Cet article1 traite de la manière dont la composition2 de la nature américaine est à l’origine d’un discours racial au sujet des Indigènes et des Créoles de la première modernité. Il analyse les conceptions historiques des natures locales et leur lien avec les coutumes du lieu. Cette relation entre les facteurs environnementaux et culturels a été systématisée par le traité d’Hippocrate Airs, Eaux, Lieux ( Vè siècle avant notre ère), qui s’avère être un modèle épistémique pour la construction de l’altérité américaine3. Bien que cet environnementalisme médical ait inspiré des classifications que nous appelons aujourd’hui ethnologiques, qui soutiennent des représentations positives ou des stéréotypes négatifs4, dans le contexte de la Nouvelle Espagne, il a été constitutif de la formation de catégories raciales, instituant ainsi les identités comme des différences naturelles.
Cet article passe en revue les traces documentaires laissées par l’ontologie naturaliste dans et à partir du territoire américain. Ces documents ont pour pratique commune la classification, la hiérarchisation et la représentation des êtres vivants du monde de la Nouvelle Espagne. Je fais référence à une partie de l’ouvrage Historia general de las cosas de Nueva España [Histoire générale des choses de la Nouvelle Espagne] de Bernardino de Sahagún ; à Antigüedades de Nueva España [Antiquités de la Nouvelle Espagne] du proto-médecin du roi Francisco Hernández, œuvre écrite après son expédition à travers le Vice-royaume de Nouvelle Espagne pendant les années 1570 ; à Problemas y secretos maravillosos de Indias [Problèmes et merveilleux secrets des Indes] (1591) de Juan de Cárdenas ; au Repertorio de los tiempos e historia natural de esta Nueva España [Répertoire des temps et de l’histoire naturelle de cette Nouvelle Espagne] (1606) de Henrico Martínez et à Sitio, naturaleza y propiedades de la ciudad de México [Site, nature et propriétés de la ville de Mexico] (1618) de Diego Cisneros.
Ce corpus rassemble des textes disparates qui partagent cependant une typologie de l’histoire naturelle. La formalisation de cette discipline étant récente5, l’histoire naturelle n’était pas un champ du savoir fermé, mais un lieu d’énonciation où coexistaient des modèles d’écriture divers destinés à représenter des êtres vivants. Cela est dû au fait que les humanistes ont redécouvert le sens de l’histoire pré-aristotélicien , en le considérant comme une connaissance générale allant au-delà des faits historiques, y compris l’étude de ce que le monde occidental considérait comme la nature6.
En mettant l’accent sur l’ontologie naturaliste de ces traces documentaires, je rejette la notion de nature américaine préexistante et de l’universalité de la distinction entre nature et culture. Il ne s’agit pas de nier qu’avant l’invasion européenne, il ait existé différentes formes de vie, tant humaines que non humaines, ni que les sociétés indigènes aient créé leurs propres ontologies. En réalité, je mets en avant l’idée que le concept de nature est propre à la tradition occidentale7. Plus loin, je montrerai comment la nature porte en elle une dimension normative en transformant la description des êtres en prescription de ce qu’ils devraient être8.
Dans ce contexte, le concept de composition se présente comme un outil herméneutique pour examiner la façon dont les acteurs réinterprètent l’écologie de la Nouvelle Espagne d’après leurs propres catégories, en mettant en lumière leurs formes d’existence de prédilection9. Si on analyse le concept de composition, on voit qu’il met l’accent sur le fait que les choses doivent se rassembler en conservant leur hétérogénéité, comme une composition scénique ou comme dans l’idée du compostage, du fait de la dé-composition de nombreux agents invisibles10. Il reconnaît que son contenu peut être décomposé, révélant des fissures dans les classifications et les limites historiques du concept de nature.
La décomposition de la nature qu’on peut lire dans le corpus proposé révèle des éléments qui opèrent dans la construction de la période coloniale. Nous verrons que les histoires naturelles qui cherchent à décrire la constitution physique des Indiens de la Nouvelle Espagne sont diverses et contradictoires. Cependant, elles cherchent toutes à différencier les sujets coloniaux : les Indiens vis-à-vis des Espagnols, puis vis-à-vis des Créoles, en se fondant sur des critères physiques et moraux, à travers un discours naturaliste.
Différence américaine et histoire du racisme
La construction de relations raciales dans l’Amérique coloniale fait partie du débat sur la ressemblance et la différence entre le continent américain et les caractéristiques physiques du monde européen. Cette dichotomie s’inscrit dans le concept de Nouveau Monde et dans les interprétations historiques de ce processus11. Edmundo O’Gorman a introduit ce débat dans son ouvrage révolutionnaire La invención de América [L’invention de l’Amérique]12, suivi par Antonello Gerbi et John H. Elliott13, qui ont exploré les catégories avec lesquelles l’Occident a construit et a cherché à assimiler la nouveauté de l’Amérique14. Malgré tout, ce débat s’orienta plutôt vers l’évaluation du processus dans la dichotomie entre l’Europe et les autres, en articulant un sujet européen et un objet – le continent américain – dont les caractéristiques restaient ambigües15.
Parmi les auteurs classiques inscrits dans ce débat, Antonello Gerbi fut le plus prudent, en remarquant que les critères de ressemblance ou de différence attribués aux êtres « découverts » étaient des expressions de l’eurocentrisme à travers lequel les observateurs ont construit la représentation du territoire américain. Cela est crucial non seulement à cause des jugements de valeur implicites, « mais aussi parce que cela conduit à l’assimilation et à l’absorption, dans une masse exotique indifférenciée, de tout ce qui est distinct de ce que nous connaissons, d’une diversité générique dans laquelle les caractéristiques spécifiques de chaque élément exotique se trouvent confondues et submergées16 ». Bien qu’elles soient une clé de la domination, les descriptions européennes occultent complètement la richesse et la complexité de la réalité américaine, et la spécificité de chaque être vivant qui a fait l’objet de description.
Par la suite, des études ont proposé des interprétations plus complexes. Anthony Pagden a analysé l’impact de la « découverte » de l’Amérique dans le monde européen, suggérant qu’elle fut l’objet d’un long et complexe processus de réception. La production intellectuelle européenne à propos de l’Amérique n’a pas consisté en une résistance face à la réelle ampleur de ce qu’ils avaient devant les yeux, mais plutôt en l’usage et la transformation progressive de ses paradigmes culturels17. Karen Ordahl a souligné que la relation entre l’Europe et l’Amérique pouvait être visualisée comme une spirale de discours entrelacés qui transformait tous les participants18. La prise en compte de ces effets collatéraux permet de porter son attention sur la manière dont les peuples indigènes lurent le fait colonial avec leurs propres catégories19, mais aussi, sur le défi épistémique qu’a représenté, pour les acteurs européens, la traduction de la nature du Nouveau Monde dans le cadre du savoir de la chrétienté occidentale20.
La façon dont les Européens ont compris les habitants de l’Amérique avec leurs propres catégories a pesé sur les conditions de la composition de la nature de ce territoire. De plus, le discours intellectuel sur la façon de percevoir l’altérité fut rattaché au débat sur la légitimité de la conquête et la domination politique sur les territoires inclus dans sa juridiction21. José Luis Martínez nous rappelle que cette configuration sémiotique a été développée avec la description des sociétés indigènes et de leurs pratiques culturelles, contribuant ainsi à co-créer des termes et des signifiants pour se référer à l’autre22. Malgré leur diversité, les connaissances générées sur les sociétés furent fondamentales pour les institutions et les modes de gouvernement développés pour gouverner ces peuples23.
La définition de la « nature » des habitants de l'Amérique à travers la théorie des humeurs s’est avérée être une connaissance clé pour la domination des indigènes24. Cette doctrine, héritière du travail d'Hippocrate au Ve siècle avant notre ère, et systématisée par Galien au IIe siècle, fournissait une herméneutique du corps humain et du monde naturel. Elle se fondait sur les quatre humeurs cardinales : le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire, et leur correspondance avec les quatre éléments essentiels du cosmos (feu, air, terre et eau). Selon ces principes, le sang était considéré comme chaud, le flegme, comme froid et humide, la bile jaune, comme chaude et humide, et la bile noire, comme froide et sèche. Ces qualités de la matière s'appliquaient à tous les êtres vivants, humains et non humains, dont les équilibres formaient le tempérament (leurs états intérieurs constitutifs) et la complexion (manifestations physiques extérieures) particulières de chaque être vivant25.
Dans la théorie des humeurs, deux sens de la nature se rejoignaient : l'idée de natures spécifiques et l'existence de natures locales. Les premières font référence au sens du mot nature comme l'essence d'une chose ou son identité ontologique. La nature spécifique correspond au sens le plus ancien et primaire du terme grec « physis » et du latin « natura », étymologiquement liés à la reproduction et à la croissance26. Dans la mesure où leur science était la taxonomie, la nature spécifique découlait de classifications liées à des expériences historiques concrètes, à des pratiques culturelles et des concepts spécifiques27. C’est en ce sens que le savoir médical d’Hippocrate rendait compte d’un ordre naturel différencié au moyen de la classification des êtres vivants, en identifiant leurs qualités définies comme naturelles28.
Les natures locales, quant à elles, font référence aux combinaisons spécifiques de faune, de flore, de climat et de géologie qui façonnent un paysage. Depuis l'Antiquité, on considère que ces natures locales sont liées aux coutumes des habitants du lieu, établissant ainsi une correspondance entre ce que l'on peut appeler des facteurs environnementaux et les traits psychologiques et culturels des peuples29. Cette doctrine a été systématisée par le texte d’Hippocrate Airs, eaux, lieux (Ve siècle avant notre ère), qui conseille les médecins sur la manière de traiter les habitants de différents endroits et de divers climats. On admet que la connaissance d'un lieu ne peut pas être automatiquement transférée à un autre lieu, à moins qu'ils ne partagent des aspects fondamentaux. Cette idée présuppose d’une part, que les natures spécifiques (physis) sont invariables dans le temps et d’autre part, que leur combinaison complexe et leur influence produisent des formes locales différenciées30.
La prétention d’ordonnancement induite par les natures spécifiques et locales incarne ce que Lorraine Daston appelle « le paralogisme naturaliste », qui consiste à attribuer des valeurs culturelles à la nature pour faire appel à son autorité et refléter ces mêmes valeurs dans le domaine social31. La doctrine hippocratique confère une singularité aux natures et aux coutumes locales, mais avec une certaine plasticité, car elles sont modifiées de manière synchronique dans une logique d'intégration32. De plus, elle considère que le corps est intrinsèquement poreux et instable, ouvert à une variété d'influences extérieures et capable d'une transformation consciente ou inconsciente33. Ainsi, sa dimension normative ne correspond pas à celles des lois naturelles universelles, mais à un ordre naturel imprécis, conçu comme un collage de régularités de différentes formes, tels les juridictions et degrés de rigueur, déterminés par la manière dont divers acteurs utilisent le discours naturaliste.
L'instabilité du concept de nature et son aspiration à la normativité complexifient notre interprétation des références à l'influence du climat dans la description des qualités physiques des Indiens de Nouvelle-Espagne. Des auteurs comme Cañizares Esguerra interprètent ces aspects dans le contexte de l'histoire du racisme moderne, arguant qu'il s'est constitué en Amérique au cours des premières décennies du XVIIe siècle. Contrairement à la chronologie conventionnelle du racisme moderne liée à l'essor de la modernité scientifique aux XVIIIe et XIXe siècles, Cañizares suggère que des érudits tels que Buenaventura de Salinas y Córdoba et León Pinelo ont été les auteurs de l’émergence d’un racisme qui mettait l'accent sur le déterminisme biologique, considérant que le corps était le lieu de variations comportementales et de catégories homogénéisantes et essentialistes34.
Rebecca Earle propose une lecture différente. Dans son étude sur l’importance des humeurs corporelles dans la colonisation de l’Amérique, Earle opte pour une interprétation plus mesurée. Même si elle avance que la domination coloniale requiert le maintien d’une différence, la compréhension du corps indigène selon Hyppocrate met l’accent sur la fluidité qui rend impossible une différence stricte35. C’est la raison pour laquelle le monde de la première modernité offre peu de preuves de l’existence d’une conception de la race selon les termes du racisme scientifique36.
De son côté, Joan-Pau Rubiès plaide pour la définition de catégories plus fines qui permettent d’opérer des jugements plus précis sur le racisme. C’est pourquoi il défend le maintien d’une distinction entre le racisme « scientifique moderne », c'est-à-dire le racisme dur, et d’autres justifications concernant la discrimination ethnique ou religieuse. De plus, il propose d’écarter de possibles connexions linéaires entre le racisme « doux » et le racisme « dur » du XIXe siècle, potentiellement plus destructeur. Cette vision suppose de définir des différences ainsi que de potentielles connexions entre différentes formes de racisme, avec le XVIIIe siècle comme point de rupture37.
Aussi bien Cañizares Esguerra que Earle et Rubiès développent leur interprétation selon les paramètres de ce qu’on nomme le racisme scientifique. Cette épithète renvoie à la permanence du modèle évolutionniste de l’ancienne histoire des sciences, qui suppose que les connaissances des périodes antérieures faisant référence à l’héritage ou à l’influence climatique n’ont pas de lien avec le questionnement scientifique38. Sans perdre de vue qu’il s’agit là d’un débat ouvert, il me semble pertinent de reconnaître que dans ses différentes modalités historiques, cette dimension scientifique de la racialisation est toujours politique39. De ce fait, il est important de prendre en compte les conceptualisations du racisme avec de multiples articulations, qui vont au-delà du mot « race »40 et de sa configuration dans la modernité scientifique41.
Dans cette perspective, la thèse historique développée par Jean-Frédéric Schaub s’avère utile, puisqu’il situe l’origine du racisme dans le monde ibérique au cours des XVe et XVIe siècles, avec la conversion forcée des Maures et des Juifs au christianisme42. Dans ce processus politique, des catégories raciales basées sur la généalogie et le phénotype sont apparues pour la première fois, pour identifier les groupes minoritaires qui étaient devenus indétectables. Il fut établi que les caractères moraux et sociaux des personnes et des communautés se transmettaient de génération en génération à travers les fluides (le sang, le sperme, le lait) ou des tissus corporels, ce qui devint le fondement d’un mécanisme de contrôle social43. Ce processus a fait émerger une matrice politique qui, contrairement à des expériences historiques antérieures, a permis la construction d’une altérité considérée comme naturelle44.
Comprendre le racisme comme un dispositif de contrôle de la mobilité sociale formulé en Europe et dans la société ibérique bien avant la colonisation de l’Amérique défie les visions simplistes qui le considèrent comme un phénomène exclusivement colonial, projetant ainsi une notion de racisme linéaire et moderne sur les sociétés de la première modernité45. C’est l’interprétation d’Immanuel Wallerstein, pour qui le racisme constitue l’un des piliers idéologiques du capitalisme historique46. C’est aussi celle de la thèse sur la colonialité du pouvoir développée par Aníbal Quijano, qui postule une racialisation des relations de pouvoir développée sous la domination coloniale en Amérique47.
De son côté, cette proposition remet en question l’idée que la racialisation n’a existé que dans le cadre de la modernité des Lumières et que l’usage de la catégorie « racisme » pour des contextes antérieurs serait anachronique48. Le débat central tourne autour du sens du mot « race » et de son utilité dans l’histoire du racisme, dans laquelle on cherche à distinguer les faits historiques et sociaux relatifs à la race (comme mot et comme concept) de la catégorie de « racialisation » comme outil d’analyse. La présence du mot « race » dans les sources documentaires indique, mais ne garantit pas, que l’on utilise le concept de race dans ce contexte, et vice versa49. Des lectures lexicographiques, comme celle de França Paiva, restreignent au XVIIe siècle le sens péjoratif de « race » pour juger l’origine mauresque ou juive des sujets, en se fondant sur son inclusion dans le Tesoro de la lengua castellana [Trésor de la langue castillane] (1611) de Sebastián de Covarrubias50. Cependant, il est possible de déceler des usages antérieurs du terme de race avec des sens historiques divers et indépendants, qui ont facilité le processus de racialisation dans le sens politique que nous avons évoqué51. Il est important d’approfondir ce point.
Dans le contexte de la formulation légale du Juif converti et des statuts de pureté de sang comme catégorie normative, Hering Torres remarque qu’au XVe siècle, le mot « race » fut utilisé comme synonyme de « pureté », entendue comme le lignage et son défaut52. Malgré cette ambivalence, son usage croissant dans la lente formalisation des statuts de pureté de sang a permis une connexion entre ces deux significations pour exprimer l’héritage d’un défaut. Ainsi, le mélange entre impureté et race a évolué vers une symbiose conceptuelle ; l’impureté ne pouvait exister que s’il y avait un défaut dans le lignage hérité généalogiquement, de telle façon que là où l’on constatait la pureté, il n’y avait pas de race53. Tout au long des XVIe et XVIIe siècles, la notion d’impureté s’est étendue, au point de recouvrir des significations corporelles selon des termes théologiques, aristotéliciens et humoraux, dans le but de construire des collectivités différenciées54.
En tenant compte de l’évolution de la signification du terme « race » depuis ses origines anciennes, il est possible de porter notre attention sur les différents contextes dans lesquels la matrice politique du racisme a été invoquée. Comme nous le verrons dans les pages qui suivent, les descriptions de la constitution physique des habitants de la Nouvelle Espagne fait partie de cette histoire de la formation de catégories raciales. Même si le mot « race » n’apparaît pas dans le corpus, la composition de l’altérité des Indiens pour les différencier des Espagnols et des Créoles a recours à l’usage des sens normatifs du concept de nature, en défiant parfois les préceptes de la tradition classique. Le sens du lexique utilisé dans les descriptions présentes dans le corpus en est un indicateur qui mérite notre attention : cette composition diverse et disparate trouve son point d’ancrage dans les prétentions politiques récurrentes visant à renforcer les hiérarchies coloniales à travers le discours naturaliste.
La constitution physique des Indiens de Nouvelle Espagne
Dans les références au monde naturel américain, on trouve des indices précoces qui suggèrent l’importance de la nature locale comme déterminant de la nature spécifique de ses habitants55. Cependant, ces références ne sont pas systématiques. C’est à partir de la moitié du XVIe siècle qu’il est possible de déceler l’insistance avec laquelle est relevée une différence naturelle parmi ses habitants, dont le lien avec la nature locale varie selon les jugements des agents lettrés qui se dédient à les décrire.
Bernardino de Sahagún reprend ce lien entre nature locale et nature spécifique dans son Historia general de las cosas de Nueva España [Histoire générale des choses de Nouvelle Espagne] (1577). Développé dans le climat de dialogue interculturel du Collège de Santa Cruz de Tlatelolco, Sahagún mène à bien son projet encyclopédique sur « les choses de la Nouvelle Espagne », en y considérant diverses dimensions du monde nahuatl colonial56.[1] Dans le prologue du livre II, Sahagún note que l’Histoire représente l’organisation finale de l’information que, durant des années, lui ont fourni les sages indigènes qui lui tenaient lieu d’informateurs, aux témoignages desquels il a eu accès grâce à la collaboration des grammairiens trilingues – qui avaient été formés par lui-même – et aux questionnaires qu’il utilisa pour la première fois à Tepepulco en 155857. Contrairement aux premiers manuscrits, cette version présente l’information dans deux colonnes écrites : l’une, en nahuatl et l’autre, majoritairement dans sa traduction en espagnol. À cela s’ajoutent diverses illustrations qui évoquent la tradition de l’écriture pictographique mésoaméricaine.
Bernardino de Sahagún Histoire générale des choses de Nouvelle Espagne vol. 2.
Au chapitre 27 du livre X, qui fait référence au vocabulaire des Nahuas concernant les parties du corps humain, Sahagún écrit dans la colonne destinée à la traduction du nahuatl en espagnol, désignée comme « récit de l’auteur » ; il y développe son diagnostic de l’état de la christianisation en Nouvelle Espagne. La conquête spirituelle signifia la destruction des formes d’organisation et des croyances locales, et la mise en œuvre de nouvelles formes d’organisation et de contrôle social, de façon à écarter toute mauvaise pratique d’idolâtrie58. Cependant, ces efforts buttent sur les beuveries attribuées aux peuples indigènes et sur la violence sans frein qui s’exerce contre eux. À ce sujet, Sahagún déclare avec pessimisme :
Je ne suis pas émerveillé par les défauts et les sottises des natifs de cette terre : parce que les Espagnols qui y habitent, et bien plus encore, ceux qui y naissent, prennent ces mauvais penchants ; et ceux qui y naissent tout comme les Indiens, en apparence ils sont bien Espagnols, mais de par leur comportement, ils ne le sont pas : ceux qui sont d'origine espagnole, s'ils ne sont pas bien attentifs, quelques années après leur arrivée sur cette terre, ils changent. Je pense que cela est dû au climat ou aux constellations de cette terre59.
Dans l’exposé de Sahagún, il est important de noter la proximité entre « condition » et « nature », au sujet des natures spécifiques. D’après Covarrubias, « nature » est le terme qui signifie « natura », mais parfois aussi « condition », dans le sens « un tel est de nature forte » ou également « caste », « patrie » ou « nation »60. Puisque tant les Indiens que les Espagnols se trouvent affectés par le climat, Sahagún explique la décadence morale des Espagnols par une altération de leurs penchants, ce qui transforme leur nature spécifique au point de constituer une altérité similaire à celle des natifs de cette terre et à leurs mauvais penchants.
En dialoguant avec ces premiers auteurs, Francisco Hernández approfondit la compréhension de la nature locale de la Nouvelle-Espagne. Formé à l'Université d'Alcalá de Henares et médecin de la Chambre de Philippe II, Hernández se rendit en Nouvelle-Espagne avec le mandat de servir comme médecin général des Indes et d'élaborer une histoire naturelle. Dans ce but, Hernández parcourut le territoire au cours de plusieurs expéditions entre 1570 et 157761. À partir de cette expérience in situ, il rédigea non seulement le manuscrit monumental de son Historia natural de Nueva España, mais aussi un autre manuscrit intitulé De Antiquitatibus Novae Hispaniae62. Selon León-Portilla, dans cette œuvre, Hernández utilisa et traduisit en latin une partie du travail effectué par Sahagún, ce qui explique la similitude de certains passages de ces œuvres63. Cependant, il n'hésita pas à y inclure sa propre lecture de la culture nahua et de sa nature.
Hernández commence par définir le climat de Mexico comme froid et chaud, bien qu’un peu humide à cause de la lagune. Bien que le sol soit fertile et que « brillent et abondent toutes choses64 », cette qualité positive contraste avec la nature de ses habitants. Il met en avant la distinction entre « l’intelligence supérieure des Espagnols », qu’il oppose à celle des Indiens, dans leur majorité « faibles, timides, menteurs, qui vivent au jour le jour, paresseux, ayant un penchant pour le vin et l’ébriété, et moyennement pieux ». Néanmoins :
Ils sont de nature flegmatique et d’une patience remarquable, ce qui leur permet d’apprendre des arts encore considérablement difficiles et que les nôtres ne pratiquent pas : sans l’aide d’un maître, ils imitent divinement n’importe quelle œuvre. Mais les plantes ne font pas de racines profondes, et aucun n’est de nature constante et forte, et à propos des hommes qui naissent ces derniers temps et qui commencent à occuper cette région, même s’il ne sont que d’origine espagnole, ou bien s’ils naissent de géniteurs de diverses nations, espérons qu’ils obéissent au ciel et ne dégénèrent pas au point d’adopter les coutumes des Indiens65.
Hernández invoque les caractéristiques de la nature flegmatique pour justifier l’habilité des Indiens dans les arts manuels. Cependant, il n’hésite pas à les considérer comme ayant une nature spécifique inférieure à celle des Espagnols ou d’autres nations, en faisant appel à l’effet de la nature locale qui empêche que d’autres êtres vivants, comme les plantes, ne prennent profondément racine. De même que Sahagún, il craint le risque d’une « dégénérescence » des Espagnols qui habitent le territoire, c’est-à-dire, la perte d’une partie de leurs propriétés originelles66. C’est la nature qui détermine leur condition de faibles, paresseux et ivres, malgré l’admiration devant la diversité des plantes, des animaux et des minéraux, qui « varient avec de très brefs intervalles de territoire » de même que la diversité des coutumes et des rites des hommes que, selon Hernández, « l’intelligence humaine pourrait à peine suivre » et qui « peut seulement être comprise par les présents, par l’expérience elle-même 67 ».
Aussi, à partir de cette expérience de terrain, Juan de Cárdenas s’est prononcé de manière catégorique sur la nature américaine et ses Problemas y secretos maravillosos de Indias, [Problèmes et secrets merveilleux des Indes] imprimée par Pedro Balli en 1591. Cárdenas a étudié la médecine à la Real Universidad de México et a exercé à l’hôpital de San Miguel de Guadalajara. Contrairement à Hernández, il a écrit en espagnol dans l’espoir de vulgariser le savoir d’origine européenne sur le territoire de la Nouvelle Espagne. Dans le but de toucher un public plus large, il flexibilisa la typologie de l’histoire naturelle, en faisant usage d’autres genres comme la littérature de secrets et la problemata aristotélicienne68.
Tout au long de son œuvre, les propos de Cárdenas insistent sur la supposée identité négative de la nature locale américaine. Un signe « évident » en est la « propriété défectueuse » des arbres dont les racines ressortent de terre, du fait d’un hiver trop doux, ce qui produit des branches faibles et des fruits qui « manquent de la parfaite saveur et vertu qu’ils ont en Espagne, puisqu’on voit des arbres qui manquent de force et de vigueur pour les produire69. » De ce contexte peu favorable, Cárdenas exempte les Créoles auxquels il attribue un esprit « aigu, supérieur et délicat », contrairement aux Espagnols qui viennent d’arriver aux Indes. La raison en est leur complexion « sanguine » et « colérique » : sanguine du fait de l’influence de la nature locale, chaude et humide, mais aussi du fait de la complexion colérique qu’ils héritent de la « nation espagnole ». Grâce à cette nature spécifique, ils sont tous généralement « blancs et roux, car ils ne se sont pas ancrés dans cette terre, ainsi que francs, libéraux, gais, vaillants, affables, de bonne composition et joyeux, tout ceci correspondant aux habitudes et aux qualités produites par la complexion sanguine et colérique70».
Le cas des Indiens est différent. De même que Hernández, Cárdenas considère qu’ils sont de nature flegmatique, puisqu’ils n’ont des cheveux blancs qu’à un âge très avancé, qu’ils n’ont pas de calvitie ni de barbe qui pousse. Cárdenas précise que cela est dû au flegme naturel qui est propre à leur substance et à la composition de leurs membres, à la différence du « flegme accidentel » engendré par le fait d’habiter dans des régions humides comme les Indes71. Comme le remarque Cañizares, la différence entre le naturel et l’accidentel renvoie à la métaphysique d’Aristote et Cárdenas l’utilise à bon escient. Selon la distinction aristotélicienne, le naturel se réfère au comportement prévisible d’objets et d’organismes, alors que l’accidentel fait référence aux propriétés passagères des formes72.
Cette notion d’innéisme attribuée à la nature spécifique des Indiens est lié aux penchants moraux que Cárdenas peint dans son diagnostic clinique de la peste bubonique, dont la propriété se retrouve chez :
des sujets sales et plein d’immondices ; à ce sujet nous voyons d’ordinaire ce mal commencer chez les Noirs, les Indiens et les Mulâtres et des gens qui sont métisses de cette terre, car pour la plupart, ils vivent dans des conditions caractérisées par le manque d’hygiène et de pudeur. C’est la raison pour laquelle nous verrons que ce mal commence toujours par les parties sales et immondes du corps humain et la contamination de l’un à l’autre vient principalement par la voie d’actes malencontreux, sales et immondes73.
Il est difficile de distinguer les limites entre nature et culture dans le discours politique de Cárdenas au sujet de la contigüité entre la nature spécifique des Indiens et la propreté, l’ordre et la morale de la société coloniale. Pour M. Douglas, la saleté peut être comprise comme le « produit secondaire d’une mise en ordre et une classification systématique de la matière, dans la mesure où l’ordre implique le rejet d’éléments inappropriés74». Dans ce sens, Cárdenas emploie le discours naturaliste pour définir le « manque de propreté » et « de pudeur » comme un aspect essentiel de la vie des Indiens, des mulâtres et des gens « qui sont métisses de cette terre », c'est-à-dire, comme un mécanisme de hiérarchisation politique. On constate donc que la nature locale est une aide à la construction de l’altérité, dont la complexion chaude et humide engendre la corruption, la putréfaction et l’immondice75.
Une particularité des Espagnols nés en Amérique serait d’esquiver la nature négative des Indes. Cette idée occupe aussi un espace significatif dans le Repertorio de los tiempos e historia natural de esta Nueva España [Répertoire des temps et de l’histoire naturelle de cette Nouvelle Espagne] de Henrico Martínez, publié en 1606. Né à Hambourg, Martínez se rendit en Nouvelle Espagne depuis la Péninsule Ibérique en 1589 pour y prendre la charge de cosmographe du roi. Grâce à ses études en mathématiques, il collabora étroitement avec les autorités locales dans les chantiers des égouts de Huehuetocay. Il exerça également comme interprète de l’Inquisition et typographe, et fut, en tant que tel, responsable de l’impression de son propre ouvrage76.
À travers ses pronostics d’astronomie, ses références à l’histoire de l’humanité, la cosmographie et l’étude de la matière végétale du territoire, Martínez insiste sur la complexion flegmatique des Indiens comme marqueur naturel servant à les diminuer par rapport aux créoles et aux Espagnols nouveaux venus. Dans la mesure où dans le royaume, c’est l’influence de Vénus avec une participation du Soleil qui prédomine, la nature locale de la Nouvelle Espagne est influencée par le flegme tiède et, en second lieu, par la colère77. À partir de ces coordonnées, Martínez affirme que les natifs sont « de complexion flegmatique et sanguine, que le flegme prédomine chez eux, et qu’avec leurs actions et coutumes ordinaires, l’expérience permet de les définir ainsi, car ils suivent généralement cette complexion : le sol très humide de cette terre y est aussi pour beaucoup, nous sommes toujours liés à la qualité de la terre où nous vivons78 . » Dans cet argumentation circulaire, Martínez fait siennes les idées précédentes, sans pour autant les approfondir, en rapprochant, dans une logique de contigüité, la qualité de la terre et la nature spécifique des Indiens de Nouvelle Espagne à travers leurs coutumes.
De même, chez Martínez, les créoles et les Espagnols nouvellement arrivés d’Europe sont exempts des influences négatives du climat. Contrairement à Cárdenas, Martinez n’a pas de préférence pour les créoles au détriment des Espagnols, auxquels il reconnaît une nature spécifique supérieure, avec des nuances. Ainsi, les Espagnols qui naissent sur le territoire sont confrontés à l’influence de l’humeur flegmatique et sanguine, « presque accidentellement », car leur humeur colérique, qu’ils héritent des générations antérieures, « admet et reçoit » le sanguin par similitude, alors qu’elle « résiste » au flegmatique parce qu’il leur est contraire et qu’ils le considèrent comme « répugnant79 ». De leur côté, les Espagnols qui arrivent en Amérique renforcent leur esprit « grâce à la nature locale, au climat, à la qualité de nouveaux aliments, à l’abondance et à la fertilité du royaume80.
Comme le remarque Martínez, si la nature de la Nouvelle Espagne éveille les esprits, les natifs devraient en être avantagés. Cependant, le cosmographe contredit son argumentation en invoquant son l’expérience selon laquelle les Indiens sont « très inférieurs aux Espagnols dans leurs capacités, et par conséquent le royaume n’a pas les propriétés qui lui sont attribuées81 ». Pour justifier cette hiérarchisation, Martínez affirme que les causes universelles varient selon « la qualité de la matière ». Ainsi, les effets du royaume sur la complexion des métisses, des Indiens et des Espagnols varient selon « leur tempérament, la disposition de leur cerveau et des organes corporels », c’est-à-dire selon leur nature spécifique. D’ailleurs, cette « diversité d’esprit qui se trouve dans les nations mentionnées » devient plus complexe pour ceux qui sont membres d’une même nation :
Si l’on compare les métisses qui grandissent et habitent sur cette terre à ceux de l’Espagne de Guinée, nous pouvons reconnaître que les premiers dépassent ces derniers en particulier par le talent et l’habileté. Il en est de même pour les Indiens. On sait que pour ceux qui habitaient les îles de Cuba et de Saint-Domingue, tout comme ceux de Floride et sur toutes les terres de cette latitude jusqu’à la mer du Sud, ils sont presque tous barbares, bestiaux et nus ; ce que l’on ne peut pas dire des Indiens de la Nouvelle Espagne, car même avant l’arrivée des Espagnols, ils y vivaient sous un gouvernement politique, ils faisaient usage de comptes et de mesures, ainsi que de caractères avec lesquels il écrivaient un calendrier et figuraient les événements survenus, avec un tel ordre et une telle harmonie qu’ils leur servaient d’histoire. En effet, grâce à ces écrits, ils connaissaient les faits survenus plusieurs siècles auparavant, d’où l’idée que les gens qui habitent ce royaume surpassent en habileté ceux de la même nation qui habitent ailleurs, et qu’ils doivent recevoir les qualités permettant de produire de bons esprits82.
Si le postulat universel est l’influence de la nature locale sur la nature spécifique des habitants, Martínez utilise le discours naturaliste pour justifier des hiérarchies sociopolitiques entre les nations des Espagnols et des Indiens. Même si ce discours introduit quelques nuances au sujet de la localisation des natures des nations dans le monde, le résultat de leurs complexions rejoint l’ordre social, considéré comme un ordre naturel. Les éléments qu’il prend en compte, comme chez Cárdenas, sont ceux qui s’apparentent à la civilisation européenne, comme l’habillement et la vie urbaine83. C’est pourquoi il soutenait que les Indiens de la Nouvelle Espagne étaient plus ingénieux que les Indiens considérés comme des barbares des îles de Cuba et de Saint-Domingue, sans que cette différence ne permette pour autant de les apparenter à la nature de la nation espagnole, que ce soit celle des créoles ou des Espagnols nouveaux venus.
Contrairement à ses pairs, le médecin Diego Cisneros, dans Sitio, naturaleza y propiedades de la ciudad de México, imprimée par l’éminent Joan Blanco de Alcázar en 1618, affirme que les Indiens sont de nature mélancolique. Formé à Alcalá de Henares, Cisneros est arrivé en Nouvelle Espagne en 1612, avec le vice-roi Diego Fernández de Córdova. En 1617, il a intégré la Real y Pontificia Universidad de México [l’Université royale et pontificale de Mexico]84. À l’instar de Martínez, Cisneros développe sa compréhension naturaliste du territoire en s’appuyant sur la tradition hippocratique, dans le but de systématiser la compréhension géographique en s’appuyant sur l’astrologie85.
Cependant, contrairement à Hernández, Cárdenas et Martínez, Cisneros attribue aux Indiens une complexion mélancolique, et reconnaît la difficulté d’analyser les complexions des hommes en particulier. Il critique l’interprétation de Henrico Martínez sur l’influence des planètes qui gouvernent la Nouvelle Espagne, et affirme :
Les Indiens ne sont pas flegmatiques mais mélancoliques, d’autant plus si l’on considère la facilité avec laquelle ils apprennent les arts et les métiers avec toutes qualités à la perfection, ce qui en revanche répugne les flegmatiques, au sujet desquels Aristote a avancé qu’ils n’étaient bons à rien, mous, paresseux et ignorants […] toutes attitudes dédaignées par les Indiens qui sont agiles, curieux, de couleur cuivrée tirant vers le brunâtre, habiles et ingénieux comme on le voit à travers les arts qu’ils exercent, pour lesquels il faut de l’intelligence et de la mémoire86.
Il ajoute plus loin qu’ils sont aussi sanguins et non pas colériques, comme l’affirmait Martínez, du fait de l’équilibre de la région où ils résident. Contrairement à ses prédécesseurs, Cisneros place au centre de leur composition l’étroite relation entre ingéniosité et couleur selon la tradition du savoir hippocratique. Dans la mesure où les Indiens ont l’esprit ingénieux, il remarque qu’ils sont de couleur cuivrée et ainsi, ni mous ni ignorants, contrairement aux personnes flegmatiques, dont les caractéristiques physiques diffèrent87.
Diego Cisneros, Site, nature et propriétés de la ville de Mexico, 1618.
Ce contrepoint dans le lexique hippocratique pour composer la nature des Indiens de la Nouvelle Espagne n’a en aucune façon remis en question la hiérarchisation sociale que les écrits précédents avaient cherché à instituer. Pour déterminer la complexion des Créoles, Cisneros a aussi insisté sur la nature spécifique divergente de la nature locale. Sans évoquer une détérioration morale à l’image de ce que fait Cárdenas, Cisneros classe aussi les Créoles dans la complexion colérique et compose une nature spécifique avantagée par l’équilibre de la région, qui leur permet d’être des hommes dociles, à l’esprit vif, studieux et prudents. Cependant, le médecin reste prudent lorsqu’il n’étend pas ces qualités à l’ensemble des Espagnols qui arrivent en Amérique. Contrairement à Martínez, Cisneros indique que les Espagnols et les Castillans présentent des complexions variables, puisque leur différence d’âge et l’impact des aliments américains produisent « tant de variété et tant de différentes natures des hommes88».
Conclusion
Comme nous avons pu le constater, il existe diverses nuances dans la façon dont ce corpus cherche à composer la nature des habitants de la Nouvelle Espagne à travers le schéma humoral. Cela est dû aux modes de relation que le corpus établit vis-à-vis des natures spécifiques des Indiens, des Créoles et des Espagnols, et au degré d’influence de la nature du territoire américain. Alors que pour Sahagún et Hernández, la nature locale présente un risque de dégénérescence pour les Créoles, Cárdenas, Martínez et Cisneros n’hésitent pas à affirmer que la nature de la Nouvelle Espagne vivifie leurs esprits grâce à leur complexion colérique.
Ils ne s’entendent pas non plus sur la façon dont les inclinations des Indiens sont liées à leur complexion flegmatique ou mélancolique. Hernández reste ambivalent en qualifiant les Indiens de « faibles » et « paresseux », malgré l’ingéniosité et la patience dont ils font preuve dans l’apprentissage des arts difficiles. Cárdenas, de son côté, voit dans les Indiens la putréfaction et la corruption qui sont le produit des Indes. Pour finir, Martínez et Cisneros mettent en avant la diversité naturelle des nations qui habitent le territoire et mettent positivement en valeur l’ingéniosité des Indiens, malgré leur infériorité vis-à-vis des Espagnols.
Quelle que soit la nuance, ces stratégies discursives partagent le fait d’inférioriser les Indiens par rapport aux autres habitants, Créoles et Espagnols. La stratégie partagée consiste en l’attribution d’identités distinctes, considérées comme des différences « naturelles » ; elle constitue ainsi une pratique de racialisation. Il n’est pas nécessaire d’évoquer ici la pertinence des caractères de réalité ou d’imagination de ces textes, mais il convient de comprendre l’usage politique dont ils sont l’objet. Du diagnostic critique de l’évangélisation ébauchée par Sahagún à la défense de la supériorité des Créoles établie par Cisneros, la description de la nature du territoire et de ses habitants dialogue avec les difficultés à consolider le domaine colonial. C’est pourquoi nous faisons référence à la matrice politique du racisme formulée dans la Péninsule Ibérique au cours du XVe siècle dans la construction d’identités coloniales, et dans ce cas précis, à la différence hiérarchique entre les Indiens, les créoles et les Espagnols, dans le but d’enrayer la mobilité sociale.
La disparité du corpus qui traite de la façon dont les natures locales interagissent avec les natures spécifiques des habitants de la Nouvelle Espagne ne doit pas être considérée comme un frein à l’analyse de ces récits comme des instances de construction de catégories raciales. Le débat contemporain attire l’attention sur le fait que le racisme dit « scientifique » n’était pas cohérent non plus dans le langage de la modernité scientifique89. Ce rappel invite à traiter les mécanismes particuliers à la Nouvelle Espagne en les faisant dialoguer avec d’autres contextes historiques, dont les stratégies, tout aussi disparates, avaient pour but de naturaliser les différences hiérarchiques, avec ou sans usage du terme de « race ».
C’est ainsi que nous en revenons au cœur de la question. En Nouvelle Espagne coloniale, la formation de catégories raciales était fondée sur la conception de la « nature » de ses habitants. Cette « nature » n’était pas un concept immuable, mais plutôt un élément rhétorique utilisé par le discours politique90. Sa dimension normative était utilisée pour hiérarchiser le corps et la condition morale des Indiens selon leur degré de civilité, fondé sur les normes européennes, au lieu de refléter leur identité. Ainsi, la nature à laquelle se réfèrent les auteurs analysés ici met en avant constamment ce que les Indiens devaient être selon les expectatives du savoir naturel européen, au détriment de ce qu’ils étaient réellement91. En résumé, cette construction de catégories raciales avait pour but d’établir un ordre naturel qui justifie les relations coloniales.
Notes
1
Ce texte est la traduction française de l'article « La complexión de los indios de Nueva España. Composición, naturaleza y racialización en la Modernidad temprana (siglos XVI-XVII) », paru dans Estudios de Historia Novohispana, n. 70, 2024, p. 153-181. DOI: https://doi.org/10.22201/iih.24486922e.2024.70.77780
2
Ce concept renvoie à la proposition développée par Bruno Latour in « Steps toward the writing of a compositionist manifiesto », New Literary History , 2010, n.°41, p. 473-474.
3
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, 2020, p. 30-32.
4
Joan-Pau Rubiès, « Were early modern europeans racist? », In Amos Morris-Reich et Dirk Rupnow (dir.), Ideas of « Race » in the History of Humanities, Suisse, Palgrave Macmillan Cham, 2017, p. 38.
5
Brian W. Ogilvie, « Natural History, Ethics, and Physico-Theology », In Gianna Pomata et Nancy G. Siraisi (dir.), Historia: Empiricism and Erudition in Early Modern Europe, Cambridge, The MIT Press, 2005, p. 75-103.
6
Gianna Pomata et Nancy G. Siraisi, Historia. Empiricism and Erudition in Early Modern Europe, Cambridge, The MIT Press, 2005, p. 4.
7
Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991; Phillipe Descola, Par delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005; Clarence J. Glacken, Huelas en la playa de Rodas. Naturaleza y cultura en el pensamiento occidental desde la Antigüedad hasta finales del siglo XVIII, Barcelone, Editions del Serbal, 1996; David Arnold, La Naturaleza como problema histórico. El medio, la cultura y la expansión de Europa, Mexico, Fondo de Cultura Económica, [1996] 2001.
8
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, 2020, p. 13.
9
Je fais mienne la proposition de Bruno Latour développée dans « Steps toward the Writing of a compositionist manifiesto », New Literary History , n° 41, 2010, p. : 471-490 ; Bruno Latour, « Sobre la inestabilidad de la (noción de) naturaleza », In Cara a cara con el planeta. Una nueva mirada sore el cambio climático alejada de posiciones apocalípticas, Buenos Aires, Siglo XXI, [2015] 2017, p. 29, 52.
10
Bruno Latour, « Steps toward the Writing of a compositionist manifiesto », New Literary History , n.°41, 2010, p. 473-474.
11
John H. Elliott, « Mundos parecidos, mundos distintos », Mélanges de la Casa de Velázquez, nº 34, 2004, p. 293-311.
12
Edmundo O’Gorman, La invención de América. Investigación acerca de la estructura histórica del Nuevo Mundo y del sentido de su devenir, Ciudad de Mexico, Fondo de Cultura Económica, [1958] 2021.
13
Antonello Gerbi, La naturaleza de las Indias Nuevas, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1978 ; l’ouvrage classique de John H. Elliott, El Viejo Mundo y el Nuevo (1492-1650), Madrid, Alianza Editorial, 1970.
14
Anthony Grafton, (dir.), New Worlds, Ancient Texts : The Power of Tradition and the Shock of Discovery, Londres, Belknap Press,1995 ; Enrique Dussel, 1492. El encubrimiento del Otro, La Paz, Plural editores, 1994 ; José Rabasa, De la invención de América. La historiografía española y la formación del eurocentrismo, Mexico, Universidad Iberoamericana, [1993] 2009.
15
Enrique Dussel, 1492. El encubrimiento del Otro, La Paz, Plural editores, 1994, p. 27
16
Antonello Gerbi, La naturaleza de las Indias Nuevas, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1978, p. 18.
17
Anthony Pagden, La caída del hombre natural: el indio americano y los orígenes de la etnología comparativa, Madrid, Alianza Editorial, 1988, p. 25-26.
18
Karen Ordahl Kupperman, « Introduction », in Karen Ordahl Kupperman (dir.), America in european consciousness, 1493-1750, North Carolina, University North Carolina Press, 1995, p. 5.
19
José Rabasa, De la invención de América. La historiografía española y la formación del eurocentrismo, Mexico, Universidad Iberoamericana, 2009 ; Walter Mignolo, El lado más oscuro del Renacimiento. Alfabetización, territorialidad y colonización, Popayán, Editorial Universidad del Cauca, [1995] 2016; Federico Navarrete, « Las historias de América y las historias del mundo: una propuesta de cosmohistoria », Ajel, n.º 36, 2016, p. 1-35.
20
Jorge Cañizares Esguerra, Nature, empire, and nation: explorations of the history of science in the iberian world, Stanford, Stanford University Press, 2006 ; Daniela Bleichmar, Paula De Vos, Kristin Huffine & Kevin Sheehan (dir.), Science in the Spanish and Portuguese Empires, 1500-1880, Stanford, Stanford University Press, 2009 ; John Slater, María Jesús López Terrada et José Pardo-Tomás, Medical cultures of the early modern spanish world, Farnham, Ashgate, 2014; José Pardo-Tomás et Mauricio Sánchez Menchero, Geografías médicas. Orillas y fronteras culturales de la medicina hispanoamericana (siglos XVI y XVII), Mexico, Centro de Investigaciones Interdisciplinarias en Ciencias y Humanidades, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 2014; Helge Wendt (dir.), The Globalization of Knowledge in the Iberian Colonial World, Berlin, Proccedings 10-Max Planck Institute for the History of Science, 2016; Angélica Morales Sarabia, José́ Pardo-Tomás et Mauricio Sánchez Menchero (dir.), De la circulación del conocimiento a la inducción de la ignorancia. Culturas médicas trasatlánticas, siglos XVI y XVII, Ciudad de Mexico, Centro de Investigaciones Interdisciplinarias en Ciencias y Humanidades, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 2017 ; Mauricio Nieto, « La comprensión europea del Nuevo Mundo: Eurocentrismo y ciencia ibérica en el Atlántico del siglo XVI », L’Atelier du Centre de recherches historiques, n.º 17, 2017, p. 1-23; Ralph Bauer et Jaime Marroquín Arredondo, « Introduction : an age of Translation », in Jaime Marroquín et Ralph Bauer (dir.), Translating nature. Cross-cultural histories of early modern science, Philadelphie, University of Penssylvania Press, 2019, p. 1- 13.
21
Stephen Greenblatt, Marvelous Possessions : The Wonder of the New World, Oxford, Oxford University Press, 1992; et Anthony Pagden, La caída del hombre natural: el indio americano y los orígenes de la etnología comparativa, Madrid, Alianza Editorial, 1988.
22
José Luis Martínez, « Construcciones asimétricas: de indios, viracochas y supays en los Andes coloniales », in Alejandra Araya et Jaime Valenzuela (dir.), América Colonial. Denominaciones, clasificaciones e identidades, ed. par Alejandra Araya et Jaime Valenzuela, Santiago, Ril editores, 2010, p. 25.
23
Federico Navarrete, Hacia otra historia de América. Nuevas miradas sobre el cambio cultural y las relaciones interétnicas, Mexico, Universidad Nacional Autónomo de Mexico, 2015, p.16
24
Germán Morong et Víctor Brangier, « El ‘humor’ de los indios en el saber médico de los siglos XVI-XVII », Revista médica de Chile, n.º 145, 2017, p. 920-925.
25
Roy Porter et Georges Vigarello, « Cuerpo, salud y enfermedades », in Georges Vigarello (dir.), Historia Del Cuerpo. Vol. 1 Del Renacimiento Al Siglo De Las Luces, Madrid, Taurus, 2005, p. 324-326.
26
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, [2019] 2020, p. 18-19.
27
Michel Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, [1966] 2008, p.12-13.
28
Julio Vera, « Fisuras clasificatorias y hierbas medicinales. El caso del picietl en la invención de materia médica novohispana (S. XVI) », Asclepio, n.º 73, 2021, p. 378.
29
Clarence J. Glacken, Huellas en la playa de Rodas. Naturaleza y cultura en el pensamiento occidental desde la Antigüedad hasta finales del siglo XVIII, Barcelone, Ediciones del Serbal, 1996, p. 27-35.
30
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, [2019] 2020, p. 31.
31
L’idée de « paralogisme naturaliste » fut apportée par le philosophe britannique G. E. More dans le champ de l’éthique. Lorraine Daston a affirmé que cette intuition généralisée dans diverses cultures répond à « la perception de l’ordre comme un fait réel et comme idéal », in Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, [2019] 2020, p.15.
32
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, [2019] 2020, p. 31.
33
Rebeca Earle, The body of the conquistador. Food, race and the colonial experience in Spanish America, 1492-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 41, p. 52.
34
Jorge Cañizarez Esguerra, « New world, news stars: patriotic astrology and the Invention of indian and creole bodies in colonial Spanish America, 1600-1650 », American Historial Review, vol. 104, n. º 1, 1999, p. 33-68.
35
Rebeca Earle, The body of the conquistador. Food, race and the colonial experience in Spanish America, 1492-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 185.
36
Rebeca Earle, The body of the conquistador. Food, race and the colonial experience in Spanish America, 1492-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 214.
37
Joan-Pau Rubiès, « Were early modern europeans racist? », in Amos Morris-Reich et Dirk Rupnow (dir.), Ideas of « Race » in the History of Humanities, Suisse, Palgrave Macmillan Cham, 2017, p. 36.
38
Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani et Max S. Hering Torres, « Editorial. Raza: perspectivas transatlánticas », Anuario Colombiano De Historia Social Y De La Cultura, nº 43, 2016, p. 25.
39
Donna Haraway, « La promesa de los monstruos: una política regenerativa para los inadaptados/ables otros », In Las promesas de los monstruos. Ensayos sobre ciencia, naturaleza y otros inadaptables, Salamanca, Holobionte Ediciones, 2019, p. 39.
40
Julio Arias et Eduardo Restrepo, « Historizando raza : propuestas conceptuales y metodológicas », Emancipación y crítica, nº 3, 2010, p. 49.
41
Marisol de la Cadena, Indigenous mestizos. The politics of race and culture in Cuzco, Perú, 1919-1991, Durham, Duke University Press, 2000 ; Peter Wade, Race, nature and culture. An anthropological perspective, Londres, Pluto Press, 2002 ; Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani et Max S. Hering Torres, « Editorial. Raza: perspectivas transatlánticas », Anuario Colombiano De Historia Social Y De La Cultura, nº 43, 2, 2016, p. 23-30. .
42
Adriano Prosperi, La semilla de la intolerancia. Judíos, herejes, salvajes : Granada 1492, Santiago, Fondo de Cultura Económica, [2011] 2018.
43
Jean-Frédéric Schaub, Para Una Historia Política de La Raza, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, [2015] 2019, p. 93.
44
Jean-Frédéric Schaub, Para Una Historia Política de La Raza, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, [2015] 2019, p.109-101.
45
Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani et Max S. Hering Torres, « Editorial. Raza: perspectivas transatlánticas », Anuario Colombiano De Historia Social Y De La Cultura, nº 43, 2, 2016, p. 24.
46
Immanuel Wallerstein, Le Capitalisme historique, Paris, La Découverte, [1985] 2002.
47
Aníbal Quijano, « Colonialidad del poder y clasificación social », Journal of world-systemresearch, VI 2, 2000, p. 324-386; Walter Mignolo, La idea de América Latina. La herida colonial y la opción decolonial, Barcelone, Gedisa, 2005, p. 43.
48
Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani et Max S. Hering Torres, « Editorial. Raza: perspectivas transatlánticas », Anuario Colombiano De Historia Social Y De La Cultura, n.º 43, 2016, p. 24.
49
Julio Arias et Eduardo Restrepo, « Historizando raza : propuestas conceptuales y metodológicas », Emancipación y crítica, 2010, n.º 3, p. 49.
50
Eduardo França Paiva, Nombrar lo nuevo. Una historia léxica de Iberoamérica entre los siglos XVI y XVIII (las dinámicas de mestizaje y el mundo del trabajo), Santiago, Centro de Investigaciones Diego Barros Arana, Editorial Universitaria, 2020, p. 159-160.
51
Max S. Hering Torres, « La limpieza de sangre. Problemas de interpretación: acercamientos históricos y metodológicos », Historia Crítica, 2011, n.º 45, p. 35.
52
Max S. Hering Torres, « La limpieza de sangre. Problemas de interpretación: acercamientos históricos y metodológicos », Historia Crítica, 2011, n.º 45, p. 39.
53
Max S. Hering Torres, « La limpieza de sangre. Problemas de interpretación: acercamientos históricos y metodológicos », Historia Crítica, 2011, n.º 45.
54
Max S. Hering Torres, « La limpieza de sangre. Problemas de interpretación: acercamientos históricos y metodológicos », Historia Crítica, 2011, n.º 45, p. 40 ; Alejandra Araya, « Castas o razas?: imaginario sociopolítico y cuerpo mezclados en la América colonial. Una propuesta desde los cuadros de castas », in Hilderman Cardona et Zandra (dir.) Al otro lado del cuerpo. Estudios biopolíticos en América Latina, Medellin, Universidad de los Andes, Universidad de Medellín, 2014, p. 68.
55
En réponse à Christophe Colomb sur la question de la faible profondeur des racines des arbres d’Hispaniola, Isabelle La Catholique déclara : « Sur cette terre où les arbres ne prennent pas racine, on trouvera chez les hommes peu de vérité et moins encore de constance. » Au contraire, pour Bartolomé de las Casas, le climat d’Hispaniola était idéal pour le développement de la rationalité de ses habitants indigènes. À ces jugements divergents, on peut ajouter la croyance en l’idée que les conditions climatiques pouvaient être altérées par l’intervention divine, comme le signalait Gonzalo Fernández de Oviedo en expliquant que les ouragans avaient cessé dès que le Très Saint Sacrement avait été installé dans les églises et les monastères de Saint-Domingue. Cf. : John H. Elliott, España, Europa Y El Mundo De Ultramar (1500-1800), Barcelone, Taurus, [2006] 2017, p. 273-274.
56
Miguel León Portilla, Humanista de Mesoamérica, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1997; Walter Mignolo, El lado más oscuro del Renacimiento. Alfabetización, territorialidad y colonización, Popayán, Editorial Universidad del Cauca, 2016 ; Jeanette Peterson, et Kevin Terraciano (dir.), The Florentine Codex. An Encyclopedia of the Nahua World in Sixteenth-Century Mexico, Austin, Texas University Press, 2019.
57
Les résultats de ces investigations son les Primeros memoriales,[premiers mémoires] utilisés ensuite pour le développement d’un questionnaire plus étendu. Une seconde étape de cet ouvrage a été développée à Tlatelolco, avec l’édition du manuscrit antérieur, en élaborant ce qui est connu sous le nom de Códice Matritense[Codex de Madrid], écrit en nahuatl. L’ultime étape de la compilation se fit lorsque Sahagún déménagea au couvent de San Francisco de Mexico en 1565, où l’œuvre fut à nouveau révisée et éditée, devenant ainsi la Historia general de las cosas de Nueva España[Histoire générale des choses de Nouvelle Espagne]. Sur le rôle du questionnaire, cf. : Alfredo López Austin, « Estudio acerca del método de investigación de fray Bernardino de Sahagún », Estudios de Cultura Náhuatl, 2011, n.º 42, p. 353-400 ; Victoria Ríos, Translation as a Conquest : Sahagún and Universal History of the Things of New Spain, Madrid, Iberoamericana, 2014.
58
Bernardino de Sahagún, Historia general de las cosas de Nueva España, Libro X, cap. 27, f 72v.
59
Bernardino de Sahagún, Historia general de las cosas de Nueva España, Libro X, cap. 27, f.74r. Cursivas mías.
60
Sebastián de Covarrubias, Tesoro De La Lengua Castellana, O Española, Madrid, par Luis Sánchez, imprimeur du roi, 1611, f. 561r.
61
José Pardo-Tomás, El tesoro natural de América. Colonialismo y ciencia en el siglo XVI, Madrid, Nivola, 2002, p. 129.
62
Pour cet ouvrage, j’utilise la traduction vers l’espagnol de Joaquín García Pimentel réalisée dans le cadre des Obras Completas de Francisco Hernández coordinées par la Universidad Nacional Autónoma de Mexico. Voir : Francisco Hernández, Obras completas. Tomo VI. Antigüedades de la Nueva España y libro de la Conquista de la Nueva España, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 2015.
63
Miguel León-Portilla, « Introducción a Antigüedades de la Nueva España », in Obras completas de Francisco Hernández, Tomo VI, escritos varios, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 1960, p. 39-43.
64
Miguel León-Portilla, « Introducción a Antigüedades de la Nueva España », in Obras completas de Francisco Hernández, Tomo VI, escritos varios, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 1960, p. 90.
65
Miguel León-Portilla, « Introducción a Antigüedades de la Nueva España », in Obras completas de Francisco Hernández, Tomo VI, escritos varios, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 1960.
66
Sebastián de Covarrubias, Tesoro De La Lengua Castellana, O Española, Madrid, par Luis Sánchez, imprimeur du roi, 1611, p. 301.
67
Francisco Hernández, Obras completas. Tomo VI. Antigüedades de la Nueva España y libro de la Conquista de la Nueva España, Mexico, UNAM, 2015, p.90-91.
68
Sur les typologies textuelles présentes dans l’œuvre de Cárdenas, cf. : José Pardo-Tomás, « Diablos y diabluras en la literatura de secretos », in James S. Amelang et María Tausiet Carlés (dir.), El diablo en la Edad Moderna, Madrid, Marcial Pons, 2004, p. 297-325 ; Luis Millones, « Indianos problemas. La historia natural del doctor Juan de Cárdenas », in Mónica Quijada Mauriño et Jesús Bustamante (dir.), Elites intelectuales y modelos colectivos: mundo ibérico (siglos XVI-XIX), Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 2003, p. 83-100.
69
Juan de Cárdenas, Problemas y secretos maravillosos de las Indias, Mexico, Alianza Editorial, [1591]1988, livre I, chap. IX, p. 63.
70
Juan de Cárdenas, Problemas y secretos maravillosos de las Indias, Mexico, Alianza Editorial, [1591]1988, livre III, p. 211.
71
Juan de Cárdenas, Problemas y secretos maravillosos de las Indias, Mexico, Alianza Editorial, [1591]1988, libro IIII, p. 215-216.
72
Les « formes » substantielles, d’après Aristote, donnaient à la matière ses attributs immuables, alors que les formes « accidentelles » expliquaient le changement et faisaient référence aux caractéristiques passagère des objets. Cf. : Cañizares, 61.
73
Juan de Cárdenas, Problemas y secretos maravillosos de las Indias, Mexico, Alianza Editorial, [1591]1988, livre III, p. 228-229.
74
Mary Douglas, Pureza y peligro, Madrid, Siglo XXI, 1973, p. 54-55.
75
Juan de Cárdenas, Problemas y secretos maravillosos de las Indias, Mexico, Alianza Editorial, [1591]1988, livre III, 229.
76
Elías Trabulse, Historia de la ciencia en Mexico. Estudios y textos. Siglo XVI, Ciudad de Mexico: Conacyt, Fondo de Cultura Económica, 1992, p. 60-61; Marina Garone Garvier, Libros e imprenta en Mexico en el siglo XVI, Ciudad de Mexico, Universidad Nacional Autónoma de Mexico, 2021, p. 81.
77
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, f.179.
78
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, Tratado III, 180.
79
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, f. 181.
80
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, f. 182.
81
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, f. 176.
82
Henrico Martínez, Repertorio de los tiempos, y Historia Natural desta Nueva España, Mexico, imprimé par l’auteur, 1606, Traité III, ch. final, 176-177.
83
Arnold Bauer, Somos lo que compramos. Historia de la cultura material en América Latina, Mexico, Taurus, 2002, p. 96.
84
Carlos Viesca Treviño, « Sitio, naturaleza y propiedades de la ciudad de Mexico…, de Diego Cisneros », Nueva época, 1996, vol. I, n. 1, p. 185.
85
María Luisa Rodríguez-Sala, « Diego de Cisneros y la medicina astrológica y geográfica novohispana », Gaceta médica Mexicana, 1994, nº 130, 5, p. 403.
86
Diego Cisneros, Sitio, Naturaleza y Propiedades de la Ciudad de Mexico, Mexico, imprimé par Joan Blanco de Alcázar, 1618, f.112r. -f.112v.
87
Cette logique de traitement se manifeste aussi dans d’autres ouvrages de médecine comme celle de Juan de Barrios, qui affirme que ceux de complexion mélancolique sont « de couleur aubergine, ou basanés » contrairement aux flegmatiques, dont la couleur tire vers le blanc et vert, avec un effet « plomb ». Cf. : Juan de Barrios, Verdadera Medicina, Cirvgia y Astrología, Mexico : imprimé par Fernando Balli, 1607, Livre I, deuxième partie, chap. 1, f.38r.
88
Diego Cisneros, Sitio, Naturaleza y Propiedades de la Ciudad de Mexico, Mexico, imprimé par le bachelier Joan Blanco de Alcázar, 1618, f. 115r.
89
Julio Arias et Eduardo Restrepo, « Historizando raza : propuestas conceptuales y metodológicas », Emancipación y crítica, 2010, n.º 3 ; Jean-Frédéric Schaub, Para Una Historia Política de La Raza, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, [2015] 2019, p. 45-46.
90
Donna Haraway, « La promesa de los monstruos: una política regenerativa para los inadaptados/ables otros », en Las promesas de los monstruos. Ensayos sobre ciencia, naturaleza y otros inadaptables, Salamanca, Holobionte Ediciones, 2019, p. 31.
91
Lorraine Daston, Contra la naturaleza, Barcelone, Herder, [2019] 2020, p.67.