Tejas y te jodes.
Depuis plus de trente ans, on assiste à une évolution très rapide des technologies de l’interprétation, d’abord avec la numérisation de masse puis avec la datafication croissante de la vie sociale. Quelles en sont les conséquences pour le travail historiographique ? Si les documents « nés numériques » ont perturbé l’idée d’archive, s’il existe de nouveaux modes d’accès à l’information, de nouvelles techniques et approches informatiques, de nouveaux modes d’écriture, comment relever les défis posés par de telles instances ? Peut-on se contenter de l’idée que la recherche historique peut continuer à être pratiquée comme elle l’est depuis plus d’un siècle, du moins dans son schéma ultime (travail dans les archives traditionnelles, bureau de l’historien, présentation des résultats), les mutations du « tournant numérique » sont-elles suffisamment importantes pour être prises en compte dans la formation et la réflexion historiographiques ?
Les considérations sur le pouvoir, les fantômes et les absences dans les archives ont été multipliées par la prolifération des objets nés numériques et leur omniprésence dans la vie sociale. La scène primordiale dans laquelle les protocoles de stockage, d’ordonnancement et de classification convergeaient avec les méthodes heuristiques traditionnelles de la recherche historique a été ébranlée par les différentes natures et formes de circulation des objets numériques1. Les défis auxquels notre époque est confrontée ont suscité différents types de déclarations : si nous assistons effectivement à un changement de paradigme dans les systèmes culturels, comme certains l’affirment, dans la pratique, un double environnement de travail s’est imposé, marqué par la coexistence des travaux classiques et des tentatives, plus théoriques qu’empiriques, de problématiser différentes sphères de la discipline historique.
Mon approche de ce défi repose sur l’hypothèse que les diverses innovations et transformations culturelles de ce que l’on appelle « l’ère numérique », « l’ère des bases de données », « l’ère des algorithmes », « la société de l’information », « black box society », etc. mettent à distance les idées générales et les pratiques établies dans le domaine de la recherche historique. Par ailleurs, le fait d’introduire d’autres acteurs non humains dans le processus de production des connaissances fait d’autant plus ressentir le manque de la scène primordiale du métier, et ces innovations et transformations déstabilisent la « magie » de l’Histoire. L’affirmation primordiale devient une question, une question autopoïétique, comme l’exprime B. Nowviskie : « Comment l’interprétation des processus algorithmiques par un agent humain subjectif, qui y est également immergé, pourrait-elle modifier ces algorithmes successifs2 ? » C’est cette question que j’ai l’intention d’explorer dans cet article. Pour ce faire, je présenterai deux pistes, entre autres, dans lesquelles sont présentées une idée des changements (une idée du futur) et des ébauches de projets (des façons de travailler).
Je présenterai tout d’abord une scène, une manière d’imaginer le devenir de ce qui est stocké et classé, en reprenant une idée disséminée dans différents textes de Wolfgang Ernst, célèbre archéologue des médias, sur les transformations profondes de l’archive à « l’ère numérique ». Je me concentrerai principalement sur l’un de ces textes : « L’archive comme métaphore. De l’espace d’archivage au temps de l’archivage3 », que je vais lire comme une apocalypse. Et, bien qu’il y ait de nombreuses façons d’interpréter le genre apocalyptique, je mettrai l’accent sur le symbolisme4.
Dans un deuxième temps, je décrirai brièvement les transformations de l’archivistique et de l’historiographie dans leur façon d’organiser l’information et de l’interpréter. Il s’agit d’un exercice important malgré sa brièveté, car on caractérise couramment les règles de l’archivage traditionnel comme si le principe de provenance était appliqué de manière monolithique et consensuelle en tout temps et en tout lieu depuis l’Ancien Régime jusqu’à nos jours.
Mon intention est de montrer la pertinence des thèmes « archives » et « documents nés numériques » dans l’histoire académique actuelle. Mon hypothèse est qu’il y a des chevauchements dans les diagnostics et une zone grise commune dans les deux perspectives présentées. À la fin de ce texte, je reviendrai sur la question de B. Nowviskie concernant la relation que nous entretenons avec les algorithmes.
Archives sans métaphores
Wolfgang Ernst est historien. De formation classique, il a commencé par soutenir une thèse d’habilitation sur les institutions mémorielles en Allemagne pour devenir ensuite l’une des voix les plus reconnues de l’archéologie des médias5. Son changement de cap dans ce cadre est tout aussi intéressant. Partant de la même prémisse – penser les discontinuités dans une histoire conditionnée par les médias –, Ernst est passé de la réflexion sur les archives à l’analyse des micro-temporalités des technologies et a développé une orientation de plus en plus « technomathématique6 ». Les procédures machiniques sont devenues de plus en plus irréductibles à la compréhension dans le cadre des études culturelles et de l’histoire des médias. Sa perspective du « regard froid » (cold gaze) lui permet de mettre l’accent sur les aspects non herméneutiques du temps des machines et d’observer, dans les documents du passé, les modes et les supports plutôt que le contenu. Cela implique également un déplacement du centre d’intérêt de ses projets de l’écriture vers le son, par le biais d’expérimentations en laboratoire.
Ernst part d’un diagnostic qui, en 2004, date de publication de l’article, relevait plutôt du pronostic : dans un contexte où les archives traditionnelles sont menacées par les médias numériques et où le « stockage culturel » a été remplacé par le transfert, la fétichisation de l’archive fait retour. Ernst met en garde contre la prolifération de l’utilisation du terme « archive » pour tout ce qui est stockage : il appelle ce phénomène la « fétichisation » de l’archive. Bien qu’il n’y ait pas de description précise des caractéristiques de l’archive traditionnelle dans « L’archive comme métaphore », Ernst y mentionne certains éléments qui permettent de la définir comme spatiale, étatique, réglementée, sous contrôle, impériale et définitivement associée au papier. Parmi ces éléments, seules les caractéristiques d’être « réglementée » et « impériale » concernent le domaine du transfert. Cependant, à mesure que le volume de données traitées électroniquement augmente, la réification de l’autorité de l’archive traditionnelle s’accentue.
Au lieu de se concentrer sur l’analyse de ces manières de caractériser le circuit de l’information à partir de la métaphore de l’archive, Ernst s’est attaché à examiner les relations entre mémoire et archive. Il s’agit là d’un premier postulat ontologique, qui concerne précisément l’interprétation. On sait ce que Michelet a dit dans son Histoire de France à propos des documents qu’il a parcourus dans les Archives nationales : « À mesure que je soufflais sur leur poussière, je les [les personnages mentionnés dans les archives] voyais se soulever7 ». Mais, pour Ernst, « les archives ne racontent aucune histoire... rien ni personne ne nous parle - ni les morts ni quoi que ce soit d’autre ». Les archives ne parlent pas, elles opèrent :
« Celui qui voit de la cohérence personnelle dans les documents d’archives fait œuvre de fiction et donne un sens aux lettres mortes sur le mode de la prosopopée rhétorique (nommer les choses mortes comme si elles étaient vivantes). L’imagination historique, appliquée à la lecture des archives, confond l’hallucination et l’absence. Contre le désir fantasmatique de parler aux morts, la conscience archivistique affronte le passé comme une donnée8 ».
Comme Leopold von Ranke, Ernst opère lui aussi un tournant anti-romantique : compter est le propre de l’archive, relater concerne l’humanité. Compter relève de l’ordre administratif là où relater est de l’ordre du souvenir. Il s’agit là d’un problème important pour l’archivistique : les pratiques de stockage fonctionnent-elles à partir de la mémoire, ou l’archive est-elle une technologie purement externe et secondaire9 ? Ce qu’Ernst appelle « l’ordre administratif » renvoie au secret, à l’État, à l’empire : l’Empire anglais du XIXe siècle tel qu’il a été déchiffré par Richards, l’empire de Hardt et Negri10. L’archive a toujours été synonyme de stockage codifié, de matérialités et d’opérateurs symboliques ayant la capacité d’établir ce qu’ils conservent et ce qu’ils ne conservent pas. L’interprétation (sémiose) n’a pas sa place dans ce schéma11. Mais il y a une autre ligne dans le travail d’Ernst qui mérite d’être explorée plus en détail. Cette perspective suppose une fracture dans la notion d’archive, conséquence des changements propres à l’« ère numérique ».
Une autre façon de qualifier l’impact des technologies numériques a été de les renvoyer à une « ère des bases de données ». « L’archive comme métaphore » peut se lire comme le déploiement d’une série d’oppositions qui commencent par la lutte pour le sens entre le récit et la base de données. C’est une idée qu’Ernst reprend de Lev Manovich12, qui soutient que les bases de données concurrencent effectivement les récits. L’ontologie des bases de données implique des structures de données et des algorithmes et, « en tant que forme culturelle, […] représente le monde comme une liste d’éléments qui refuse d’être ordonnée13 » ; elle a cette particularité qu’en tant que système sémiologique, elle inverse les relations des axes paradigme/syntagme : la liste des éléments d’un objet numérique ainsi que les relations entre ces éléments est réelle, matérielle ; les combinaisons sont virtuelles14. L’ordre, dans ce schéma, est un attribut de l’axe, et ses instances sont des index d’une autre liste de données, réelle, mais non lisible par l’homme. L’inscription physique traditionnelle est remplacée, dans les dispositifs de stockage latent (bandes magnétiques, surfaces de disques durs, etc.) par l’induction, caractéristique de la dynamique des champs électromagnétiques. Les index sont des arrangements temporels d’impulsions électriques à deux états. Le résultat est une forme culturelle qui opère par le transfert :
« L’ordre spatial et traditionnel, c’est-à-dire l’ordre archivistique qui perdure dans des lieux physiquement et institutionnellement éloignés, s’accompagne d’une pratique archivistique dynamique de cartographie des données, d’opérations temporelles et de processus dynamiques qui différencient les archives traditionnelles des archives électroniques. Les routeurs de suivi ne sont pas des explorateurs spatiaux mais temporels. Dès lors que l’archive elle-même se transforme, passant d’une agence de spatialisation du temps à un ordre intermédiaire (arrêt) de processus dynamiques (report du changement par un arrêt momentané), les architectures spatiales de l’archive se transforment en une communication séquentielle, sensible au temps et synchrone15 ».
Pour Ernst, la permanence de l’archive traditionnelle compte moins que la prolifération de la « mémoire de recyclage » ou du transfert permanent. Une série de procédures et de protocoles (algorithmes) redéfinissent cette relation entre l’archivage traditionnel et l’archivage numérique avec l’émergence de réseaux tels que l’Internet. L’un des plus importants est la mise en parallèle du traitement des données. Le cavalier devenu visible en 2004 dans l’apocalypse de « L’archive comme métaphore » est Google16. Les données, dit Ernst, deviennent temporellement localisables, et la notion de « temps réel » privilégie l’idée d’environnement par rapport à celle d’espace. Selon Ernst, l’hypothèse selon laquelle on ne peut localiser que ce qui a été stocké n’est plus valable. Un autre élément important est que l’objet numérique contient une structure de données et des algorithmes, de sorte que, pour ces objets culturels, la séparation traditionnelle entre données et métadonnées (les premières à un endroit, les secondes à un autre) n’a plus de sens. La classification dynamique remplace l’indexation par les métadonnées, annonce ce travail. Un troisième facteur semble définir la lutte entre deux mémoires culturelles : la numérisation du matériel stocké sous forme analogique menace de briser les hiérarchies de l’archive classique. Ce processus, qu’Ernst appelle transarchivage, annonce la future victoire du modèle impérial « transatlantique ». À la fin de « L’archive comme métaphore », la déclaration de coexistence pacifique de ces deux types d’archives à l’avenir n’est pas convaincante. Les « mémoires analogiques du stockage matériel » ne seront pas pertinentes, même si les historien·nes et les archivistes continuent leur tâche.
Le temps qui s’est écoulé entre la publication de « The Archive as Metaphor » et notre présent est une éternité contractée. L’écosystème des médias sociaux était presque inexistant (Facebook était à peine né, LinkedIn avait deux ans), et, si Netflix existait déjà, sa technologie et sa puissance ne devaient apparaître que trois ou quatre ans plus tard et mirent du temps à s’imposer17. Le streaming est une technologie qui semble confirmer le diagnostic d’Ernst sur le transfert comme marqueur de notre époque. Avec le traitement des flux d’événements, l’industrie a considérablement modifié la structure des bases de données. Si, dans les bases de données traditionnelles, les requêtes (axe syntagmatique dans l’inversion postulée par Manovich) constituaient la partie dynamique, avec le traitement des flux d’événements, les requêtes sont des outils passifs qui sont déclenchés par les données d’entrée. Le stockage est devenu un composant de la base de données, mais il n’est plus son fondement. Alors que le traitement des flux d’événements tend à être considéré comme complémentaire du traitement par lots, la notion de « temps réel » – historiquement épaisse et ambivalente – génère de nouvelles façons de penser les « données » et le stockage. Dans le traitement de flux en temps réel, comme le postule l’un des principaux acteurs dans ce domaine, « il peut y avoir plusieurs processus non triviaux dans un pipeline. Les données peuvent être enrichies, soumises à plusieurs algorithmes et regroupées avec d’autres données dans un seul et même pipeline18 ».
Source : Ben Stopford, « The Rise of the Event Streaming Database », The New Stack, 5 novembre 2020.
Cependant, c’est dans une autre direction qu’a avancé la bataille culturelle entre deux types de mémoires, l’« européenne » et la « transatlantique ». Les modèles économiques du capitalisme de plateforme privilégient de plus en plus le secret dans toutes les couches des architectures numériques. Les données et les algorithmes, catégories de plus en plus abstraites en termes de « plusieurs processus non triviaux dans un pipeline », sont cachés par le cloisonnement et la copie. À cela s’ajoute la sublimation en temps réel des événements dans la production des données (ingestion) : la scalabilité et la rapidité de réponse, dans l’intervalle qui sépare l’écriture de « l’archive comme métaphore » de notre présent, a démultiplié les effets annoncés. Le modèle Google décrit par Ernst confirme aujourd’hui que la précision ou la rapidité de réponse compte moins que le prix/énergie dans le modèle économique. Il s’agit là d’un lien géologique, à peine conjecturé aujourd’hui19. D’autre part, les modèles dans le domaine du traitement des flux d’événements confirment que, plus que le contenu des processus (par exemple, les cours de la bourse), ce sont les écarts entre les états qui sont importants, sur lesquels des algorithmes peuvent être superposés pour définir les données à stocker, de manière temporaire ou permanente. Ainsi le secret et la création de « données » contribuent-ils à donner du crédit à cet autre nom sous lequel l’époque est connue : the black box society.
Avec à l’esprit ces dernières questions, la lecture que je propose ici s’avère judicieuse. « L’archive comme métaphore » est moins une prophétie qu’une apocalypse, interprétée de manière idéaliste, dans son symbolisme, plutôt que prétériste20, car le développement des technologies d’archivage a conféré à l’avenir qu’Ernst imaginait dans son article une physionomie plus diversifiée et plus complexe.
À la série d’oppositions qui structurent « l’archive comme métaphore », il faut ajouter une opposition fondamentale : celle qui oppose l’histoire (des médias) et l’archéologie des médias. L’histoire s’occupe des voix des morts, l’histoire produit des récits ; l’archéologie des médias s’intéresse au traitement des signaux, au « bruit » et aux diagrammes. On a forgé les expressions de « criticité temporelle » (time criticality) et de « schémas opérationnels » (operative diagrammatics) pour rendre compte de l’effort de W. Ernst pour penser une archéologie des médias radicale, qui est passée de la pensée de l’in-between du complexe sociotechnique d’aujourd’hui (où convergent les machines et les agences humaines) à l’analyse des temporalités inscrites dans les machines. Cette réflexion est un métier : les temporalités machiniques étant matérielles et monumentales, le travail d’archivage se fait en laboratoire et dans le travail d’ingénierie qui fonctionne avec la gestion du temps dans le circuit. C’est pourquoi l’archéologie des médias est médico-légale et en même temps artistique (elle opère sur les vestiges), et le rapport est la meilleure forme de présentation des résultats.
Pour Ernst, l’archive traditionnelle est une politique contre le désordre, un principe politique qui déplace la fin du temps. Le concept paulinien (katechon) a fait l’objet de diverses lectures philosophiques à partir des textes de Carl Schmitt, mais Ernst s’éloigne de cette perspective et réintroduit le sens de l’entropie en tant que principe de désordre qui acquiert une signification lorsqu’il est considéré d’un point de vue stochastique21. L’histoire des temporalités intrinsèques des technologies médiatiques, lorsqu’elles sont interprétées par l’archéologie des médias, ne suscite pas de « nostalgie pour l’ordre de l’archive […], un fantôme survivant de l’âge de l’imprimerie22 ».
« À l’instar de la science de la culture (Kulturwissenschaft) axée sur la culture matérielle et de l’archéologie classique, l’archéologie des médias s’intéresse aux artefacts, en particulier ceux qui ne sont créés qu’au cours du processus de mise en œuvre technologique, par exemple lorsqu’un poste de radio reçoit une émission. Qu’il s’agisse d’un modèle ancien ou récent, l’émission a toujours lieu dans le présent. Contrairement à l’histoire des médias – c’est-à-dire le point de vue humain (Vico) –, l’archéologie des médias adopte provisoirement la perspective temporelle de l’appareil lui-même, l’esthétique des processus microtemporels. Ici, c’est un autre type de temporalité qui est représenté. La corde oscillante d’un instrument continue d’imposer le son qu’elle émet – et avec lui sa temporalité (intrinsèque) – à nos oreilles. Mais ces oreilles entendent dans un seul et même son des harmonies différentes ; elles sont culturellement prédéterminées. Il faut ici faire la différence entre l’acoustique (physique), le sonore (conditionnement culturel) et le musical (sémantique culturelle)23 ».
Les couches qu’Ernst décrit dans le dernier paragraphe de la citation rappellent celles que K. Thibodeau a conçues pour définir les objets numériques, dans le but de… les archiver24. Pour Ernst, il s’agit de dimensions disciplinaires, sur lesquelles pèsent les menaces d’un paradigme historique trop humain dans la conception du temps.
La référence au défi de l’archivistique (K. Thibodeau) nous permet de nous intéresser maintenant à quelques lignes conceptuelles et professionnelles que l’histoire et l’archivistique ont formulées face aux défis de « l’ère numérique ».
Respect des fonds
Tandis que l’archéologie des médias, sous l’influence de la formule « le logiciel n’existe pas » de F. Kittler25, évoluait vers le bruit, vers une discipline aux forts accents d’ingénierie, l’histoire et l’archivistique, surtout cette dernière, effectuaient deux mouvements parallèles : l’un, contributif, définissait les objets numériques au point de les introduire dans la gestion des archives traditionnelles ; l’autre, conceptuel, rendait de plus en plus abstrait le fondement ultime de l’ordre archivistique, la formule directrice qui structure le pouvoir archivistique depuis la Révolution française : le principe dit du respect des fonds26.
Passons maintenant en revue ces deux mouvements.
La science archivistique traite des objets numériques depuis des décennies. Certaines perspectives laissent entrevoir un changement de paradigme, un cinquième paradigme (les archives en tant que données ou les archives datafiées [transformées en données]27), comme l’a proposé Terry Cook dans un article bien connu qui passe en revue les 150 ans de la discipline28. Des lignes de recherche telles que l’archivistique computationnelle29 ou l’ingénierie archivistique30 sont basées sur des développements concrets de la discipline, mais aussi sur des projets provenant de la bibliothéconomie et de la muséologie. Dans ces constellations interdisciplinaires, la question de base (qu’est-ce qu’un objet numérique ?) a un fondement philosophique, non dénué d’incertitudes, mais aussi sa facette procédurale, informelle. La pratique redéfinit la question ontologique et ouvre à d’autres manières, productives, de penser les objets numériques. Kenneth Thibodeau31 a proposé un modèle de préservation des objets numériques, un modèle en couches selon le modèle de la base de données : une couche physique, qui traite d’abord l’objet comme une inscription (c’est le domaine de l’archéologie des médias), une couche logique, qui le pense comme traitable, exécutable, etc. Une fois qu’un objet est logé dans la mémoire d’un ordinateur, le type d’inscription cesse d’être pertinent, et ce qui devient important, c’est la grammaire de cet objet, son encodage, ses relations avec les programmes qui traitent ces données. Le troisième niveau est le niveau conceptuel, qui relie l’objet au monde (Thibodeau prend l’exemple d’un distributeur automatique de billets). Le plus intéressant dans ce modèle est que, pour préserver un objet numérique, il est nécessaire de préserver ces couches et les relations entre les couches. Ce sont les relations entre les couches qui redonnent du sens à l’objet (l’auteur parle de « recréer » pour l’usage).
Il peut sembler que les lois régissant la conservation et le catalogage n’ont pas changé ; cependant, les débats et les explorations sur la conservation, le catalogage, les outils de recherche montrent que les défis de la numérisation et des documents nés numériques sont restés les mêmes que ceux que nous avons explorés dans « L’archive en tant que métaphore ». Cependant, pour les besoins de la science archivistique, les outils (les algorithmes) qui médiatisent l’organisation des archives sont plus visibles que les outils qui accompagnent la descente de l’historien dans le royaume électrique du changement d’état des transistors. Un espace complexe d’agences machiniques et humaines apparaît également dans les débats sur les archives, tout au long du flux de travail et en particulier dans la gestion des métadonnées et des outils de recherche. Il est intéressant de noter que la dualité qu’Ernst envisage pour l’avenir constitue également l’avenir des réflexions en historiographie et en archivistique, bien que, dans ce cas, cette dualité soit une complémentarité : il y aura toujours des archives traditionnelles à gérer, et les techniques heuristiques et herméneutiques appliquées à cette technologie continueront à avoir une influence décisive sur la recherche en sciences sociales.
L’un des problèmes de la conception de l’archive traditionnelle sous-tendue par l’archéologie des médias est qu’elle met l’accent sur ses figurations romantiques (parler aux morts) et néglige de retracer les transformations et les réaménagements des principes directeurs de l’archive traditionnelle. Une lecture plus encline à ce révisionnisme trouverait dans l’histoire du respect des fonds et autres formules associées, des oscillations, des clivages qui prouvent l’instabilité de l’archive, et davantage de tentatives de démêler les relations entre mémoire et archive32.
Comme le dit très justement J. Bailey dans sa réflexion sur la manière de penser l’ordonnancement et la description des archives nées numériques, le respect des fonds a une histoire faite d’amendements, de confrontations, de pratiques et de conceptualisations dissemblables.
« Le respect des fonds n’a donc jamais été une théorie parfaitement réalisée. Elle doit son existence à la contingence d’un moment historique unique, sa conception a dépendu des besoins pratiques, et son application a été incohérente et contestée. Ce qui apparaît aujourd’hui comme un dogme – le classement des archives par fonds – était à l’époque novateur et simplifié, le produit de la fonction et de l’intervention politiques plutôt que d’une grande inspiration quant à l’authenticité fonctionnelle des fonds ou à la pureté probante de leur classement33 ».
La dernière étape de ces luttes est centrée sur le travail avec les archives numériques. Pour Bailey, l’image primordiale du chercheur éprouvant des difficultés, prenant des notes et interprétant dans des archives traditionnelles peut être opposée à une image possible, future, dans laquelle les expériences de frustrations et de succès ne sont plus liées à des chariots, de la poussière et des fichiers, mais à des programmes OCR ou à des émulateurs de systèmes d’exploitation. Dans l’article qui suit, Bailey passe en revue plusieurs projets d’organisation d’archives nées numériques :
« Ce qui distingue ces projets des représentations archivistiques d’antan, c’est que le contexte et le sens ne sont pas fournis exclusivement par des détails descriptifs et narratifs qui précèdent une liste de classement et de localisation, mais par des réseaux, des interconnexions, de la modélisation et de l’analyse du contenu34 ».
Ce que je veux suggérer ici, c’est que contrairement à l’archéologie des médias, qui utilise des métaphores géologiques et énergétiques pour accentuer les contours disciplinaires en renforçant un nouveau matérialisme, l’archéologie archivistique déploie un intense intérêt pour les couches physiques et logiques des objets numériques, en particulier la dernière, celle des interfaces. Dans les deux cas, il y a une prise en compte et une utilisation des algorithmes dans la recherche elle-même. L’historiographie, un peu plus insaisissable, incorpore des outils d’analyse informatique et historicise les technologies de l’« ère numérique », mais commence à peine à critiquer les technologies du bureau de travail (comme les sciences humaines en général et l’historiographie en particulier l’ont fait avec d’autres technologies telles que la note de bas de page, la prise de notes, la notice bibliographique, etc.).
Métaphores vraies
Nous avons, d’une part, l’annonce du règne du transfert qui prend la place du stockage, la reproductibilité numérique rivalisant avec l’originalité des documents, la classification dynamique remplaçant les métadonnées ; et, d’autre part, la tentative de refigurer l’archive en introduisant de nouvelles manières d’organiser les objets numériques, sous des conceptions renouvelées du stockage traditionnel. Les problèmes communs à ces approches sont la permanence du secret et de l’opacité dans la gestion de l’information. On peut également dire que, dans cette « ère », et cela est peut-être plus important que la prolifération d’archives nées numériques, on aboutit au renforcement d’un espace cognitif dans lequel l’interprétation (humaine) a peu de connaissance des outils informatiques qu’elle utilise pour construire la connaissance.
Revenons un instant à la question autopoïétique de Nowviskie, sur la possibilité de transformer un complexe sociotechnique de l’intérieur, par l’interprétation (humaine) des algorithmes qui le composent. Nowviskie suppose que le chercheur en sciences humaines d’aujourd’hui est dans une position privilégiée pour le faire :
« Il vit avec des boîtes noires pour deux autres raisons : parce que ses sujets de recherche sont eux-mêmes des produits de systèmes obscurcis par le temps et la perte (opaques ou inaccessibles, en partie ou en totalité), et parce qu’il travaille avec des ensembles de données qui lui parviennent généralement à travers les couches multiples et obscures d’accident, de sélection, de possessivité, de générosité, d’honnêteté intellectuelle, de tromperie pure et simple et de subjectivités interopérables difficiles à décrypter que nous appelons la bibliothèque35 ».
La nature de la question posée par Nowviskie se retrouve dans d’autres interrogations. Cela appelle une perspective à même d’échapper au cycle de l’illusion idéologique, et qui réfléchisse à la forme du problème avant son contenu. Il en va des algorithmes comme du fétichisme : bien que nous puissions discerner qu’une pierre n’est pas une âme, ou qu’un bureau ne peut être comparé à un corbeau, la fétichisation est le véritable mode de compréhension de l’asservissement ou du marché36. Kevin Hamilton s’inscrit dans cette tradition intellectuelle pour penser la métaphore de la « boîte noire37 ». Après en avoir présenté les origines cybernétiques, Hamilton décrit le cercle d’opacité de l’interprétation courante : découvrir et éviter les mécanismes algorithmiques qui régulent notre activité sur les réseaux semble nous placer du côté de la connaissance, alors qu’en réalité le système (cybernétique) intègre des actions humaines à même d’ajuster les paramètres. Ce n’est pas seulement l’algorithme du feed Facebook qui est assimilable à une « boîte noire », mais aussi et surtout le système dont nous faisons partie par notre activité d’utilisateur éclairé (« advanced »). Il s’agit là, pour Hamilton, d’une manière historique particulière d’exprimer la relation entre le travail et l’imagination technique.
La critique algorithmique a progressé au cours des dernières décennies en remettant en question l’utilisation des algorithmes, en soulignant leurs biais, en appelant à la justice sociale et à l’équité de leur fonctionnement. Elle a également étudié les processus et les mécanismes par lesquels le paradigme du codage a accepté cette métaphore dans le cadre de la formation d’un·e programmeur·se38 et a même envisagé la politique de rébellion face à la « sécularisation » de l’intelligence artificielle39. En réponse à sa question, Nowviskie propose d’apprendre à « jouer » :
« Il s’agit, bien sûr, d’une position très privilégiée : avoir les connaissances et la capacité réelle et ressentie comme telle pour jouer de l’intérieur et contre les règles. Favoriser ce type de connaissance et d’action parmi nos citoyens – étendre ce privilège – est l’un des principaux objectifs de l’enseignement des arts libéraux. Cette affirmation semble tout à fait incontestable lorsqu’elle est appliquée à la compréhension de l’esthétique ou des systèmes politiques et juridiques. Le fait que nous hésitions à enseigner la pensée procédurale, computationnelle et algorithmique formelle dans les salles de cours de sciences humaines comme quelque chose de distinct des préoccupations humanistes et que nous permettions qu’elle soit séparée de nos propres champs d’étude en tant qu’“apprentissage STEM” [science, technologie, ingénierie et mathématiques] et même que nous nous y opposions est à la fois un échec de l’imagination collective et un manquement à nos obligations individuelles envers nos étudiants40 ».
Le pari de complexifier le travail archivistique et historique en incorporant des procédures de recherche, de mises en relations et de modes de visualisation suppose que certains outils clarifient le travail à partir de données non structurées ; les métaphores de profondeur de l’archéologie des médias, opposées à la prolifération d’une autre métaphore, celle de l’archive, fétichisent les diagrammes et les signaux électriques, comme s’il s’agissait de procédures primordiales, d’arbres qui tombent dans une forêt inhabitée.
La tâche offerte par ces problèmes communs face à la complexité des systèmes culturels d’aujourd’hui peut être celle d’une critique qui historicise les algorithmes, qui les démonte et les révise, non pas pour les réfuter mais pour en détecter les multiples possibilités, les contingences, qui sont apparues dans les nombreuses couches de leur production, moments décisifs dans la trajectoire des procédures. Au cœur de la programmation se trouvent des questions et des décisions marquées par le contexte, les traditions et les technologies, aussi lisibles que le roman anglais ou la sous-culture punk, même si nous sommes loin de la sémiose entendue comme analyse du tissu culturel (avec la sémiose, c’est aussi la même chose qu’avec la cybernétique, des boîtes cloisonnées au lieu de boîtes noires41). La mathématisation des événements que nous produisons en tant que consommateurs n’est pas le diable dans le système. Cette mathématisation est plutôt une déclaration, on pourrait presque dire un texte sous une forme provocante, qui a émergé de nombreuses questions et décisions contextuelles, une manière de traiter les données, mais aussi une manière de comprendre ce qui est significatif dans la vie des gens. Aujourd’hui encore, à quelques exceptions près, c’est un travail que l’industrie fait avec quelques outils issus de la recherche sociale et beaucoup de puissance de calcul. Cette production, ces résultats, sont aussi « humanistes » que n’importe quel bon livre de sociologie, mais ils pourraient être plus solides et humainement significatifs si, dans notre imagination technologique, nous n’étions pas le sujet confronté aux algorithmes ou celui qui les domine dans leurs noyaux non sémiotiques.
Notes
1
Anaclet Pons, El desorden digital : guía para historiadores y humanistas, Madrid, Siglo XXI, 2013. Je remercie Diego Parente pour ses commentaires et suggestions sur une version antérieure de ce document.
2
Bethany Nowviskie, « A Game Nonetheless », nowviskie.org, 15 mars 2015.
3
Wolfgang Ernst, « El archivo como metáfora. Del espacio de archivo al tiempo de archivo » [2004], Nimio, vol. 5, 2018, p. 1-11; « The Archive as Metaphor : From Archival Space to Archival Time », Open 7, 2004, p. 46-53.
5
Sur l’archéologie des médias, voir, entre autres, Jussi Parikka, What is Media Archaeology ?, Malden, Polity Press, 2012.
6
Jussi Parikka, « Operative Media Archaeology: Wolfgang Ernst’s Materialist Media Diagrammatics », Theory, Culture & Society, vol. 28, n° 5, 2011 ; « Archival Media Theory : An Introduction to Wolfgang Ernst’s Media Archaeology », in Wolfgang Ernst et Jussi Parikka, Digital Memory and the Archive, Minnesota, University of Minnesota Press, 2013, p. 1-22.
7
Wolfgang Ernst, « El archivo como metáfora. Del espacio de archivo al tiempo de archivo » [2004], Nimio, vol. 5, 2018, p. 4.
8
Il existe de nombreuses analyses des expressions de Michelet et de leur relation avec la fonction de l’histoire. Je suggère en particulier celles de Carol Steedman, Dust : The Archive and Cultural History, Manchester, Manchester University Press, 2001 ; et « Living with the Dead », in Carol Smart, Jenny Hockey et Allison James (dir.), The Craft of Knowledge : Experiences of Living with Data, Houndmills-Hampshire, Springer, 2014.
9
Andrés Maximiliano Tello, « Una archivología (im)posible. Sobre la noción de archivo en el pensamiento filosófico », Síntesis : Revista de Filosofía, vol. 1, n° 1, 2018, p. 43-65.
10
Andrés Maximiliano Tello, « Una archivología (im)posible. Sobre la noción de archivo en el pensamiento filosófico », Síntesis : Revista de Filosofía, vol. 1, n° 1, 2018, p. 43-65.
11
Le problème de cette perspective est que, comme on l’a souligné, les archives (le recensement, par exemple) faisaient partie de l’imaginaire impérial non pas en raison de leur exactitude, mais de leur capacité performative ; voir Thomas Richards, The Imperial Archive : Knowledge and the Fantasy of Empire, Londres, Verso, 2011, et Arjun Appadurai, « El número en la imaginación colonial », in La Modernidad desbordada : dimensiones culturales de la globalización, Montevidéo, Tricle, 2001, p. 125-143.
12
Le Manovich, Le Langage des nouveaux médias, Dijon, Les Presses du réel, 2010 [2001].
13
Wolfgang Ernst, « El archivo como metáfora. Del espacio de archivo al tiempo de archivo » [2004], Nimio, vol. 5, 2018, p. 9.
14
Pour quelques réponses à cette comparaison, voir Ed Folsom, « Database as Genre : The Epic Transformation of Archives », PMLA, vol. 122, n° 5, 2007, p. 1571-1579 ; et Marina Grishakova, « The abecedarian imagination : On dictionary structures in literature », Literatur in Wissenschaft und Unterricht, vol. 1-2, 2018.
15
Wolfgang Ernst, « El archivo como metáfora. Del espacio de archivo al tiempo de archivo » [2004], Nimio, vol. 5, 2018, p. 7.
16
« Notre application permet une parallélisation aisée : différentes requêtes peuvent être exécutées sur différents processeurs, et l’index général est partitionné de manière à ce qu’une seule requête puisse utiliser plusieurs processeurs. Par conséquent, les performances maximales du processeur sont moins importantes que son rapport prix/performances. Google est donc un exemple de charge de travail axée sur les performances et devrait bénéficier d’architectures de processeurs offrant davantage de parallélisme sur la puce, comme le multithreading simultané (« Simultaneous Multithreading » SMT en anglais) ou les multiprocesseurs dans la puce », Luiz André Barroso et al., « Web Search for a Planet : The Google Cluster Architecture », IEEE Micro, vol. 23, n° 2, 2003, p. 22-28.
17
Ramon Lobato, Netflix Nations : The Geography of Digital Distribution, New York, New York University Press, 2020.
18
« What Is Real-Time Stream Processing ? », Hazelcast.com, sans date (consulté le 28 juin 2021).
19
Jussi Parikka, Una geología de los medios, Buenos Aires, Caja Negra, 2021.
20
NdE : Doctrine de l’eschatologie protestante selon laquelle les textes prophétiques de la Bible évoquent des événements qui se sont déjà produits.
21
Wolfgang Ernst, « Cultural Archive versus Technomathematical Storage », in Eivind Røssaak (dir.), The Archive in Motion. New Conceptions of the Archive in Contemporary Thought and New Media Practices, Oslo, Novus Press, 2010, p. 53-73.
22
Wolfgang Ernst, « Cultural Archive versus Technomathematical Storage », in Eivind Røssaak (dir.), The Archive in Motion. New Conceptions of the Archive in Contemporary Thought and New Media Practices, Oslo, Novus Press, 2010, p. 19.
23
Wolfgang Ernst, « From Media History to Zeitkritik », Theory, Culture & Society, vol. 30, n° 6, 2013, p. 141.
24
Kenneth Thibodeau, « Overview of Technological Approaches to Digital Preservation and Challenges in Coming Years », The State of Digital Preservation : An International Perspective, Conference Proceedings, IIS, 2002.
25
Friedrich Kittler, There is No Software [1991], traduit dans Id., Mode protégé, sous la dir. d’Emmanuel Guez et Frédérique Vargoz, Dijon, Les Presses du réel ; Saint-Denis, Labex Arts-H2H, 2015.
26
Le principe de provenance et le principe d’ordre original proposent de regrouper les documents en fonction de l’entité qui les a produits ou transférés. Lié à d’autres jalons de l’histoire des archives (la réglementation des Archives secrètes de l’État prussien en 1881 et le « Manuel néerlandais » de 1898), le respect des fonds fait partie de l’archivistique et de l’historiographie, disciplines qui ont influencé son développement. Voir Nancy Bartlett, « Respect des Fonds : The Origins of the Modern Archival Principle of Provenance », Bibliographical Foundations of French Historical Studies, New York, Haworth Press, 1992, p. 107-115 ; Ernst Posner, « Max Lehmann y el origen del principio de procedencia », in Peter Walne, La administración moderna de archivos y la gestión de documentos. El Prontuario RAMP, París, UNESCO, 1985, entre beaucoup d’autres.
27
Devon Mordell, « Critical Questions for Archives as (Big) Data », Archivaria, vol. 87, 2019, p. 140-161.
28
Terry Cook, « Evidence, memory, identity, and community : four shifting archival paradigms », Archival Science, vol. 13, 2013, p. 95-120.
29
Richard Marciano et al., « Archival Records and Training in the Age of Big Data », in Johnna Percell et al., Re-Envisioning the MLS : Perspectives on the Future of Library and Information Science Education, Bingley, Emerald Group Publishing, 2018, p. 179-199.
30
Kenneth Thibodeau, « The Construction of the Past: Towards a Theory for Knowing the Past », Information, vol. 10, n° 11, 2019.
31
Kenneth Thibodeau, « Overview of Technological Approaches to Digital Preservation and Challenges in Coming Years », The State of Digital Preservation : An International Perspective, Conference Proceedings, IIS, 2002.
32
Wolfgang Ernst traite de l’historiographie archivistique (De Certeau, Farge, Foucault y Farge, etc.) dans Stirrings in the Archives : Order from Disorder, Lanham, Rowman & Littlefield, 2015.
33
Jefferson Bailey, « Disrespect des Fonds : Rethinking Arrangement and Description in Born-Digital Archives », Archive Journal, vol. 3, 2013.
34
Jefferson Bailey, « Disrespect des Fonds : Rethinking Arrangement and Description in Born-Digital Archives », Archive Journal, vol. 3, 2013.
35
Bethany Nowviskie, « A Game Nonetheless », nowviskie.org, 15 mars 2015.
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Fredric Jameson, Representar El Capital. Una lectura del tomo I, Buenos Aires, FCE, 2013.
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Kevin Hamilton, « Beyond the Reveal/Black Box », The Hedgehog Review (série de 4 notes), 2015.
38
Adrian Mackenzie, Machine Learners. Archaeology of a Data Practice, Cambridge-Londres, MIT Press, 2017.
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Matteo Pasquinelli et Vladan Joler, « El Nooscopio de manifiesto. La inteligencia artificial como instrumento de extractivismo del conocimiento », laFuga, vol. 25, 2021.
40
Bethany Nowviskie, « A Game Nonetheless », nowviskie.org, 15 mars 2015.
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