(CNRS-EHESS - Centre d’études sud-asiatiques et himalayennes)
La plupart des observateurs de la démocratie indienne considèrent qu’elle subit une érosion rapide depuis une dizaine d’années1. Les observatoires internationaux comme le V-Dem Institute ou Freedom House qualifient aujourd’hui l’Inde « d’autocratie électorale2 », ou de démocratie « partiellement libre3 ». Les travaux sont nombreux qui documentent, analysent et déplorent l’affaiblissement systématique du Parlement, de la Cour suprême, des médias, de la société civile organisée et des universités, au profit d’un gouvernement central fort et d’une pratique du pouvoir verticale incarnée par Narendra Modi, chef du Bharatiya Janata Party (BJP, parti du peuple indien) et premier ministre depuis 2014.
Dans un article sur les racines autoritaires de la démocratie indienne, l’historien Tripurdaman Singh souligne toutefois un fait qui fait lui aussi largement consensus : le déficit démocratique de l’Inde, écrit-il, ne concerne pas l’arène électorale4. En effet Modi et le BJP sont arrivés au pouvoir, en 2014 comme en 2019, au terme d’élections compétitives, marquées par un taux de participation élevé et un processus électoral – supervisé par la Commission électorale indienne (ECI) – largement considéré comme intègre. Ce dernier point a été contesté lors des dernières élections nationales (2024) ; se sont alors exprimés de nombreux doutes quant à l’impartialité de l’ECI et l’inviolabilité des machines à voter. Cependant (comme le rappelle souvent le BJP) les élections continuent d’être régulières et compétitives dans les 28 États de l’Union indienne – en témoigne le fait que plusieurs États résistent à la conquête électorale du BJP, et que l’alternance reste relativement fréquente.
Cet article veut montrer qu’il y a là une erreur de jugement, qui vient d’une perspective exclusivement centrée sur deux des trois niveaux du fédéralisme indien : le niveau national et celui des États fédérés. Car si l’on prête attention au troisième niveau, celui du gouvernement local, alors il apparaît non seulement que le déficit démocratique n’épargne pas l’arène électorale, mais que les élections locales sont le site d’une dé-démocratisation particulièrement radicale. Alors que « l’institutionnalisation de l’égalité politique » à travers le processus électoral est un succès majeur de la démocratie indienne5, c’est à son démantèlement qu’on assiste aujourd’hui, à travers une série de réformes qui restreignent drastiquement non pas le droit de vote, mais le droit de candidater aux positions électives locales. Or, comme le souligne Annabelle Lever, étant donné que « les citoyens peuvent faire beaucoup plus en tant qu’élus qu’en tant qu’électeurs…l’incapacité de candidater semble présenter des défis [encore] plus sérieux à l’agentivité, l’égalité et la légitimité démocratiques que… l’incapacité de voter6 ».
Cette régression des droits civiques est d’autant plus frappante que les institutions du gouvernement local – conseils (ou panchayats) de village, conseils de district, municipalités – ont été l’instrument d’un remarquable approfondissement démocratique dans les années 1990. Les 73ème et 74ème amendements, adoptés fin 1992, ont en effet constitutionnalisé la démocratie locale en rendant obligatoires, tous les cinq ans, les élections locales (créant du même coup trois millions de positions électives). Ils ont établi des quotas électoraux substantiels pour les groupes les plus marginalisés politiquement, c’est-à-dire les castes et les tribus répertoriées7 (pour lesquelles de tels quotas existaient déjà dans le cadre des élections nationales et régionales), mais aussi les femmes ; quotas qui concernent non seulement les positions de membre mais aussi de chef des conseils de village. Enfin le 73ème amendement constitutionnalise un espace participatif, l’assemblée du village (ou gram sabha), qui réunit au moins deux fois par an tous les électeurs pour débattre des actions menées et prévues par le conseil du village.
La démocratie locale a ainsi connu un approfondissement dans ses trois dimensions : sa dimension participative avec la gram sabha ; sa dimension représentative (ou descriptive) avec les quotas électoraux ; et enfin sa dimension substantive à partir de l’adoption, en 2005, d’un vaste programme de travaux public8 dont la mise en œuvre offre aux chefs des conseils de village un rôle central dans l’identification des travaux à mener et la supervision des travailleurs, ce qui leur permet d’avoir un impact très concret dans la vie des électeurs9. Il y a là sans doute une explication majeure au fait que ce sont les élections locales qui suscitent la participation électorale la plus élevée, dans la plupart des États10.
Cette démocratie locale renouvelée, qui semblait concilier l’idéal gandhien de communautés villageoises se gouvernant par la délibération, et les prescriptions de la Banque mondiale en faveur de la décentralisation administrative et politique, a d’abord suscité un grand intérêt de la part des chercheurs et des activistes. Mais après deux décennies de travaux sur les institutions du panchayati raj (gouvernement des panchayats), le constat s’est imposé que dans la plupart des États11 la décentralisation démocratique, malgré son statut constitutionnel, se heurte à la résistance des gouvernements comme des administrations régionales à une véritable dévolution du pouvoir ; et que, faute de finances et de fonctionnaires, les gouvernements locaux échouent à remplir leurs fonctions.
Le gouvernement local, pourtant, reste un véritable laboratoire politique. Dans le fédéralisme indien, il relève de la compétence des 28 États que compte actuellement l’Union, et les gouvernements régionaux ont amplement usé de leur marge de manœuvre pour réformer les élections locales. La collecte et l’analyse des amendements apportés, depuis trente ans, aux Panchayati Raj Acts (pour les zones rurales) et aux Municipalities Acts (pour les zones urbaines) de sept États montre que c’est à ce niveau que sont élaborées et (souvent) mises en œuvre toutes sortes d’innovations politiques, créant de nouvelles institutions, de nouveaux rôles politiques, et surtout de nouvelles règles – notamment de nouvelles limitations à l’éligibilité. Il est donc important, pour comprendre l’évolution de la démocratie indienne, de prendre au sérieux ces réformes électorales locales – définies comme modifications des procédures électorales, soit l’ensemble des lois, règlementations et techniques qui président à l’organisation des élections locales.
Cet article se concentre sur deux États du nord de l’Inde, le Rajasthan et l’Haryana, qui ont adopté et mis en œuvre les procédures électorales les plus socialement régressives. Cette double étude de cas, comparant la trajectoire d’une série de réformes électorales adoptées au cours des trente dernières années, offre de nombreux enseignements sur les acteurs et les justifications de la dé-démocratisation. Je décrirai dans un premier temps le contenu et la trajectoire des réformes avant d’analyser, dans une seconde partie, les objectifs politiques – au sens étroit du terme – qu’elles poursuivent. La dernière partie s’attachera à discerner le sens profond de ces réformes : que nous disent-elles de la vision dominante de ce que doit être un bon élu, et dans quelle direction poussent-elles la démocratie locale ?
Les réformes électorales au Rajasthan et en Haryana
Ces deux États du nord de l’Inde sont réputés pour leur conservatisme social : ce sont des bastions du patriarcat et les castes dominantes y perpétuent leur influence dans les domaines politique comme économique. Le Rajasthan (68,5 millions d’habitants d’après le dernier recensement de 2011) est plus rural et plus pauvre ; mais c’est aussi le site d’une société civile progressiste et dynamique, qui se mobilise régulièrement autour du MKSS (Majdoor Kisan Shakti Sangathan, Association pour le pouvoir des ouvriers et des paysans). Le MKSS est notamment à l’origine de la Campagne pour le droit à l’information, qui a mobilisé les associations de tout le pays à partir de 1996, pour aboutir à une législation très libérale en la matière, adoptée en 200512. L’Haryana (25 millions d’habitants), qui jouxte la région capitale de Delhi, est plus urbanisé et plus riche ; mais il est aussi plus conservateur.
Comme tous les États fédérés, le Rajasthan et l’Haryana ont dû se doter d’une « législation de conformité » pour mettre en œuvre les 73ème et 74ème amendements : le Rajasthan Panchayati Raj Act (1994), le Rajasthan Municipalities Act (1996), le Haryana Panchayati Raj Act (1994) et le Haryana Municipal Corporation Act (1994). Ces textes-cadres contiennent à la fois des clauses obligatoires, qui sont donc les mêmes partout en Inde (par exemple la réunion de l’assemblée du village, les quotas électoraux pour les femmes, les SC et les ST) et des clauses discrétionnaires, qui varient d’un État à l’autre (par exemple l’organisation de comités de circonscription en ville, ou des quotas électoraux pour les castes intermédiaires).
Tableau 1. Trajectoire de quelques réformes électorales en Haryana et au Rajasthan
Année | Haryana (rural) | Haryana (urbain) | Parti au pouvoir | Rajasthan (rural) | Rajasthan (urbain) | Parti au pouvoir |
1994 | Disqualification si plus de 2 enfants | Disqualification si plus de 2 enfants | INC | Disqualification si plus de 2 enfants | Disqualification si plus de 2 enfants | BJP |
2006 | INC | |||||
2007 | INC | |||||
2008 | Quotas féminins : 50% | INC | ||||
2009 | Quotas féminins : 50% | INC | ||||
2014 | Disqualification pour absence de toilettes | BJP | ||||
2015 | Disqualification pour absence de toilettes/niveau de scolarisation | BJP | ||||
2016 | Disqualification pour absence de toilettes/niveau de scolarisation | BJP | ||||
2019 | INC | |||||
2020 | Quotas féminins : 50% | BJP |
Le tableau ci-dessus montre comment une série de réformes électorales définissant des critères d’éligibilité ont été adoptées et parfois annulées dans les deux États, qui ont connu une alternance entre BJP et Congrès (Indian National Congress, INC) pendant tout cette période. Ces réformes ajoutent de nouveaux motifs de disqualification à ceux que l’on trouve dans tous les États, et qui concernent aussi bien les élections locales que régionales ou nationales : être sain d’esprit, ne pas occuper un emploi dans l’institution concernée par l’élection, ne pas tomber sous le coup de poursuites pénales etc. Trois de ces réformes ont été adoptées dans d’autres États que ceux qui nous intéressent ici. La disqualification des citoyens ayant plus de deux enfants s’applique à partir d’une date seuil13 et n’est pas rétroactive ; elle a été adoptée dans 13 États, mais dans quatre cas elle a été annulée14. L’extension des quotas féminins, qui fait passer de 33% à 50% la proportion de sièges réservés aux femmes dans les conseils et les exécutifs locaux a été adoptée, à ce jour, dans 20 États. L’obligation d’avoir dans son logement des toilettes fonctionnelles est en vigueur dans au moins cinq États.
L’obligation de justifier d’un certain niveau de scolarisation, en revanche n’a été adoptée que dans trois États : Rajasthan (2014-2019), Haryana (2015) et Uttarakhand (2016). Elle se décline différemment selon le sexe et la caste des personnes, la position élective, et le territoire concernés. Au Rajasthan, les candidats au conseil de canton15 et de district doivent avoir l’équivalent du bac ; les candidats au poste de sarpanch (chef du conseil de village) doivent avoir été scolarisés jusqu’en troisième, et dans les zones habitées par une forte proportion de tribus répertoriées (les scheduled areas), ils doivent l’avoir été jusqu’à la fin de l’école primaire. En Haryana, les qualifications scolaires s’appliquent à toutes les positions électives, dans tous les conseils de village, de canton et de district.
Le tableau 1 montre que ces quatre types de réforme affectent fortement la possibilité, pour les groupes politiquement marginalisés que sont les femmes, les castes répertoriées (ou dalits), les tribus répertoriées, et les pauvres (ces quatre catégories n’étant évidemment pas exclusives) de se présenter aux élections locales – mais qu’elles agissent dans deux directions opposées. D’un côté, l’interdiction d’avoir plus de deux enfants, l’obligation de disposer de toilettes dans son logement, et celle d’avoir été scolarisé au minimum cinq ans écartent de la candidature la majorité des électeurs. En effet les familles pauvres ont souvent plus d’enfants ; elles ont plus rarement une maison – et donc des toilettes ; et elles déscolarisent leurs enfants quand il devient impératif que ceux-ci aient un travail rémunéré. Par ailleurs le conservatisme social fait particulièrement obstacle à la scolarisation longue des filles et des dalits – à supposer que des écoles soient accessibles, physiquement et économiquement, ce qui est loin d’être le cas partout. Enfin s’il est possible pour des hommes ayant eu plusieurs épouses successives de dissimuler certains de leurs enfants, c’est beaucoup plus difficile à faire pour les femmes – qui en outre sont généralement privées du contrôle sur la contraception. Les évaluations produites par des chercheurs et des journalistes montrent que l’application de ces disqualifications revient à écarter de la candidature plus de 70% de la population rurale âgée de plus de 20 ans dans les deux États16, et que l’exclusion la plus drastique concerne les femmes dalit de plus de 20 ans : 83% sont disqualifiées en Haryana.
La quatrième réforme – l’augmentation des quotas électoraux pour les femmes, de 33% (le chiffre imposé par les deux amendements constitutionnels) à 50% des sièges – semble aller dans la direction opposée. Selon le système indien des reservations, cette réforme signifie qu’une circonscription sur deux est désormais réservée aux femmes. Comme ces réservations sont horizontales, elles traversent les quotas qui concernent les autres catégories : ainsi 50% des circonscriptions réservées aux dalits, aux tribaux (et aux castes intermédiaires) doivent également être réservées aux femmes. Il y a là un paradoxe apparent. Alors que les disqualifications liées au nombre d’enfants, à la possession de toilettes et au niveau de scolarisation semblent ignorer délibérément les inégalités sociales, l’augmentation des quotas pour les femmes suggère au contraire l’existence d’un certain volontarisme concernant l’égalité de genre.
Le tableau 1 montre que cette divergence des réformes ne s’explique pas, ou du moins pas seulement, par le parti au pouvoir. Même si le Congrès est un parti traditionnellement plus soucieux des intérêts des pauvres, des dalits et des femmes que le BJP, on voit que les deux partis ont présidé à l’adoption des trois réformes exclusives comme de la réforme inclusive. Pour comprendre ce qui motive et permet l’adoption de ces réformes mais aussi, le cas échéant, leur annulation, il faut conduire une enquête auprès des différents acteurs qui interviennent dans ce processus : les cadres des partis politiques, au pouvoir ou dans l’opposition ; les commissions électorales régionales, en charge de l’organisation des élections locales ; les organisations de la société civile actives dans l’opposition aux réformes, ou au contraire dans leur soutien et leur mise en œuvre ; les journalistes chargés de couvrir la vie politique au niveau de l’État ; les avocats impliqués dans la contestation, devant la justice, des réformes ; enfin les chercheurs spécialisés dans l’observation du gouvernement local.
J’ai recouru, pour mener cette enquête, à trois méthodes principales. J’ai d’abord collecté et analysé une série d’interventions dans l’espace public des acteurs mobilisés par les réformes : discours politiques, tribunes dans les médias, rapports produits par les associations. J’ai ensuite examiné plusieurs jugements rendus publics à l’issue de procédures judiciaires initiées pour contester certaines réformes. Le système juridique indien étant celui de la common law, chaque jugement contient à la fois les arguments des parties au procès et le raisonnement fondant la décision du ou des juge(s) – ces documents sont donc riches d’informations sur les arguments mobilisés pour défendre ou critiquer les réformes. Enfin j’ai conduit, dans chacun des deux États, une douzaine d’entretiens individuels ou collectifs avec les acteurs concernés.
À partir des données collectées, il est possible de comprendre la mécanique des réformes : comment parviennent-elles à s’imposer, y compris lorsqu’elles sont apparemment anticonstitutionnelles ? Quels effets politiques veulent-elles produire ? Et qu’est ce qui permet, parfois, de les annuler ? Ces questions seront au cœur de la prochaine partie, centrée donc sur la politique des réformes. La partie suivante s’attachera à ce qu’on pourrait appeler leur philosophie : que nous disent ces réformes au sujet du statut du gouvernement local mais aussi du droit de candidater, et donc, in fine, de l’égalité politique dans la démocratie indienne ?
Politique des réformes
Les réformes sont un instrument majeur de l’ingénierie électorale, entendue comme l’art de favoriser certaines caractéristiques du vote mais aussi, à travers les élections, d’agir sur la société. Cette ingénierie est particulièrement élaborée en Inde puisque l’organisation matérielle des élections représente un défi dans ce pays-continent, où les hiérarchies sociales et la diversité culturelle sont fortes. Bhim Rao Ambedkar, leader des intouchables qui présida à la rédaction de la Constitution, a résumé ce défi d’une formule célèbre : « Democracy in India is only a top-dressing on an Indian soil which is essentially undemocratic17. »
Les 73ème et 74ème amendements voulaient prolonger le projet politique de la Constitution de 1950 : réformer la société par la politique. En imposant, par la loi, un nombre substantiel de dalits, de tribaux et de femmes dans les conseils locaux, ces deux amendements poursuivaient un objectif d’inclusion ambitieux. Comme les quotas concernent non seulement les positions de membre élu mais aussi celles de chef du conseil (sarpanch, maire…), ils produisent une véritable redistribution du pouvoir. Certes, plusieurs stratégies permettent de limiter cette redistribution – par exemple même si 33% des sarpanch sont des femmes, dans bien des cas celles-ci ne sont élues que pour la forme, et leurs fonctions sont en réalité exercées par un homme de leur famille – mari, père ou beau-père.
Les disqualifications sur la base du nombre d’enfants, de l’absence de toilettes et du niveau de scolarisation s’attaquent très directement à cette redistribution : on l’a vu, elles empêchent mécaniquement une majorité de la population d’accéder à la candidature. Comment expliquer qu’une privation aussi massive des droits civiques ait pu s’imposer au Rajasthan et en Haryana ?
Un premier élément de réponse est le contexte favorable offert par le débat politique. Concernant la disqualification basée sur le nombre d’enfants, elle arrive dans plusieurs États suite à la publication des résultats du recensement décennal de 1991 qui ravive un discours malthusien et alarmiste, soutenant que la croissance démographique est un obstacle majeur au développement du pays, et donc que la limitation des naissances relève de « l’intérêt général18 ».
La disqualification pour absence de toilettes est préparée par l’accent mis par le gouvernement Modi, dès 2014, sur la construction de toilettes dans un objectif de santé public. Tandis que le premier ministre est au centre d’une abondante communication autour de sa « Mission pour une Inde propre » (Swachh Bharat19), un programme de construction de logements à bas prix souligne le fait que chaque maison sera équipée de toilettes. Ici aussi, la réforme électorale ne fait que prolonger une injonction très audible, et qui invoque « l’intérêt général ».
La disqualification pour défaut de scolarisation est beaucoup moins attendue. Lorsqu’elle est annoncée au Rajasthan, elle choque et suscite nombre de réactions – lettres ouvertes à la Ministre en chef, tribunes dans la presse régionale et nationale, actions en justice. C’est ici l’habileté du gouvernement à jouer du calendrier institutionnel qui explique, en première instance, son adoption. Cette réforme est introduite par une ordonnance du gouvernement – qui évite donc le passage par l’assemblée législative de l’État – promulguée le 20 décembre 2014, soit quatre jours avant l’annonce des prochaines élections locales. Le MKSS décide d’intervenir immédiatement en saisissant la Haute Cour de l’État – mais celle-ci ferme pour cause de vacances d’hiver. Les activistes se tournent alors vers la Cour Suprême, qui les renvoie vers la Haute Cour de l’État car c’est bien la juridiction appropriée. Deux nouvelles plaintes sont déposées auprès de la Haute Cour, émanant de femmes sarpanch empêchées de se représenter faute d’avoir le niveau de scolarisation exigé, et soutenues par plusieurs associations régionales20. Le 15 janvier, la Haute Cour rend une décision dans laquelle, tout en exprimant son accord avec plusieurs points soulevés par les plaignantes, elle se refuse à intervenir dans le processus électoral – car la Commission électorale de l’État a annoncé, le 24 décembre, que les élections se tiendraient en février et mars 2015. La réforme est donc immédiatement mise en œuvre.
Pour autant, les opposants poursuivent leur action en justice mais la Haute Cour finit par donner raison au gouvernement – je reviendrai plus loin sur son raisonnement. L’opposition à la réforme se concentre alors sur les partis politiques, et le leader du Congrès finit par promettre qu’il supprimera cette disqualification. Le Congrès remporte les élections régionales en décembre 2018 et cette disqualification est immédiatement supprimée.
En Haryana également, c’est par une ordonnance que la réforme est introduite, en aout 2015. Mais cette fois, le texte annonce cinq nouveaux motifs de disqualification pour les élections locales : le niveau de scolarisation, l’absence de toilettes, mais aussi le fait d’être en retard dans le remboursement d’un prêt coopératif, d’avoir une facture d’électricité impayée, ou d’être sous le coup de poursuites pénales graves. Là aussi, des associations21 et des élus locaux saisissent la Haute Cour – en attaquant uniquement la disqualification liée à la scolarisation – et celle-ci ordonne de suspendre la réforme. Le gouvernement (BJP) de l’État revient à la charge avec un projet de loi portant la réforme inchangée, qui est adopté en septembre par l’assemblée législative. Les opposants poursuivent leur bataille en saisissant la Cour suprême qui rend, en décembre, une décision favorable à la réforme. Celle-ci est donc mise en œuvre à partir des élections locales de janvier 2016 – et l’Haryana, où le BJP est toujours au pouvoir, est à ce jour l’État où le droit de candidater est le plus limité en Inde.
Dans les deux États, il est clair que la réforme visait des objectifs électoralistes à court terme, et que les modalités de son introduction ont été pensées pour éviter qu’un débat public ne retarde sa mise en œuvre. Quels étaient ces objectifs ? Tous les observateurs s’accordent sur le fait qu’il s’agissait d’abord, pour le BJP au pouvoir dans les deux États, de conquérir les conseils élus dans les régions rurales. Le BJP est en effet un parti dont la base électorale a pour cœur les classes moyennes urbaines. Le Congrès, principal parti d’opposition en Haryana comme au Rajasthan, conserve une forte influence parmi les populations rurales, et notamment parmi les dalits et les petits paysans.
Or les disqualifications imposées par les réformes de 2014 et 2015 dans les deux États ont pour effet mécanique d’écarter de la candidature aux élections locales les plus pauvres, mais aussi, indirectement, les plus âgés. En effet le niveau minimum de scolarisation exigé (un certificat scolaire devant être fourni) ignore délibérément que dans bien des régions rurales, il n’y avait tout simplement pas d’écoles à l’époque où les plus de cinquante ans auraient pu être scolarisés. Ainsi ces réformes écartent du scrutin un certain nombre d’élus locaux qui étaient fidèles au Congrès, pour favoriser des candidats beaucoup plus jeunes – ce qui est parfaitement congruent avec l’image de dynamisme et de modernisation que cultive le BJP, qui n’a de cesse de vanter la « nouvelle Inde » née avec l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi. Autrement dit, les réformes produisent mécaniquement un renouvellement des candidats, favorable à des gens plus riches et plus jeunes – plus susceptibles, donc, de soutenir le BJP que le Congrès.
Qu’en est-il alors des quotas féminins, passés de 33% à 50% au Rajasthan en 2009, et en Haryana (pour les élections en zone rurale) en 2020 ? Cette réforme-là n’a suscité quasiment aucun commentaire politique ou médiatique, alors même qu’elle semble aller dans un sens opposé à celui des réformes concernant les toilettes et la scolarisation, puisqu’elle vise non à exclure mais à inclure. S’agissait-il, pour le gouvernement de l’Haryana en particulier, de donner des gages de progressisme ?
Il convient, là encore, d’examiner les effets directs mais aussi indirects de la réforme. La combinaison des quotas féminins élargis avec les disqualifications liées aux toilettes et à la scolarisation produit deux effets distincts. Premièrement, elle écarte des élections locales les femmes pauvres (notamment les dalits) et âgées. Or les femmes pauvres et/ou dalits de plus de cinquante ans qui se présentent aux élections sont sur-sélectionnées par rapport à des femmes issues des classes moyennes et des autres castes. Fortes d’une expérience qui est une ressource essentielle en politique, elles sont capables de tenir tête aux potentats locaux – patriarches des castes dominantes, mais aussi bureaucrates. La combinaison de ces deux disqualifications avec les quotas féminins élargis favorise nettement la candidature de femmes jeunes des classes moyennes qui, dans le contexte du conservatisme social qui caractérise l’Haryana comme le Rajasthan, sont très susceptibles d’être soumises aux hommes de leur famille22. Le rajeunissement des élues, même si leur niveau de scolarisation est plus élevé, ne signifie donc absolument pas qu’elles seront en position d’être une force de changement.
Deuxièmement, dans de nombreuses circonscriptions réservées aux dalits, et notamment dans celles réservées aux femmes dalit, la combinaison des motifs de disqualification aboutit à l’impossibilité de trouver des candidates. Par conséquent un nombre croissant de circonscriptions sont le lieu de ce qu’on appelle une élection « sans compétition » (unopposed election) où une seule personne est candidate, et donc élue23. Cette situation est source de fragilité pour l’élue car sa légitimité est faible et sa formation politique inexistante, puisque aucune campagne électorale n’a eu lieu. Enfin dans un certain nombre de cas, aucune candidate ne satisfait aux conditions d’éligibilité ; la circonscription n’a alors tout simplement pas de représentante élue, et se trouve en position de faiblesse face à l’administration régionale.
Ainsi, alors que les réformes sont présentées comme l’instrument d’un renouvellement du gouvernement local à travers le renouvellement des élus, leur effet combiné favorise en réalité un pouvoir accru des hommes (notamment des castes dominantes) et dans une moindre mesure de l’administration régionale.
Philosophie des réformes
Les réformes électorales révèlent des objectifs à court terme mais aussi, plus implicitement, un ensemble d’idées sur ce que doit être un bon élu, un bon gouvernement, et finalement une bonne démocratie24. La question qui nous intéresse ici n’est plus : que font les réformes ? Mais plutôt : que disent-elles ? Et d’abord, que se dit-il autour d’elles ?
Je resserre ici la focale sur la réforme imposant un niveau minimum de scolarisation, car c’est elle, on l’a vu, qui a provoqué l’opposition la plus vive. Le débat qu’elle a suscité s’est déroulé à la fois dans les médias et dans les tribunaux. L’analyse des jugements rendus et d’une série d’articles de presse et d’émissions de télévision permet de dégager deux groupes d’arguments plus ou moins symétriques, que l’on retrouve avec une remarquable similarité dans les arènes médiatique et judiciaire, et qu’on peut résumer ainsi :
Pro-disqualifications | Anti-disqualifications |
Respecter la lettre de la Constitution | Respecter l’esprit de la Constitution |
Lutter contre la corruption | Lutter contre l’exclusion |
Promouvoir le dynamisme (favoriser la jeunesse) | Promouvoir la justice sociale (favoriser les groupes marginalisés) |
Donner l’exemple | L’exemple doit venir d’en haut |
Bien administrer | Bien représenter |
Efficacité (légitimité par les outputs) | Démocratie (légitimité par les inputs) |
Ce tableau montre que ceux qui s’opposent à la disqualification pour défaut de scolarisation se placent sur le plan des principes. Ils font valoir, premièrement, que le droit de candidater, au même titre que le droit de vote, est au fondement de la démocratie25. Or, deuxièmement, en excluant une large partie de la population des positions électives locales, la nouvelle disqualification rend le gouvernement local moins démocratique. Troisièmement, priver les pauvres, les plus âgés et les femmes du droit de se présenter aux élections parce que l’État n’a pas su leur offrir un accès à l’école revient à commettre une double injustice. Quatrièmement, si les élus doivent donner l’exemple, alors il faut d’abord appliquer cette disqualification aux candidats à l’assemblée législative de l’État au Parlement – deux assemblées qui ont pour tâche, contrairement aux conseils locaux, d’écrire la loi.
Les partisans de la disqualification, quant à eux, affichent leur pragmatisme – y compris les juges, qu’on aurait pu s’attendre à trouver plutôt du côté des principes. Ils soulignent qu’en droit indien le droit de candidater, comme le droit de vote, n’est pas un droit fondamental ; que l’obligation d’avoir un certain niveau d’éducation permet de lutter contre la corruption et les irrégularités financières qui prospèrent grâce à (et sur le dos) des sarpanch illettrés26 ; que cette obligation, en favorisant des candidats plus jeunes, va dynamiser les institutions du gouvernement local27 ; et que les élus doivent donner l’exemple28.
Les deux séries d’arguments ont pour objectif, in fine, une meilleure qualité du gouvernement local. Mais pour les partisans de la réforme cette qualité se mesure en termes d’efficacité ; pour ses opposants, elle se mesure en termes de « démocraticité29 ».
On observe ici une persistance de la conception du gouvernement local qui dominait en Inde avant les 73ème et 74ème amendements : les panchayats sont vus comme des institutions du développement rural – et pas des écoles de la démocratie. Cette vision réductrice est une des causes de la mise en œuvre très incomplète de la décentralisation démocratique C’est parce que le gouvernement local continue d’être vu comme un organe essentiellement administratif, et non comme le premier niveau de la représentation politique, que l’efficacité apparaît plus importante que la représentativité. L’efficacité des élus est en effet le principal argument convoqué à l’appui de la disqualification sur la base du niveau de scolarisation : dans un monde où l’information écrite circule très rapidement, notamment par les réseaux sociaux, il est indispensable que les élus des conseils de village soient capables de lire et d’écrire.
À cela les opposants à la réforme répondent que la question n’est pas de savoir s’il est indispensable de savoir lire et écrire pour faire son travail d’élu – ceci n’est pas contesté. Mais la réforme n’impose pas un certain niveau d’éducation – elle impose un niveau de scolarisation. Elle exclut donc ceux et surtout celles qui se sont formés à l’âge adulte – et qui parfois possèdent des compétences bien plus utiles aux fonctions d’élu local que celles qu’apporte l’école.
Ainsi la réforme semble avoir pour objectif non pas tant l’efficacité que l’exclusion30. Les qualifications imposées sont surtout des motifs de disqualification, à contre-courant des innovations démocratiques portées par les 73ème et 74ème amendements, mais qui vont au-delà du retour au statu quo ante. En imposant la norme des deux enfants, plus l’obligation d’avoir des toilettes, plus l’obligation d’avoir un niveau de scolarisation minimum (plus, en Haryana, l’interdiction d’avoir une facture d’électricité impayée ou des difficultés à rembourser un prêt coopératif), les réformes poursuivent ensemble un objectif d’exclusion de la majorité de la population.
Ceci nous amène à une deuxième interprétation du sens des réformes électorales. Celles-ci semblent être à la fois le véhicule et l’une des manifestations de la vague réactionnaire qui s’étend en Inde comme dans d’autres grandes démocraties. La réaction fait suite à une période de forte démocratisation ouverte avec les 73ème et 74ème amendements, et poursuivie avec les politiques de welfare adoptées par les gouvernements de coalition formés autour du Congrès entre 2004 et 2014 : le programme de travaux publics (2005) qui confère, on l’a dit, un pouvoir important aux chefs des panchayats ; le droit à l’information (2005), qui donne à l’assemblée du village la possibilité d’exiger que le panchayat rende des comptes ; mais aussi droit à la forêt (2006) et le droit à la nourriture (2013)31.
Il y a là plus que la « révolte des élites » identifiée dans les années 1990 par Corbridge et Harriss32. Patrick Heller souligne, dans une comparaison entre l’Inde de Modi et le Brésil de Bolsonaro, que l’affirmation d’une classe moyenne qui se définit par sa vertu, par contraste avec les pauvres, bénéficiaires non méritants de l’assistanat, est un aspect central de cet « âge de la réaction » caractérisé par un ensemble d’initiatives destinées à restaurer « les configurations traditionnelles du pouvoir de l’élite33 ».
La notion de vertu est effectivement très présente, dans les arguments qui justifient les réformes électorales excluantes, à travers l’évocation de l’impératif d’exemplarité. L’exemplarité des élus est à la fois la preuve de leur vertu et une incitation à l’émulation. C’est l’exemplarité nécessaire des élus qui justifie que les candidats virtuels soient disqualifiés s’ils sont plus de deux enfants (il faut maitriser la taille de sa famille), s’ils n’ont pas de toilettes dans leur maison (il faut avoir des pratiques hygiéniques), s’ils n’ont pas été scolarisés au moins X années (il faut valoriser l’éducation), et bien sûr s’ils ont un remboursement ou une facture d’électricité impayés (il faut tenir ses engagements). Cet accent sur l’exemplarité, on le voit, repose sur l’idée implicite, au cœur du néo-libéralisme, que c’est aux citoyens, et non à l’État, qu’incombe la responsabilité de l’accès à la contraception, aux sanitaires ou à l’éducation.
La réaction va très loin puisque ces réformes rétablissent, dans la démocratie locale, un cens qui rappelle inévitablement l’époque coloniale. Faire du niveau de scolarisation un « marqueur de l’intelligence politique34 » permet à l’élite de s’approprier les positions électives, au XXIe comme au XIXe siècle. Ironie de l’histoire : en Inde, le gouvernement représentatif a commencé par le niveau local, avec la résolution de Lord Ripon qui pose les bases d’une certaine autonomie du gouvernement urbain en 1882 ; quelque 130 ans plus tard, c’est au niveau local également qu’il subit les assauts les plus hostiles. La restriction du droit de candidater signifie que tous les citoyens ne sont pas jugés dignes de solliciter, à travers leur candidature, la confiance des autres35. Il s’agit là d’une régression radicale, non seulement au regard de l’histoire des droits civiques, mais aussi en termes d’idées politiques.
Conclusion
Le gouvernement local est un laboratoire politique en Inde, un site riche en innovations démocratiques et anti-démocratiques qui méritent d’être examinées dans leurs aspects à la fois empiriques et théoriques.
Cette double étude de cas montre que pour comprendre ce que font les réformes électorales, il est impératif de les considérer sur un temps assez long pour en saisir la logique et les implications, de même qu’il faut prendre en compte le contexte culturel, social et politique dans lequel elles s’inscrivent. C’est cette perspective englobante qui permet de voir qu’une réforme en apparence inclusive et progressiste, comme l’extension des quotas électoraux pour les femmes de 33% à 50%, peut en réalité être anti-démocratique à deux titres. D’abord parce que sous couvert d’inclure davantage de femmes dans les conseils élus, en se combinant aux disqualifications liées aux toilettes et à la scolarisation, la réforme exclut les femmes pauvres (dont bon nombre de dalits) et âgées, au profit de femmes jeunes de la classe moyenne qui sont très susceptibles d’être sous la coupe des hommes de leur famille, dans la société très conservatrice et patriarcale de l’Inde du nord. Ensuite parce que la combinaison des motifs de disqualification diminue mécaniquement le nombre de candidates éligibles, notamment dans les circonscriptions réservées aux femmes dalit. Ceci a pour conséquence, d’une part un large nombre d’élections sans opposition, d’autre part un certain nombre de sièges restés vacants, ce qui signifie pour les habitants de ces circonscriptions qu’ils ne sont tout simplement pas représentés.
Par ailleurs, comparer la trajectoire de réformes similaires dans plusieurs États met en lumière le rôle joué par différents acteurs institutionnels dans la désinstitutionalisation de l’égalité politique induite par les réformes électorales. Au Rajasthan comme en Haryana, la résistance aux réformes excluantes a émané de la société civile organisée, qui a aidé les élus empêchés de se re-présenter aux élections à saisir la justice, alerté les médias et fait pression sur les partis politiques. Or la justice a adopté une position inattendue36. La Cour Suprême a d’abord approuvé la « norme des deux enfants37 », arguant qu’il s’agit d’une clause « salutaire » et « dans l’intérêt du public ». Elle a ensuite validé la qualification basée sur le niveau de scolarisation38. Ces deux jugements considèrent en substance que le droit d’être candidat n’est pas un droit ; c’est un privilège39.
Les médias, quant à eux, ont fait une place limitée au débat sur les intentions et les effets de la disqualification sur la base du niveau de scolarisation, qui n’a jamais atteint le statut d’un scandale démocratique – au même titre, par exemple, que les réformes plus récentes sur le financement des partis politiques. C’est finalement l’opposition politique qui a permis de défaire cette réforme. Le retrait de la disqualification pour défaut de scolarisation n’a eu lieu qu’au Rajasthan – parce que le BJP y a perdu les élections en 2019, et parce que la branche régionale du Congrès y entretient depuis deux décennies une relation forte avec le MKSS. Comparer la trajectoire des réformes au Rajasthan et en Haryana montre ainsi que la société civile organisée joue un rôle d’aiguillon qui est nécessaire mais non suffisant. Ce qui permet, in fine, de limiter la dé-démocratisation c’est l’alternance politique, et donc le pluralisme.
Notes
1
Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un projet qui a pour objectifs de documenter et d’analyser les réformes électorales adoptées depuis 30 ans dans sept États (Rajasthan, Haryana, Gujarat, Karnataka, Tamil Nadu, Bengale occidental et Madhya Pradesh). Ce projet a bénéficié du soutien du Centre de sciences humaines de New Delhi, du Max Weber Forum-South Asia, et du LabEx TEPSIS. Une partie des données ont été collectées avec l’assistance de Deshdeep Dhankhar, que je remercie.
2
« DEMOCRACY REPORT 2025, 25 Years of Autocratization – Democracy Trumped? », V-Dem Institute, University of Gothenburg, 2025. URL : https://www.v-dem.net/documents/60/V-dem-dr__2025_lowres.pdf.
4
Tripurdaman Singh, « The Authoritarian Roots of India’s Democracy », Journal of Democracy, vol. 34, n° 3, 2023, p. 133-143. URL : https://www.journalofdemocracy.org/articles/the-authoritarian-roots-of-indias-democracy/, consulté le 3 avril 2025.
5
Neera Chandhoke et Rajesh Kumar, « Indian Democracy. Cognitive Maps », in Political Science Volume 2: Indian Democracy, Oxford, Oxford University Press (New Delhi, K.C. Suri & Achin Vanaik), 2013.
6
Annabelle Lever, « The Right to Stand and the Democratic Value of Elections », Séminaire du CEVIPOF, Paris, décembre 2024.
7
Les castes répertoriées (Scheduled Castes dans le vocabulaire de l’administration indienne) sont celles qu’on appelait autrefois « intouchables », et représentent environ 16% de la population ; les tribus répertoriées (Scheduled Tribes) représentent environ 8% de la population. Pour ces deux catégories, le niveau des quotas électoraux correspond à leur poids dans la population locale. Par exemple en Haryana, où les castes répertoriées constituent 20% de la population, 20% des circonscriptions sont réservées à cette catégorie pour les élections nationales, régionales et locales.
8
Ce programme, le Mahatma Gandhi National Rural Employment Garantee Act (MGNREGA), oblige l’Etat à proposer, à toute famille qui le demande, 100 jours de travail rémunéré par an.
9
Harry W. Fischer, « Beyond Participation and Accountability: Theorizing Representation in Local Democracy », World Development, n° 86, 2016, p. 111‑122. https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2016.05.003.
10
Par exemple au Rajasthan, en 2004-2005, la participation électorale atteignait 82% pour les élections aux conseils de village, 72% pour l’assemblée législative régionale et 66% pour la chambre basse du parlement, la Lok Sabha (Source : Rajasthan State Election Commission).
11
Le Kérala est une exception majeure.
12
Aruna Roy et MKSS Collective, The RTI Story: Power to the People, New Delhi, Roli Books, 2018.
13
Par exemple, au Rajasthan, cette disqualification adoptée en 1994 concerne les enfants nés après novembre 1995.
14
V.N. Alok, Panchayat Elections in India, New Delhi, Indian Institute of Public Administration, 2023, p. 146.
15
Le canton (block) est une institution de niveau intermédiaire entre le village et le district, qui n’existe que dans certains États.
16
Shalini Nair, « In Rajasthan and Haryana, new rules for contesting panchayat polls exclude women, minorities from political system », Indian Express, 19 juin 2016. URL : https://indianexpress.com/article/india/india-news-india/rajasthan-haryana-panchayat-polls-school-education-prerequisite-women-dalits-adivasis-minorities-politics-2861571/.
17
Bhimrao Ramji Ambedkar et Arundhati Roy, Annihilation of Caste, Critical edition, Londres et New York, Verso Books, 2016.
18
Nirmala Buch, « Law of Two-Child Norm in Panchayats », Economic and Political Weekly, vol. 40, n° 24, 2005, p. 2421-2429.
20
MKSS, People’s Union for Civil Liberties, Centre for Dalit Rights, Mahila Panch Sarpanch Sangathan.
21
La bataille est surtout menée par la All India Democratic Women’s Association, associée au principal parti communiste indien.
22
Il faut toutefois noter qu’en 2021, le gouvernement de l’Haryana a adopté un décret selon lequel une femme sarpanch dont l’époux ou tout autre membre de la famille prend la place dans les réunions et interfère dans son travail, sera disqualifiée pour les prochaines élections. (V.N. Alok, Panchayat Elections in India, New Delhi, Indian Institute of Public Administration, 2023).
23
Lors des élections de 2015 au Rajasthan, 3% des chefs et 46% des membres des conseils de village ont été « élus » en l’absence de tout autre candidat. En Haryana cette situation concernait 4% des chefs et 54% des membres des conseils. Shalini Nair, « In Rajasthan and Haryana, new rules for contesting panchayat polls exclude women, minorities from political system », Indian Express, 19 juin 2016. URL : https://indianexpress.com/article/india/india-news-india/rajasthan-haryana-panchayat-polls-school-education-prerequisite-women-dalits-adivasis-minorities-politics-2861571/.
24
Stéphanie Tawa-Lama, « Herméneutique des réformes électorales en Inde », Raison publique, vol. 26, n° 1, 2023, p. 169‑186.
25
Même si le droit de vote n’est pas défini comme un droit fondamental dans la Constitution indienne, il est établi depuis 1973 que la démocratie fait partie de la basic structure de la Constitution indienne (Kesavananda Bharati v State of Kerala, 1973).
26
« In the past, many a times when uneducated persons were elected, they had to face criminal trial on account of financial irregularities » (Dulari Devi & Others vs State of Rajasthan, 2015).
27
« The Ordinance does not exclude but operates to include qualified persons. It is merely an election reform with the object to improve the working of the Panchayati Raj Institutions. » (Dulari Devi & Others vs State of Rajasthan, 2015).
28
« These provisions have been enacted by the Legislature to control the menace of population explosion...The Leaders at the grass-root level have to put an example before the electorates » (Mukesh Kumar Ajmera and Ors. vs State of Rajasthan and Ors, 1997).
29
Hélène Landemore, Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the Twenty-First Century, Princeton, Princeton University Press, 2020.
30
Plusieurs jugements montrent que l’interprétation, par les fonctionnaires, de la réforme, peut la rendre plus excluante encore : par exemple une femme possédant le certificat de scolarisation requis - mais dans une école située en Uttar Pradesh – s’est vue pour cette raison interdire l’accès à la candidature au Rajasthan (Rashmi v State Local Self Dep, 2015).
31
Patrick Heller, « The Age of Reaction: Retrenchment Populism in India and Brazil », International Sociology, vol. 35, n° 6, 2020, p. 590‑609. https://doi.org/10.1177/0268580920949979.
32
Stuart Corbridge et John Harriss, Reinventing India: Economic Liberalization, Hindu Nationalism and Popular Democracy, Cambridge, Polity, 2000.
33
Patrick Heller, « The Age of Reaction: Retrenchment Populism in India and Brazil », International Sociology, vol. 35, n° 6, 2020, p. 591. https://doi.org/10.1177/0268580920949979.
34
Udit Bhatia, « Rethinking the epistemic case against epistocracy », Critical Review of International Social and Political Philosophy, vol. 23, n° 6, 2020, p. 706‑731. https://doi.org/10.1080/13698230.2018.1497246.
35
Annabelle Lever et Attila Mraz, « The Right to Compete for Trust: A Missing Account of the Right to Stand for Election », sans date.
36
Il est révélateur à cet égard que les seuls travaux sur la démocratie indienne qui mentionnent les restrictions à l’éligibilité dans les élections locales comme une cause d’inquiétude majeure sont ceux de juristes (par exemple Alok Prasanna Kumar, « Demography, Democracy and Population Policies », Economic and Political Weekly, vol. 56, n° 30, 24 juillet 2021. https://www.epw.in/journal/2021/30/law-and-society/demography-democracy-and-population-policies.html ; M.V. Rajeev Gowda et Varun Santhosh, « Election Law in India », in David Shultz et Jurij Toplak (dir.), Routledge Handbook of Election Law, Londres et New York, 2023, p. 288‑305).
37
Javed v State of Haryana (2003).
38
Rajbala v State of Haryana (2016).
39
Alok Prasanna Kumar, « Demography, Democracy and Population Policies », Economic and Political Weekly, vol. 56, n° 30, 24 juillet 2021. https://www.epw.in/journal/2021/30/law-and-society/demography-democracy-and-population-policies.html.