L’avènement d’une culture du débat numérique ?
5 G en Chine
Le 23 janvier 2020, la ville de Wuhan est mise en confinement strict en raison de l’épidémie de Covid-19. Deux jours plus tard, Fang Fang 方方, célèbre romancière de 64 ans, qui observe le confinement dans sa maison du centre-ville de Wuhan, entame un journal sur Weibo 微博 (l’équivalent chinois de Twitter). Pourquoi ce journal ? Dans un post inaugural, l’auteure explique vouloir « utiliser des documents écrits pour informer tout le monde de la situation actuelle et réelle de Wuhan ». Dans les soixante billets qu’elle publiera au total – des textes uniquement –, Fang Fang raconte son quotidien de confinée, partage les témoignages bruts de ses proches ou d’inconnus, rapporte ses échanges avec quatre amis médecins, fait l’éloge des reportages d’investigation des nouveaux médias commerciaux, dénonce les éditoriaux flatteurs des médias gouvernementaux et appelle les dirigeants locaux ainsi que les autorités sanitaires à démissionner pour assumer la responsabilité de leurs erreurs. Elle encourage aussi tous ceux qui le peuvent, à Wuhan, à tenir un journal afin de pouvoir constituer, une fois l’épidémie passée, un site participatif et collectif de témoignages.
Je vais tenter ici de restituer, en quatre séquences successives, la controverse autour de ce journal fortement médiatisée et politisée en Chine comme hors de Chine, avant d’amorcer une analyse transversale à partir de trois mots-clés utilisés par les engagés : « extrême-gauchiste », « nationaliste » et « patriotique ».
Séquence 1. Chroniquer sur quatre plateformes numériques de « visibilité maximale »
À partir de la mi-février, le nombre des lecteurs, en temps réel, des billets quotidiens de Fang Fang a atteint le chiffre de 50 millions. En Chine, les critiques sur Internet se déchaînent. Trois types d’objections surgissent presque simultanément sur la Toile :
- On remet en question la véracité de certains éléments factuels dans les récits publiés (« inventer des scènes d’épouvante et des personnages imaginaires », « fabriquer de la panique sociale ») et on soulève la possibilité d’une utilisation publique de problèmes privés (« vanter les misères pour attirer l’attention publique »). Réfutées point par point par Fang Fang à l’aide de preuves tangibles, ces objections décroissent très vite. En même temps, Fang Fang s’excuse pour quelques erreurs factuelles signalées sur Weibo par des citoyens mieux informés, dont des médecins en première ligne de Wuhan.
- On l’accuse de ne pas respecter le principe de symétrie (« récit partial et exagéré », « dopé par les misères », « se concentrant seulement sur le côté sombre ») parce qu’elle adopte une perspective trop singulière et un cadrage malintentionné (« focus négatif », « populiste », « manque de vision globale »), et que son projet manque de pertinence par rapport aux circonstances (« ce n’est pas le moment », c’est « inutile » ou « contre-productif »).
- Les critiques idéologiques émergent de manière sporadique et trouvent assez peu d’écho dans les commentaires avant mars. Par exemple, le 27 février, un écrivain militaire de Pékin s’indigne dans une revue militaire contre un récit qui, à ses yeux, « se concentre exprès sur les choses noires et terrifiantes ». Ce colonel supérieur de 69 ans accuse Fang Fang de « défier ouvertement la propagande dominant du Parti communiste chinois » et qualifie son journal d’« ultra-libéral » (极端自由主义). Ancienne présidente de l’Association des écrivains de la province du Hubei dont Wuhan est la capitale, Fang Fang contre-attaque le jour même dans un post où elle qualifie son détracteur de « vieux révolutionnaire » (老革命), victime des « extrême-gauchistes » (极左)1.
De temps à autre, le compte Weibo de Fang Fang est fermé pour des raisons que nous ignorons encore aujourd’hui. Dans son journal, l’auteure émet l’hypothèse que ces fermetures résulteraient de signalements massifs « par les extrême-gauchistes ». À ce jour, il semble que ces posts demeurent accessibles sur son site Weibo et n’ont pas subi de censure gouvernementale systématique. Jusqu’à sa clôture le 25 mars, suite à l’annonce du déconfinement de Wuhan, le journal de Fang Fang est publié chaque jour vers minuit et diffusé en ligne sur quatre plateformes numériques de « visibilité maximale » (顶流), selon une expression courante des médias et des internautes en Chine : 1) il est publié sur son compte Weibo, suivi par plus de 481 000 followers ; 2) puis relayé sur WeChat Plateforme Publique 微信公众号 à travers le compte d’un self-media tenu par une amie romancière installée aux États-Unis ; 3) mais aussi chroniqué dans la section des blogs du magazine économique en ligne Caixin 财新, connu pour ses reportages d’investigation audacieux et son positionnement politique libéral2 ; et 4) ainsi que dans le Jinri Toutiao今日头条, un des plus grandes plateformes mobiles d’actualité soutenue par des techniques d’apprentissage automatique.
Le 25 mars, lors de l’arrêt de ce journal, Zhang Hongliang 张宏良, 65 ans, universitaire de Pékin, appelle sur un site de gauche les détracteurs de Fang Fang à « hausser la portée de tir » en s’attaquant au « terroir de classe qui donne naissance au phénomène de Fang Fang ». Son souhait de « gagner les masses populaires chez nous, ceux de gauche » ne se réalise toutefois que sur les sites de gauche. Son appel à multiplier les critiques en termes de lutte des classes ne rencontre que peu d’écho sur Weibo.
À partir du 27 mars, une série intitulée « Relais du Journal de Fang Fang 方方日记接力 » est publiée quotidiennement sur les réseaux sociaux. Les auteurs qui ont pris l’initiative de partager des témoignages individuels sur l’épidémie, sur la lecture du journal de Fang Fang et la controverse en cours, signent systématiquement leurs billets : « Un lecteur du journal de Fang Fang ».
Séquence 2. La traduction précipitée et la promotion politisée des éditions anglophone et germanophone
Le 6 avril, la polémique resurgit et prend de l’ampleur avec la nouvelle de la vente des droits du journal de Fang Fang à un agent littéraire américain. Dès l’annonce sur Amazon des éditions anglophone et germanophone, des captures d’écran de ces dernières circulent sur les réseaux sociaux en Chine, parfois accompagnées d’une traduction automatique de certains passages via web-translate pour ceux qui ne lisent pas l’anglais ou l’allemand. Des passages sont encadrés pour inviter les lecteurs à réagir au contenu.
Un très grand nombre d’internautes chinois sont scandalisés par la rapidité de la traduction et de la diffusion du journal en Occident, au moment où Pékin est en pleine confrontation avec Washington et se trouve menacé de « sanctions », ainsi que par la présentation très politisée de l’ouvrage faite par ses éditeurs occidentaux. L’éditeur américain Harper Collins, qui appartient depuis 1989 au groupe médiatique de Rupert Murdoch, saluant un récit « mélangeant l’étrange et le dystopique », vante en effet une écrivaine qui s’élève contre les « problèmes politiques systémiques » d’un « pays autoritaire ». L’éditeur allemand Hoffmann und Campe, qualifiant le journal de Fang Fang de « témoignage unique de l’origine de cette catastrophe qui s’est propagée rapidement à travers le monde », tresse les louanges d’un récit qui « accuse un système perfide d’intimidation de dissimulation et qui enregistre la résistance déterminée des gens ordinaires à un parti apparemment omnipotent.3 »
Capture d’écran commentée de l’annonce de l’édition américaine du Journal sur Amazon
mise en circulation sur les réseaux sociaux chinois
Tollé immédiat. Une vague de colère déferle sur Fang Fang, accusée d’être une « traîtresse » et une « profiteuse au détriment de l’intérêt du pays ». Surgissent cette fois-ci en grand nombre des jeunes indignés qui protestent sur Weibo. Parmi eux, six cents jeunes bénévoles de Wuhan, nés majoritairement après les années 1980 ou 1990 et inscrits à une ONG, « La Fédération 520 des bénévoles de Wuhan 武汉520志愿者联盟 »4. Le 11 avril, soit le lendemain de la prise de connaissance par les jeunes bénévoles wuhanais de ce qu’ils appellent « la publication de manière humiliante du journal (de Fang Fang) à l’étranger », ils engagent le débat et publient successivement trois billets militants où ils dénoncent à la fois le caractère « partiel et fragmentaire » du journal et, selon eux, son traitement biaisé et malintentionné par les éditeurs occidentaux ( « C’est précisément la présentation de l’éditeur allemand qui m’a conduit à écrire en colère ce billet », « les mots et les expressions (qu’il emploie) m’ont fait une piqûre profonde »).
Des universitaires en Chine comme des membres des diasporas chinoises aux États-Unis et en Europe, qui contribuent aux traductions et aux analyses des présentations de l’ouvrage faites par les éditeurs occidentaux, s’indignent aussi. Le 12 avril, Zhang Yiwu 张颐武, 58 ans, professeur de la prestigieuse Université de Pékin, s’adresse directement à Fang Fang sur Weibo et l’interroge : « [Il est] affiché sur la couverture de l’édition allemande “un journal interdit” (Das verbotene Tagebuch), mais c’est faux et ça contredit tout simplement la réalité. […] Comment pouvez-vous laisser publier un tel titre, faux et sensationnel, sur la couverture de votre livre ? »
Une partie des soutiens de Fang Fang dans la controverse précédente se retournent alors contre elle, se déclarant « trahis et blessés ». Parmi ces derniers, Hu Xijin 胡锡进, 60 ans, ancien protestataire de la place Tiananmen en 1989, pour l’heure responsable d’un tabloïd politique, The Global Times 环球时报, annexé à l’organe suprême du parti, le Quotidien du Peuple. Le 19 mars, Hu avait défendu sur Weibo la perspective de l’individu-citoyen adoptée par Fang Fang et avait affirmé son soutien en faveur de la diversité des opinions :
« Se diffusent sur des supports différents dans notre société le récit grandiose du patriotisme des uns et le récit individuel des misères et des souffrances des autres. Il est impossible que l’un occulte ou étouffe l’autre. La construction du régime et de l’ordre est un impératif pour permettre une coexistence en harmonie de ces supports diversifiés. »5
Mais le 8 avril, cet ancien correspondant de guerre en ex-Yougoslavie désavoue sur Weibo « la publication précipitée de l’ouvrage aux États-Unis et dans les autres pays occidentaux » et prévoit qu’« elle sera certainement saisie et exploitée politiquement par la communauté internationale ».
Face à ces critiques d’un genre nouveau, Fang Fang exige de ses éditeurs américain et allemand qu’ils modifient les communiqués promotionnels, les sous-titres et les couvertures du livre, publiés sans son accord. Dans un entretien en date du 11 avril, la romancière s’explique : « Il n’y a pas de tension entre moi et l’État. Mon livre va seulement aider l’État. […] Ceux qui tentent d’utiliser mon ouvrage, ils utiliseraient n’importe quel ouvrage (chinois) pour cela. Nous ne pouvons pas simplement nous taire sous leur pression ». Elle promet, ou outre, de reverser l’ensemble de ses droits d’auteur à des œuvres de charité.
Séquence 3. Le traitement des controverses par le New York Times
Ce dernier épisode de la controverse est promptement relaté par le New York Times, dont les journalistes suivent de près le compte Weibo de Hu Xijin et l’étiquettent comme « the editor of “China’s Fox News” ». Le site du NYT publie le 14 avril un article intitulé « Elle a tenu un journal de l’épidémie en Chine. Maintenant, elle fait face à une tempête politique » (She kept a diary of China’s epidemic. Now she faces a political storm). On y lit que le journal de Fang Fang « a récemment suscité l’amère condamnation des nationalistes chinois zélés qui lui reprochent de publier une traduction en anglais dans le but de calomnier le gouvernement et de saper l’image héroïque de Wuhan »6 .
Le lendemain, des captures d’écran de l’article du NYT commencent à se répandre sur les réseaux sociaux en Chine. Des internautes chinois s’indignent du fait que la controverse internationalisée soit biaisée par une présentation très politique et unilatérale. Ils s’insurgent de se voir qualifiés de « nationalistes chinois zélés », et de la réduction de la cause de leur indignation à « une traduction en anglais ». Un bloggeur de Sina (l’équivalent chinois de Yahoo), mettant en exergue l’expression « une tourmente politique », conteste l’interprétation politisée et l’étiquette « nationaliste ». Un autre sur le forum Baidu (l’équivalent chinois de Google) s’étonne que le média américain suive de si près ce qui se passe « à l’intérieur » sur les réseaux sociaux en Chine. Sur Weibo, un jeune critique se plaint que sa liberté d’expression soit réprimée, car il est « à la fois accusé d’être un extrême-gauchiste par Fang Fang et qualifié de nationaliste par le NYT ».
Suite à l’article du quotidien américain, une nouvelle vague de colère éclate contre Fang Fang. Les discussions se radicalisent et polarisent deux camps opposés : pour ou contre Fang Fang. Les jeunes Bénévoles 520 de Wuhan rejoignent fermement le camp des critiques et dédaignent le don de Fang Fang, en argumentant que « ce n’est pas du tout une question d’argent ». Ils exigent qu’elle « élimine les (mauvaises) conséquences (de son geste) et présente ses excuses au peuple discrédité de Wuhan, de la Chine, et aux Chinois d’Outre-mer blessés ». Les insultes se multiplient sur les réseaux sociaux, la romancière est même l’objet de menaces.
Parallèlement, de nombreux internautes sortent du silence pour rejoindre le camp de ses défenseurs. Parmi ces derniers, des aînés mettent en garde contre le risque d’un retour de la Révolution culturelle (1966-1976) tandis que des jeunes, nés après la période dite de réforme et d’ouverture (depuis 1978), louent la liberté d’expression et de publication. La série participative du « Relais du Journal de Fang Fang » devient de plus en plus militante, regroupant des Chinois des quatre coins du monde – quels que soient leur genre, classe d’âge, profession, niveau de revenu et d’éducation, appartenance religieuse ou politique. Parmi eux, on trouve par exemple un moine bouddhiste qui a suivi en temps réel, depuis son monastère niché dans une montagne reculée au sud de la Chine, chaque billet du journal de Fang Fang et le déroulement des controverses.
L’affrontement entre les deux camps dans le monde sinophone déchire l’espace public et privé. Beaucoup d’internautes font état des discussions intenses voire violentes dans leur famille ou avec leurs proches. Le nombre des posts sur Weibo avec l’hashtag « journal de Fang Fang » dépasse, fin mai 2020, les 360 millions. Pour sa part, Fang Fang restreint ses interactions directes avec le grand public, son compte Weibo étant fermé, depuis le 25 avril, aux commentaires par des comptes non-followers. Elle refuse les interviews avec la presse étrangère.
Séquence 4. L’édition francophone et la « Fang Fang française »
Couverture française de la traduction du Journal de Fang Fang aux éditions Stock (2020)
Le 22 avril, par le biais d’au moins six médias francophones (français et canadiens), la sortie de l’édition française du journal de Fang Fang est annoncée pour septembre 2020 aux éditions Stock, sous le titre Wuhan, ville close. Un commentaire accrocheur figure dans tous les titres des articles qui annoncent cette parution : « ce journal suscite la colère des nationalistes chinois ». L’étiquette « témoignage censuré en Chine » est apposée dans le dossier de presse7.
Le 28 avril, le correspondant du Monde à Pékin donne la parole à la traductrice française, en peignant Fang Fang en héroïne (l’« Antigone de Wuhan »), « qui n’a pas voulu sacrifier sa famille à la raison d’État »8. Paradoxalement, son article rejoint les critiques les plus virulents de la romancière en construisant une série d’oppositions binaires et simplificatrices, que Fang Fang, pour sa part, n’a eu de cesse de dénoncer. Le 29 avril, Le Figaro adopte le même cadrage. Dans le reportage intitulé « Fang Fang, dernière victime du nationalisme chinois », la journaliste interprète la controverse comme « un conflit de valeurs adroitement nourri par le pouvoir (chinois) qui laisse filer un nationalisme hargneux depuis plusieurs mois »9.
Le 2 mai, les critiques chinois de Fang Fang bondissent sur l'information selon laquelle le « journal de "Fang Fang française" est brutalement censuré (封杀) à cause de l'indignation populaire ».
Il s’agit de Leïla Slimani, romancière lauréate du prix Goncourt, qui tient à partir du 18 mars un journal de confinement dans Le Monde10. Le lendemain, une autre romancière, Diane Ducret, réagit dans Marianne à « la série angélique et déformante de Leïla Slimani » sur l’expérience du confinement liée au coronavirus11. Ridiculisé en raison d’un récit jugé « trop rose et trop romantique », boycotté par beaucoup d’internautes français qui adressent des messages de colère au Monde (« Supprimez ! »), le journal de Leïla Slimani est arrêté en avril.
Une Fang Fang française ?
Le 3 mai, un self-media chinois tenu par le forum Diba 帝吧se plaint sur Weibo de « la rédaction achevée et de la traduction en plusieurs langues du journal de Fang Fang » et les oppose à « la censure brutale qu’a subi son alter ego en France ». Ce billet, partagé par plus d’un millier d’internautes, est relayé à Fang Fang par plusieurs d’entre eux, accompagné de cette phrase : « venez voir la démocratie et la liberté que vous cherchez ». Très vite, plusieurs contestent la qualification de « censure 封杀 » dans le cas Slimani, en citant la définition du mot selon le Dictionnaire de langue chinoise moderne et rappelant à « bien distinguer des choses différente有一说一 »12. D’autres désapprouvent la comparaison, qui révèle selon eux une confusion entre des plateformes de publication de natures différentes (« Les deux cas sont différents car Fang Fang a chroniqué son journal sur les réseaux sociaux. L’arrêt du journal de Slimani dans Le Monde ne veut dire pas qu’elle est interdite de chroniquer sur son propre compte de réseau social », « Mais dites-moi, quel journal en Chine a chroniqué le journal de Fang Fang ? »13).
Une jeune graphiste de Wuhan signale le caractère intentionnel de la confusion développée par les détracteurs de Fang Fang afin de susciter une comparaison incomparable. Son interlocuteur, un internaute du Guangdong plus âgé qu’elle, n’est pas convaincu. Il insiste : « la comparaison est valide » car Weibo est une « plateforme publique » et de « visibilité maximale » en Chine. Il souligne la portée significative de l’arrêt du journal de Slimani en France mais reconnait que ce n’est qu’un cas isolé et que « la condition générale de la liberté politique en France est bien meilleure qu’en Chine» 14.
Le jour même, Fang Fang publie sur Weibo un article militant où elle dénonce « les extrême-gauchistes néfastes » qui « constituent le plus grand obstacle à la politique de réforme et d’ouverture et la plus grande menace pour l’avenir du pays ». En revanche, elle demeure silencieuse au sujet de l’allusion ironique faite à la « Fang Fang française » par ses jeunes détracteurs, alors qu’en avril la romancière les avait infantilisés en déclarant que « la mamie Fang accorde son pardon aux parodies des enfants du forum Diba ». Elle concentre plutôt ses attaques sur « les vieux extrême-gauchistes qui sont déjà irrécupérables » et assume un usage résolument restrictif du terme « extrême-gauchiste », en excluant « les internautes ordinaires, surtout les jeunes, qui m’interrogent ou m’attaquent sous l’influence des sollicitations et des provocations des extrême-gauchistes ».
Qui sont « les extrême-gauchistes » en Chine selon Fang Fang ?
Le terme « extrême-gauchiste 极左», ou des termes comme « personnage/ élément/ bande/ pensée/ politique/ force d’extrême gauche 极左 人士/分子/团伙/思想/政治/势力 », sont souvent employés par Fang Fang et ses alliés pour qualifier leurs opposants les plus sévères et violents qui insultent, attaquent et même désinforment de manière abusive en ligne. Il est néanmoins important de remarquer que l’usage du terme 极左 par Fang Fang est toujours lié à des positionnements individuels et non à la notion de camp 阵线 ou de faction 派系(ces deux mots en chinois ne sont évoqués nulle part par Fang Fang) qui renvoient à des conflits au sein du PCC et sont constitutifs de son histoire. Nous nous limiterons ici à analyser ce qui est entendu par Fang Fang dans le contexte de cette controverse.
Face aux contestations massives de ceux qui critiquent la qualification d’« extrême-gauchiste », un terme jugé péjoratif et dépassé, Fang Fang publie le 3 mai un article, « À propos des extrême-gauchistes », dans lequel elle prend soin d’adopter une définition résolument restrictive du terme. Elle livre sa vision de la politique – réformiste, tolérante et favorisant le pluralisme –, s’opposant terme à terme à la vision qui serait celle des « extrême-gauchistes » : révolutionnaire, haineuse et privilégiant la lutte des classes.
L’usage du terme par Fang Fang renvoie ainsi étroitement à ses « anciens critiques et dénonciateurs depuis des années », responsables de la censure gouvernementale de son dernier roman, Funérailles molles, en 201615 et qui profitent de l’occasion pour lancer sur Internet des nouvelles attaques contre elle et ses écrits. Elle voit concrètement leurs profils comme ceux : 1) d’individus de son âge ou plus âgés, qui ont vécu entièrement la période de la Révolution Culturelle, dans son environnement immédiat ou de loin (« un ancien collègue qui a lancé principalement des attaques contre moi pour son intérêt privé », « une certaine extrême-gauchiste de Shanghai », « les vieux extrêmes-gauchistes») ; 2) d’une communauté équipée d’outils de communication et capable d’une influence politique (« ils sont en possession de revues, de sites, de bras et d’un patronage puissant », « ils sont capables d’infléchir les décisions du gouvernement dans le sens de leurs idées » et « ils ont même le contrôle de certains officiels et départements (de la puissance publique) ») ; 3) de porteurs d’une pensée politique radicale et réactionnaire (« ils s’engagent unilatéralement dans la lutte des classes de jour en jour », « ne permettent qu’une seule voix dans le monde », « sont vivement nostalgiques de la Révolution Culturelle et hostiles à la politique de réforme et d’ouverture »). En même temps, Fang Fang signale qu’« il est totalement normal qu’il existe des courants de gauche/centre/droit au sein d’une société et que le cas contraire serait anormal », et que « les extrémistes de gauche et de droite sont en fait des gens du même type : intolérants à l’égard de ceux qui pensent autrement qu’eux ».
Se reconnaissant comme « une bénéficiaire de la politique de réforme et d’ouverture » qui « a eu la chance de réussir l’examen d’entrée à l’université de Wuhan en 1978 » (le Concours national d’entrée d’éducation supérieur avait été suspendu lors de la Révolution Culturelle), Fang Fang témoigne néanmoins de la sympathie à certains extrême-gauchistes dont les intérêts pratiques et les manière d’êtres ont été heurtés et marginalisés face « au progrès de la société et à la réforme du régime » qui a rétabli la notion du profit et le système méritocratique de l’éducation tout en abandonnant la lutte des classe et l’idéal d’une égalité radicale. Elle en conclut qu’« il n’y a pas d’issue heureuse pour tous et que l’enjeu est de réfléchir collectivement aux moyens de minimiser les préjudices causés à chaque grande transformation de notre société ».
Au fur et à mesure que les controverses politisées auxquelles participent Fang Fang et ses alliés, ainsi que les « extrêmes-gauchistes » les prenant pour cibles, une évolution de la culture politique en Chine au cours des quatre dernières décennies ne cesse d’apparaître plus clairement à Fang Fang et ses alliés. Elle ferait surgir leur propre position au sein d’un clivage simplificateur entre deux groupes sociaux qui ne partagent ni les mêmes projets politiques ni les mêmes définitions de la politique, et luttent l’un contre l’autre pour « l’avenir de la Chine ».
Qui sont les « nationalistes chinois » selon les médias mainstream occidentaux ?
Si le mot-clé « extrême-gauchiste » et des enjeux qui l’entourent dans le débat en Chine sont complétement absents dans le traitement de la controverse par les médias mainstream américains et français mentionnés plus hauts, le mot « nationaliste » (ou nationalist en anglais) est le plus couramment utilisé par les journalistes de ces médias pour décrire les auteurs de billets contre Fang Fang. Les « nationalistes » chinois se caractérisent selon eux par une violence verbale, une incapacité à argumenter et un suivisme aveugle des propagandes et des stratégies de communication du Parti communiste chinois, qui « est passé par là pour réécrire une version des faits selon laquelle il est l’unique héros de l’histoire : celle d’un virus qui venait d’ailleurs et qu’il a su dominer avec efficacité et dans laquelle il n’a aucune responsabilité » (Le Figaro). S’opposant au récit officiel, le journal de Fang Fang qui offre « une vue simple et spontanée des peurs, des frustrations et des espoirs des résidents de Wuhan » a suscité « l’amère condamnation des nationalistes chinois zélés » car ils trouvent qu’un tel récit alternatif est susceptible d’aider à « calomnier le gouvernement et à saper l’image héroïque de Wuhan » (The New York Times).
Les professionnels des médias mainstream occidentaux ont certes fait un pas en avant en explorant de l’intérieur les réseaux sociaux en Chine, en suivant et en citant des internautes ordinaires chinois au cours de leurs reportages, néanmoins le profil-type « nationaliste chinois » apparait sous leur plume pour désigner une série de personnes homogènes et saisies de façon très généralisante (« écrit un internaute », « s’interroge un autre commentateur », « ironise un internaute sur Weibo »). Parmi ces derniers, Hu Xijin, largement reconnu par ses confrères occidentaux grâce à son rôle significatif dans les médias officiels chinois, est le seul qui sorte de l’anonymat : cet ancien protestataire de la place Tiananmen en 1989 est présenté par Le Monde comme une « figure de proue des nationalistes » ; pour Le Figaro, il représente la voix du régime qui désavoue ouvertement Fang Fang. En parallèle, ou en contraste, Fang Fang, ancienne fervente de la Révolution Culturelle à son adolescence, est qualifiée par les quotidiens français d’« Antigone de Wuhan » et de « victime du nationalisme chinois ».
Force est de remarquer que l’équivalent du mot « nationaliste / nationalisme » en chinois, 民族主义者、民族主义, n’est jamais utilisé par les acteurs chinois dans ces polémiques. Sans forcément discréditer ici les analyses développées par les médias mainstream occidentaux, il est important de signaler que le terme « nationaliste / nationalisme (chinois) » est une catégorie exogène et disqualifiante, orientant l’interprétation des lecteurs occidentaux. Ce qui est désigné comme « nationalisme » hors de Chine est éventuellement vécu comme du « patriotisme 爱国主义 » en Chine par les détracteurs virulents de Fang Fang, ou nuancé par des défenseurs de Fang Fang qui y ajoutent des adjectifs disqualifiants tel que « patriotisme excessif 过度的爱国主义 » ou « patriotisme simpliste 简单爱国主义 ». Dans les trois cas, le rapport à la patrie semble indissociable d’une qualification du positionnement politique adopté.
Ce que « patriotique » veut dire pour les jeunes bénévoles de Wuhan
Dans leurs trois billets militants « Propos à Fang Fang et ses semblables », les jeunes Bénévoles 520 de Wuhan se qualifient des « patriotiques 爱国 » et dédaignent tous les étiquetages péjoratifs : « Si vous accusez les patriotiques d’être des extrêmes-gauchistes ou des petits roses 小粉红16, j’en suis bien volontiers ! Et j’en suis pour toujours ! » Tentons ainsi de comprendre ce que signifie « le patriotisme » chez ces jeunes bénévoles en résumant les qualités qu’ils identifient comme « patriotiques » :
- La compréhension des réalités sociales à travers des engagements sociaux. L’auteur des billets relate en détail, 33 photos à l’appui, le contenu du travail bénévole réalisé qui les a mis en contact direct et de manière répétée avec les soignants en première ligne, les dirigeants du gouvernement et les fonctionnaires des communautés résidentielles et les a amenés à voir, au fur et à mesure, la partialité et les erreurs du récit de Fang Fang qu’il avait beaucoup apprécié au début : « Dans la dernière étape (du confinement), lorsque nous découvrons progressivement le tableau complet de l’épidémie et relisons vos écrits en perspective, ce n’est qu’alors que nous avons constaté qu’ils étaient pleins d’erreurs et d’absurdités. Nous avons ainsi compris votre ignorance17 ». D’autres internautes signalent néanmoins que son récit ne contredit pas vraiment celui de Fang Fang (« je ne vois aucune contradiction entre tes écrits et ceux de Fang Fang »), voire que « vous vous complétez l’un et l’autre, chacun contribuant à Wuhan à sa propre manière ».
- « La supervision civique ». Afin d’atteindre la double visée de ridiculiser l’accusation selon laquelle ils « auraient subi un lavage du cerveau et été dupés (par le Parti-État) » et d’éclipser « l’effet positif du journal de Fang Fang », les jeunes bénévoles exhibent avec fierté les preuves de leurs activités de « supervision civique » – soit sept captures d’écran de leurs échanges avec un dirigeant de la province de Hubei, un cadre de la ville de Wuhan, un fonctionnaire des communautés résidentielles et une journaliste d’un média national, dans lesquelles ils critiquent ou dénoncent les défauts des services publics tout en prenant leurs interlocuteurs à témoin ou en dénonçant leurs torts. Toutefois, ils ne rendent pas compte alors de la nature privée de ces échanges qui empêche l’ouverture d’un espace public dissensuel et critique tel que le journal de Fang Fang l’a évoqué.
- La conscience d’une société différenciée, regroupant des forces individuelles. Menant un récit s’opposant à un héroïsme individualiste, le soi-disant « bénévole ordinaire, ni noble ni bas » n’hésite pas dans son billet à partager publiquement ses souvenirs de « la frayeur écrasante dès mon premier pas mis dans la zone d’alerte de contamination à l’hôpital », et « le désespoir et la tristesse » éprouvés quand il découvre une fissure dans son gant de protection. Après avoir balayé d’un revers de la main « les idées de héros et de sens moral », le jeune père d’ un nouveau-né explique qu’il a persisté à s’engager jusqu’au bout grâce aux soutiens établis entre des gens solides travaillant à leurs postes respectifs – « le personnel médical luttant (contre le virus) sans quitter d’un pas les USI, le renfort continu des équipes médicales qui ont rejoint Wuhan depuis les quatre coins du pays, le chauffeur aidant à la manutention des matériaux de protection médicale et nous criant “Bon courage à Wuhan”, la police de la circulation qui nous salue sur la route, les compatriotes d’outre-mer qui ont envoyé des marchandises telles que masques et vêtements de protection du monde entier ».
- La croyance dans une amélioration progressive de « la société », de « l’État » et de « la nation ». C’est ainsi que cultivant l’esprit réaliste et optimiste « qui tourne avec le soleil », d’une manière qu’ils jugent différente par rapport à ceux qui se plaignent et aux cyniques, les jeunes bénévoles s’enorgueillissent d’être pleinement convaincus que « la Chine va faire face à ses propres lacunes, corriger ses propres erreurs, se lever de l’endroit où elle est tombée ». Plus précisément, ils reconnaissent les erreurs de certains individus, ayant eux-mêmes témoigné « des actions coupables commises par plusieurs sales dirigeants », mais ils refusent de « généraliser le mal » et de « voir comme un péché originel l’existence même de l’État, du gouvernement et des dirigeants de la Chine ». Force est de remarquer qu’ils ne dénoncent que les erreurs de certains membres des classes politiques en niant la possibilité de mettre en question le système politique en général, confondant deux processus de généralisation de différentes natures.
Les trois billets des Bénévoles 520 ont suscité une grande attention sur Weibo, le premier ayant atteint le chiffre de 6,75 millions de lectures. S’ils sont inondés par les applaudissements et les éloges, quelques voix critiques signalent cependant que l’auteur a tort de défendre la condition des médias et la liberté d’expression à Wuhan, alors que seuls « les médias de l’extérieur » ont pu publier des reportages d’investigation quand « les médias locaux de Wuhan n’ont produit que des éditoriaux flatteurs18 ». Une jeune internaute du Fujian relève aussi la manque de réflexivité de l’auteur concernant les privilèges des Bénévoles 520 et la singularité des circonstances dans lesquelles ils exercent la supervision citoyenne qu’ils décrivent : « J’ai regardé les captures d’écran et je pense que vous avez fait du travail formidable. Mais je voudrais demander, si ce n’était pas la situation particulière de l’épidémie, pensez-vous que les autorités vous répondraient directement comme ceci ? Ce n’est pas le traitement que les gens ordinaires peuvent recevoir dans la vie normale. »
En somme, la controverse autour du journal de Fang Fang, à travers ses différentes séquences, touche directement au politique en Chine contemporaine. Elle montre la réalité de positionnements individuels politiques différents qui ne relèvent pas d’un « lavage de cerveau » mais bien de convictions, parfois ancrées dans une expérience historique (pour les plus âgés), parfois issue d’une compréhension récente et évolutive des réalités sociales (pour les jeunes). Dans les débats entre les jeunes internautes chinois, nous constatons un dissensus public des idées et des critères de jugement (notamment en ce qui concerne les notions de « patriotisme », de « supervision civique », de « supervision médiatique », de « censure », de « liberté d’expression et de publication », de « plateforme publique »), une familiarisation avec les règles de l’argumentation (faire preuve d’esprit critique, argumenter à partir de sources vérifiables) et en même temps une réflexivité croissante par rapport à l’instrumentalisation politique et au dispositif médiatique.
De même, notre enquête montre comment les qualifications et publications hors de Chine contribuent au clivage des positions en Chine et obligent ainsi les individus à se positionner vis-à-vis de la patrie, notamment dans le contexte actuel des tensions sino-américaines. Outre son caractère transnational, la nouveauté de cette polémique réside dans le fait que les conflits à venir et leurs développements futurs ont été anticipés, réfléchis et même discutés en temps réel par les individus, c’est-à-dire au moment même où ces nouveaux conflits ne faisaient que s’amorcer. Cet accroissement de la réactivité et des capacités d’anticipation semble indiquer que beaucoup d’internautes ont désormais acquis une maîtrise très experte des dynamiques propres aux controverses sur Internet. C’est peut-être à ce genre de maîtrise qu’on mesure l’avènement, dans la Chine d’aujourd’hui, d’une culture du débat par voie numérique.
Pour en savoir plus / Références
- Émile Durkheim, Bruno Karsenti, L’Allemagne au-dessus de tout. Commentaire à vive voix, Paris, Éditions de l’EHESS, 2015.
- Cyril Lemieux, « Paradoxe de la modernisation. Le productivisme agricole et ses critiques (Bretagne, années 1990-2010) », Politix, no 123, 2018, p. 115-144.
- Alfred Schütz, « Equality and meaning structure of social world », Collected Papers, 2, Studies in Social Theory, La Haye, Martinus Nijhorff, 1955, p. 226-273.
- Isabelle Thireau (dir.), De proche en proche. Ethnographie des formes d’association en Chine contemporaine, Berne, Peter Lang, 2013.
Notes
1
Le terme « extrême-gauchiste 极左» est employé par Fang Fang dans cette controverse pour disqualifier ceux qui adoptent, aujourd’hui encore en Chine, une vision politique révolutionnaire, haineuse, privilégiant la lutte des classes et qui sont intolérants à ceux qui pensent autrement. Historiquement, le terme n’est pas vraiment lié aux positionnements individuels et renvoie en réalité aux conflits concernant le type de politique à mener au sein du PCC. Par exemple, ce terme est employé dans le document officiel du PCC « Résolution sur quelques questions de l’histoire de notre Parti depuis la fondation de la République populaire de Chine 关于建国以来党的若干历史问题的决议 » (1981) pour invalider la Révolution Culturelle. Néanmoins, une autre expression « l’erreur d’ excès de gauche 左倾错误 » est beaucoup plus courante dans les discours du PCC qui visent à corriger les erreurs de la Révolution Culturelle et à démanteler les politiques maoïstes associées à la révolution.
2
Un article dans Le Monde sur Caixin [en ligne].
3
La citation en allemand : « einem perfiden System der Einschüchterung und Vertuschung und dem entschiedenen Widerstand einfacher Menschen gegen eine scheinbar allmächtige Partei ».
4
L’auteure de cet article n’a pas mené d’enquête pour verifier la nature d’« ONG » (民间公益组织) de l’organisation telle qu’elle indiquée sur leur site [en ligne]. Les Bénévoles 520 sont notamment conscients du contexte où les contraintes se sont renforcées sur les ONG en Chine. Soucieux de donner l’impression que l’organisation n’est pas protégée par les autorités locales, ils ont délibérément mis en valeur dans le débat le désintéressement de leurs activités : « Enfin, je tiens à ajouter que Bénévoles 520 fournissent des services gratuitement, sans aucune subvention du gouvernement. Alors taisez-vous les détracteurs. Nous sommes de vrais bénévoles ! 最后要补一句,520志愿者都是无偿服务,没有拿政府哪怕一毛钱补助,所以喷子们请住嘴, 我们是真正的志愿者! » Pourtant, le désintéressement économique n’est pas une garantie d’autonomie politique.
5
La citation en chinois : « 宏大叙事、爱国主义与个人悲苦、愁闷的述说处在这个社会的不同频道上,它们不可能相互占领和覆盖。我们的社会一定要建立起让上述不同频道协调相处的格局与秩序 ».
9
Voir les articles en ligne : https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/28/fang-fang-l-antigone-de-wuhan_6037941_3210.html ; https://www.lefigaro.fr/international/fang-fang-derniere-victime-du-nationalisme-chinois-20200429.
12
Le commentaire complet en chinois : « @电子骑士:封杀:用封禁或封锁的办法,使人或事物在某一领域不能存在。(现代汉语词典第6版)——西方在疫情期间是出了很多沙币问题,但咱们有一说一,这叫封杀???方方日记是“毫无阻力写完”的???5月2日 18:29 ».
13
Les deux commentaires en chinois : « @Nero_豆沙包:这不太一样吧,方方日记是在自己的社交媒体上连载的。《世界报》不连载了又不等于说不准她自己写自己发呀。5月3日 21:29 » « @ArthurCPeng:请问中国哪家报纸连载了方方的日记?5月3日 06:50 ».
14
Le commentaire complet en chinois : « @自由与感悟:原博所作的对比并无问题,一开始你认为微博不是公共平台,然后纠结于两个平台的级别差异,却没看到问题的关键:法国政府不希望她写,以及法国社会不让她写。你以为在法国能控制的公共平台上,她还能写?她不写了就已经说明问题。当然,整体上,法国的政治自由度还是大于中国,但个案需具体而论。5月4日 02:22 ».
15
Fang Fang, Funérailles molles, traduction de Brigitte Duzan, Paris, L’Asiathèque, 2019.
16
L’expression « les petits roses 小粉红 » est souvent utilisée dans le débat sur internet en Chine pour disqualifier les jeunes indignés qui défendent automatiquement le Parti-État.
17
La citation en chinois : « 后期,当我们慢慢看清疫情的全貌时,反过头看你们的文字,满眼的谬误和荒唐,撇撇嘴,我们知道了你们的无知。 ».
18
La citation complète en chinois : « @夏日微风好温柔:你说媒体监督,那是外地媒体,武汉本地媒体报道的啥?武汉本地媒体都是好消息。».