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La civilité de l’oppression

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Pour aller plus loin

En 1989, la chute du mur de Berlin fut interprétée comme une victoire des « sociétés civiles » sur les États bureaucratiques et autoritaires communistes. Les programmes de démocratisation des anciennes républiques populaires, mis en œuvre dans les mois et les années qui suivirent, s’appuyèrent ce nouvel acteur collectif aussi flou qu’imprécis afin de libéraliser et de réformer des appareils d’État centralisés. Adoptée dans une acception librement inspirée d’une philosophie politique, remise au goût du jour dans les années 19701, envisageant la société civile comme l’ensemble des initiatives sociales faisant contrepoids à la domination de l’État, la notion fut appropriée par une grande diversité d’acteurs et d’institutions engagés dans les programmes de transition démocratique : États et organisations internationales, entreprises et associations, médias et académies…

Toutefois, cette appropriation multiple et globalisée de l’idée de société civile ne s’est pas accompagnée mécaniquement du développement tant espéré de démocraties libérales2. Contrairement aux attendus initiaux, dans le monde de l’après-guerre froide, de l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe et l’Amérique, des hybridations autoritaires s’inventent même en son nom : de nombreux gouvernements mettent ainsi en scène leur coopération avec les représentants de la « société civile » pour se légitimer. Aux yeux des sociologues critiques, ces appropriations hétérodoxes signent l’émergence de nouvelles formes de domination politique ou de nouvelles disciplines dans le monde3. Pour Jean-François Bayart, la société civile n’est finalement plus qu’un mot de « pidgin », « une ingénierie des relations internationales qui permet aux acteurs d’un monde hétérogène de globaliser de concert »4.

Au-delà de cette critique, comment penser les usages irréguliers d’une notion si consensuelle ? Les acteurs qui se revendiquent de la société civile soulignent les vertus civilisatrices qu’ils associent à ce label. Qu’ils représentent l’État ou le public, cette référence commune traduit leurs aspirations à l’apaisement des radicalités, à l’effacement de l’affrontement politique et à la recherche de compromis. Analyser ces usages permet de penser l’adoucissement des mœurs politiques qui s’élabore en référence à la société civile, au risque de l’évaporation de la critique, dans une nouvelle « civilité de l’oppression »5.

Le consensus démocratique autour de l’idée de société civile

Dans les programmes de coopération des organisations internationales, l’existence d’une société civile, généralement définie comme l’ensemble des groupes intermédiaires non lucratifs aptes à contrebalancer le pouvoir de l’État, est envisagée comme une condition nécessaire, voire suffisante, au fonctionnement des États démocratiques. Le consensus qui entoure la notion rassemble tant les partisans de la démocratie libérale que ceux du capitalisme marchand. Forte de ces soutiens, la société civile est devenue le concept doux de la bienséance démocratique6 qu’il est indélicat de critiquer dans l’espace public occidental : une référence commune apte à fédérer de nombreux groupes et personnes revendiquant leur appartenance aux mondes du civisme et du marché7. Elle constitue un point de convergence des acteurs étatiques et des citoyens dans les sociétés industrielles acquises à la modernité.

Cette appropriation semble d’autant plus aisée qu’elle s’appuie sur l’hétérogénéité d’une notion « dont personne n’a le monopole ni de sa définition ni de sa représentation » : de fait, le contenu de cette catégorie varie au gré des interactions entre les acteurs qui l’emploient8. Par simplification, elle se réduit généralement au monde des organisations non-gouvernementales. Dans la Russie post-soviétique, dont l’exemple est proposé à l’appui de la démonstration tout au long de cette notice, l’idée de société civile a ainsi été importée dans le cadre des programmes de démocratisation et de passage au marché engagés au début des années 1990 en rupture avec l’expérience soviétique. Elle est devenue depuis une référence communément utilisée dans l’espace public russe, présente jusque dans le nouveau projet autoritaire.

Le consensus politique

Durant le xxe siècle, le concept de société civile est longtemps resté marginal, supplanté par des modèles de développement centrés sur l’État et dominés par les conceptions marxistes et libérales du changement social et du développement9. En Europe occidentale, la réhabilitation de cette idée est un phénomène relativement récent qui remonte aux années 1960 et 197010. Empruntée à la philosophie politique, elle se diffuse alors dans le monde de la presse, des associations et de la politique. Conçue comme un ensemble de pratiques sociales aptes à limiter le pouvoir de l’État, légitimée par une critique des structures bureaucratiques, la notion de société civile est appropriée par les socialistes non-totalitaires – les partisans de l’autogestion, notamment, y voient le lieu de la vie sociale effective, à travers les associations et les groupements de citoyens – comme par les libéraux (ou néo-libéraux)11.

The delegation from a provincial city on the Red Square, in Moscow, in 1956.

Les provinciaux sur la Place Rouge à Moscou, en 1956.

Dans l’Est de l’Europe, la référence à la société civile devient un concept de ralliement12 pour les militants anti-communistes qui entendent faire de la « politique non politique ». Le succès des mobilisations massives dans les rues des capitales centre-est-européennes, qui permettent la chute des régimes communistes, couronne ces stratégies. Après la disparition du mur de Berlin, l’accord autour de la notion s’étend à l’ensemble d’un monde désormais unifié au sein d’un projet politique et économique commun, laissant entrevoir une possible « fin de l’histoire ». Si cette dernière a été rapidement démentie, en lien avec les entreprises de critique de la notion de « transition démocratique »13, le concept de société civile, lui, a échappé aux griefs. Il est demeuré le symbole d’un engagement collectif idéal à encourager.

Le consensus marchand

La notion de société civile est aussi intimement liée au nouveau capitalisme. Si, dans les démocraties occidentales, elle apparaît comme une perspective de régénération de la vie politique, elle renvoie à l’Est non seulement aux libertés civiles et politiques mais aussi à la propriété privée et au marché14.

Vladimir I. Lénine, « Le parti socialiste et le révolutionnarisme sans parti » (décembre 1905)

 

« L’esprit sans-parti est l’expression du caractère bourgeois de notre révolution. La bourgeoisie ne peut pas manquer de souhaiter une absence de l'esprit de parti chez ceux qui se battent pour la liberté de la société bourgeoise. […] Dans une société fondée sur la division en classes, la lutte entre les classes antagonistes devient inévitablement une lutte politique qui se traduit par une lutte de partis. Faire preuve d’esprit sans –parti c’est être indifférent à la lutte des partis. Cette indifférence n’équivaut pas à la neutralité, car il ne peut y avoir de neutres dans une lutte de classe. Elle est un appui tacite donné au plus fort. […] Dans une société bourgeoise, être sans parti, c’est dissimuler hypocritement l’adhésion passive au parti des exploiteurs. L’indépendance envers le parti est une idée bourgeoise ; l’idée de parti est socialiste ».

Lénine devant une foule de soldats en partance pour la Pologne, à Moscou, le 5 mai 1920.

Lénine devant une foule de soldats en partance pour la Pologne, à Moscou, le 5 mai 1920.

Le développement d’institutions libérales non-étatiques (le marché et la société civile) doit permettre la réforme des économies planifiées. Des programmes volontaristes sont mis en œuvre pour favoriser l’apparition d’une classe moyenne, composée de petits propriétaires aptes à soutenir tant la démocratie que le marché libre. Les représentants de la société civile sont appelés à suppléer l’État qui externalise ainsi ses fonctions non régaliennes. Les institutions internationales, notamment les bailleurs de fonds multilatéraux, s’appuient sur ces acteurs (entreprises privées, coopératives, associations animées par des Églises, ONG)15 pour accélérer le développement et court-circuiter l’État. La promotion de la société civile est, par exemple, omniprésente dans les discours de la Banque mondiale sur les stratégies de lutte contre la pauvreté et les politiques d’empowerment (ou « encapacitation ») des populations, permettant la réduction des fonctions de l’État ainsi que le développement d’initiatives économiques et sociales de substitution.

La construction d’une société civile dans la Russie post-soviétique

En Russie, la notion de « société civile », utilisée par Lénine comme synonyme de « société bourgeoise », est absente du vocabulaire soviétique dans son acception antiautoritaire jusqu’à la perestroïka gorbatchévienne de la fin des années 1980. Cette absence ne signifie pas qu’il n’existe pas de critiques du pouvoir soviétique dans la société mais elles utilisent et sont désignées par d’autres termes. Les formes de protestation clandestines sont connues sous le nom de « dissidence », et plus exactement sous une catégorie indigène (« inakomisliachie » : ceux qui pensent différemment) ou par la notion de « sédition ». Après la chute du mur de Berlin, les cercles militants défiant le monopole de l’État-parti s’approprient le terme de « société civile » et abandonnent celui de « dissidence ». Utilisée par les partisans de la démocratie, du libéralisme et du passage au marché, la notion constitue une ressource nouvelle face au pouvoir en réforme. Elle appartient au lexique des institutions académiques, des organisations internationales et des démocraties occidentales et fait entrer les militants russes dans les cadres du militantisme international.

The members of the Helsinki Group in Moscow, the dissidents Yulia Vishnevskaya, Lyudmila Alexeyeva, Dina Kaminskaya and Kronid Lyubarsky, in Munich, in 1978.

Les membres du Groupe Helsinki de Moscou, les dissidents Yulia Vishnevskaya, Lyudmila Alexeyeva, Dina Kaminskaya et Kronid Lyubarsky à Munich, en 1978.

Le concept de société civile fait partie d’un ensemble de concepts qui « changent la réalité » pour reprendre les termes du sociologue russe Aleksandr Bikbov16. De nombreux militants s’engagent dans la formation d’associations non-gouvernementales capables de contrebalancer le pouvoir de l’État, comme l’association Mémorial (pour la réhabilitation des victimes du stalinisme et la défense des droits de l’homme), le Groupe Helsinki de Moscou (qui renaît de ses cendres après avoir été dissous durant la période soviétique), les comités de mères de soldats (qui luttent pour les droits des conscrits) et de nombreuses autres associations de défense des personnes17. Ces organisations sont bien insérées dans les programmes internationaux de développement de la société civile, plusieurs d’entre elles ayant un statut consultatif au Conseil économique et social de l’ONU. Les associations russes sont chargées de remplir des fonctions sociales autrefois remplies par l’État soviétique, dans le cadre d’un processus de libéralisation fondé sur la diminution du rôle redistributeur de l’État. Elles sont notamment plébiscitées pour leur capacité à remplir des fonctions non-régaliennes (dans les domaines de la culture, des loisirs, de l’aide sociale, etc.).

Les critiques de la domination par la « société civile »

Les espoirs d’universalisation du modèle des démocraties libérales, incarnés par le consensus autour de la notion de « société civile », ont cependant été rapidement déçus. De nouvelles tensions et de nouveaux autoritarismes voient le jour sous des formes et dans des contextes variés, en Europe ou ailleurs. Or, de manière qui peut sembler paradoxale, ces diverses constructions font souvent place à l’idée de société civile : les responsables de l’Union européenne, le roi du Maroc ou le président de la Fédération de Russie, pour ne prendre que ces exemples, affirment ainsi volontiers leur intention de renforcer la société civile dans leurs espaces respectifs18. Dans les régimes non pluralistes, cette appropriation surprend ; elle montre que cette notion est désormais déconnectée du projet démocratique.

Fort de ce constat, les sociologues critiques la considèrent comme un nouvel outil de la gouvernementalité contemporaine, et insistent sur le « processus inconscient et involontaire de production du pouvoir »19 qu’elle porte. Dans cette perspective, l’idée de société civile s’apparente à un concept de technologie gouvernementale, à une nouvelle « discipline ». « Au moment où la transitologie devenait une boîte à outils pour spécialistes d’ingénierie politique et faiseurs de démocratie, elle se muait en langage de pouvoir », souligne en ce sens Nicolas Guilhot20. Ainsi, « on peut alors être tenté de voir dans l’institutionnalisation de la “société civile internationale” moins l’affirmation d’une exigence démocratique ou l’émergence d’un espace public mondial de type habermassien que la mise en place d’une nouvelle “discipline” au sens foucaldien du terme, dans le cadre d’une gouvernementalité globale », remarque Béatrice Pouligny21. Cette référence est aussi critiquée en tant qu’outil de la dérégulation marchande : comme le consensus politique, le consensus marchand qui avait accompagné la généralisation de la notion s’est défait.

La critique démocratique

Les appropriations irrégulières de l’idée de société civile dans des États non démocratiques interrogent aussi les effets de discipline liés à cette notion dans les États démocratiques22 et conduisent à disjoindre société civile et démocratie libérale23. Les politistes soulignent les difficultés posées par la représentation de la société civile selon des procédés non-électifs. Dans des cadres nationaux (le Conseil économique et social en France)24 ou internationaux (le Conseil économique et social de l’Organisation des Nations-Unies), ses représentants sont généralement nommés, selon diverses modalités, directes ou indirectes. Qu’il s’agisse de « ministres issus de la société civile » ou de membres des « conseils de représentation de la société civile », ils ne sont donc pas soumis à l’onction du suffrage universel25 mais choisis pour les « services qu’ils ont rendus », nommés ou désignés par leurs pairs. Ils évoluent ainsi dans un monde distinct de celui des partis politiques et de la représentation électorale – la recherche d’un pouvoir légitime étant désormais déconsidérée26.

Les effets de ces procédés sont sujets à caution car « leur reconnaissance risque d’éclipser des institutions dont la légitimité est autrement assise : celle des parlements », note Jean-François Bayart27. En raison de ce défaut de légitimité électorale, les représentants de la société civile n’exercent le plus souvent que des fonctions consultatives et n’ont pas de voix contraignante dans le débat public. Cette déconnection facilite leur insertion dans de nombreux États non-pluralistes. Elle permet en effet la dé-partisation de l’espace public par la faible contrainte de représentativité qu’elle implique et la participation contrôlée de représentants de la société sans perspective d’alternance politique. Cette participation peut devenir une simple « technique managériale » permettant aux dirigeants d’asseoir leur pouvoir plutôt que de le partager28. C’est ainsi que la « société civile », définie comme une notion apolitique (non partisane) dans le cadre d’un idéal antipolitique, devient apte à fonder de nouvelles disciplines.

La critique marchande

La notion de société civile est aussi touchée par les critiques adressées au modèle marchand dans les sociétés contemporaines. De fait, ses représentants sont généralement acteurs des réformes de l’économie politique inspirées du néo-libéralisme, ils participent d’une « société de marché » où les principes de l’économie orientent et contraignent les comportements des organisations et des individus. Les groupes non-lucratifs génèrent des revenus commerciaux, sont en concurrence auprès des donateurs ou participent au développement de l’entrepreneuriat social29. Ils contribuent à l’extension de l’ordre économique libéral, que ce soit par leurs pratiques de sous-traitance de politiques publiques, leur contribution à la mise en place de programmes sociaux sur un mode résiduel ou leur implication dans l’économie du don.

Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011) : « He always votes for United Russia. On command, it will also give you a kick to the face »
Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011) : « We eat Russia. Soon we will eat it all »
Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011) : « Here's what the Great Wall of China would look like if it had been built by specialists of the United Russia Party.».

    

Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011)
Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011) : « "He voted for United Russia. Shame on him! Do not repeat the same mistake ! ».
Anti-governmental poster « Against the Crooks and Thieves Party » (2011) : « Before they put on your last pair of pants, vote against the Party of Scammers and Thieves ! "United Russia" / "Any other party". ».

Le « parti des escrocs et des voleurs » est une expression populaire en Russie qui fait référence au parti au pouvoir Russie dirigé par Dmitri Medvedev. L’expression a été popularisée par le blogueur et militant anti-corruption Alexeï Navalny en février 2011 et elle a été largement utilisée pendant la campagne pour les élections législatives de 2011. 

D’une part, le développement du Nouveau management public dans les administrations légitime les processus d’externalisation des fonctions d’État à des acteurs non-gouvernementaux au nom du principe de subsidiarité soutenu par les organisations internationales (Union européenne, Fonds monétaire international, Organisation mondiale du commerce, etc.)30. Ces délégations de compétences se mettent en place par l’intermédiaire de subventions publiques à des organisations associatives. Les acteurs de la société civile sont engagés dans des « partenariats publics-privés » favorisant le déclin de l’intervention de l’État. D’autre part, les nouvelles théories économiques reconnaissent les défaillances de la coordination marchande et posent l’exigence d’un tiers qui puisse y pallier31. Les institutions internationales, en quête de relégitimation face à la persistance de la pauvreté32, favorisent le retour à une conception « charitable » des associations pour adoucir les inégalités produites par le marché.

Ce dévoiement de l’idée de société civile est critiqué par des auteurs qui déplorent une « privatisation rampante de l’État »33. Ils renouent ainsi avec la critique de gauche, voire avec l’approche marxiste, qui réduisait la société civile à l’économie et à la société bourgeoise.

Les appropriations hétérodoxes de la notion de société civile dans la Russie autoritaire

La Russie est un cas symptomatique des usages hétérodoxes de la référence à la société civile qui s’accommode de la construction d’un État autoritaire. Le paradoxe russe interroge les usages coercitifs de cette notion et les nouvelles pratiques autoritaires qui en découlent dans des contextes sociaux libéralisés.

Dès le début des années 2000, le gouvernement russe, tout en réprimant les mobilisations critiques, affirme sa volonté de renforcer la société civile. En septembre 2013, Vladimir Poutine déclarait encore : « Il est particulièrement important pour nous que la société civile en Russie soit au maximum indépendante. Les organisations de bienfaisance, les organisations humanitaires exerçant des fonctions sociales importantes doivent bénéficier d’un soutien spécifique de l’État »34. Ces déclarations et ces références, abondantes depuis l’arrivée au pouvoir du président russe, s’accompagnent de la création d’institutions de représentation de la société civile chargées de fonctions consultatives (Forums civiques, Conseil pour les droits de l’homme, Chambre sociale, etc.). Non élues, elles sont composées de personnalités nommées, directement ou indirectement, par le pouvoir exécutif. Lors de la création de la Chambre sociale en 2005, Vladimir Poutine affirmait : « Il est évident que les membres de la Chambre doivent être des citoyens bénéficiant d’un large soutien social, d’une autorité personnelle et d’une influence sur la société […]. Ces personnes doivent être prêtes à effectuer un travail d’expertise et, ce qui n’est pas moins important, doivent être au maximum non engagées politiquement ».

Vladimir Poutine sur la société civile.

 

Discours à l’Assemblée fédérale, 26 mai 2004.

 

« Nos buts sont absolument clairs. Il s’agit d’améliorer le niveau de vie dans le pays, de garantir la sécurité, la liberté et le confort. Il s’agit de garantir une démocratie mûre et une société civile développée. Il s’agit de renforcer les positions de la Russie dans le monde. Et le plus important, je répète, est l’augmentation de bien être des citoyens ».

 

Discours devant le Conseil pour le développement de la société civile et les droits de l’homme près le Président, 1er octobre 2015

 

« Nos citoyens sont de plus en plus nombreux à participer à des projets sociaux et de bienfaisance, à s’engager dans des initiatives de solidarité sociale. Ce développement actif de la conscience civique est important et doit être soutenu ».

Vladimir Poutine à Moscou, le 3 octobre 2008. Source : Kremlin.ru 

 

Cette représentation non politique des acteurs de la société civile s’est accompagnée d’un processus de délégation de fonctions sociales et culturelles aux associations. L'État soutient massivement le développement de la bienfaisance et de la charité. Les associations sont invitées à contracter avec l’administration pour remplir différentes fonctions d’intérêt général en contrepartie de subventions publiques. Ainsi, l’usage de la catégorie « société civile » apparaît comme un outil de dépolitisation des relations entre la société et le gouvernement et de transfert de missions d’intérêt général à des acteurs à but non lucratif. Ce double usage conforte l’émergence de nouvelles formes de gouvernementalité dans cet État autoritaire.

La douceur oppressive d’une civilité commune

Face à ces usages hétérodoxes, voire « répugnants », de la référence à la société civile faut-il abandonner la notion ? Y consentir conduirait à négliger l’autonomie et la liberté de jugement des acteurs qui s’en emparent. En prenant au sérieux leurs arguments, il ne s’agit peut-être pas tant de dévoiler une gouvernementalité disciplinaire que de comprendre une sociabilité en recherche d’un gouvernement civilisé. Dans cette perspective, une anthropologie des pratiques sociales associées à la notion de société civile permet de reconsidérer par le bas les compromis et les arrangements permis par cette référence commune sans préjuger de ses effets démocratiques.

« To maintain justice, Putin should resign », Memorial association, petition.

(16 décembre 2010)

In connection with the accusations made by Putin during his address regarding the defendant Mikhail Khodorkovsky, members of the Human Rights Council of Russia have demanded the Prime Minister’s resignation.

“Today the head of government of the Russian Federation V. V. Putin committed two very serious offenses: ten days before the sentencing, speaking as an official he publicly put pressure on the justice system, saying that Khodorkovsky’s guilt had already been proved by the court; in addition he slandered Khodorkovsky, calling him a thief and indirectly accusing him of complicity in a number of murders.

Such behaviour sets a precedent for other government officials.

That Putin tried to cunningly disguise the quite unequivocal content of his speech changes nothing.

It is well known that those who benefited from the liquidation of the oil company “YUKOS” were people close to the Prime Minister. It is possible that this is the main explanation for his new speaking out.

We demand the immediate resignation of Putin. Without this, no serious conversation about the rule of law will be possible in our country.

We understand the complete naivety of our demand in the current political climate, but we consider it essential that our legal and civil position is brought to public attention.

We believe that after the return of Russia to the principles of law and democracy, justice will be brought to all those involved in the falsification of the “YUKOS” trials.

 

- Ludmila Alekseeva, Chair of Moscow Helsinki Group (MHG) and the Foundation For the Rights of Prisoners

- Sergei Kovalev, of the Public Commission for the Preservation of the Heritage of Academician A. D.Sakharov

- Svetlana Gannushkina, Chair of the Committee “Civic Assistance” and member of the Board of the Human Rights Centre “Memorial”

- Oleg Orlov, Chair of the Council of the Human Rights Centre “Memorial”

- Valeriy Borschev, member of  Moscow Helsinki Group (MHG) and of the Foundation “Social Partnership”

- Lev Ponomarev, All-Russian Movement “For Human Rights”

- Yurii Vdovin, “Civic Control” and member of the Human Rights Council of St Petersburg

- Lilia Shibanova, the association “Voice”

- Boris Zolotukhin, member of Moscow Helsinki Group (MHG)

- Fr. Gleb Yakunin, the Public Commission for Freedom of Conscience

Les bureaux de l’association « Pour les droits de l’homme » à Moscou, au printemps 2013.

Association Mémorial. Source : Françoise Daucé.

L’examen de situations concrètes permet d’envisager la notion de société civile comme lieu commun35 ou comme « convention partagée »36 permettant l’élaboration de coopérations entre divers acteurs. Au sein de ce travail de convergence, l’idée de « civilité », pour comprendre le qualificatif de « société civile », devient centrale. L’important n’est plus tant plus de mettre en exergue l’opposition entre l’État et la société émancipée que d’envisager la référence à un processus de « civilisation » qui permet l’adoucissement des mœurs politiques37. Depuis les années 1980, de multiples travaux ont cherché à caractériser une forme de « domination douce » qui se développerait en lien avec le nouveau capitalisme. Dans le cas de la référence à la société civile, cette civilité commune permet de pacifier le conflit politique, d’envisager des collaborations entre les partenaires institutionnels et sociaux, de penser le commun plus que la différence politique. Elle se déploie toutefois aux dépens de la critique politique.

L’adoucissement des radicalités

Dans les régimes autoritaires, la faiblesse de la délibération politique et des mobilisations collectives est soit attribuée à des traits culturels ancestraux, soit à des dispositifs institutionnels intimidants (voire violents). Cependant, suivre du regard la référence à la société civile permet de voir aussi la recherche de l’harmonie sans conflit, la quête de l’aide mutuelle, de l’approbation et du réconfort. Cette référence permet l’invention de nouveaux formats de délibération privilégiant à la fois une dépolitisation des engagements et un affaiblissement des radicalités en public. Plus qu’un outil de discipline, la notion peut être considérée comme un dispositif qui permet une négociation réglée entre les acteurs, comme une « norme commune » qui permet le bon déroulement des interactions38.

En effet, le réglage des conduites passe nécessairement par des interactions entre des individus qui défendent des références normatives distinctes, ou qui sont eux-mêmes incertains quant à la nature des valeurs et des normes ajustées à chaque situation. Face à ces difficultés de coordination, une référence partagée facilite les relations. Dans toutes ses acceptions, la société civile est vue comme une catégorie permettant de réduire les difficultés posées par le caractère pluraliste irréductible de la société, et notamment par le pluralisme politique. Le débat politique contradictoire est en effet une épreuve particulièrement délicate et difficile, susceptible d’alimenter la fragmentation sociale. L’inscription dans le monde de la société civile permet de s’extraire des controverses politiques et des fractures ordinaires qu’elles provoquent.

Comme le note Nina Eliasoph, analysant « l’évaporation du politique » dans les associations américaines, le champ des préoccupations des citoyens rétrécit dès lors qu’ils s’expriment dans des contextes publics. Les gens censurent leurs discours, même lorsqu’ils sont très éloignés des institutions oppressives. Dans son enquête sur les associations d’entraide aux États-Unis, elle souligne que l’étiquette civique proscrit la conversation politique39. De la même manière, l’inscription des acteurs dans le monde de la société civile favorise l’adoucissement des interactions politiques dans l’espace public.

L’attrait de la bonne gestion

L’affaiblissement de la confrontation politique permet d’agir dans le monde de l’entraide et de la solidarité mais aussi dans celui de l’efficacité et de l’expertise. Les dispositifs institutionnels et les conventions mises en œuvre au nom de la société civile s’accompagnent d’une technicisation des relations entre les acteurs administratifs et sociaux, d’une valorisation de l’expertise et du professionnalisme partagé. Les associations, prises entre les contraintes de la puissance publique et l’attrait de la symbolique gestionnaire se rabattent, ainsi que le souligne Bernard Eme, sur un modèle de bonne gestion qui fait primer les moyens sur les finalités40. Les dispositifs de concertation s’appuient sur la quête de légitimité des acteurs qui les coproduisent et qui entretiennent leur fonctionnement.

Depuis le début des années 1990, le recours aux outils du management favorise la participation des représentants de la société civile à l’action publique autour de dispositifs partagés (financement sur projet, fundraising, évaluation ex post, bench marking…). Ces techniques managériales, si elles favorisent les coopérations public/privé, portent le risque de générer une société civile « fantomatique », qui naît d’activités civiques « sur-modalisées » ou carrément « fabriquées »41. La participation citoyenne dans les dispositifs d’État est régulièrement critiquée pour son faible impact sur les décisions et actions politiques. Le recours à l’expertise et à la professionnalisation porte le risque de « relations d’emprise »42 des acteurs dominants sur les représentants civils. Cependant, la participation volontaire des militants à ces dispositifs de coopération témoigne de leur assentiment face à ces nouvelles formes de relations, posant la question de la co-production de dispositifs, même autoritaires, de régulation sociale.

La civilité de l’oppression en Russie

Dans la Russie des années 2000, la référence partagée à l’idée de société civile permet effectivement d’atténuer la violence des relations entre l’État et les militants critiques. Les représentants de la société civile acceptent de siéger dans les instances de concertation mises en place par le gouvernement. Cette participation s’impose en raison de la fermeture du système politique, caractérisée par la domination politique des partis du pouvoir au Parlement.

Le communiqué de presse de l’Association Mémorial « Putin's Offer Threatens the Future of Russia » (30 janvier 2012)

 

On January 23rd in the Independent Newspaper (Nezavisimaya) the second pre-election article of the candidate on the post of the President of the Russian Federation, Vladimir Putin, was published.

An obvious desire to please many  – if not everyone – caused the article to be filled with contradictory statements and various quotes from historians, philosophers, and politicians in an inaccurate and biased broadcast. Therefore, it would be senseless to allocate any theses with which you could agree and then contradict them within the same text.

Another scary thing: among the positive wishes for cultural development, strengthening the judicial system, and building effective law enforcement agencies the only practical intention was the introduction of criminal liability for breaking migratory laws and norms of registration. With this goal in mind V. Putin suggests carrying out a revision of the Administrative and Criminal Codes. “Naturally,” Mr. Putin adds, following the general construction of the text, “without infringing upon the constitutional rights of citizens in choosing a place of residence.”

How it is possible to introduce the criminal liability of citizens for the realization of one of their basic human rights, without infringing upon it, is left unclear to the reader.

It may not be apparent to Mr. Putin that one of the first decisions of the Constitutional Court, formed in 1991 during the Soviet period, was the decision of the illegality of administrative licensing of residential permits. The law was adopted in 1994, but in 1993 the residential permit was already legislatively replaced by registration. In 1995 by entering into the Council of Europe, Russia incurred the obligation to do away with the institution of administrative registration; the fact of the matter being that the bylaws only terminologically replaced the residential permit. The numerous decisions of the Constitutional Court played a big role in the advancement of this requirement. The goal of which decisions was to move as far away as possible from the institution of residential permits and give registration a notifying form and intelligent meaning. Slowly, Russia is leaving behind the serfdom of the institution of residential permits and is moving in a reasonable direction.

But now the person campaigning for the position of President of the Russian Federation is suggesting to cross out all achievements made in past years, neglect the decisions of the Constitutional Court of the Russian Federation, neglect the promises made to the Council of Europe, and return to the Soviet institution of residential permits.

What relationship does registration have to do with keeping order? Do we want policemen from the patrol and inspection service to be on every corner checking the registration of every brunette or, in Chechnya, of every blond instead of keeping order and catching gangsters?

Is it really not clear to Mr. Putin that a restriction of freedom for citizens to move about within their own country will open up unlimited opportunities for the arbitrariness of bureaucrats? The further growth of corruption, illegal requisitions and extortion are inevitable consequences of Putin's suggestion. Such a restriction of the rights of Russian citizens will surely cross out any hope that our country can turn from “raw material” into a modern, dynamically developing state.

Most likely, candidate Putin understands this all very clearly; however, being the spokesman of interests of the bureaucracy, he sees the future Russia as a semi-feudal state in which the population which is attached to territories is in dependence of bureaucratic “barons” and deputies of the federal center. But does he understand that the people will not be reconciled to such a policy? Such a policy will invariably lead to great social pressure, which will inevitably end in an explosion.

 

- Valery Borshchev, Fund “Social Partnership”, member of Moscow Helsinki Group (MHG)

- Lev Ponomarev, CEO, All-Russian movement “For Human Rights”

- Ludmila Alekseeva, Chairwoman of Moscow Helsinki Group (MHG)

- Oleg Orlov, Chairman of the Board, HRC “Memorial”

- Svetlana Gannushkina, Head of “Civil Assistance” Committee

- Yuri Vdovin, “Civil Control,” member HR Council of St. Peterburg

- Yuri Schmidt, lawyer, member HR Council of St. Peterburg

Les bureaux de l'association Mémorial à Moscou

Les bureaux de l'Association Mémorial à Moscou.

Dans ce contexte, la Chambre sociale, le Conseil pour les droits de l’homme près le Président ou les conseils sociaux auprès des ministères apparaissent comme des instances supplétives permettant de maintenir un dialogue avec les autorités. En ces lieux, les représentants de la société civile acceptent les jeux de l’expertise, de la judiciarisation ou de la professionnalisation. Ils leur permettent de bénéficier de subventions distribuées par l’État dans le cadre de programmes de « subventions présidentielles à la société civile » mis en place depuis 2007. Ces mêmes acteurs associatifs peuvent bénéficier de l’externalisation des fonctions sociales de l’État. Au début des années 2010, plusieurs grandes associations de défense des droits de l’homme ont ainsi obtenu des financements publics pour des programmes d’aide aux prisonniers, de lutte contre l’extrémisme ou d’accueil des migrants. Le contrôle public joue à la fois de la répression par les organes de force43 et du management libéral44des associations par les subventions et les collaborations avec l’État45. Même dans le cadre de la mise en œuvre de la loi « Sur les agents de l’étranger » à partir de 201346, les associations qui sont poursuivies par les organes de contrôle peuvent bénéficier de financements accordés par l’État selon une logique coopérative.

The results of the legislative elections in 2007 in Russia.
The results of the legislative elections in 2011 in Russia.

Les élections législatives de 2007 ont été marquées par la victoire du Parti de Russie Unie du président Vladimir Poutine. Des 450 députés de la chambre basse du Parlement russe (Douma) le Parti de la Russie Unie a obtenu 315 sièges (64,30 % des voix). Aux élections de 2011, le parti de Vladimir Poutine a obtenu une majorité absolue de 238 sièges (49,32 % des voix).

Si ces coopérations n’empêchent pas les militants d’exprimer leurs critiques, celles-ci s’expriment dans des formes modérées. Les militants civiques ont protesté à l’occasion des grands mouvements de manifestation, en 2006 contre la remise en cause des avantages sociaux ou en 2011/2012 contre la falsification des élections. Lors de ces mobilisations, les observateurs ont généralement diagnostiqué un « réveil de la société civile » mais ils ont aussi souligné sa pondération face au pouvoir, et son hétérogénéité, associant des acteurs politiques divers, de l’extrême gauche, du centre et de l’extrême droite. En Russie comme ailleurs, dépolitisation et retenue accompagnent l’insertion des acteurs de la société civile russe dans les dispositifs participatifs mis en place par les institutions publiques.

Conclusion

Pensée d’abord comme une notion émancipatrice face à la domination des États bureaucratiques, la société civile peut aussi constituer une référence partagée pour permettre à des personnes et des collectifs, issus de l’État ou du public, d’agir de concert. Dans le monde contemporain, ce n’est plus tant l’opposition entre l’État et la société que porte cette notion mais plutôt « la civilité comme opération d’ajustement à une réalité et de coordination des tâches, pour agir de façon pertinente, cohérente et conséquente »47. En raison de ce glissement, elle n’est plus l’apanage des démocraties occidentales : elle constitue aussi une catégorie acceptable pour des régimes non-pluralistes.

Lyudmila Alexeyeva, la grande figure du mouvement pour la défense des droits civils en Russie.

Lyudmila Alexeyeva, présidente du Groupe Helsinki de Moscou et une des grandes figures du mouvement pour la défense des droits civils en Russie. 

La recherche de la concorde civilisée est aujourd’hui largement partagée, dépassant le clivage classique entre démocratie et autoritarisme. Pensée en opposition au monde de la discorde des partis politiques et des affrontements électoraux, la « société civile » s’incarne dans des instances consultatives nommées aux dépens des chambres législatives élues. Ses représentants participent de la co-maîtrise des situations problématiques autour de problèmes publics. La référence à la société civile facilite aussi la régulation des rapports marchands et la réduction des fonctions sociales de l’État, par la délégation de nombreuses fonctions sociales à des acteurs associatifs.

Les interactions et les jeux qui se déploient autour de cette notion mettent en évidence que les dispositifs de représentation de la société ne sont pas seulement des entreprises d’assujettissement et de domination, mais aussi des mécanismes de concertation et de coopération qui régulent la critique et adoucissent la dispute. Dans cette perspective, l’attachement à l’idée de société civile civilise l’oppression dans des régimes autoritaires et rend acceptable des arrangements oppressifs dans les régimes démocratiques.

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    1

    Andrew Arato, Jean Cohen, Civil Society and Political Theory, Cambridge, MIT Press, 1992 ; Dominique Colas, Le Glaive et le fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile, Paris, Grasset, 1992.

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    3

    Hélène Michel, “La ‘société civile’ dans la ‘gouvernance européenne’. Éléments pour une sociologie d’une catégorie politique”, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 1-2, 2007, p. 30-37 ; Frédéric Vairel. “L’opposition en situation autoritaire : statut et modes d’action”, in O. Dabène, V. Geisser, G. Massardier (dir.), Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires au xxie siècle. Convergences Nord-Sud, Paris, La Découverte, 2008, p. 213-232 ; Alfio Mastropaolo, “Italie : quand la politique invente la société civile”, Revue française de science politique, no 4, 2001, p. 621-636 ; Béatrice Pouligny, “Une société civile internationale ?”, Critique internationale, no 4, 2001, p. 120-122 ; Jean-Noël Ferrié, “Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord”, Études et Documents du CEDEJ, n° 7, 2004.

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    4

    Jean-François Bayart, “Le ‘pidgin’ de la société civile”, Alternatives économiques, n° 190, 2001, p. 13.

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    5

    Françoise Daucé, Une Paradoxale oppression. Le pouvoir et les associations en Russie, Paris, CNRS Éditions, 2013.

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    6

    Sunil Khilnani, “La ‘société civile’, une résurgence”, Critique internationale, n° 10, 2001, p. 38-50.

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    7

    Luc Boltanski, Laurent Thévenot, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.

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    8

    Hélène Michel, “La ‘société civile’ dans la ‘gouvernance européenne’. Éléments pour une sociologie d’une catégorie politique”, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 1-2, 2007, p. 30-37.

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    9

    Sudipta Kaviraj, Sunil Khilnani (dir.), Civil Society. History and Possibilities, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.

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    11

    Dominique Colas, Dictionnaire de la pensée politique, Paris, Larousse, 1997 ; Jay Rowell, Bénédicte Zimmermann, “Grammaire de la société civile et réforme sociale en Allemagne”, Critique Internationale, n° 2, 2007, p. 150.

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    12

    Miklos Molnar, La Démocratie se lève à l’est. Société civile et communisme en Europe de l’est : Pologne et Hongrie, Paris, PUF, 1990.

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    13

    Michel Dobry, “Les processus de transition à la démocratie”, Cultures & Conflits, n° 17, 1995.

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    14

    Sunil Khilnani, “La ‘société civile’, une résurgence”, Critique internationale, n° 10, 2001, p. 38-50.

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    15

    Sunil Khilnani, “La ‘société civile’, une résurgence”, Critique internationale, n° 10, 2001, p. 38-50.

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    16

    Aleksandr Bikbov, Grammatika poriadka. Istoricheskaia sociologia poniatij, kotorye meniaiut nashe real’nost, Moscou, Vyshaia Shkola Ekonomiki, 2014.

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    17

    Françoise Daucé, “The Government and Human Rights Groups in Russia : Civilized Oppression ?”, Journal of Civil Society, n° 3, 2014, p. 239-254 ; Anna Colin-Lebedev, Le Cœur politique des mères. Analyse du mouvement des mères de soldats en Russie, Paris, Éditions de l’EHESS, 2013.

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    18

    Voir respectivement : Hélène Michel, “La ‘société civile’ dans la ‘gouvernance européenne’. Éléments pour une sociologie d’une catégorie politique”, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 1-2, 2007, p. 30-37 ; Frédéric Vairel. “L’opposition en situation autoritaire : statut et modes d’action”, in O. Dabène, V. Geisser, G. Massardier (dir.), Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires au xxie siècle. Convergences Nord-Sud, Paris, La Découverte, 2008, p. 213-232 ; Françoise Daucé, Une Paradoxale oppression. Le pouvoir et les associations en Russie, Paris, CNRS Éditions, 2013.

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    19

    Graham Burchell, “Peculiar Interests : Civil Society and governing ‘the System of Natural Liberty’”, in G. Burchell, C. Gordon, P. Miller (dir.), The Foucault Effect. Studies in Governmentality, Exeter, Harvester, 1991, p. 119-150 ; Michel Foucault, “Leçon du 28 mars 1979”, in M. Foucault, La Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Le Seuil, 2004, p. 271-294 ; Céline Spector, “Foucault, les Lumières et l’histoire : l’émergence de la société civile”, Lumières, n° 8, 2007, p. 169-191. http://celinespector.com/wp-content/uploads/2011/02/Foucault-Spector.pdf.

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    20

    Nicolas Guilhot, The Democracy Makers. Human Rights and the Politics of Global Order, New York, Columbia University Press, 2005.

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    21

    Béatrice Pouligny, “Une société civile internationale ?”, Critique internationale, n° 4, 2001, p. 120-122.

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    22

    Hélène Michel, “La ‘société civile’ dans la ‘gouvernance européenne’. Éléments pour une sociologie d’une catégorie politique”, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 1-2, 2007, p. 30-37 ; Frédéric Vairel, “L’opposition en situation autoritaire : statut et modes d’action”, in O. Dabène, V. Geisser, G. Massardier (dir.), Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires au xxie siècle. Convergences Nord-Sud, Paris, La Découverte, 2008, p. 213-232 ; Jean-Noël Ferrié, “Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord”, Études et Documents du CEDEJ, n° 7, 2004.

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    23

    Sunil Khilnani, “La ‘société civile’, une résurgence”, Critique internationale, n° 10, 2001, p. 38-50.

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    24

    Alain Chatriot, La Démocratie sociale à la française. L’expérience du Conseil national économique. 1924-1940, Paris, La Découverte, 2013 ; A. Chatriot, “Les apories de la représentation de la société civile. Débats et expériences autour des compositions successives des assemblées consultatives en France au xxe siècle”, Revue française de droit constitutionnel, n° 3, 2007, p. 535-555.

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    25

    Michel Offerlé, La Société civile en question, Paris, La Documentation française, 2003.

    Retour vers la note de texte 292

    26

    Frédérique Matonti, Franck Poupeau, “Le capital militant. Essai de définition”, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 5, 2004, p. 4-11.

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    27

    Jean-François Bayart, “Le ‘pidgin’ de la société civile”, Alternatives économiques, n° 190, 2001, p. 13.

    Retour vers la note de texte 294

    28

    Loïc Blondiaux, Yves Sintomer, “L’impératif délibératif”, Politix, n° 57, 2002, p. 17-35.

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    29

    Angela M. Eikenberry, Jodie Drapal Kluver, “The Marketization of the Nonprofit Sector : Civil Society at Risk ?”, Public Administration Review, n° 2, 2004, p. 132-140.

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    30

    Thierry Brugvin, “La gouvernance par la société civile : une privatisation de la démocratie ?”, in A. Caillé (dir.), Quelle démocratie voulons-nous ? Pièces pour un débat, Paris, La Découverte, 2006, p. 68-77.

    Retour vers la note de texte 297

    31

    Geneviève Azam, “Économie sociale, tiers secteur, économie solidaire : quelles frontières ?”, Revue du MAUSS, n° 1, 2003, p. 151-161.

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    32

    Serge Latouche, “Malaise dans l’association ou pourquoi l’économie plurielle et solidaire me laisse perplexe”, in J.-L. Laville, A. Caillé, P. Chanial (dir.), Association, démocratie et société civile, Paris, La Découverte, 2001, p. 17-26.

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    33

    Béatrice Hibou (dir.), La Privatisation des États, Paris, Karthala, 1999.

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    35

    Laurent Thévenot, “Voicing Concern and Difference. From Public Spaces to Common-Places”, European Journal of Cultural and Political Sociology, n° 1, 2014, p. 7-34.

    Retour vers la note de texte 304

    36

    Pauline Peretz, Olivier Pilmis, Nadège Vezinat, “La vie en société : une improvisation. Entretien avec Howard Becker”, La Vie des idées, 3 février 2015.

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    37

    Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1976.

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    38

    Nicolas Dodier, “L’espace et le mouvement du sens critique”, Annales. HSS, n° 1, 2005, p. 7-31.

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    39

    Nina Eliasoph, L’Évitement du politique. Comment les Américains produisent l’apathie dans la vie quotidienne, Paris, Economica, 2010.

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    40

    Bernard Eme, “Les associations ou les tourments de l’ambivalence”, in J.-L. Laville, A. Caillé, P. Chanial (dir.), Association, démocratie et société civile, Paris, La Découverte, 2001, p. 27-58.

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    43

    Voir les rapports de la Fédération internationale des droits de l’homme, d’Amnesty International ou de Human Rights Watch.

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    44

    Carole Sigman, “Le ‘nouveau management public’ en Russie. Les tribulations d’une transposition”, Gouvernement et action publique, n° 3, 2013, p. 441-460.

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    45

    Graeme Robertson, The Politics of Protest in Hybrid Regimes : Managing Dissent in Post-Communist Russia, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 ; Françoise Daucé, Une Paradoxale oppression. Le pouvoir et les associations en Russie, Paris, CNRS Éditions, 2013.

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    46

    Françoise Daucé, « The Duality of Coercion in Russia : Cracking Down on “Foreign Agents” », Demokratizatsyia, n° 1, 2015, p. 102-136.

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    47

    Daniel Cefaï, “Comment se mobilise-t-on ? L’apport d’une approche pragmatiste à la sociologie de l’action collective”, Sociologie et sociétés, n°2, 2009, p. 245-269.

    Andrew Arato, Jean Cohen, Civil Society and Political Theory, Cambridge, MIT Press, 1992.

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    Pour citer cette publication

    Daucé, Françoise (dir.), « La civilité de l’oppression », Politika, mis en ligne le 22/05/2017, consulté le 15/06/2022 ;

    URL : https://politika.io/fr/article/civilite-loppression