Consentement et résistances à la gestion étatique de l’épidémie
Maîtresse de conférences en sociologie-démographie

(Université Lumière Lyon 2 - Centre Max Weber)

Sociologue, Directeur de recherche

(CNRS - IRIS)

Plus d’un an après le début de la pandémie de Covid-19 en France, la question de la régulation par l’État de cette épidémie – tant dans ses modalités que dans sa légitimité – constitue désormais un enjeu politique majeur. Depuis le début de la crise, la puissance publique s’est trouvée en situation d’intervenir au nom de l’ordre sanitaire, économique ou social, en pesant du même coup en faveur de certains groupes sociaux. Après le premier confinement par exemple, l’intervention de l’État s’est recentrée sur le contrôle policier des populations et sur l’aide aux entreprises, tandis que les missions sociales n’ont pas été étendues aux jeunes, aux intérimaires et aux petits indépendants nouvellement tombés dans la pauvreté. Un tel redéploiement n’a pas été sans conséquence sur le rapport aux institutions étatiques selon la position sociale et l’âge. Ce sont ces fractures qu’on voudrait explorer, à partir des données d’une enquête du CREDOC menée durant le mois de janvier 2021 auprès d’un échantillon représentatif de la population résidant en France.

L’enquête du CREDOC

 

L’enquête a été réalisée du 22 décembre 2020 au 16 janvier 2021, auprès d’un panel en ligne. 3 328 internautes résidant en France (France métropolitaine, Corse et DOM-TOM) âgés de 15 ans et plus ont été sélectionnés selon la méthode des quotas. Ces quotas (région, taille d’agglomération, âge, sexe, habitat individuel ou collectif et PCS) ont été calculés d’après le dernier recensement général de la population. Ces internautes ont répondu à un questionnaire dont la durée médiane était de 50 minutes. Afin d’assurer la représentativité par rapport à la population nationale, un redressement final a été effectué en fonction des critères suivants : sexe, région, taille d’agglomération, PCS, logement individuel ou collectif ainsi qu’une variable croisant âge et niveau de diplôme permettant de limiter le biais de sélection lié au mode de recueil.

La perception de l’État en situation de pandémie

Les difficultés rencontrées en France pour contenir l’épidémie depuis le début de l’année 2020 font l’objet de diverses interprétations. Pour plus de la moitié des enquêtés (57 %), c’est le comportement individuel des personnes qui est à blâmer, alors que pour près d’un tiers (30 %), la responsabilité en incombe à la mauvaise gestion des autorités publiques et, pour une petite minorité (12 %), c’est la virulence du virus qui doit être incriminée. Cette différence de lecture de la crise épidémique révèle un clivage d’interprétation étroitement lié à l’âge.

Le ressentiment des jeunes contre l’action de l’État en situation de pandémie

Les jeunes ont été touchés de plein fouet par le très fort ralentissement de l’économie engendré par la succession des mesures restrictives : disparition des stages rémunérés, raréfaction des emplois d’appoint et des offres de contrats courts. Cette situation semble avoir pesé sur leur appréciation concernant le rôle de l’État en situation de pandémie : parmi les 18-34 ans, 34,3 % considèrent que les difficultés à contenir l’épidémie sont dues à la mauvaise gestion des autorités publiques (contre 24,7 % des 65 ans et plus). Il n’en est pas de même à l’autre bout de la pyramide des âges : les deux tiers des personnes de plus de 65 ans accusent en premier lieu les comportements individuels (contre 50 % des 18-34 ans).

Ce clivage par l’âge se précise quand on prend en compte les niveaux de revenus. Parmi les plus jeunes, ce sont principalement les moins aisés (c’est-à-dire ceux dont les revenus du ménage sont inférieurs à 2300 euros par mois) qui accusent les autorités publiques de mal gérer la crise épidémique (36,4 % des 18-34 ans, contre 30 % des plus aisés), tandis que pour les plus âgés, ce sont les mieux dotés financièrement (c’est-à-dire ceux dont le ménage gagne plus de 2300 euros par mois) qui accusent le plus fréquemment les comportements individuels (68,5 % contre 62,5 % des moins aisés).

Dans un pays où les moins de 25 ans ne peuvent bénéficier d’un revenu minimum, les jeunes sont jusqu’à cet âge fortement dépendants de leurs parents. Pour celles et ceux qui vivent dans des conditions précaires d’emploi et de logement, les mesures de restriction (confinement, couvre-feu…) ont eu de lourdes conséquences en termes de pouvoir d’achat et de perspectives professionnelles : perte d’emploi, impossibilité de pouvoir travailler à distance, difficulté à poursuivre sa scolarité. Pour ces grands perdants de la pandémie, la longueur de la crise sanitaire et sociale est directement imputable à l’État et à son incapacité à la juguler. En revanche, pour celles et ceux qui ont pu s’accommoder des contraintes liées au confinement et au couvre-feu (les plus âgés et les mieux dotés), la responsabilité de la crise épidémique incombe davantage aux comportements des individus peu respectueux des règles ou, dans une moindre mesure, à la virulence du virus.

Il en découle d’autres clivages concernant les objectifs que devrait poursuivre la puissance publique en situation de pandémie : 39,3 % des 18-34 ans considèrent que l’État doit favoriser la croissance plutôt que la protection de la santé, alors que seulement 21,8 % des plus de 65 ans sont de cet avis. De même, 38,5 % des 18-34 ans déclarent que le rétablissement des libertés individuelles est prioritaire par rapport à la protection de la santé des citoyens, tandis que seulement 27,2 % des plus de 65 ans partagent cette opinion. Ici, les jeunes ne se distinguent pas selon leur situation financière, alors que c’est le cas pour les plus âgés : l’attachement à la santé est plus prononcé pour les individus de plus de 65 ans les plus aisés (75,2 % considèrent que l’État doit protéger la santé des citoyens plutôt que rétablir les libertés individuelles, contre 64,1 % des plus de 65 ans moins à l’aise financièrement).

Dans le contexte actuel de pandémie, renforcer l’hôpital public est un objectif relativement consensuel mais la question des moyens pour y parvenir est davantage clivante : 42,5 % des individus considèrent qu’il faut augmenter les impôts des 10 % des ménages les plus riches, 15,3 % qu’il faut augmenter les impôts de tous celles et ceux qui vivent en France et 41,1 % qu’il faut renforcer les contrôles sur les hôpitaux pour éviter les gaspillages. Cette dernière option a la faveur de la moitié des plus de 65 ans (49,7 %), surtout dans les ménages gagnant plus de 2 300 euros par mois (53,2 %). La question des moyens pour renforcer l’hôpital public est aussi genrée : les femmes déclarent plus fréquemment être favorables à l’imposition des plus riches (44,9 %) que les hommes (39,7 %), notamment celles qui sont employées (48,3%) et de profession intermédiaire (50,6%).

D'ailleurs, cette opposition autour de la question des prélèvements se confirme en ce qui concerne les cotisations sociales : 48,4 % des 18-34 ans se déclarent plutôt d’accord avec l’idée qu’il faut augmenter les cotisations pour être mieux protégé (être mieux remboursé des dépenses de santé ou bénéficier d’une meilleure retraite), tandis que cette proportion n’est que de 22,7 % parmi les personnes âgées de 65 ans et plus. La tendance des plus âgés à privilégier les contrôles, plutôt que l’augmentation des prélèvements se confirme lorsqu’il s’agit de mesures précises : plus on avance en âge, plus on souscrit à la réforme prévoyant à partir du 1er septembre 2021 que les patients qui se rendent aux urgences sans être ensuite hospitalisés devront s'acquitter d'un forfait de 18 euros (42,2 % des 18-34 ans contre 65,3 % des 65 ans et plus).

La régulation étatique de l’épidémie semble donc avoir accentué les clivages en fonction de l’âge : les jeunes, en particulier celles et ceux qui disposent de faibles revenus et d’une situation professionnelle instable, sont, dans l’ensemble, plus critiques à l’égard de la puissance publique que les retraités. Ils et elles se prononcent plus souvent en faveur d’une augmentation des impôts et des cotisations sociales pour améliorer le système de santé publique, là où les plus âgés souhaitent plutôt un renforcement des contrôles et blâment des comportements individuels. Le fossé est particulièrement important entre les jeunes les plus défavorisés d’un côté, et les personnes âgées les plus à l’aise financièrement de l’autre.

Distance et défiance des dominés à l’égard des institutions étatiques

Les perceptions et les représentations de la crise épidémique sont également dépendantes de la position sociale. Les confinements successifs et les mesures adoptées par le gouvernement ont particulièrement pénalisé toutes celles et ceux qui ne bénéficiaient pas d’un emploi suffisamment stable pour conserver leur niveau de vie d’avant la crise. Tout d’abord, les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à interrompre ou réduire leur activité, ce qui explique qu’elles considèrent plus fréquemment que leur situation financière s’est dégradée au cours des trois derniers mois (28,3 % contre 24,2 % des hommes). L’écart est plus marqué encore selon la catégorie sociale : seulement 21,4 % des cadres perçoivent une dégradation de leur situation financière, alors que c’est le cas de 34,8 % des ouvriers et 41,2 % des artisans commerçants et chefs d’entreprise. Le sentiment de relégation des indépendants doit cependant être nuancé : dans cette catégorie, 16,6 % considèrent que leur situation s’est améliorée (contre 8,5 % dans l’ensemble de la population). Pour distinguer parmi les indépendants les gagnants et les perdants de la crise épidémique, c’est le secteur d’activité qui s’avère déterminant : les propriétaires de bar, de restaurants et de boîte de nuit ont par exemple payé un lourd tribut à la crise économique, tandis que les commerces d’alimentation ou les entreprises du bâtiment ont continué à prospérer en dépit des restrictions sanitaires.

Dans un contexte de forte intervention de l’État, la déstabilisation des groupes sociaux les plus dominés se traduit par un sentiment plus critique à l’égard des institutions étatiques. Tout d’abord, 37 % des non diplômés mettent en cause la responsabilité de l’État dans la mauvaise gestion de l’épidémie, contre seulement 29 % des personnes ayant un niveau bac plus 3 et plus. Si l’on s’intéresse au rapport entretenu à l’égard de chaque institution particulière, les écarts sont également très importants : 38,6 % des personnes sans diplôme déclarent faire confiance à la justice (contre 60,7 % des bac plus 3 et plus), et 61,1 % des personnes sans diplôme déclarent faire confiance à la police (contre 73 % des bac plus 3 et plus).

Le sentiment d’éloignement à l’égard des institutions étatiques n’est pas seulement lié au genre et à la position de classe. Il est également ancré territorialement : 52,9 % des personnes vivant en zone rurale considèrent habiter un territoire délaissé par les pouvoirs publics, alors que cette proportion n’est que de 27,5 % pour celles et ceux qui habitent dans des villes de plus de 100 000 habitants et 26,4 % pour l’agglomération parisienne. Ces oubliés de l’État sont aussi plus nombreux à craindre de devenir pauvres dans les prochaines années (25,1 % contre 13,6 %), voire s’estiment déjà dans une situation de pauvreté (21,6 % contre 15,6 %). Leur position de relégation territoriale n’est pas sans conséquence sur leurs attentes par rapport aux institutions étatiques : 38,6 % des personnes qui considèrent vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics ne font pas du tout confiance au gouvernement pour résoudre les problèmes qui se posent en France (alors que cette part n’est que de 24,4 % chez les autres).

Les clivages entre les âges se doublent donc de fractures sociales opposant les plus dominés qui considèrent que les autorités étatiques ont mal géré la crise épidémique, aux catégories dominantes qui se distinguent par une plus large confiance dans les institutions. Il reste à se demander si ces attitudes socialement clivées à l’égard de l’État ont des implications sur la propension à se conformer aux mesures sanitaires mises en place par le gouvernement.

Les variations sociales dans l’acceptation des règles sanitaires

Les mesures adoptées pour restreindre la propagation du virus ont engendré des restrictions de liberté sans précédent pour la population française. Durant le premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020), toute la population devait rester à domicile et ne pouvait se déplacer que de façon exceptionnelle, alors que durant le deuxième confinement (du 30 octobre au 15 décembre 2020), les règles étaient moins strictes : les écoles sont restées ouvertes et la plupart des actifs ont continué à travailler, mais les sorties du domicile étaient toujours soumises à autorisation. D’après l’enquête du CREDOC, les transgressions durant ce deuxième confinement de l’automne 2020 ont été nombreuses : 18 % des personnes interrogées déclarent être sorties plus d’une fois sans attestation et 23 % reconnaissent être sorties plus d’une fois avec une attestation ne correspondant pas à leur situation (sortie pour un autre motif ou une durée plus longue).

Des jeunes plus enclins à transgresser les règles du confinement

Le recueil des déclarations quant au respect des règles du confinement révèle un très fort clivage entre les classes d’âge : pour chaque type de transgression, la probabilité de prendre des libertés avec les règles diminue à mesure qu’on vieillit. Parmi les jeunes, 31 % sont sortis sans attestation et 35 % sont sortis pour une autre raison que celle mentionnée sur leur attestation, alors que ces proportions sont respectivement de 7 % et de 14 % parmi les plus âgés (voir graphique).

Graphique, transgressions

Graphique : Part des transgressions durant le deuxième confinement selon l’âge

Le respect des consignes sanitaires est également corrélé à l’âge. Si la grande majorité de la population (80 %) déclare porter le masque systématiquement et conformément aux recommandations, cette proportion n’est que de 70 % chez les 18-34 ans et elle atteint 89 % chez les plus de 65 ans. La moindre exposition des jeunes à des formes graves de la maladie peut bien-sûr expliquer en partie leur plus grande propension à s’émanciper des contraintes sanitaires mais un tel écart reflète aussi un rapport différent au droit et aux institutions étatiques. Comme on l’a vu précédemment, les 18-34 ans privilégient plutôt la préservation des libertés individuelles par rapport à la seule prise en compte de la santé des citoyens.

Une propension à transgresser plus forte parmi les personnes ayant vécu des discriminations

Le rapport aux institutions étatiques et à leurs injonctions ne se limite pas à une opposition entre classes d’âges. Il reflète également une succession d’expériences accumulées au contact de ces institutions, comme le laissent penser les écarts constatés selon l’origine nationale : parmi les personnes ayant au moins un parent étranger, 26,4 % déclarent être sorties sans attestation alors que c’est le cas de 17,7 % des individus nés français de parents français. Le lien apparent entre origine nationale et propension à se conformer aux consignes masque un rapport aux institutions qui est nourri par une série d’expériences pratiques vécues par le passé. En effet, il existe un lien très fort entre l’expérience des discriminations et la propension à transgresser les règles de confinement instaurées par l’État : 42,6 % des personnes ayant été personnellement victimes d’une discrimination, d’une injustice, humiliation, insulte ou critique liée à l’origine ethnique sont sorties sans attestation (contre 16,2 % des personnes n’ayant pas été victimes de discrimination liée à l’origine ethnique). Tout se passe comme si le fait d’avoir eu à subir des discriminations contraires au droit renforçait la propension à s’émanciper des règles instaurées par les institutions étatiques.

Un rapport aux contraintes du confinement conditionné à des situations de travail : le cas des entrepreneurs

Les variations dans la propension à se conformer aux règles sanitaires dépendent aussi beaucoup des situations de travail. Au regard de la catégorie socioprofessionnelle, ce sont les artisans, commerçants et chefs d’entreprise qui déclarent le plus souvent avoir transgressé au moins une fois les règles du deuxième confinement : 30,8 % d’entre eux sont sortis plus d’une fois sans attestation (contre 22,2 % des employés), et 36,8 % pour une autre raison que celle mentionnée sur l’attestation (contre 23,6 % des employés). Cette plus grande propension à transgresser les mesures sanitaires de la part des indépendants s’explique de deux façons : d’une part, ils sont plus souvent que les autres confrontés aux règlements étatiques en raison des nombreuses règles susceptibles de s’appliquer à leur entreprise et sont donc plus habitués à composer avec ces contraintes. En outre, ils sont mieux placés que les salariés pour utiliser de façon stratégique les possibles dérogations pour raisons professionnelles prévues par le dispositif des attestations de sortie. Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise peuvent en effet rédiger pour eux-mêmes leur propre attestation en y indiquant des raisons professionnelles (mission dans telle région, rencontre avec un client ou démarchage d’un fournisseur). Il n’en est pas de même pour les salariés qui, pour obtenir de telles dérogations, doivent en faire la demande auprès de leur employeur.

Cette propension des artisans, commerçants et chefs d’entreprise à s’émanciper des contraintes liées au confinement ne signifie pas un quelconque dénigrement à l’égard de ce type de règles. Paradoxalement, c’est également au sein de cette catégorie socioprofessionnelle que les dénonciations des entraves au confinement sont les plus fréquentes : 13,7 % des artisans, commerçants et chefs d’entreprise déclarent avoir signalé aux autorités (police, mairie, administration, contrôleur de train, personnel de lieu de spectacle ou sportif…) le comportement d’individus qui ne respectaient pas les mesures en vigueur pour contenir l’épidémie, alors que cette proportion n’est que de 5 % pour les employés et de 4,8 % pour les ouvriers. De même, 41,7 % des entrepreneurs ont déjà fait remarquer à une personne qu’elle ne respectait pas les mesures sanitaires (masque mal mis ou absent, distanciation sociale non respectée, non-respect du nombre maximal autorisé de personnes dans un commerce, etc.), alors que cette proportion n’est que de 27,1 % pour les employés et 28,4 % pour les ouvriers.

Ces écarts selon la catégorie socioprofessionnelle permettent de prendre la mesure de l’importance des situations de travail dans la perception des contraintes liées au confinement. De tels résultats reflètent également le rapport spécifique que certains membres des classes dominantes entretiennent avec le droit, se sentant légitimes à s’émanciper de la règle tout en s’estimant fondés à en rappeler les principes aux autres.

Conclusion

La crise épidémique et les mesures sanitaires qu’elle a engendrées ont accentué les inégalités sociales déjà existantes et déstabilisé beaucoup de personnes en emploi précaire qui n’étaient pas protégées par leur statut professionnel. Les jeunes, les femmes et plus généralement les actifs dépourvus de contrat stable en ont payé le prix fort, ce qui n’a pas été sans conséquence sur leur rapport aux autorités étatiques. Celles et ceux qui ont davantage bénéficié des mesures adoptées par une puissance publique très interventionniste, n’ont pas la même vision de la pandémie et du rôle des autorités étatiques. Une véritable fracture générationnelle s’est formée entre les plus jeunes (18-34 ans) et les plus âgés (65 ans et plus), tant dans la confiance envers les pouvoirs publics que dans le respect des mesures sanitaires. Tandis que les personnes âgées s’en remettent à l’État pour résoudre la crise et accusent les comportements individuels d’être à l’origine de l’aggravation de l’épidémie, les plus jeunes revendiquent la préservation des libertés individuelles et s’émancipent plus souvent des mesures sanitaires contraignantes.

Mais cette fracture est aussi socio-économique. Ce sont principalement les jeunes appartenant aux fractions dominées des classes moyennes et populaires qui se montrent les plus critiques envers les mesures sanitaires et les injonctions de l’État. En outre, la position socioprofessionnelle permet parfois de prendre davantage de distance avec ces règles : les artisans, commerçants et chefs d’entreprise ont par exemple pu plus souvent transgresser les règles du confinement. En revanche, parmi les populations les plus exposées à la précarité, beaucoup ont été contraints de s’y conformer et ont subi plus brutalement que les autres les conséquences de la crise, retournant parfois leur sentiment d’injustice contre les institutions étatiques et leurs représentants.

 

Cette contribution s’insère dans le projet « La Confiance dans les institutions étatiques et scientifiques à l’épreuve du Coronavirus » (CIESCO) financé par l’ANR (ANR-20-COVI-000).