Suzanne et les avocats des peuples africains,
Encre sur textile, 206 cm x 216 cm, 2007. Collection JOM.
L’itinéraire entrepris dans le numéro précédent de Passés futurs (n° 10) se poursuit à travers le deuxième volet de notre dossier. Les textes ici publiés élargissent le questionnement sur les usages du passé, les jeux de miroir et les fictions qui nourrissent les contextes et les moments d’une généalogie. Le musée Barthélemy Boganda de Bangui (Andrea Ceriana Mayneri), en République centrafricaine, est un cas significatif et original d’une patrimonialisation « impossible » affectée par les mutations successives d’un bâtiment où la mémoire de la colonisation s’affronte à la violence du présent. Une exposition au Bénin sur les « amazones » (Mihena Maamouri), figures-emblèmes de la résistance dahoméenne à l’expansionnisme français, se ressaisit d’un mythe qui se renouvelle aussi dans des conjonctures politiques nationales diverses et changeantes. Le personnage à la fois historique et littéraire de Ruben Um Nyobè (Claire Ducournau) catalyse la mise en récit romanesque d’une guerre coloniale au Cameroun qu’un écrivain enquêteur, Max Lobé, interroge et transforme. Le réemploi et les différentes vies du film Brazza ou l’épopée du Congo (Damien Mottier) interrogent le devenir-archive d’une fiction, réalisée en 1939 par Léon Poirier, longtemps oubliée et désormais appropriée comme support de discours contradictoires. L’étude de la reproduction, de la traduction et de la circulation des livres des confrériques islamiques au Sénégal (Anouk Cohen) examine la construction postcoloniale des savoirs dans un espace éditorial vecteur d’une épistémè islamique supposée instituer une synthèse « endogène » entre science et religion. De même que pour le premier numéro de notre dossier, une recherche menée loin des mondes africains vient en contrepoint des autres contributions. L’article relate la narration de la fondation d’un temple dans l’État indien de l’Odisha (Raphaël Rousseleau) qui fabrique ses origines à partir d’un répertoire notionnel forgé par l’historiographie européenne.