce antique avec Afrique »64.

La mise en scène syracusaine puis la formulation cinématographique africaine de l’Orestie par Pasolini sont redevables de leur filtre de lecture initial, à savoir l’interprétation marxiste de la trilogie par le classiciste George D. Thomson, qui l’avait traduite et commentée en 1938, avant de publier en 1941 Aeschylus and Athens, paru comme un « manifeste contre l’appropriation fasciste de l’antiquité classique »65 et traduit en italien en 1949. La compagnie du Teatro Popolare Italiano publiait d’ailleurs, à l’occasion de sa création de l’Orestie à Syracuse, la nouvelle traduction pasolinienne accompagnée d’un échange épistolaire entre George Thomson et Luciano Lucignani, d’extraits de Eschilo e Atene, et d’une « Lettre du traducteur » dans laquelle Pasolini reconnaissait sa dette à l’égard de George Thomson66. Selon le philologue britannique, le mythe tel que le racontait Eschyle concernait le passage d’une société tribale primitive à un régime démocratique, après les phases monarchique (Agamemnon) et tyrannique (Clytemnestre)67. Pasolini retient surtout les deux extrémités de ce schéma, proposant une lecture organisée selon une polarité état archaïque vs état démocratique, qu’il transpose en Afrique contemporaine :

L’Orestie résume l’histoire de l’Afrique de ces cent dernières années. Le passage presque brutal et divin d’un état « sauvage » à un état civil et démocratique. La succession de rois qui, au cours de la terrible stagnation séculaire de la culture tribale et préhistorique, ont dominé les terres africaines – à leur tour sous la domination d’Érinyes noires – s’est comme subitement ébranlée. La Raison a quasiment instauré de son propre chef des institutions démocratiques. Il faut ajouter que le problème véritablement brûlant et actuel, dans les années soixante – les Années du Tiers-monde et de la Négritude – est la « transformation des Érinyes en Euménides », d’où le génie d’Eschyle d’avoir tout préfiguré. Toutes les personnes évoluées en conviennent (il suffit de se référer, par exemple, aux témoignages mondiaux du Festival de Dakar) : la civilisation archaïque – appelée superficiellement « folklore » – ne doit pas être oubliée, méprisée ou trahie. Elle doit être intégrée à la nouvelle civilisation, de manière à l’enrichir et à la rendre particulière, concrète, historique68.

S’il part de George Thomson, Pasolini fait néanmoins fonctionner l’Orestie à l’intérieur de ses propres schémas d’analyse, et Massimo Fusillo a tout à fait raison d’écrire qu’il déplace la question politique sur un terrain plus anthropologique. En l’occurrence, la transformation des Érinyes en Euménides est la forme mythique d’une possible résistance contemporaine au « génocide anthropologique » déjà à l’œuvre dans la majeure partie du monde.

Pourtant, de prime abord, l’élaboration de l’analogie Grèce-Afrique n’est pas sans poser question. La place de la colonisation dans le schéma historique proposé, et notamment par rapport à l’émergence démocratique, n’est pas tout à fait évidente. Par ailleurs, la polarité Athènes, blanc, Occident, raison, père, modernité, démocratie, progrès vs sauvage, archaïque, tribal, Tiers-monde, irrationnel, mère, nature, interroge à plusieurs titres. Par exemple sur les attributs du masculin et du féminin : mais Pasolini le sait bien, qui résume la tragédie en opposant les Érinyes « opérant sous le signe utérin de la mère, entendue précisément comme la forme informe et indifférente de la nature » et Athéna, déesse de la raison, en précisant que cette dernière, née directement de Zeus, est « encore archaïquement entendue comme une prérogative virile »69. La dichotomie blanc / noir, qui constitue le couple matrice, celui qui articule raison / irrationnel, démocratie / tribal, moderne / archaïque, masculin / féminin, Occident / Tiers-monde, etc., n’est pas seulement schématique, mais évidemment problématique, tout comme le rapprochement Grèce-Afrique, que Pasolini sait parfaitement n’être pas le premier à mobiliser et qui a pu servir aussi bien à soutenir la colonisation (Gabriele D’Annunzio ou Tommaso Marinetti) qu’à dénouer, dans une perspective d’indépendance, le lien exclusif ou privilégié entre la Grèce et l’Occident (Leopold Sédar Senghor)70.

Or, Pasolini est conscient de tout ce que le recours aux « classiques », et a fortiori à l’antiquité classique gréco-romaine, est susceptible de charrier, en raison même de la construction et de l’appropriation occidentales d’un supposé patrimoine venu légitimer impérialismes, colonialismes et hégémonies culturelles71. Dans Le Père sauvage, l’enseignant réalise avec indignation que les étudiants africains récitent mécaniquement des textes académiques sur les poètes latins Ennius et Naevius, et s’en prend alors à tous ceux qui l’ont précédé, à « ces colonialistes, au colonialisme lui-même, à ce néo-colonialisme, stupidement attaché à ce qu’il y a de plus pernicieux dans le conformisme des bourgeoisies européennes, etc. »72. Pasolini, qui fut écolier puis étudiant sous le fascisme, a vite résisté à l’invention et à la manipulation idéologique de la romanità par le régime73. Ainsi, il n’est pas anodin qu’il traduise, sans doute en 1940-1941, quatre fragments de la poétesse de Lesbos, Sappho, et surtout qu’il le fasse en dialecte frioulan, dont l’usage littéraire était interdit par le régime, et qu’il glisse dans son texte une dimension clairement homoérotique. La résistance à une patrimonialisation occidentale, élitiste et bourgeoise, du classique, est une donnée fondamentale de toute l’œuvre ultérieure de Pasolini. En 1962, il s’insurgera justement contre le rapport des bourgeois au passé, leur soi-disant amour de la tradition, le dénonçant comme « décoratif, ou “monumental”, comme disait Schopenhauer, certainement pas “historiciste”, c’est-à-dire réel et capable d’une nouvelle histoire »74.

En ce sens, observer l’Afrique contemporaine à travers le filtre eschyléen pourrait bien être une manière pour Pasolini de problématiser les deux versants de l’analogie – les classiques et l’Afrique – et de mettre en cause leurs appropriations occidentales, et cela malgré ou peut-être grâce aux placages.

Hypothèse en laboratoire

À propos de son projet d’une Orestie transposée en Afrique, Pasolini explique en 1968 qu’il créera « des analogies, arbitraires et poétiques, et en partie irrationnelles, entre le monde grec archaïque […] et l’Afrique moderne »75. Le caractère potentiellement non pertinent et problématique de l’analogie n’inquiète pas le cinéaste, au contraire. En effet, il ne faut pas s’y tromper : il y a du jeu dans les analogies pasoliniennes, qui fonctionnent avant tout comme des hypothèses de travail, ou plutôt de mise en travail du réel. À bien des égards, son cinéma est un cinéma expérimental, surtout en cette fin des années soixante. De Théorème, tourné cette même année 1968, il dit qu’il repose sur « une pure hypothèse »76, celle de l’arrivée d’un jeune dieu dans une famille bourgeoise : un hôte imprévu, défini dans le livre Théorème comme « promu au rang de jeune homme antique »77. Le film déplie alors les conséquences de cette hypothèse et les perturbations qu’entraîne l’arrivée de cet hôte anachronique dans la vie de chacun des membres de la famille.

Un an avant Théorème, les Notes pour un film sur l’Inde reposaient aussi sur une hypothèse, celle de l’existence en Inde de familles « d’une puissance antique et fossile », dépositaires d’une antique culture, religieuse, presque disparue, absente dans la nouvelle bourgeoisie et présente dans le peuple, mais « inconsciente et pulvérisée »78. À partir de là, Pasolini imagine l’histoire d’un maharaja, membre d’une telle famille, qui offre son corps en pâture à des tigres affamés – parabole de l’histoire antique de la nation indienne, empreinte de sacré – et celle de sa femme et ses quatre enfants, affamés, à l’époque moderne, qui meurent un à un. Il se peut, écrit-il, que de telles familles n’existent pas :

C’est une hypothèse de travail, qui peut devenir arbitraire et poétique : c’est-à-dire, justement, une pure hypothèse, qui devient pourtant scandaleuse et paradoxale, et qui donne ainsi réalité au « réalisme » autrement verbal et unidimensionnel du documentaire79.

L’analogie Grèce-Afrique est une autre de ces hypothèses de travail qui ne craignent pas l’arbitraire et le scandale. Or, il la soumet comme telle à la critique des populations concernées, au cours d’un débat avec les étudiants africains de l’Université de Rome, montré dans deux séquences du Carnet de notes pour une Orestie africaine80. Un peu comme si l’ombre de Jean Rouch et de l’anthropologie partagée planait sur l’Orestie africaine, comme Chronique d’un été avait influencé l’Enquête sur la sexualité. Au cœur de la discussion se trouve l’analogie qui structure tout le film, qui fait du drame d’Oreste – matricide poursuivi par les Érinyes (ces archaïques déesses de la vengeance), puis jugé par le premier tribunal démocratique instauré par Athéna – la métaphore de l’histoire africaine contemporaine.

Or, certains étudiants critiquent les soubassements et les ressorts – occidentalistes, primitivistes – de l’analogie : Pasolini n’occulte-t-il pas la diversité des États africains ? Ne parle-t-il pas à la légère de « tribalisme » ? Peut-il réellement affirmer que la civilisation européenne a apporté la démocratie en Afrique ? Les textes écrits par le cinéaste à mesure de ses voyages en Afrique montrent en réalité l’attention qu’il porte aux réalités historiques particulières81. Pasolini met en scène la critique qu’il est possible de faire des postulats, des implicites ou des insuffisances de son projet. L’Afrique qu’il met en scène dans son Orestie renvoie à ce que Stuart Hall désigne comme une façon de penser l’identité culturelle comme « culture unique, partagée, une sorte de “véritable soi” collectif, qui se cache à l’intérieur des nombreux autres “soi” plus superficiels ou imposés artificiellement, et qu’ont en commun ceux qui partagent une histoire et des ancêtres communs »82.

Pour lui, cette vision fut celle des poètes de la Négritude comme Aimée Césaire et Léopold Sédar Senghor et elle nourrit le projet politique panafricain, avec en soubassement l’idée de retrouver et de contrer la logique de la colonisation qui, comme l’écrit Frantz Fanon dans Les Damnés de la terre, « s’oriente vers le passé du peuple opprimé, le distord, le défigure, l’anéantit »83. Le « concept Afrique » formalise cette idée d’une identité collective partagée en raison d’une histoire passée et présente commune, et le cœur de l’Orestie est pour Pasolini l’épisode final de la transformation des Érinyes en Euménides, c’est-à-dire le maintien du passé dans la modernité : il faut mettre au jour des pratiques, traditions, gestes « antiques », et les remobiliser contre un néocolonialisme – la cible de Pasolini est moins la colonisation que la poursuite de l’aliénation dans les années soixante par la réalisation de l’homologation culturelle – qui les détruit.

Mais Pasolini sait bien ce que cette vision peut avoir d’essentialiste, et que « comme tout ce qui est historique, [les identités] se transforment constamment » et qu’elles sont « le nom que nous donnons aux différentes façons dont nous sommes positionnés par et dont nous nous positionnons nous-mêmes dans les récits du passé »84. Les identités, comme le passé, sont des productions, des positionnements, aux frontières labiles et évolutives. Or, c’est bien parce qu’il a conscience que l’analogie Grèce-Afrique qu’il propose peut avoir tendance à « normalis[er] et s’appropri[er] l’Afrique en la gelant dans une sorte d’intemporalité, de “passé primitif et immuable” »85 que Pasolini s’expose littéralement à la critique d’étudiants africains de Rome. Hervé Joubert-Laurencin a notamment montré que la seconde séquence de débat est introduite par des plans du tribunal de Dar es Salaam en Tanzanie, envisagé comme métaphore du tribunal d’Athéna, et que les rectangles blancs indiquant la place des différentes parties – « Défense », « Partie civile » – raccordent avec l’écran blanc sur lequel viennent certainement d’être projetées, pour les étudiants africains, des séquences de l’Orestie en cours de réalisation86. Ce montage transforme la salle de projection en un tribunal : Pasolini soumet son Orestie aux accusations et in fine au jugement des Africains de Rome, en même temps qu’il s’en fait l’avocat.

Orestie africaine
Orestie africaine

Raccord entre le tribunal de Dar es Salaam en Tanzanie et un écran de projection d’une salle de l’Université de Rome sur lequel Pasolini vient de projeter son projet d’Orestie africaine (Carnet de notes pour une Orestie africaine, Pier Paolo Pasolini, 1970).

Ce dispositif permet d’introduire et d’exposer un jeu dans l’analogie – un écart entre ses deux termes, qui ne se recouvrent donc pas parfaitement. Ce n’est alors pas le moindre paradoxe (et scandale assumé) de cette analogie qu’elle est à la fois critiquée par certains étudiants comme arbitraire et inopérante dans certains de ses aspects, et néanmoins maintenue par Pasolini dans tout le film. Jean Rouch n’est qu’une ombre et il n’est en réalité pas question d’anthropologie partagée au sens où les populations concernées prendraient en main le scénario, influeraient par leur critique de l’analogie sur le cours de ces Notes pour une Orestie africaine ou sur le film qu’elles sont supposées préparer87. Pasolini n’écrit pas avec ces étudiants africains – pris, disons, comme co-scénaristes – le scénario d’une Orestie future : il écrit avec eux, au sens d’un matériau avec lequel on bâtit un monument, ses Notes pour une Orestie africaine. Leur doute est une composante fondamentale de cet édifice en réalité très sûrement construit : l’ouverture des appunti pasoliniens réside moins dans leur apparence de work in progress (Pasolini sait très bien où il va, organise très sûrement ses séquences, et n’a jamais prévu de tourner une Orestie à partir de ces Notes filmées) que dans leur manière de trouer la structure de l’intérieur, d’introduire du jeu dans le rouage analogique, c’est-à-dire dans le placage pasolinien de la fiction eschyléenne sur la réalité africaine.

Un placage d’ailleurs exposé dès le premier plan du film, qui fait défiler le générique sur le livre d’Eschyle (dans sa traduction pasolinienne), lui-même posé sur un atlas ouvert à la page de l’Afrique : soit trois médiums de représentation du monde, cinématographique, littéraire (ou théâtrale), et cartographique.

Carnet de notes pour une Orestie africaine

Premier plan du Carnet de notes pour une Orestie africaine (Pier Paolo Pasolini, 1970).

Le travail pasolinien de l’analogie, exposée dans ce plan liminaire, comme celui, étroitement lié, du rapport fiction-documentaire, est, pour reprendre des mots d’Edgar Morin, une manière non pas de « prétendre donner à voir le réel », mais de « se poser le problème du réel »88. Or, la réalité n’est jamais univoque, mais complexe, mêlée, impure, stratifiée, anarchique. C’est précisément ce que montre l’impertinence de l’analogie, sa non-coïncidence parfaite. L’unidimensionnalité des choses, du réel et de ses représentations, est précisément pour Pasolini le propre de la modernité, et il semble que ce soit justement le risque du documentaire, pour lui, que de prétendre résoudre le réel. Si le cinéma documentaire « camoufle sa fiction et son imaginaire derrière l’image-reflet du réel »89, pour citer Edgar Morin à nouveau, le travail de l’analogie, qui fait jouer la Grèce et l’Afrique, l’antiquité et le présent, la fiction et le documentaire, le mythe et l’Histoire, consiste à l’inverse à utiliser l’imaginaire pour creuser les images du réel, inquiéter leur prétendue objectivité et unidimensionnalité.

Significativement, les plans qui suivent le palimpseste atlas-livre-générique qui ouvre le Carnet de notes pour une Orestie africaine montrent d’abord le reflet du cinéaste se filmant, caméra à l’épaule, dans la vitrine d’un magasin africain, puis, au plan suivant apparaît, en même temps que le reflet du corps du cinéaste – sur lui, ou à travers lui – toute une réalité africaine vue elle aussi par reflet (arbres, voitures, passants qui circulent derrière Pasolini) ou à travers la vitre (marchandises du magasin) : la réalité est nécessairement médiée par le regard qui l’invente, représentée.

Carnet de notes pour une Orestie africaine
Carnet de notes pour une Orestie africaine

Pasolini se filmant dans la vitrine d’un magasin africain, au début du Carnet de notes pour une Orestie africaine

Pasolini expose le contexte de l’énonciation, qui informe l’énoncé : le regard d’un homme blanc, bourgeois, occidental. En d’autres termes, la mise au jour du réel est indissociable de sa mise en forme : en archéologie comme en psychanalyse, elle façonne ce qu’elle extrait, ne serait-ce que parce qu’opèrent toutes sortes de prismes, individuels, sociaux, culturels. Avant même la rencontre du réel – les déplacements, dans leur dimension documentaire, ethnologique –, il y a déjà des strates de représentations, avec lesquelles confronter, ou plutôt auxquelles frotter les corps rencontrés, les lieux parcourus90. L’adaptation d’œuvres littéraires ou la citation picturale dans le cinéma pasolinien sont à comprendre à l’aune de cette archéologie poétique qui sait que la mise au jour du réel opère nécessairement, ou même arbitrairement, par la médiation d’un regard déjà chargé de représentations, et que c’est précisément le jeu entre ces représentations et le réel rencontré qui permet de mettre en œuvre des approches critiques.

Suspension

Dans sa « Lettre du traducteur » publiée avec sa version de l’Orestie en 1960, Pasolini écrit s’être jeté sur le texte d’Eschyle « pour le dévorer comme une bête sauvage, tranquillement : un chien sur un os »91. Au-delà de la pulsion toute pasolinienne de dévoration – le besoin sensuel, sexuel, de s’incorporer l’autre, Eschyle, le texte littéraire, le monde grec – perce l’image d’un double carnage, d’une double irrévérence : d’une part envers le texte classique (il est d’ailleurs remarquable qu’il évoque, juste après le chien et son os, la timidité et le sentiment d’inhibition qu’il ressent face à ce grand texte), d’autre part envers ce qu’il avait appelé trois ans auparavant la « tradition de la traduction »92, prévalant dans les années 1950 en Italie, adhérente au texte source au risque de le tuer un peu plus, et qui ne peut qu’être scandalisée par la désinvolture de Pasolini.

Dix ans plus tard, l’Orestie cinématographique prendra la forme d’une œuvre en apparence inachevée (des « notes »), composée de matériaux hétérogènes disjoints (castings, repérages, séquences ethnographiques, entretiens, essais musicaux, archives), ouverte de toutes parts et en son final. C’est en fait tout le projet des Notes pour un poème sur le Tiers-monde qui est conçu sur ce principe :

Chaque épisode sera formé d’une histoire, racontée dans ses grandes lignes et à travers les scènes les plus saillantes et dramatiques, et de repérages pour l’histoire elle-même (entretiens, enquêtes, documentaires, etc.). Les morceaux des épisodes dans lesquels l’histoire est racontée selon le processus normal, seront tournés et montés normalement : les morceaux des repérages « pour l’histoire à faire » conserveront leur qualité casuelle et immédiate. Stylistiquement donc, le film sera très composé, complexe et impur : mais la nudité des problèmes traités et sa fonction d’intervention révolutionnaire directe sera là pour le simplifier93.

Au cours des années 1960, l’ouverture de l’œuvre intervient chez Pasolini comme une manière de détraquer les logiques communicationnelles du monde néocapitaliste, en même temps qu’elle est une forme moulée sur la réalité, laquelle est composite, polysémique, stratifiée, et mouvante. Le milieu de la décennie, marqué par une intense activité théorique de Pasolini sur les questions linguistiques – sur fond d’angoisse liée à la progression d’une koiné homologuée et homologatrice – est le moment qu’il identifie lui-même comme un point de rupture dans son cinéma. Interrogé par Jean Duflot, il dit en effet créer un cinéma « de moins en moins “consommable” par ce que l’on appelle aujourd’hui les masses »94, avant de préciser :

Je vous ai dit que j’avais abandonné le langage de ma période gramscienne, depuis L’Évangile selon saint Matthieu. Mais si je parais actuellement rechercher un langage hermétique et précieux, apparemment « aristocratique », c’est parce que je considère la tyrannie des mass media comme une forme de dictature à quoi je me refuse de faire la moindre concession95.

L’hermétisme, auquel participent l’ouverture, la fragmentation, l’inachèvement de l’œuvre, relève d’une volonté de s’adresser à et de créer un public, contre la logique des médias de masse. L’hermétisme est alors revendiqué par Pasolini comme seule forme véritablement démocratique96. C’est une même ambition démocratique qui anime son écriture théâtrale en 1966. Ainsi, lors de la première d’Orgie à Turin, le 28 novembre 1968, une pancarte indique : « Le théâtre facile est objectivement bourgeois, le théâtre difficile est pour les élites bourgeoises cultivées, le théâtre très difficile est le seul théâtre démocratique », et un autre cartel : « Ici nous sommes peu, mais au-dedans de nous, il y a Athènes »97. Il faut entendre ici le modèle du théâtre antique, et ce qu’il signifie : l’existence d’un public capable de débattre des enjeux de la cité. Pour cela, il faut l’extraire du bain mass-médiatique qui l’aliène en le privant de ses capacités et instruments critiques.

Si les médias de masse informent, communiquent, réduisant à l’extrême la polysémie des signes et la complexité du réel, l’expression artistique doit jouer à rebours de la communication, et c’est d’ailleurs en ce sens, comme une manière de déjouer l’aliénation, que l’on peut comprendre le recours croissant de Pasolini à l’analogie et à la métaphore. Pasolini a lu l’ouvrage de Norman O. Brown paru en 1966, Corps d’amour, qu’il évoque dans le scénario de Porno-Théo-Kolossal, et dans lequel on peut lire que « les significations littérales sont des marchandises bien empaquetées pour consommateurs passifs »98. L’une des « notes » du Carnet de notes pour une Orestie africaine, celle qui concerne la guerre de Troie, consiste en images d’archive de la guerre du Biafra. Pasolini, en voix off, précise alors : « Cette guerre ne doit pas être considérée comme une guerre particulière, la guerre du Biafra, mais abstraite : ce sont des images-métaphores qui actualisent la guerre entre Troyens et Grecs. » Il peut sembler problématique que le cas particulier et concret du Biafra soit indiqué comme abstrait, et que la réalité historique complexe de cette guerre n’entre pas en ligne de compte. Mais le travail pasolinien de la métaphore vise aussi à sortir les images du contexte d’énonciation premier dans lequel elles ont pu être montrées – c’est le principe de La Rage – pour les offrir à une nouvelle visibilité et surtout rouvrir leur sens. La différence entre la guerre de Troie et la guerre du Biafra, nécessaire pour qu’opère l’analogie, implique aussi ce que Stuart Hall désigne, avec Jacques Derrida, comme un travail de la « différance », à savoir l’idée que la représentation et le sens ne sont jamais définitifs99.

À partir du milieu des années 1960, l’ouverture de l’œuvre est explicitement pensée par Pasolini comme une forme d’engagement. Ainsi, en 1966, il cite ainsi Roland Barthes : « Le sens est une telle fatalité pour l’homme qu’en tant que liberté, l’art semble s’employer, surtout aujourd’hui, non à faire du sens, mais au contraire à le suspendre ; à construire des sens, mais à ne pas les remplir exactement ». Et il commente : « “Suspendre le sens” : voilà une superbe épigraphe pour ce qui pourrait être une nouvelle description de l’engagement, du mandat de l’écrivain. Et en effet, là, Barthes pense tout de suite à Brecht »100. Plus loin, encore, il écrit qu’il s’agit donc de « poser, précisément, des questions dans des œuvres amphibologiques, ambiguës, de style “suspendu” (comme Brecht, tel que l’entend justement Barthes) : mais en aucune façon désengagées, au contraire ! »101

De ce point de vue, Le Carnet de notes pour une Orestie africaine est l’œuvre filmique la plus explicite, puisqu’elle se termine presque sur ces mots : « Mais comment conclure ? Eh bien, il n’y a pas de conclusion ultime : la conclusion est suspendue. » C’est ce qu’il appelle ailleurs un cinéma problématique, « un cinéma qui n’offre pas de solutions, qui n’enseigne rien ; il interroge, observe. Et le problème reste en suspens ; voilà »102.

Unfold notes and references
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1

Pier Paolo Pasolini, « L’Atena bianca » [1996], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001, p. 1202. Ce titre fait évidemment penser à l’ouvrage de Martin Bernal, au titre antithétique par rapport au texte pasolinien : Black Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique (trad. M. Menget, N. Genaille), 2 vol., Paris, PUF, 1996 et 1999 [1987 et 1991]. L’objet de cet article est justement d’identifier la nature et la fonction du rapprochement entre l’Afrique et la Grèce chez Pasolini. Dans « L’Atena bianca », publié de façon posthume, Pasolini confond les Ménades (déesses du thiase dionysiaque qui déchiquetèrent le corps d’Orphée, selon certaines versions du mythe) et les Érinyes de la mythologie grecque ou les Furies de la mythologie latine, déesses de la vengeance qui poursuivirent Oreste après qu’il eut tué sa mère. Sauf mention contraire, les citations sont traduites par l’auteure de l’article.

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2

Voir par exemple Pier Paolo Pasolini, « Le véritable fascisme et donc le véritable antifascisme » [1974], Écrits corsaires (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987, p. 77 (« omologazione » est traduit par « nivellement »).

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3

Nous revenons plus loin sur les séquences de discussion avec les étudiants africains de Rome.

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4

« J’ai expérimenté le “film à faire” en Inde, il y a quelque temps. Je suis allé en Inde avec un sujet de film […]. Telle était l’idée du film. Et ainsi je suis allé en Inde faire une sorte d’enquête pour voir si cette idée était fondée ou non. […] En est sorti un film qui en a conservé la trame [la trame du projet initial] : la trame est bien là, l’histoire est là, mais comme trame “à faire”. C’est cette expérience, que j’ai faite involontairement, en Inde, que je voudrais élargir. » Pier Paolo Pasolini, entretien avec Lino Peroni, Inquadratura, no 15-16, 1968, repris dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 3116. Des cinq films prévus, seuls seront tournés les Notes pour un film sur l’Inde et le Carnet de notes pour une Orestie africaine. Nous revenons plus loin sur ce projet.

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5

Pier Paolo Pasolini, La Divine Mimésis [1975] (trad. D. Sallenave), Paris, Flammarion, 1980, p. 71-72.

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6

La prise de vue, en 35 mm, était le plus souvent faite par Pasolini, assisté de Giorgio Pelloni, Mario Bagnato et Emore Galeassi, sans doute à des moments différents. Je remercie Roberto Chiesi de m’avoir rapporté le contenu de ses entretiens avec le producteur du film, Gian Vittorio Baldi, et avec Dacia Maraini, compagne de ces voyages pasoliniens en Afrique (avec également Alberto Moravia et Ninetto Davoli et, pour celui de l’hiver 1969, Maria Callas). Dans sa biographie de Pasolini, Nico Naldini évoque aussi un tournage à l’été 1969, au cours de la réalisation de Médée, mais ni Gian Vittorio Baldi ni Dacia Maraini ne l’ont jamais mentionné et, étant donné l’intensité du travail sur Médée, que Pasolini devait avoir fini pour décembre 1969, il est plus vraisemblable que les prises de vue aient eu lieu aux hivers 1968-1969 et 1969-1970 (échange par mail avec Roberto Chiesi, 9 juillet 2021). Les séquences romaines – la prophétie de Cassandre en free jazz et le débat avec les étudiants de l’Université La Sapienza – furent certainement tournées début 1970 : c’est attesté pour le débat, puisque Pasolini parle aux étudiants de « l’Afrique d’aujourd’hui, de 1970 ». Voir aussi Roberto Chiesi, « Pasolini et la “nouvelle forme” du Carnet de notes pour une Orestie africaine », livret d’accompagnement du dvd du Carnet de notes pour une Orestie africaine, édité par Carlotta Films, 2009, p. 8-14.

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7

En 1961, Alberto Moravia, récemment élu président de l’association d’écrivains PEN International, est invité par sa branche indienne, à participer à un congrès à Bombay en l’honneur de l’écrivain, peintre et compositeur Rabindranath Tagore. Comme le souligne Pieter Vanhove, ce voyage s’inscrit donc d’abord dans un contexte diplomatique (voir Pieter Vanhove, « Pier Paolo Pasolini’s “Bandung Man” : The Indian and African Documentaries” », Senses of Cinema, n° 77, décembre 2015 ; sur le rôle joué par Alberto Moravia à la tête de cette organisation culturelle et littéraire fondée en 1921 à Londres, dans le nouveau contexte de décolonisation, on peut également consulter son dernier ouvrage : Pieter Vanhove, World Literature After Empire. Rethinking Universality in the Long Cold War, Londres-New York, Routledge, 2021). Alberto Moravia se rend en Inde avec son ami Pier Paolo Pasolini ; sa compagne Elsa Morante les rejoint un peu plus tard. Ils restent six semaines en Inde, puis Pasolini et Moravia se rendent au Kenya, suivant un itinéraire établi par Moravia (Nico Naldini, Pasolini, biographie [1989] (trad. R. de Ceccatty), Paris, Gallimard, 1991, p. 242). À leur retour, les deux écrivains publient une série d’articles sur l’Inde dans des journaux italiens, Moravia dans Il Corriere della sera et Pasolini dans Il Giorno, publiés peu après en volumes : Pier Paolo Pasolini, L’Odeur de l’Inde [1962] (trad. R. de Ceccatty), Paris, Gallimard, 2008, et Alberto Moravia, Une certaine idée de l’Inde [1962] (trad. I. Marsiglio), Paris, Arléa, 2008.

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8

Description de Pier Paolo Pasolini dans Qui je suis [1980] (trad. J.-P. Milelli), Paris, Arléa, 1999, p. 17-18, poème sans doute écrit en 1966 et publié de manière posthume.

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9

Pour le détail des voyages effectués par Pasolini au cours de sa vie, on peut consulter la chronologie établie par son cousin : Nico Naldini, « Cronologia », in Pier Paolo Pasolini, Tutte le poesie (éd.W. Siti), t. I, Milan, Mondadori, 2003, p. LXI-CXXVI.

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10

Pier Paolo Pasolini, Poésie en forme de rose [1964] (éd. et trad. R. de Ceccatty), Paris, Rivages, 2015.

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11

Entretien de Pier Paolo Pasolini avec Luigi Biamonte, Il Paese, 25 février 1962, cité dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 3052. Le petit sujet est publié sous le titre È bello uccidere il leone (Filmselezione, juillet-août 1962) et le traitement paraît en 1967 dans deux numéros de la revue Cinema e film (n° 3 et 4, été et automne 1967), tous deux repris dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001, p. 265-325. Le traitement est traduit en français : Pier Paolo Pasolini, Le Père sauvage [1967] (trad. J. Guidi), Paris, Les Formes du secret, 1980.

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12

Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 3052.

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13

Le terme « borgate » est un terme très générique qui désigne des zones alors périphériques de Rome, quartiers (sous-)prolétaires allant du bidonville aux borgate d’Etat, faites de grands immeubles du type HLM construits par le fascisme au cours des grands travaux urbanistiques du centre de Rome. Elles sont le lieu principal de toute l’œuvre littéraire de Pasolini à partir de son arrivée à Rome en 1950, et notamment de son roman Ragazzi di vita, puis de ses premiers films, Accattone, Mamma Roma, La Ricotta.

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14

Pier Paolo Pasolini, « Il pianto della scavatrice », Le Ceneri di Gramsci [1957], Tutte le poesie (éd. W.  Siti), t. I, Milan, Mondadori, 2003, p. 837-838.

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15

Pier Paolo Pasolini, « Fragment à la mort », La Religion de mon temps [1961] (éd. et trad. R. de Ceccatty), Paris, Rivages, 2020, p. 282-289.

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16

Pier Paolo Pasolini, Lettere (éd. N. Naldini), t. II : 1955-1975, Turin, Einaudi, 1988, p. 494.

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17

Pier Paolo Pasolini, « Salinari : risposta e replica » [1961], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 978.

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18

Arthur Rimbaud, « Lettre à Paul Demeny » (dite « Lettre du Voyant », 15 mai 1871), Œuvres complètes (éd. A. Guyaux et A. Cervoni), Paris, Gallimard, 2009, p. 344-346.

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19

Enzo Siciliano, Pasolini, une vie [1978] (trad. J. Joly et E. Genevois), Paris, Éditions de la différence, 1983, p. 68 et Nico Naldini, Pasolini, biographie [1989] (trad. R. de Ceccatty), Paris, Gallimard, 1991, p. 24. À Jon Halliday, Pasolini dira que son détachement vis-à-vis de la société fasciste fut d’abord ingénu, culturel, lié à ses lectures de Dostoïevski, Shakespeare, Rimbaud, les poètes hermétiques (Pier Paolo Pasolini, Pasolini su Pasolini, Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 1290).

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20

Voir par exemple Pier Paolo Pasolini, « La lingua scritta della realtà » [1966] et « Appendice. Battute sul cinema » [1966-1967], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 1503-1540 et 1541-1554.

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21

Pier Paolo Pasolini, « Testimonianza per i 121 » [1960], Pasolini su Pasolini [1969], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 738-739. Les citations qui suivent en sont extraites.

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22

Poésie commencée en 1962, qui figurait dans la première édition de Poésie en forme de rose en 1964, puis supprimée de recueil et reprise dans Alì aux yeux bleus (Pier Paolo Pasolini, « Profezia », Alì dagli occhi azzurri [1965], Romanzi e racconti (éd. W. Siti et S. De Laude), t. II, Milan, Mondadori, 1998, p. 859-864).

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23

Pier Paolo Pasolini, « Traitement », La Rage (trad. P. Atzei et B. Casas), Nous, 2014, p. 15-20. Les citations qui suivent en sont extraites.

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24

Giovanna Trento, Pasolini e l’Africa, l’Africa di Pasolini. Panmeridionalismo e rappresentazioni dell’Africa postcoloniale, Milan, Mimesis, 2010, p. 211-219.

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25

Silvana Patriarca, « “Gli italiani non sono razzisti”: costruzioni dell’italianità tra gli anni Cinquanta e il 1968 », in Gaia Giuliani (dir.), Il colore della nazione, Florence, Le Monnier, 2015, p. 32-45.

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26

Entretien de Pier Paolo Pasolini avec M. Liverani, Paese sera, 14 avril 1963, repris dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 3066-3067.

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27

Sur les difficultés rencontrées par Pasolini pour ce film, voir Roberto Chiesi, « Pasolini et la “nouvelle forme” du Carnet de notes pour une Orestie africaine », livret d’accompagnement du dvd du Carnet de notes pour une Orestie africaine, édité par Carlotta Films, 2009, p. 8-14.

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28

Avant Pasolini, Gianni Amico avait déjà associé dans un film le jazz et la question politique d’une part, la forme des « notes » d’autre part, dans deux courts-métrages : Noi insistiamo ! Suite per la libertà subito (1964) et Appunti per un film sul jazz (1965). L’année du tournage de l’Orestie africaine, Pasolini fait justement partie des cinéastes que Gianni Amico interroge dans son film sur le néoréalisme, Il cinéma della realtà.

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29

Pier Paolo Pasolini, entretien avec Lino Peroni, Inquadratura, n° 15-16, automne 1968, repris dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2935-2936. Notons que Pasolini maintient ici le nom de Cassius Clay, pourtant rebaptisé Mohammed Ali en 1964, alors qu’il rejoint l’organisation Nation of Islam.

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30

Pier Paolo Pasolini, Appunti per un poema sul Terzo Mondo [1981], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2679-2686. Les citations qui suivent en sont extraites.

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31

Le Folk studio est un club fondé en 1961 à Rome, dans le quartier populaire du Trastevere. Il s’agissait à l’origine de l’atelier du peintre, acteur et musicien afro-américain Harold Bradley, où divers artistes avaient pris l’habitude de se réunir. Le club est un lieu historique de la scène musicale – jazz, entre autres – italienne.

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32

Michael Hardt, Antonio Negri, Multitude. War and Democracy in the Age of Empire, New York, Penguin Books, 2004, p. 127-129.

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33

Pier Paolo Pasolini, L’Odeur de l’Inde [1962] (trad. R. de Ceccatty), Paris, Gallimard, 2008.

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34

Pier Paolo Pasolini, « La Resistenza negra » [1961], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. II, Milan, Mondadori, 1999, p. 2353.

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35

Pier Paolo Pasolini, « Bandung capitale di mezza Italia » [1961], I dialoghi (éd. G. C. Ferretti), Rome, Editore Riuniti, 1992, p. 157.

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36

Dans le poème « La Guinée », la négritude est déplacée en Italie (Pier Paolo Pasolini, « La Guinée », Poésie en forme de rose [1964] (éd. et trad. R. de Ceccatty), Paris, Rivages, 2015, p. 59). Pasolini en retient surtout la dimension transcontinentale, ce qui l’autorise ensuite à identifier l’Afrique ou le « Noir » ailleurs que sur le continent africain – en Italie par exemple – en même temps qu’il déplace, dans un geste politique qui lui est propre, le contenu des termes « Afrique » ou « noir » vers l’idée de subalterne (sous l’influence de Gramsci), puis plus largement de « différent ».

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37

Cesare Casarino, « The Southern Answer : Pasolini, Universalism, Decolonization », Critical Inquiry, vol. 36, n° 4, 2010 , p. 681. Voir aussi Luca Caminati, « “Seuls les marxistes aiment le passé” : le tiers-mondisme de Pier Paolo Pasolini dans le genre des appunti », in J. Paquette, S. Mariniello (dir.), Pasolini, cinéaste civil, CINéMA, vol. 27, n° 1, 2016, p. 57-75 ; Giovanna Trento, Pasolini e l’Africa, l’Africa di Pasolini. Panmeridionalismo e rappresentazioni dell’Africa postcoloniale, Milan, Mimesis, 2010, p. 211-249.

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38

Cesare Casarino, « The Southern Answer : Pasolini, Universalism, Decolonization », Critical Inquiry, vol. 36, n° 4, 2010, p. 678.

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39

Antonio Gramsci, « Quelques thèmes de la question méridionale » [1926], Écrits politiques, textes choisis (éd. Robert Paris), vol. 3, Paris, Gallimard, 1980, p. 330.

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40

Giovanna Trento, Pasolini e l’Africa, l’Africa di Pasolini. Panmeridionalismo e rappresentazioni dell’Africa postcoloniale, Milan, Mimesis, 2010, p. 72-84.

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41

Pier Paolo Pasolini, « Développement et progrès », Écrits corsaires [1975] (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987, p. 227.

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42

Sur la « Préhistoire » et la « nouvelle Préhistoire », on peut voir par exemple son entretien avec des étudiants du Centro Sperimentale di Cinematografia : « Una visione del mondo epico-religiosa » [1964], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2851-2856. Il faut néanmoins préciser que la Préhistoire africaine n’est pas du tout univoque chez Pasolini et que deux conceptions alternent voire se superposent (comme c’est le cas dans l’Orestie africaine), entre âge d’or d’un monde lié à la nature et univers sauvage, barbare et violent. Mais cette barbarie là, qui doit pour Pasolini être surmontée, n’en est pas moins « aimable » car elle relève du rapport de ce monde au sacré.

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43

La conception pasolinienne de l’Afrique est indissociable de ses lectures d’histoire des religions, et de Mircea Eliade en particulier, qui est une des sources principales de son film Médée (1969), réalisé en même temps que l’Orestie africaine.

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44

Voir Pier Paolo Pasolini, « La Resistenza negra » [1961], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. II, Milan, Mondadori, 1999, p. 2344-2355.

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45

Cesare Casarino, « The Southern Answer : Pasolini, Universalism, Decolonization », Critical Inquiry, vol. 36, n° 4, 2010, p. 687-688.

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46

Pier Paolo Pasolini, « M. Daniel – A. Baudry : Gli omosessuali » [1974], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 494.

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47

Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2635-2642. Pour la traduction française, Pier Paolo Pasolini, Le Voyage à Cythère (trad. H. Joubert-Laurencin), in D. Bax (dir.), Théâtres au cinéma, n° 11 : « Pier Paolo Pasolini, Alberto Moravia », Bobigny, Magic Cinema, 2000, p. 63-65, traduction légèrement modifiée (« exaspération » remplacée par « rage » pour traduire « rabbia », mot fondamental chez Pasolini).

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48

Pier Paolo Pasolini, « Poésies mondaines », Poésie en forme de rose [1964] (éd. et trad. R. de Ceccatty), Paris, Rivages, 2015, p. 75.

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49

Pier Paolo Pasolini, « Intervento sul discorso libero indiretto » [1965], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 1356-1357.

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50

Pier Paolo Pasolini, « Una diversa esperienza vitale » [1965], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 828-829.

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51

Franco Fortini, Attraverso Pasolini, Turin, Einaudi, 1993, p. 22. Les vers cités sont issus du poème « L’humble Italie » du recueil poétique Les Cendres de Gramsci.

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52

Pasolini associe la « pensée sauvage » à une expérience vitale ayant la religion pour caractéristique principale. Il a lu et cite souvent Claude Lévi-Strauss et, comme toujours, il réélabore ses lectures à l’intérieur de son propre système de pensée : ici, il part de son travail sur le totémisme pour penser, « avec un peu de folie », son propre « totémisme stylistique », entendu comme intégration des contraires.

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53

Pier Paolo Pasolini, « Le ceneri di Gramsci », Le Ceneri di Gramsci [1957], Tutte le poesie (éd. W. Siti), t. I, Milan, Mondadori, 2003, p. 820.

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54

Pier Paolo Pasolini, « Perché siamo tutti borghesi » [1968], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 1653.

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55

Pier Paolo Pasolini, La Religion de mon temps [1961] (éd. et trad. R. de Ceccatty), Paris, Rivages, 2020, p. 235.

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56

Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 586. Sur la notion de minorité chez Pasolini, voir René Schérer, « Langues et politiques mineures », in R. Schérer, G. Passerone (dir.), Passages pasoliniens, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2006, p. 53-80 ; Léa Passerone, « “J’affirme un besoin déchirant de minorités alliées” : pensée et poétique du minoritaire chez Pasolini », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 30, 2016 [en ligne]. 

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57

Pier Paolo Pasolini, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique [1976] (trad. A. Rocchi Pullberg), Paris, Le Seuil, 2002, p. 227.

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58

Voir par exemple Pier Paolo Pasolini, « Étude sur la révolution anthropologique en Italie » [1974] et « Le génocide » [1974], Écrits corsaires [1975] (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987, p. 69-75 et 260-266.

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59

Pier Paolo Pasolini, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique, trad. A. Rocchi Pullberg, Paris, Le Seuil, 2002, p. 230.

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60

Pier Paolo Pasolini, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique, trad. A. Rocchi Pullberg, Paris, Le Seuil, 2002, p. 232.

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61

Pier Paolo Pasolini, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique, trad. A. Rocchi Pullberg, Paris, Le Seuil, 2002, p. 221.

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62

Pier Paolo Pasolini, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique, trad. A. Rocchi Pullberg, Paris, Le Seuil, 2002, p. 233.

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63

Voir Anto Bierl, L’Orestea di Eschilo sulla scena moderna. Concezioni tecniche e realizzazione sceniche [1996] (trad. L. Zenobi), Rome, Bulzoni, 2004, chapitre 2.

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64

Pier Paolo Pasolini, Pétrole [1992] (trad. R. de Ceccatty), Paris, Gallimard, 2006, p. 155. Roman inachevé et posthume.

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65

Mark D. Usher, « An African Oresteia : Field Notes on Pasolini’s Appunti per un’Orestiade Africana », Arion. A Journal of Humanities and the Classics, vol. 21, n° 3, 2014, p. 116.

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66

Eschilo, Orestiade, « Quaderni del Teatro Popolare Italiano », Einaudi, Torino, 1960. Pier Paolo Pasolini, « Lettera del traduttore » [1960], Teatro (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 2001, p. 1007-1009. Pasolini écrit avoir travaillé à partir des traductions de Paul Mazon, George Thomson et Mario Untersteiner.

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67

Massimo Fusillo souligne le caractère schématique et erroné de ce filtre d’interprétation marxiste (Massimo Fusillo, La Grecia secondo Pasolini. Mito e cinema, Rome, Carocci, 2007, p. 143).

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68

Pier Paolo Pasolini, « Nota per l’ambientazione dell’Orestiade in Africa » [1978], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), Milan, Mondadori, 2001, p. 1199-1201 (texte traduit par Nathalie Bouyssès dans le livret d’accompagnement du dvd du Carnet de notes pour une Orestie africaine, édité par Carlotta Films, 2009).

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69

Pier Paolo Pasolini, « Lettera del traduttore » [1960], Teatro (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 2001, p. 1009 (nous soulignons).

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70

Sur les usages du rapprochement Grèce/ Afrique, en particulier dans le contexte italien, voir Giovanna Trento, Pasolini e l’Africa, l’Africa di Pasolini. Panmeridionalismo e rappresentazioni dell’Africa postcoloniale, Milan, Mimesis, 2010. p. 179-192. Plus largement, sur l’appropriation culturelle de la Grèce antique, voir l’introduction de Michael Lucken, Le Japon grec. Culture et possession, Paris, Gallimard, 2019.

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71

Salvatore Settis, Le Futur du classique [2004] (trad. J.-L. Defromont), Paris, Liana Levi, 2005, notamment p. 151-168.

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72

Pier Paolo Pasolini, Le Père sauvage [1967] (trad. J. Guidi), Paris, Les Formes du secret, 1980, p. 10.

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73

Anne-Violaine Houcke, « Pasolini, années 1940-1942 : généalogie d’une poétique antifasciste », in J. Paquette, S. Mariniello (dir.), Pasolini, cinéaste civil, CINéMA, vol. 27, n° 1, 2016, p. 21-37.

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74

Pier Paolo Pasolini, « … une force du passé… » [1962], Dialogues en public : 1960-1965 (éd. G. C. Ferretti, trad. F. Dupuigrenet Desroussilles), Paris, Éditions du Sorbier, 1980, p. 125.

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75

Pier Paolo Pasolini, entretien avec Lino Peroni, Inquadratura, n° 15-16, 1968, repris dans Pier Paolo Pasolini, Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2935.

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76

Pier Paolo Pasolini, Entretiens avec Jean Duflot [1970], Paris, Gutenberg, 2006, p. 109.

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77

Pier Paolo Pasolini, Théorème [1968] (trad. J. Guidi), Paris, Gallimard, 2008, p. 62.

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78

Pier Paolo Pasolini, Storia indiana [1979], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001, p. 1075.

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79

Pier Paolo Pasolini, Storia indiana [1979], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001, p. 1076.

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80

Plusieurs auteurs ont relevé l’importance de cette séquence dans le dispositif analogique : voir notamment Maurizio Viano, qui écrit qu’elle fonctionne comme un « antidote contre le colonialisme culturel » (Maurizio Viano, A Certain Realism. Making Use of Pasolini’s Film Theory and Practice, Berkeley, University of California Press, 1993, p. 252). Voir aussi Luca Caminati. Orientalismo eretico, Pier Paolo Pasolini e il cinema del Terzo Mondo, Milan, Mondadori, 2007, p. 72-75.

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81

Par exemple Pier Paolo Pasolini, « Nell’Africa nera resta un vuoto fra i milleni » [1970], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999, p. 207-212.

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82

Stuart Hall, « Cultural Identity and Cinematic Representation », Framework. The Journal of Cinema and Media, 1989, n° 36, p. 69.

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83

Frantz Fanon, Les Damnés de la terre [1961], Paris, La Découverte & Syros, 2002, p. 201.

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84

Stuart Hall, « Cultural Identity and Cinematic Representation », Framework. The Journal of Cinema and Media, n° 36, 1989, p. 70.

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85

Stuart Hall, « Cultural Identity and Cinematic Representation », Framework. The Journal of Cinema and Media, n° 36, 1989, p. 75.

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86

Hervé Joubert-Laurencin, Pasolini, Portrait du poète en cinéaste, Paris, Cahiers du cinéma, 1995, p. 217-218.

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87

La question de l’anthropologie partagée dans la pratique de Jean Rouch est néanmoins également un sujet de débat, et on peut souligner qu’il fut également l’objet, notamment dans ce contexte d’émergence d’un cinéma africain indépendant, des critiques d’intellectuels et de cinéastes africains (voir par exemple Paul Henley, L’aventure du réel : Jean Rouch et la pratique du cinéma ethnographique [trad. J. Hauzeur], Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020 [2009], p. 456-458).

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88

Conférence d’Edgar Morin au Centre Pompidou (1980), citée par Isabelle Veyrat Masson, Télévision et histoire la confusion des genres : docudramas, docufictions et fictions du réel, Bruxelles, De Boeck-INA, 2008, p. 208.

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89

Conférence d’Edgar Morin au Centre Pompidou (1980), citée par Isabelle Veyrat Masson, Télévision et histoire la confusion des genres : docudramas, docufictions et fictions du réel, Bruxelles, De Boeck-INA, 2008, p. 208.

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90

Luca Caminati parle ainsi de la « construction d’une réalité qui tient présents les débris des vieux stéréotypes, et le poids des images » (Orientalismo eretico, Pier Paolo Pasolini e il cinema del Terzo Mondo, Milano, Mondadori, 2007, p. 61).

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91

Pier Paolo Pasolini, « Lettera del traduttore » [1960], Teatro (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 2001, p. 1007.

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92

Pier Paolo Pasolini, « Arte e divulgazione » [1956], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 659-661.

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93

Pier Paolo Pasolini, Appunti per un poema sul Terzo Mondo [1981], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001, p. 2681.

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94

Pier Paolo Pasolini, Entretiens avec Jean Duflot [1970], Paris, Gutenberg, 2006, p. 71.

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95

Pier Paolo Pasolini, Entretiens avec Jean Duflot [1970], Paris, Gutenberg, 2006, p. 74.

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96

Pier Paolo Pasolini, « Pasolini ne triche pas avec le public », Jeune cinéma, n° 74, novembre 1973, p. 9-12.

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97

Pier Paolo Pasolini, Teatro (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 2001, p. 315-317.

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98

Norman O. Brown, Le Corps d’amour, Paris, Denoël, 1967, cité par Davide Luglio dans son étude du fonctionnement métaphorique de Porno-Théo-Kolossal (Davide Luglio, « Introduction », in Pier Paolo Pasolini, Porno-Théo-Kolossal (éd. D. Luglio, trad. H. Joubert-Laurencin), Paris, Mimésis, 2016, p. 28).

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99

Stuart Hall, « Cultural Identity and Cinematic Representation », Framework. The Journal of Cinema and Media, n° 36, 1989, p. 74.

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100

Pier Paolo Pasolini, « La fine dell’avanguardia » [1966], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 1422-1423.

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101

Pier Paolo Pasolini, « La fine dell’avanguardia » [1966], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999, p. 1424-1425. La traduction de « canone sospeso » par « de style suspendu » est d’Hervé Joubert-Laurencin, dans son article sur la notion de suspension chez Pasolini : « Pasolini-Barthes : engagement et suspension de sens », Studi pasoliniani, n° 1, 2007, p. 55-67.

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102

Pier Paolo Pasolini, L’Inédit de New York. Entretien avec Giuseppe Cardillo [2005] (trad. A. Bourguignon), Paris, Arléa, 2008, p. 82.

Bernal Martin, Black Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique (trad. M. Menget, N. Genaille), 2 vol., Paris, PUF, 1996 et 1999 [1987 et 1991].

Bierl Anto, L’Orestea di Eschilo sulla scena moderna. Concezioni tecniche e realizzazione sceniche [1996] (trad. L. Zenobi), Rome, Bulzoni, 2004.

Caminati Luca, Orientalismo eretico, Pier Paolo Pasolini e il cinema del Terzo Mondo, Milan, Mondadori, 2007.

 

—, « “Seuls les marxistes aiment le passé” : le tiers-mondisme de Pier Paolo Pasolini dans le genre des appunti », in J. Paquette, S. Mariniello (dir.), Pasolini, cinéaste civil, CINéMA, vol. 27, n° 1, 2016, p. 57-75.

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—, « Una visione del mondo epico-religiosa » [1964], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001.

 

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—, « La lingua scritta della realtà » [1966], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999.

 

—, « Appendice. Battute sul cinema » [1966-1967], Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999.

 

—, « Perché siamo tutti borghesi » [1968], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999.

 

—, Théorème [1968] (trad. J. Guidi), Paris, Gallimard, 2008.

 

—, « Nell’Africa nera resta un vuoto fra i milleni » [1970], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999.

 

—, Empirismo eretico [1972], Saggi sulla letteratura e sull’arte (éd. W. Siti et S. De Laude), t. I, Milan, Mondadori, 1999.

 

—, Le Père sauvage [1967] (trad. J. Guidi), Paris, Les Formes du secret, 1980.

 

—, « Intervista rilasciata a Lino Peroni » [1968], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. II, Milan, Mondadori, 2001.

 

—, Pasolini su Pasolini [1969], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999.

 

—, Entretiens avec Jean Duflot [1970], Paris, Gutenberg, 2006.

 

—, « Pasolini ne triche pas avec le public », Jeune cinéma, n° 74, novembre 1973.

 

—, « M. Daniel – A. Baudry : Gli omosessuali » [1974], Saggi sulla politica e sulla società (éd. W. Siti et S. De Laude), Milan, Mondadori, 1999.

 

—, « Étude sur la révolution anthropologique en Italie » [1974], Écrits corsaires [1975] (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987.

 

—, « Le génocide » [1974], Écrits corsaires [1975] (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987.

 

—, « Le véritable fascisme et donc le véritable antifascisme » [1974], Écrits corsaires (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987.

 

—, « Développement et progrès », Écrits corsaires [1975] (trad. P. Guilhon), Paris, Flammarion, 1987.

 

—, « Intervention au congrès du Parti radical » [1975], Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique [1976] (trad. A. Rocchi Pullberg), Paris, Le Seuil, 2002.

 

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—, « Nota per l’ambientazione dell’Orestiade in Africa » [1978], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001.

 

—, Storia indiana [1979], Per il cinema (éd. W. Siti et F. Zabagli), t. I, Milan, Mondadori, 2001.

 

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