Une lutte mapuche ? Histoire et chemins politiques des associations mapuche de Santiago
Docteure en anthropologie sociale

(EHESS - IRIS)

Ce 25 octobre 2019, le drapeau mapuche flotte au sommet de la statue du général Baquedano, place de la Dignité, à Santiago. C’est le plus grand rassemblement de l’histoire récente du Chili, fruit de l’estallido social ayant éclaté une semaine avant. En réaction à trente ans de politiques néolibérales menées dans un Chili post-dictatorial qui devait garantir justice et égalité, ce mouvement social a fait une large place à la question des peuples autochtones, en particulier des Mapuche. Si ce contexte est effectivement riche d’espoirs et de reconfigurations profondes, la « place » des Mapuche, désormais centrale dans ces revendications collectives, n’est pas évidente à appréhender. Elle ne peut facilement être renvoyée à une posture homogène et univoque.

C’est donc à partir d’un retour sur l’histoire de ses formes d’organisation et de lutte que nous voulons comprendre comment la question mapuche est représentée aujourd’hui, par quels acteurs et dans quels registres. Ainsi, cet article propose une exploration ethnographique et historique du milieu associatif mapuche de Santiago du Chili depuis les années 1960, et une étude des relations qu’il a entretenues avec l’État tout au long des cinquante dernières années. Nous nous intéresserons aux différentes manières dont ce monde mapuche, mobilisé en ville, s’est inscrit dans les profonds clivages qui ont traversé l’histoire politique chilienne avant et pendant la dictature, et en est resté durablement affecté.

Peu nombreux sont les travaux qui ont abordé l’hétérogénéité des identifications politiques indiennes. Ce sujet est souvent resté en marge des études sur les mouvements autochtones, voire écarté, car considéré comme un élément affaiblissant la lutte (univoque et universelle) des peuples autochtones1. À contrepied des lectures qui uniformisent le mouvement mapuche comme un acteur politique et social univoque, ayant maintenu une posture politique commune et cohérente face à l’État, l’histoire et l’ethnographie du milieu associatif mapuche de Santiago montrent une image moins lisse et uniforme. Ainsi, à l’encontre d’une image homogène et essentialisée de l’action collective mapuche, cet article et la recherche doctorale dont il est issu s’inscrivent dans la continuité d’autres travaux qui adoptent une approche historisante de l’indianité2.

Le matériel mobilisé ici est issu, d’une part, d’une recherche ethnographique menée entre 2012 et 2015 au sein du réseau associatif mapuche de Santiago, et d’autre part d’un corpus de récits de vie de dirigeants d’organisation mapuche recueillis et publiés entre 1950 et 2008 par des anthropologues et historiens. Ces différentes trajectoires croisées apportent un éclairage original sur le milieu associatif mapuche urbain. Elles permettent de faire émerger la diversité et la variabilité historique des positionnements mapuche, les lignes de fracture et les tensions qui les parcourent. Dans un premier temps, on reviendra sur le contexte de la formation des premières organisations à Santiago. Ensuite, on montrera comment, au sein des grands clivages politiques qui se sont creusés pendant le gouvernement de lUnidad Popular (UP) et ensuite pendant la dictature militaire, plusieurs positionnements au nom des intérêts mapuche ont été possibles. Enfin, on s’intéressera à la façon dont les fragmentations et les tensions héritées des époques précédentes se sont recomposées autour des nouveaux critères de reconnaissance et de rapport à l’État dictés par les politiques multiculturelles. Cela apportera un nouvel éclairage sur les différentes voix et postures politiques qui s’expriment aujourd’hui comme porteuses de revendications mapuche dans le milieu urbain.

L’émergence d’une présence mapuche organisée en ville. De l’invisibilité à la construction d’un espace de négociation

La présence mapuche en ville, notamment sous sa forme organisée, n’a commencé à être visible pour la société chilienne qu’à partir des années 1990, à la sortie de la dictature. En 1992 se tient au Chili le premier recensement de la population après la fin de la dictature. Les résultats montrent tout d’abord un taux de population se déclarant comme appartenant à « la culture mapuche » bien supérieur aux attentes (10 %)3, mais surtout, qu’une grande partie de cette population (80 %) se situait dans les grands centres urbains du pays, et notamment dans la capitale, Santiago4.

L’association indienne correspond à une catégorie administrative instituée à partir du début des années 1990 à la faveur de nouvelles politiques de reconnaissance multiculturelle adoptées par les gouvernements post-dictature. Depuis l’institutionnalisation de ce statut, dans les grandes villes du Chili et en particulier à Santiago, on a assisté à un développement exponentiel du réseau associatif, qui se compose aujourd’hui de quatre-vingt-neuf associations légalement enregistrées et plus de deux cents informelles5.

Pourtant, la reconnaissance institutionnelle des associations indiennes ne s’est pas réalisée dans un terrain vague. La présence mapuche en milieu urbain, surtout dans sa forme organisée et militante, s’était déjà à plusieurs reprises manifestée dans l’espace politique chilien, s’inscrivant dans son histoire. Cette présence mapuche en ville est historiquement liée à deux siècles de politique de territorialisation nationale, de dépossession foncière et d’assimilation entreprises par l’État chilien, depuis la conquête des territoires indépendants mapuche à la fin du XIXe siècle6.

La politique territoriale mise en œuvre par l’État chilien depuis l’indépendance a été caractérisée par une volonté d’assimilation des populations mapuche7. La défaite militaire, l’occupation et l’expropriation du territoire, ainsi que la soumission des Mapuche à la souveraineté nationale constituent le résultat de la campagne militaire d’invasion et d’occupation connue sous le nom de « Pacification de l’Araucanie » (1861-1883), une guerre de conquête et extermination visant l’annexion par dépossession du territoire mapuche dans l’État chilien. Cette politique se réalisa pleinement avec le confinement de la population mapuche dans un système de réserves, appelées reducciones8.

C’est donc à partir de ce contexte de dépossession et de consécutive paupérisation de la société mapuche confinée9, que l’on peut reconstruire les conditions pouvant expliquer en grande partie l’urbanisation d’une partie importante de la population mapuche et les logiques par lesquelles elle a, dans un premier temps, investi, puis formé des expériences d’organisation collective. En effet, c’est à cette même époque que remontent les premiers mouvements migratoires mapuche vers les centres urbains, impulsés justement par cette situation de crise et de forte pression démographique sur des territoires trop exigus et fragmentés pour assurer la subsistance des familles.

Les premières traces d’organisations mapuche à Santiago sont liées aux principaux domaines professionnels investis par les migrants mapuche provenant des communautés rurales. Ici, « la majorité des migrants occupaient des emplois mal rémunérés, caractérisés par un niveau d’exploitation élevé10». Dans la deuxième moitié du XXe siècle, lorsque les flux migratoires vers les villes se sont intensifiés, la principale modalité d’insertion pour les migrants mapuche en milieu urbain a consisté dans le système de recrutement connu sous l’expression puertas adentro, qui permettait de résider sur le lieu de travail, ayant ainsi accès simultanément à un emploi et à un logement. C’est dans ce cadre que beaucoup d’hommes trouvèrent du travail en tant que main-d’œuvre, ainsi qu’un abri, dans les boulangeries et les femmes comme employées domestiques11. Le système « puertas adentro » a permis l’insertion de personnes de conditions très précaires, surtout pendant les premières vagues de migration. Néanmoins, ce mécanisme de cooptation de la main-d’œuvre mapuche exposait les migrants à une dépendance accrue vis-à-vis de leurs employeurs et à des formes d’exploitation. Dans leur travail de reconstruction de biographies familiales autour des trajectoires de migration mapuche à Santiago, les deux chercheurs mapuche Enrique Antileo et Claudio Alvarado Lincopi confirment que « les emplois que les Mapuche occupaient dans la capitale correspondaient pour la plupart à des emplois précaires, instables, non réglementés et exposés à des formes d’exploitation très élevées : le service domestique, les boulangeries, le jardinage, la construction, le service dans des brasseries12 ».

Les migrants trouvent ainsi différentes voies d’insertion dans les espaces urbains plus populaires, qui deviendront aussi pour beaucoup d’entre eux des espaces de politisation.

Cette exposition à des conditions d’abus et d’exploitation a joué un rôle important dans l’émergence des formes d’engagement collectif13. C’est à partir de ces espaces de socialisation professionnelle que les migrants mapuche commenceront à investir, en arrivant même à les diriger14, des organisations syndicales comme le syndicat des boulangers, le Conapan (Confédération nationale des ouvriers boulangers)15, ainsi que la corporation des travailleurs de la construction et celui des femmes de ménage16. Selon l’historien Felipe Curin, depuis les années 1930 et 1940, des expériences de l’associativité mapuche à des fins politiques sont attestées, que ce soit dans les partis politiques, les syndicats ou les organisations populaires17.

Clivages politiques et hétérogénéité de positionnements

À partir des années 1960, le Chili connaît une histoire politique caractérisée par une forte polarisation. La question mapuche prend une place importante dans les discours officiels, l’un d’ouverture inédite sous la présidence de Salvador Allende (1970-1973), et l’autre de répression et négation sous le régime dictatorial instauré par Augusto Pinochet (1973-1989). Néanmoins, les différents collectifs mapuche ont cherché à naviguer entre ces moments d’opportunité politique ou de crise sans suivre les mêmes chemins, même si, selon les moments, certaines positions ou alliances paraissaient plus évidentes que d’autres. Depuis le début de son histoire, le monde mapuche organisé ne s’est pas allié à une seule tendance politique ; au contraire, il a cherché des possibilités de participation dans l’ensemble du spectre politique chilien18, en tissant des liens avec « des partis et organisations politiques allant de la droite conservatrice et nationaliste à la gauche démocratique et marxiste », mais également en poursuivant des projets politiques ouvertement autonomistes19. Dans ces décennies de forts changements et polarisation, le monde mapuche organisé emprunte des voies politiques différentes, voire divergentes, pour s’inscrire dans ces contextes, se réadaptant aux changements politiques et sociaux de l’époque.

Allende et les Mapuche, un soutien inconditionnel ?

À partir des années 1960, le Chili rentre dans une dynamique sociale, économique et politique20 centrée sur la mobilisation et la promotion de la participation populaire21, qui aboutit à la formation du gouvernement de l’Unidad Popular de Salvador Allende en 1970. Les instances gouvernementales, les institutions et les organisations humanitaires, ainsi que celles de l’Église catholique, participèrent à l’essor de l’organisation et de la mobilisation populaires et paysannes dans tout le pays, auxquelles les secteurs mapuche furent pleinement intégrés22.

À partir du milieu des années 1950, les migrants mapuche faisaient déjà partie des différents syndicats de travailleurs boulangers et des organisations populaires de pobladores (résidents de terrains occupés) exigeant un logement, où l’influence des forces politiques de gauche de l’époque était particulièrement présente23. Une illustration en est la trajectoire de Martin Painemal, dont le récit de vie a été recueilli par Rolf Foester en 198324. Arrivé à Santiago en 1924, il travaille dans l’industrie boulangère de la capitale. Syndicaliste et militant du parti communiste, en 1953 il participe à la fondation de l’Association nationale indienne25, qui se proposait de mettre fin à la discrimination raciale, de préserver la culture et la langue mapuche, de défendre la propriété collective des terres, de récupérer les terres usurpées, ainsi que de promouvoir le développement économique des mapuche de tout le pays26.

Deux parcours de machi à Santiago

 

Confronté aux trajectoires singulières, le monde mapuche migrant dévoile une complexité et une diversité sociale qui sont loin de l’image univoque et homogène à laquelle on rattache souvent la réalité mapuche urbaine. Le monde mapuche a été caractérisé par différentes modalités et conditions de migration et d’installation en ville.

 

Même s’ils furent minoritaires, un certain nombre de parcours de migration, depuis la sortie des communautés jusqu’à l’installation en ville, se sont construits non pas à travers des positions sociales et économiques précaires et exploitées, mais plutôt par des parcours de formation et insertion professionnelle d’élite. À la fin des années 1950, l’anthropologue Carlos Munizaga constatait : « il y a beaucoup de Mapuche dans notre capitale [dont] certains "lettrés" araucans que nous connaissions ici à Santiago et qui constituent une véritable "élite" indienne […] Il s’agit de professeurs, diplômés d’écoles industrielles, étudiants ou ex-étudiants de cycle secondaire27 ». Une bonne partie de ces « lettrés » avaient reçu une éducation dans les internats des missionnaires capucins et anglicans de la région de l’Araucanie qui, entre les années 1930 et 1960, recrutaient des enfants mapuche. Repérés au sein des écoles rurales des communautés, ces enfants recevaient ainsi l’opportunité d’une autre éducation et des outils d’insertion sociale et professionnelle dans la société chilienne moderne28.

 

Augusto Aillapan et Don Manuel sont deux machi – autorités spirituelles et guérisseurs selon la cosmovision mapuche –, vivant à Santiago, où ils se sont installés dans les années 1960. Aujourd’hui, dans le Chili multiculturel, ces deux hommes bénéficient d’un statut réconnu en tant qu’autorités spirituelles. Mais s’ils ont pu, à l’époque, s’inscrire dans ce nouveau contexte, c’est avec des outils différents. Leurs chemins migratoires, leurs conditions d’arrivée et de stabilisation en ville ont donné lieu à des modes de socialisation spécifiques et à des formes d’engagement politique divergentes.

 

La trajectoire d’Augusto Aillapan Paillafil est reconstruite et présentée par l’historien José Luis Cabrera dans l’ouvrage Machi Mogen Tani Santiago Warria Mew. Vida de un machi en la ciudad de Santiago29. On peut y apprendre qu’il est né en 1948, dans la province de Temuco et qu’il a migré à Santiago au début des années 1960. Il suivit de façon intermittente une scolarisation élémentaire dans l’école rurale de sa communauté et travailla depuis l’enfance pour subvenir à l’économie familiale dans l’agriculture et l’élevage. Son installation dans la capitale s’effectua dans des conditions précaires, communes à la plupart des migrants ruraux. Augusto arriva à Santiago sans diplôme ni qualification. Il fut logé chez un membre de sa famille et travailla dans le centre-ville dans le secteur alimentaire, comme boulanger et serveur (garzon) dans une pâtisserie et dans des restaurants. Ces conditions précaires de logement l’amenèrent à intégrer des collectifs de pobladores, groupes d’habitants qui occupaient des terrains pour réclamer de l’État la construction de logements et obtenir le droit à des conditions de vie dignes : « Pendant la campagne d’Allende, nous avons commencé à occuper des terrains dans la población Violeta Parra, je rassemblais des gens là-bas, puis le candidat Allende est venu nous rencontrer et nous a dit "si je gagne, vous n’allez pas rester ici, je promets de vous construire des maisons d’ici un an", et il a tenu sa promesse30 ».

 

Don Manuel est, lui aussi, un machi très reconnu et, tout comme Augusto, il est arrivé à Santiago dans les années 1960 après avoir quitté sa communauté non loin de Temuco. Pourtant, l’histoire de son installation dans la capitale a été marquée par des étapes bien différentes. Don Manuel m’a restitué son récit de lors d’une série d’entretiens que nous avons réalisé en juillet 2015 à Santiago. Après les premières années de scolarisation dans l’école rurale de sa communauté, sa famille accepte de l’envoyer se former à l’internat de la mission des pères capucins de Boroa, où il passe quatre ans. Là, il apprend l’espagnol, les bases de la religion catholique et, plus généralement, il reçoit une éducation visant à l’intégrer à la société chilienne, en l’encourageant à poursuivre ses études. Il poursuivra donc son chemin au lycée à Concepción, jusqu’à obtenir un diplôme de comptable et un travail qualifié. C’est son patron, admiratif de ce jeune mapuche si bien éduqué, qui lui propose de le suivre à Santiago en 1968, en lui offrant un poste dans sa nouvelle entreprise. « Et juste à cette époque mon chef me dit “on s’en va tous là-bas, j’ai des amis qui ont besoin de comptables, tu pourras commencer tout de suite à travailler pour eux”. Du coup je suis arrivé à Santiago pour travailler dans un bureau comme comptable. Ce monsieur, il m’a même trouvé un logement dans une pension31 ». Ses conditions d’installation en ville ont donc maintenu Don Manuel à l’écart des milieux plus populaires où s’inscrivait la majorité des migrants mapuche qui ne maîtrisaient pas l’espagnol, n’avaient pas fait d’études et étaient exposés à des formes de précarité matérielle et sociale. Ainsi, par sa formation et sa socialisation, une fois à Santiago, Don Manuel est rentré en contact avec ce cercle de Mapuche « lettrés », professionnels et diplômés dont Munizaga avait repéré l’existence, et qui l’amenèrent à s’inscrire dans des voies de politisation différentes de celles du syndicalisme et du militantisme populaire.

 

La mise en perspective de ces deux trajectoires permet de complexifier les profils sociaux des Mapuche urbains et leurs différentes modalités d’inscription en ville. Là où les trajectoires de ces deux « autorités spirituelles » se rapprochent, c’est au moment où, dans la nouvelle configuration des années 1990, la valeur et la place de la présence mapuche à Santiago ont été redéfinies. Aujourd’hui, la reconnaissance attribuée par la rhétorique multiculturelle aux autorités traditionnelles en milieu urbain efface les différences de ces parcours sociaux et politiques, au nom de la reconnaissance homogène d’un savoir traditionnel standardisé. Néanmoins, au sein des relations entre associations, ces clivages n’ont pas complètement disparu.

Au cours des années 1960, la connexion entre les différents partis du spectre de gauche et les secteurs mapuche mobilisés s’était particulièrement renforcée32, sans pour autant épargner à ces derniers les antagonismes qui traversaient le spectre de la gauche à l’époque. Ces antagonismes ont d’ailleurs parfois produit des fractures au sein même de collectifs mapuche qui avaient surgi à cette époque. L’anthropologue Andrea Aravena, dans son recueil de récits de familles mapuche de Santiago, publié en 2008, restitue les propos d’un dirigeant associatif qui évoque son militantisme entre les années 1960 et 1970. Ce dirigeant fait état de la forte politisation au sein de la société chilienne, mais aussi des clivages que celle-ci produisait alors dans le monde mapuche migrant de Santiago :

Dans notre groupe folklorique on chantait en mapudungun, avec des instruments mapuche [...] puis nous nous sommes séparés avec Lautaro Manquilef. J’ai continué seul, avec le même groupe, car la politique nous a séparés. Lautaro est allé travailler pour une campagne, celle d’Eduardo Frei Montalva, et moi je suis allé travailler pour une autre, celle de Salvador Allende33.

L’élection de Salvador Allende en 1970 fut un signe d’espoir pour le monde mapuche. Son programme promettait des changements radicaux pour la population indienne. La promulgation d’une loi indienne en 1972, la loi 17.729, concrétisa une bonne partie de ces engagements. Parmi ses aspects clés, cette loi reconnaissait le Chili comme un pays caractérisé par une pluralité culturelle, et promouvait le développement économique et social indien, à travers la création de l’Institut de développement indien (IDI)34. Mais l’initiative la plus importante fut celle de la restitution de terres usurpées pendant le processus de mise en réserve. Une réforme agraire expropria les grands propriétaires terriens. Cette politique, déjà amorcée sous le mandat de son prédécesseur Frei, prit une envergure inédite avec le gouvernement de la UP, permettant ainsi aux habitants mapuche des réserves de récupérer un total de 132 115 hectares de terres35. Les impacts positifs de la révolution sociale d’Allende furent sans précédent pour la population mapuche, si bien que de nombreux militants mapuche célèbrent encore aujourd’hui cette révolution comme un grand moment d’espoir dans l’histoire de leur peuple36 et un moment « de rapprochement sans précédent avec la société chilienne par le biais de ses organisations politiques et sociales les plus progressistes37».

Néanmoins, le projet de l’Unité populaire n’a pas été un projet consensuel au sein du monde mapuche, notamment en raison de l’ambivalence des objectifs de cette alliance et de la vision réductrice que les membres de l’UP portaient sur les Mapuche, dont les demandes et les « besoins » étaient principalement assimilés au monde paysan. Selon la lecture de l’historienne Joanna Crow, le gouvernement de l’UP « a célébré la force de la mobilisation communautaire mapuche et a cherché à la cultiver, mais aussi à la confiner dans le cadre des objectifs politiques du parti38 ».

Au seuil de l’élection d’Allende, et dans ce contexte d’effervescence politique, un projet inédit voit le jour, la création d’un parti politique mapuche indépendant, le Pamachi (Partido Mapuche de Chile). Ce projet ne naît pas au sein des milieux militants des secteurs populaires, il est porté par ces groupes de « mapuche lettrés » que Munizaga identifie comme un secteur émergent de la société mapuche en migration dès les années 195039 (voir encadré). La position des membres du Pamachi vis-à-vis de la politique d’Allende est alors assez critique. Voici comment l’historien Carlos Ruiz caractérise ce groupe de jeunes militants :

En 1971, un petit groupe propose de créer le Parti Mapuche du Chili, Pamachi, sans grand succès. C’était une initiative « mapuchiste », une rupture avec le lien entre le mouvement mapuche et la gauche chilienne. […] Le contexte n’a pas favorisé cette proposition, mais le fait mérite d’être rappelé comme une initiative en faveur de l’autonomisation de l’activité politique mapuche40.

L’expérience du Pamachi montre que l’initiative politique mapuche, à cette époque, ne se fait pas seulement sous l’égide des partis qui dominent la scène politique. D’après un autre membre de ce groupe, Don Manuel (dont le parcours social et migratoire privilégié a été présenté en encadré, ce qui permet de l’inscrire dans cette élite de lettrés mapuche constituant un groupe social à part dans le milieu migrant, selon Munizaga), l’enjeu de la formation du Pamachi était de légitimer cette position autonome, indépendante de tout parti politique :

Au début, il y avait beaucoup d’idées comme celle-ci... l’une par ici, l’autre par-là, jusqu’à ce que nous nous unissions. Parce qu’il y en avait qui disaient – et ils ne manquaient pas – : « on doit faire bloc avec l’Unité populaire » à cette époque, ou avec un autre parti. Non, la majorité d’entre nous a dit non. Nous ne voulons participer – ni à droite, ni à gauche, ni au centre –, à aucun parti politique. Peut-être que nous pouvons faire des alliances, plus tard quand nous serons un parti, mais... maintenant dans la formation, on ne doit laisser place à aucune autre idée que la nôtre. Soyons vraiment indépendants. On disait : avec une philosophie mapuche, une pensée mapuche, nous n’avons pas à adopter une autre idée parce que nous avons tout. Et à la fin c’est ça qui a prévalu, nous avons fait une déclaration de principe, où on a fixé ce que notre parti allait être : idée, idéologie, pensée mapuche41.

L’idée de participer de la vie politique sans s’affilier à un parti politique, notamment de gauche, pour porter les revendications du monde mapuche était un choix à contre-courant à une époque où le contexte politique national était particulièrement ouvert à ses demandes. Cela ne signifiait pas pour autant que ces jeunes n’étaient pas imprégnés de l’« esprit » de leur époque, ni insensibles aux récits prédominants, comme le témoigne Don Manuel : « Des idées, il y en avait beaucoup : des idées de gauche, bien sûr. De la social-démocratie, je me souviens, des radicaux, et pour certains aussi du parti communiste ».

Cette revendication d’autonomie par rapport aux partis est aussi liée aux trajectoires des membres du Pamachi, lesquels n’avaient jamais été particulièrement proches de partis politiques. D’après don Manuel : « La plupart d’entre eux étaient jeunes, professionnels... Mmm la vérité est qu’ils n’avaient pas milité dans des partis [avant de former le Pamachi] ». Éloignés eux-mêmes des milieux militants, la plupart des membres étaient de jeunes professionnels mapuche, certes, influencés par les tendances de l’époque (communiste, social-démocrate…), mais qui n’avaient pas vécu de processus de politisation en rentrant en contact, par exemple, avec des syndicats, comme cela avait pu être le cas pour beaucoup de migrants mapuche insérés dans le secteur boulanger ou impliqués dans le mouvement des pobladores42. C’est peut-être aussi cette distance des membres du Pamachi par rapport aux milieux populaires plus politisés qui a déterminé l’élaboration d’un projet indépendant de toute ingérence directe des partis chiliens.

Nous ne savons pas jusqu’à quel point ce projet aurait pu constituer une véritable alternative dans la scène politique chilienne. En effet, comme beaucoup d’autres initiatives politiques nées à cette époque d’effervescence militante, il fut brisé par le coup d’État militaire de septembre 1973.

Dictature, recomposition et continuité des engagements

Le coup d’État militaire du 11 septembre 1973 gèle l’effervescence militante qui n’avait eu de cesse de grandir dans la décennie précédente. La répression meurtrière s’accompagne d’une dissolution de tous les partis, ainsi que de l’interdiction formelle de constituer des organisations à des fins politiques. La dictature signifie la désarticulation de toute initiative politique. Les nombreuses organisations mapuche et les militants, notamment ceux qui avaient affiché leur soutien à la UP, sont victimes de la répression.

L’approche envers le monde mapuche change aussi drastiquement : le gouvernement militaire s’emploie à effacer les effets des réformes agraires, en expropriant une nouvelle fois les terres mapuche au bénéfice des grands propriétaires terriens43. En outre, en 1979, il promulgue un décret de loi (N° 2568) établissant la liquidation de toute propriété collective mapuche, affirmant que « les parcelles résultant de la division des réserves cesseront d’être considérées comme des terres indiennes, et leurs propriétaires [comme] des Indiens ». Ce décret abolit donc tout statut juridique permettant de reconnaître une existence aux sujets indiens au sein de la Nation. Pourtant, dans ce moment de crise, les réponses mapuche ont à nouveau emprunté des voies différentes.

D’une part, le volet assimilationniste et répressif de la politique de la dictature, notamment la promulgation du décret de loi sur la division des terres en 1978, n’arrêta pas les initiatives mapuche de résistance. Au contraire, cette même année, en réaction à la dissolution des communautés, se forma un collectif qui prit le nom de Centres culturels mapuche. Créés initialement à Temuco par les représentants de quatre-vingt-dix communautés, les Centres culturels mapuche(CCM) regroupaient différentes tendances politiques s’opposant à la dictature et à son action contre les communautés. Tout en s’inscrivant contre une mesure extrêmement controversée du régime, les CCM arrivèrent à obtenir un statut légal sous la dictature, en devenant en 1981 Ad Mapu (Association de petits agriculteurs et artisans mapuche). En fait, les activités que cette association promouvait, de par leur nature « culturelle » et folklorique, en plus du soutien dont elle bénéficiait de la part de l’Église, lui permirent d’être tolérée par le régime, car elle donnait l’impression de s’aligner sur une image du Mapuche que la dictature voulait mettre en avant : folklorique, dépolitisé et soucieux de rejoindre la modernité.

D’autre part, néanmoins, ces différentes actions apparemment dénouées de portée politique, permirent une réarticulation de la lutte mapuche organisée. Si cette dernière ne pouvait plus s’exprimer à travers le registre des partis, elle promouvait une action « au-dessus des divisions idéologiques » au nom des intérêts communs mapuche. Cette dernière irradia ensuite dans tout le pays, jusqu’à Santiago, où elle prit le nom d’Ad-Mapu Metropolitano.

Affiche de l’organisation Ad-Mapu

Affiche de l’organisation Ad-Mapu Santiago, 1985

En effet, la politique de Pinochet vis-à-vis de la « question mapuche » eut aussi des impacts sur la population mapuche urbaine. Le décret de 1979 eut non seulement des effets sur la répartition et la gestion des terres, mais il induisait aussi l’éradication de l’Indien en tant que catégorie sociale et légale particulière, ce qui avait été explicité par une déclaration du ministre de l’Agriculture de l’époque, selon lequel « au Chili il n’y a pas d’Indiens, il y a que des Chiliens44 ». Face à cette négation explicite, la mobilisation se redéploya y compris en ville, avec des revendications moins liées à la question de la division des terres et plus focalisées sur la question identitaire. Don José – aujourd’hui dirigeant associatif –, est arrivé à Santiago quelques années avant le coup d’État. Ayant vécu les effets de la dictature sur le monde mapuche urbain, il témoigne du réveil du réseau militant en réaction à la politique négationniste et assimilatrice de la dictature :

[J’ai participé à la] résistance à cette loi qui a été faite pendant la dictature ; selon cette loi on allait cesser d’être Mapuche et de pratiquer nos traditions. Nous, les jeunes qui avions déjà une expérience de leadership nous sommes dit : « ça va être terrible, ce n’est pas possible, comment allons-nous résister ? Pourquoi ne pas commencer à jouer au palin45, à porter nos ponchos, à célébrer le Nguillatun46?  Nous ne pouvons pas cesser d’être mapuche à cause d’un décret-loi, ni cesser de parler mapudungun ». Nous avons commencé à organiser des ateliers de mapudungun sur la cosmovision et à célébrer les dates importantes. La récupération du We Tripantu47a commencé à Santiago, pas dans le sud. On a commencé à organiser le premier Nguillatun à Santiago. […] On a récupéré donc nos valeurs culturelles comme une forme de résistance au gouvernement militaire48.

Cela ne signifie pas pour autant que les signes des clivages politiques installés dans les années 1960-1970 étaient complètement effacés. Dans un contexte répressif vis-à-vis de toute forme d’expression politique et de diversité, l’expérience Ad-Mapu de 1978 à 1985 est apparue comme la seule initiative mapuche unifiée et organisée. Or, ce bloc compact fut de nouveau innervé par les différentes courants politiques des partis, produisant autant de fractures. Selon la sociologue Mireya Zambrano, la désagrégation progressive de cette force s’explique en partie par la reconstitution du cadre politique des partis, des courants et des mouvements. Ce cadre reprend force à partir des années 1980, réveillant ainsi des affinités et fidélités politiques pre-dictatoriales, ce qui a eu un impact sur le processus de diversification des forces mapuche, culminant en 1985 avec la scission de ce groupe49.

Au-delà de ces fractures internes entre courants de la gauche, qui avaient durablement marqué et continuaient de traverser le milieu militant mapuche, il est important de mentionner une autre voie, radicalement différente, qu’ont emprunté certains secteurs mapuche face à la dictature. En effet, du côté mapuche, il n’y a pas eu que de la résistance sous la période dictatoriale, pas plus que le régime n’a adopté qu’une politique de répression et d’assimilation vis-à-vis de la « question mapuche50 ». Les sociologues et historiens Sergio Caniuqueo et Christian Martínez ont été parmi les seuls à s’intéresser à un volet presque tabou de l’histoire des relations État-Mapuche à cette période : l’adhésion et la participation active de certains membres d’organisations mapuche à la politique du gouvernement militaire51. C’est dans la région de l’Araucanie, territoire où se concentraient la plupart des communautés mapuche – réaffirmant ainsi une représentation strictement ruraliste de la réalité mapuche de la part de la dictature – que le gouvernement militaire crée le Conseil régional mapuche (CRM), une institution dédiée à l’exécution des politiques étatiques vis-à-vis du monde mapuche, en particulier pour sortir les communautés de la pauvreté et les intégrer au progrès, processus auquel la participation mapuche était fortement encouragée par la dictature. Les Mapuche qui se reconnaissaient dans le programme de la dictature et qui travaillaient à la mise en œuvre de ses politiques sectorielles n’avaient généralement pas – selon Caniuqueo et Martínez – l’impression de faire de la politique et c’est peut-être pour cela qu’ils ont été attirés par le discours dépolitisant des militaires. L’adhésion des membres de la CRM peut être comprise comme un mode d’intégration et de positionnement avantageux, dans un espace où ils pouvaient développer leur propre agenda.

À la fin des années 1980, la fragmentation des groupes mapuche mobilisés contre la dictature s’est recomposée autour de l’appel lancé par les forces politiques d’opposition au régime, afin de constituer les bases d’une grande alliance pour le retour à la démocratie. Dans ce cadre, le monde mapuche organisé est apparu comme un acteur incontournable dans les négociations, d’autant plus que les liens avec les forces politiques de gauche et de centre gauche s’étaient rétablis. Cette alliance a été scellée dans le pacte de Nueva Imperial de 1989 entre le candidat présidentiel de l’époque, Patricio Aylwin, et les organisations et communautés mapuches, où le premier s’engageait à répondre aux demandes mapuche de reconnaissance constitutionnelle et de restitution de terres, et les deuxièmes promettaient de soutenir le candidat démocrate aux élections52.

Néanmoins, après dix-sept ans de dictature militaire, la confiance d’un certain secteur mapuche vis-à-vis de « la société chilienne, de ses organisations politiques, notamment celles de gauche, ainsi que de l’État chilien53 », avaient été définitivement brisées. Ainsi, à partir des années 1990, on assiste à l’émergence de groupes militants qui se détachent de tout dispositif de dialogue orchestré par l’État et s’engagent dans des revendications d’autonomie et d’autodétermination. Le premier groupe qui se forma, au lendemain de l’Accord de Nueva Imperial et en opposition à lui, et par la suite en opposition à la présidence d’Aylwin, fut le Concejo de Todas las Tierras (Aukiñ Wall Mapu Ngülam, AWNg) 54. Entre-temps, les promesses figées dans l’accord de Nueva Imperial donnèrent des résultats de plus en plus décevants pour les Mapuche. C’est sur cette réconciliation instable et incomplète qui se bâtiront les trente années de relation État-Mapuche dans la post-dictature.

Les associations mapuche de Santiago aujourd’hui : logiques en tension dans la post-dictature

Le milieu des associations mapuche urbaines illustre encore une fois la diversification des positions et des stratégies politiques mapuche dans la conjoncture de la post-dictature, tout en étant en engagé dans un processus d’institutionnalisation et gagnant de plus en plus de visibilité. On verra donc comment, au sein des associations urbaines d’aujourd’hui, se condense l’héritage des luttes et des affiliations politiques des décennies précédentes, articulées autour de questions de rapports différenciés à l’État, mais aussi de clivages politiques et générationnels.

Horizons politiques en conflit sous le multiculturalisme

Avec le retour à la démocratie, on assiste à la formalisation d’espaces institutionnels et légaux conçus pour « faire une place » aux « populations originaires » au sein de l’État. Le premier pas dans cette direction a été la promulgation en 1993 d’une loi indienne (loi 19.253), qui fut la matrice de la constitution d’instances gouvernementales d’intermédiation, ainsi que de programmes de développement spécifiquement dédiés à la population autochtone. Cette loi décrète la création de la Corporación Nacional de Desarrollo Indígena (Conadi), un organisme public chargé de promouvoir, coordonner et exécuter l’action de l’État « en faveur du développement intégral des personnes et des communautés indiennes et de stimuler leur participation à la vie nationale ». C’est aussi par cette loi que l’État octroie un statut juridique ad hoc aux associations autochtones, participant à leur institutionnalisation.

C’est dans le cadre de cette politique que les associations mapuche urbaines se sont développées et ont commencé à inscrire leur présence au sein de la ville de façon de plus en plus visible. Entre autres, par la construction de centres cérémonials et de ruka55, maisons traditionnelles typiques des communautés rurales qui, en ville, sont devenues les sièges des plus importantes associations. C’est ainsi que la scène associative mapuche se rend visible dans le paysage physique et social de la périphérie urbaine. Aussi, de par leur nouveau statut, les associations ont pu institutionnaliser leurs demandes56, devenant des interlocuteurs formels des pouvoirs publics au niveau local. Cela s’est traduit par l’obtention de nouveaux espaces de négociation, tels les bureaux municipaux, les Oficinas de Asuntos Indigenas, dédiés à la mise en œuvre au niveau local des politiques multiculturelles57.

Entre-temps, les contradictions entre les promesses faites par les gouvernements démocratiques aux Mapuche et l’engagement de l’État en faveur d’un développement néolibéral à leurs dépens – impliquant une pression croissante sur la terre en raison de la politique extractiviste et de l’exploitation des ressources naturelles –, ont accru les tensions entre gouvernement et mouvement mapuche. Ces contradictions ont favorisé les expressions les plus radicales et contestataires, ainsi que l’émergence de nouvelles organisations militantes revendiquant l’autonomie et l’autodétermination du peuple mapuche58.

Cette posture plus radicale a infusé aussi certains secteurs du milieu associatif mapuche urbain, venant encore une fois révéler les tensions et les différents positionnements du monde mapuche concernant la relation à l’État. Dans son recueil de récits de vie de migrants mapuche, Andrea Aravena dialogue en 2008 avec le président d’une association de Santiago. La position de ce dernier illustre le rapport ambigu entre des associations qui partagent une même histoire de lutte pour l’affirmation milieu urbain, mais divergent sur leur vision du rapport à l’État et des moyens de luttes pour défendre les demandes mapuche.  

J’ai toujours dit que [les gens de Meli Wixan Mapu] sont notre organisation mère, et qu’ils sont l’organisation mère de la plupart des associations urbaines qui ont été créées au début des années 1990. (...) Nous trois (Meli Wixan Mapu, Mahuidache, Ad-Mapu Metropolitano) venons d’une même racine, qui est l’Ad-Mapu Metropolitano. (...) Plus tard, en raison de divisions internes, il semble que Meli ait été créée... et ensuite ils nous ont aidés à nous construire ici à El Bosque. Mais la différence est qu’ils suivent une ligne dure et que nous sommes plus passifs dans notre travail. Nous croyons toujours au dialogue avec le gouvernement. [...] J’ai beaucoup d’affection pour [les gens de Meli Wixan Mapu], pour tout le monde, mais je ne suis pas d’accord avec eux, au début oui, mais plus maintenant. Je reconnais toujours qu’ils sont les premiers à s’attaquer à la question des Mapuche urbains, après l’Ad-Mapu Metropolitano. Ce qui est curieux, c’est qu’au final, ces organisations étaient plus préoccupées par la question de la récupération des terres que par la question urbaine. C’est-à-dire, il s’agit d’organisations urbaines, mais leur préoccupation porte sur la terre, sur le territoire. Nous, en revanche, on est davantage préoccupés par la culture et le bien-être des habitants de la ville. […] je dis que c’est légitime, si ça leur convient, mais ce n’est pas ma façon de travailler59.

Lors d’une conversation que nous menions au siège de l’association dont elle était la présidente en 2014, Marcela revient sur un conflit où se sont affrontés son association et le chargé du bureau municipal des affaires indiennes. Le nouveau chargé, un Mapuche, affichait une posture militante qui n’était pas bien vue des associations locales. Selon elle, ce dernier « était un activiste de la cause mapuche du sud et il organisait souvent des manifestations et des rassemblements. Il a fait même une grève de la faim en soutien aux prisonniers politiques mapuche ». Ce que lui reprochaient les membres de l’association était « de ne pas se comporter comme un fonctionnaire public, mais d’imposer une ligne d’action arbitraire, comme s’il avait planté sa propre association au sein même de la municipalité60 ». Dans un article publié par la même présidente dans le journal local en juin 2010 on peut lire : « [ce fonctionnaire] n’a pas mené un travail unificateur, il accorde de l’aide selon ses préférences […]. Il impose des demandes qu’il croit fédératrices pour tout le peuple mapuche. Mais une chose est le local et autre chose, bien différente, est le global ».

 

La situation « globale » à laquelle fait référence la présidente de l’association est celle des violences et de la militarisation dans les communautés mapuche de la région de l’Araucanie.  Cet homme avait en effet une trajectoire militante déjà confirmée au moment où il avait pris son poste de directeur du Bureau des Affaires indiennes. Son engagement au sein d’organisations mapuche à Santiago était donc inscrit dans la question nationale du conflit mapuche et profondément influencé par l’action et les références idéologiques des organisations plus radicales, comme le CTT61.

Aujourd’hui, l’exploration du milieu associatif mapuche urbain fait émerger des récits concurrents, produits et fondés sur différentes trajectoires au sein de l’État, ainsi que l’inscription dans l’histoire de contextes locaux.

La lutte mapuche en dehors des associations

Malgré une politique stagnante en termes d’ouverture aux droits pour les peuples autochtones au Chili, les trente dernières années ont montré des transformations importantes dans la visibilité et le traitement de la cause mapuche au sein de la société civile. On a notamment assisté, ces dernières années, à une sensibilisation croissante de la part de l’ensemble de la société vis-à-vis de la politique étatique de répression judiciaire et policière contre les communautés mapuche contestataires, ainsi que des ravages des entreprises extractives dans leurs territoires.

L’activité du milieu associatif mapuche urbain est au cœur de cette dynamique de réappropriation de la cause mapuche par d’autres mouvements au sein de la société chilienne. L’existence d’espaces qui condensent activité culturelle, transmission et présence politique sur le territoire a longuement façonné la perception du monde mapuche au sein de la société, malgré un contexte institutionnel et médiatique souvent réfractaire à la construction d’une question mapuche comme un enjeu politique pour le pays62.

Les associations, du fait de leur statut formel, ont été depuis la post-dictature les instances les plus aptes à rentrer en relation avec l’État à ses multiples niveaux.  Néanmoins, elles ne sont pas spécialement investies par les jeunes de deuxième ou troisième génération, qui ne transitent pas forcément par ces canaux de socialisation mapuche. À côté des espaces associatifs, ces derniers ont développé des initiatives et programmes propres. Comme le montre Felipe Curin dans son étude sur les pratiques politiques des jeunes mapuche à Santiago, ces derniers, non seulement adhérent moins aux logiques organisationnelles des générations précédentes de migrants mapuche, mais ils se revendiquent également comme très détachés des propositions politiques partisanes et institutionnelles63.

Marche étudiante à Santiago

Marche étudiante à Santiago, mai 2014. Le drapeau mapuche est déjà présent dans les manifestations de rue des jeunes dans la capitale

Ainsi, par des formes nouvelles de production culturelle, ou plus en général d’engagement, ces jeunes générations se sont inscrites dans les milieux militants, notamment étudiants (l’un des mouvements sociaux les plus importants dans le Chili de la post-dictature) et ont contribué à la circulation et à l’imbrication des revendications mapuche dans celles d’autres mouvements sociaux. L’illustration la plus parlante en est l’omniprésence dans les manifestations et les rassemblements de Santiago de la wënufoye, le drapeau mapuche64, pendant le grand mouvement étudiant de 2011-2012 et, de façon encore plus éclatante, pendant l’estallido social de 2019, l’image emblématique du drapeau mapuche hissé par les manifestants au-dessus du monument du général Baquedano, au centre de la célèbre Plaza de la Dignidad.

La pénétration de symboles de la lutte mapuche dans le répertoire d’action de ce mouvement a été en effet particulièrement visible, notamment à Santiago. L’un des actes emblématiques a été la projection du visage de Camilo Catrillanca, jeune comunero mapuche tué par la police en 2018, en réaction à la répression et aux violences policières déployées par le président Piñera à la suite des premières manifestations. Les références à l’histoire et à la lutte mapuche pour la récupération du territoire contre l’État sont aussi largement employées pour requalifier des espaces marquant l’histoire nationale dans la capitale et pour rendre visible leur violence épistémique et coloniale. C’est le cas de l’intervention sur le monument dédié à la fondation de la ville de Santiago, dans le cerro Santa Lucia. Il s’agit d’une pierre de deux mètres de haut où est gravée une lettre de 1545 envoyée par Pedro de Valdivia au roi Charles V, quatre ans après avoir fondé la ville de Santiago. Sur cette pierre a été tagué le nom originaire de la colline, cerro Huelén en mapudungun, et accompagné, cette fois encore, du visage de Camilo Catrillanca. Il s’agissait ainsi de signifier la continuité de la violence coloniale de l’État vis-à-vis du peuple mapuche, violence désormais ressentie et intégrée à l’ensemble de l’histoire du Chili et à son présent.

L’un des résultats immédiats de cette mobilisation a été la mise en route d’un processus constituant citoyen, afin de rédiger une nouvelle charte constitutionnelle qui puisse se substituer à celle de 1980, héritée directement du régime dictatorial. Dans ce contexte, les demandes de participation autochtone au processus constituant ouvert par la mobilisation ont abouti à l’obtention, après des débats tendus au parlement65, de dix-sept sièges réservés aux représentants élus des peuples autochtones au sein de l’assemblée constituante66. Ceci est certainement le signe d’un grand changement dans le rapport de force et dans le soutien des demandes mapuche, notamment par rapport à la négation de reconnaissance constitutionnelle entretenue pendant des décennies par les gouvernements ultérieurs à la dictature.

Monument à la fondation de la ville de Santiago

Monument à la fondation de la ville de Santiago tagué avec des symboles de la lutte mapuche, décembre 2021

Il ne faut cependant pas perdre de vue le fait que, derrière des années récentes de meilleure visibilité et progressive sensibilisation de l’ensemble de la population chilienne à la « cause mapuche », l’aboutissement de ces acquis est aussi l’héritage d’une histoire longue et de relations complexes et variées à l’État. Nombreuses ont été les associations à Santiago qui, fortes de leur ancrage local et de leur capital militant, ont organisé des rencontres avec les candidats mapuche à l’assemblée constituante et ont mené une véritable campagne pour la participation de la population mapuche à cette élection. À l’inverse, d’autres associations se sont maintenues en marge de ce processus, le regardant avec méfiance ou désillusion67.

Les différences politiques et les tensions sont également apparues au sein du groupe de représentants élus du peuple mapuche à l’assemblée constituante, notamment autour de désaccords méthodologiques sur la consultation des peuples autochtones et des modalités de leur participation au processus constituant 68. Une frange, composée par des figures plus proches des mécanismes du dialogue institutionnel69, a appuyé un processus plus participatif et didactique entre communautés consultées et institutions. L’autre frange, où apparaissent des figures plus liées historiquement aux luttes contestataires mapuche contre l’État70, revendiquait en revanche le strict respect du protocole de consultation fixé par le droit international, le seul à même, selon eux, de garantir la protection des droits autochtones. Ces désaccords, en apparence procéduraux, montrent à quel point un processus de reconfiguration étatique aussi fondamental que l’écriture d’une nouvelle constitution cristallise des positionnements différents vis-à-vis de l’État qui se sont construits dans le temps et qui ont répondu par différentes stratégies aux nombreuses frustrations et aux négociations manquées.

Conclusion

Les positionnements politiques mapuche ont toujours suivi des voies différentes et non homogènes. L’action politique mapuche, plutôt qu’une lutte séculaire et inchangée, a été déclinée en plusieurs tendances tout au long de l’histoire chilienne. Les différentes déclinaisons du sujet politique mapuche et leurs variations historiques se sont construites en intime relation avec l’État et ses émanations, et non pas comme une histoire parallèle ou dans une opposition figée par rapport à celui-ci. Les politiques et les approches étatiques n’ont pas non plus été caractérisées par une cohérence et une uniformité absolue : au contraire, elles se sont configurées comme un ensemble hétérogène de récits et de politiques, laissant ouverte une multiplicité de possibilités pour formuler des demandes et mener des actions politiques au nom des intérêts mapuche, souvent en concurrence entre elles.

Les grandes transformations sociales et politiques en gestation dans chacune des périodes que nous avons parcourues (socialisme, dictature, transition démocratique, multiculturalisme) ont reconfiguré les relations entre État et indianité, mais elles ont aussi permis d’emprunter des chemins inédits et pas toujours conformes aux récits et aux tendances dominantes à chaque époque.

La scène urbaine permet de saisir de façon encore plus claire ces diffractions du discours mapuche et de son rapport à l’État. Placés au cœur de l’État, dans sa capitale, les Mapuche ont intégré des espaces de socialisation et de politisation qui les ont placés au sein des grands clivages de l’histoire politique chilienne. Les différentes trajectoires de dirigeants mapuche évoquées ici nous ont montré la construction de rapports ambigus et à plusieurs facettes avec les institutions étatiques et leurs agents, ainsi que les logiques qui les ont poussés, selon différentes lectures des contextes et des opportunités, à investir, réclamer, éviter ou rejeter les instances de dialogue avec l’État. Si aujourd’hui le soutien au peuple mapuche et son influence politique au sein de la société chilienne ont atteint un niveau inédit, illustré par la participation autochtone au processus constituant, les revendications exprimées en son nom et les stratégies de lutte politique dont se font porteurs ses représentants n’en demeurent pas moins diverses et souvent contrastées. Il est certain que le déroulement et le résultat final de ce processus, ainsi que sa capacité à répondre aux revendications exprimées par les mouvements sociaux de la post-dictature, auront un impact capital sur la crédibilité des nouvelles bases sociales, politiques et institutionnelles qu’il est censé construire pour le Chili. Nous verrons, dans les mois qui viennent, quelle place sera réservée aux peuples autochtones et au peuple mapuche dans ce moment inédit de délibération et de débat, et comment les différentes voix du monde mapuche se confronteront et trouveront des terrains communs dans la réalisation de ce projet de refondation sociale et politique à l’échelle nationale71.

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1

Jean E. Jackson et Kay B. Warren, « Indigenous Movements in Latin America, 1992-2004 : Controversies, Ironies, New Directions », Annual Review of Anthropology, 2005, 34, p. 566.

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2

Éric Wittersheim et Bastien Bosa (dir.), Luttes autochtones, trajectoires postcoloniales: Amériques, Pacifique, Paris, Karthala, 2009 ; Joanne Barker, Native acts: law, recognition, and cultural authenticity, Durham, Duke University Press, 2011 ; Patricia Richards, Race and the Chilean miracle: neoliberalism, democracy, and indigenous rights, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2013 ; López Caballero Paula et Giudicelli Christophe (dir.), Régimes nationaux d’altérité: États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016.

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3

Recensement de Population et habitation, Institut national de statistique, 1992. Ce pourcentage correspond à 928 060 personnes au-dessus de quatorze ans. La question était ainsi formulée en espagnol : « Si usted es chileno, se considera pertenenciente a una de las siguientes culturas ? Mapuche, Aymara, Rapanui, ninguna de las anteriores ».

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4

Ces résultats furent confirmés dans les recensements successifs de 2002, 2012 et 2017, bien qu’avec des pourcentages variables.

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5

Actuellement le registre officiel de la Conadi dénombre 1 843 Associations indiennes dans tout le territoire national [consulté le 2 février 2022]. Selon des études (Millaleo 2006, Imilan 2010), les associations indiennes qui se sont constituées depuis 1993 dans la seule Région Métropolitaine seraient plus de 200, mais beaucoup, après une période de relations régulières avec les institutions, continuent de fonctionner dans l’informalité, ou sont abandonnées de fait sans que les procédures légales de dissolution soient entamées. Selon un décompte effectué en 2015-2016 par l’Unité des Affaires indiennes du gouvernement de la Région Métropolitaine, au sein de cette dernière on compterait 89 associations régulièrement inscrites au registre de la Conadi et en activité [consulté le 2 février 2022].

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6

Lorsque le Chili obtint son indépendance de la couronne espagnole, en 1810, les groupes mapuche avaient une existence politique indépendante. Leur présence dans les territoires du sud était légitimée et garantie par le dernier accord signé avec la couronne espagnole, qui reconnaissait le fleuve Bio Bio comme une frontière du territoire où les Mapuche jouissaient d’un statut juridique particulier qui leur assurait pleine autonomie.

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7

Guillaume Boccara et Ingrid Seguel-Boccara, « Políticas indígenas en Chile (Siglos XIX y XX). De la asimilación al pluralismo (El caso mapuche) », Revista de Indias, 1999, vol. 59, n°217, p. 741‑774.

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8

Par reducción on entend un espace territorial délimité par un Titulo de Merced, c’est-à-dire un titre de propriété communautaire délivré par l’État chilien entre 1883 et 1929.

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9

José Bengoa, Historia del pueblo mapuche: (siglo XIX y XX), Santiago, Ediciones Sur, 1985.

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10

Walter Imilán et Valentina Alvárez, « El pan mapuche. Un acercamiento a la migración Mapuche en la ciudad de Santiago », Revista Austral de Ciencias Sociales, 2008, no 14, p. 23‑49.

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11

Sonia Montecino Aguirre, Mujeres de la tierra, s.l., CEM-PEMCI, 1984.

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12

Enrique Antileo Baeza et Claudio Alvarado Lincopi, Santiago Waria Mew, Memoria y fotografía de la migración mapuche, Ediciones Comunidad de Historia Mapuche., s.l., 2017, p. 102.

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13

W. Imilán et V. Alvárez, « El pan mapuche. Un acercamiento a la migración Mapuche en la ciudad de Santiago », Revista Austral de Ciencias Sociales, 2008, no 14, p. 39.

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14

Claudio Alvarado Lincopi, « «¿Qué pueden temer los winka si los mapuche nos unimos?» Raza, clase y lucha sindical mapuche. Santiago, 1925-1980 », Cultura-hombre-sociedad, 2017, vol. 27, no 2, p. 121‑151.

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15

W. Imilán et V. Alvárez, « El pan mapuche. Un acercamiento a la migración Mapuche en la ciudad de Santiago », Revista Austral de Ciencias Sociales, 2008, no 14, p. 23‑49. Selon Imilan et Alvárez, « À l'heure actuelle, selon les responsables syndicaux, les travailleurs boulangers d'origine mapuche dans la Région Métropolitaine sont estimés à environ six mille, ce qui représente environ 90% de tous les travailleurs affiliés à CONAPAN » (Ibid., p. 25).

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16

Jennifer Thiers Quintana, « Santiago Mapuche. La dimensión indígena del espacio urbano en Chile », Scripta Nova. Revista Electrónica de Geografía y Ciencias sociales, 2014, XVIII, 493 (47).

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17

Felipe Curin Gutiérrez, « Las prácticas políticas de los jóvenes mapuche en Santiago entre 1998 y 2011 », Temas sociológicos, 2015, no 19, p. 139.

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18

Sergio Caniuqueo Huircapán, « Dictadura y pueblo mapuche 1973 a 1978. Reconfiguración del colonialismo chileno », Revista de Historia Social y de las Mentalidades, 2013, vol. 17, no 1, p. 89‑132.

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19

Mireya Zambrano, « Mujer Mapuche: organización y participación », Agricultura y sociedad, 1987, vol. 5, no 87, p. 89.

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20

Guillaume Boccara et Ingrid Seguel-Boccara, « Políticas indígenas en Chile (Siglos XIX y XX). De la asimilación al pluralismo (El caso mapuche) », Revista de Indias, 1999, vol. 59, no 217, p. 741‑774.

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21

Carlos Ruiz Rodriguez, « El Pueblo Mapuche y el Gobierno de Salvador Allende y la Unidad Popular », Centro de Estudios Miguel Enriquez, p. 15.

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22

Mireya Zambrano, « Mujer Mapuche: organización y participación », Agricultura y sociedad, 1987, vol. 5, no 87, p. 90.

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23

Felipe Domingo Curivil Bravo, Asociatividad Mapuche en el espacio urbano, Mémoire de Licence, Universidad de Chile, Facultad de Filosofia y Humanidades, Santiago, 2006 ; Felipe Curin Gutiérrez, « Las prácticas políticas de los jóvenes mapuche en Santiago entre 1998 y 2011 », Temas sociológicos, 2015, no 19, p. 133-167.

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24

Martin Painemal Huenchual et Rolf Foerster, Vida de un dirigente mapuche, Santiago,  Grupo de Investigaciones Agrarias, Academia de Humanismo Cristiano, 1983.

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25

Rolf Foerster et Sonia Montecino Aguirre, Organizaciones, líderes y contiendas Mapuches: 1900-1970, Santiago, Ediciones CEM, 1988, p. 250.

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26

Joanna Crow, The Mapuche in modern Chile: a cultural history, Gainesville, University Press of Florida, 2013, p. 120.

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27

Carlos Munizaga Aguirre, Vida de un araucano: el estudiante mapuche L. A. en Santiago de Chile, en 1959, Centro de Estudios Antropológicos de la Universidad de Chile, 1960, p. 11.

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28

Juan Guillermo Mansilla Sepúlveda, Claudia Andrea Huaiquián Billeke et Gabriel Alfonso de Dios Pozo Menares, « Infancia mapuche encerrada: internados de las escuelas-misiones en la Araucanía, Chile (1900-1935) », Revista Brasileira de Educação, 2018, vol. 23 ; Jaime Flores Chávez et Alonso Azócar Avendaño, « Fotografía de capuchinos y anglicanos a principios del siglo XX: la escuela como instrumento de cristianización y chilenización », Memoria americana, décembre 2006, no 14, p. 75‑87.

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29

José Luis Cabrera Llancaqueo et Augusto Aillapan Paillafil, Machi Mongen Tani Santiago Warria Mew. Vida de un machi en la ciudad de Santiago, Santiago, Conadi, 2013.

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30

José Luis Cabrera Llancaqueo et Augusto Aillapan Paillafil, Machi Mongen Tani Santiago Warria Mew. Vida de un machi en la ciudad de Santiago, Santiago, Conadi, 2013, p. 120.

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31

Entretien avec Don Manuel, Santiago, juillet 2015.

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32

Joanna Crow, The Mapuche in modern Chile: a cultural history, Gainesville, University Press of Florida, 2013.

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33

Andrea Aravena Reyes, Mapuches en Santiago. Memorias de inmigrantes y Residentes. relatos para una antropología implicada sobre indígenas urbanos, Concepción, Escaparate, 2008, p. 53. La campagne électorale a laquelle fait référence cet extrait est celle de 1964, qui vit finalement gagner avec le 56% des voix le démocrate-chrétien Eduardo Frei Montalva.

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34

 Guillaume Boccara et Ingrid Seguel-Boccara, « Políticas indígenas en Chile (Siglos XIX y XX). De la asimilación al pluralismo (El caso mapuche) », Revista de Indias, 1999, vol. 59, no 217, p. 741‑774.

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35

José Aylwin Oyarzún, Matías Meza-Lopehandía et Nancy Yáñez Fuenzalida (dir.), Los pueblos indígenas y el derecho, Primera edición., Santiago, LOM Ediciones, 2013, p. 110.

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36

 Joanna Crow, The Mapuche in modern Chile: a cultural history, Gainesville, University Press of Florida, 2013, p. 119.

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37

 Michael Barbut, « Temucuicui. De la domination coloniale à l’affirmation politique mapuche », Nuevo Mundo Mundos Nuevos,  2020.

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38

Joanna Crow, The Mapuche in modern Chile: a cultural history, Gainesville, University Press of Florida, 2013, p. 145.

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39

Carlos Munizaga Aguirre, Vida de un araucano: el estudiante mapuche L. A. en Santiago de Chile, en 1959, Centro de Estudios Antropológicos de la Universidad de Chile, 1960.

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40

Carlos Ruiz Rodríguez, « Autonomismo mapuche (1907-1992). Renuevos de un tronco antiguo », Revista de Historia Social y de las Mentalidades, 2011, vol. 1, no 11, p. 43.

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41

Entretien avec Don Manuel, Santiago, juillet 2015.

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42

W. Imilán et V. Alvárez, « El pan mapuche. Un acercamiento a la migración Mapuche en la ciudad de Santiago », Revista Austral de Ciencias Sociales, 2008, no 14, p. 23‑49 ; José Luis Cabrera Llancaqueo et Augusto Aillapan Paillafil, Machi Mongen Tani Santiago Warria Mew. Vida de un machi en la ciudad de Santiago, Santiago, Conadi, 2013 ; Felipe Curin Gutiérrez, « Las prácticas políticas de los jóvenes mapuche en Santiago entre 1998 y 2011 », Temas sociológicos, 2015, no 19, p. 133-167.

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43

Correa et al. estiment que sur les 220 000 hectares expropriés en faveur de communautés ou personnes mapuche, seulement 25 000 sont restées en leur possession après le coup d’État, soit un peu plus de 11 %.Martín Correa Cabrera, Raúl Molina Otárola et Nancy Yáñez Fuenzalida, La reforma agraria y las tierras mapuches: Chile 1962-1975, Santiago, LOM Ediciones, 2005, p. 261.

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44

Déclaration du ministère de l’Agriculture chilien, reportée par El Diario Austral, 23 aout 1978 (cité en  Joanna Crow, The Mapuche in modern Chile: a cultural history, Gainesville, University Press of Florida, 2013, p. 152).

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45

Jeu traditionnel mapuche, similaire au jeu de crosse.

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46

Cérémonie traditionnelle regroupant les habitants d’une ou plusieurs communautés, qui consiste à réaliser des prières collectives pour demander fertilité des terres et plus généralement bien être pour les participants.

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47

Littéralement « la nouvelle sortie du soleil ». Dans la cosmovision mapuche, le Wiñol Tripantu est la cérémonie qui marque le début d’un nouveau cycle solaire, pour cela elle est connue aujourd’hui comme le « nouvel an mapuche ». Plusieurs associations aujourd’hui à Santiago célèbrent cette récurrence cyclique.

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48

Rencontre publique en ligne avec José Painequeo, 23 avril 2021.

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49

Mireya Zambrano, « Mujer Mapuche: organización y participación », Agricultura y sociedad, 1987, vol. 5, no 87, p. 93‑94.

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50

Sergio Caniuqueo Huircapán, « Dictadura y pueblo mapuche 1973 a 1978. Reconfiguración del colonialismo chileno », Revista de Historia Social y de las Mentalidades, 2013, vol. 17, no 1, p. 89‑132.

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51

Christian Martínez Neira et Sergio Caniuqueo Huircapán, « Las políticas hacia las comunidades mapuche del gobierno militar y la fundación del Consejo Regional Mapuche, 1973-1983 », Veriversitat, 2011, vol. 1, no 1, p. 1‑20.

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52

Claudio Espinoza et Magaly Mella, « Dictadura militar y movimiento mapuche en Chile », Pacarina del Sur , 2013, vol. 5, no 17.

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54

Fernando Pairican, « Sembrando ideología: el Aukiñ Wallmapu Ngulam en la transición de Aylwin (1990-1994) », SudHistoria: Revista digital en estudios desde el sur, 2012, no 4, p. 12‑42.

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« Maison » en mapudungun, langue mapuche.

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Luis Campos, Claudio Espinoza et Francisca de la Maza, « De la exclusión a la institucionalidad. Tres formas de expresión Mapuche en Santiago de Chile », Andamios, 2018, vol. 15, no 36, p. 93‑112.

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58

Notamment le Concejo de Todas las Tierras (CTT) en 1990, que nous avons déjà vu, et la Coordinadora de Comunidades en Conflicto Arauco-Malleco (CAM) en 1997. Les contributions plus récentes et spécialisées sur la trajectoire de cette organisation, ses origines et bases idéologiques, sont les travaux de l’historien Fernando Pairicán:  Fernando Pairican Padilla, Malon: la rebelión del movimiento Mapuche, 1990-2013, Santiago, Pehuén Editores, 2014, ; Fernando Pairican Padilla, « Lumaco : la cristalización del movimiento autodeterminista mapuche », Revista de Historia Social y de las Mentalidades, 2013, vol. 17, no 1, p. 35‑59 ; Fernando Pairican Padilla, « La rebelión del movimiento mapuche », Revista de la Universidad de México, 2019, no 3, p. 85‑88.

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59

 Andrea Aravena Reyes, Mapuches en Santiago. Memorias de inmigrantes y Residentes. relatos para una antropología implicada sobre indígenas urbanos, Concepción, Escaparate, 2008, p. 88.

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Conversation notée avec Marcela, 25 mars 2014, Santiago.

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61

Fernando Pairican Padilla, Malon: la rebelión del movimiento Mapuche, 1990-2013, Santiago, Pehuén Editores, 2014, p. 16.

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62

Claudio Maldonado Rivera et Carlos del Valle Rojas, « Medios de comunicación y narrativas hipertextuales: lógicas del desplazamiento del “conflicto mapuche” al espacio virtual », Andamios, 2013, vol. 10, no 22, p. 283‑303 ; Patricia Richards, « Bravas, Permitidas, Obsoletas Mapuche Women in the Chilean Print Media », Gender & Society, 8 janvier 2007, vol. 21, no 4, p. 553‑578.

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Felipe Curin Gutiérrez, « Las prácticas políticas de los jóvenes mapuche en Santiago entre 1998 y 2011 », Temas sociológicos, 2015, no 19, p. 133‑167.

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Les membres de la commission constituante ont été élus par suffrage universel parmi des candidats issus en grande partie de la société civile.

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L’opposition la plus ferme à la participation autochtone au processus constituant est venue de la CAM, qui, dans un communiqué diffusé le 15 juillet 2021, a déclaré que celle-ci représente "un acte de soumission au pacte colonial qui offre une possibilité de réajustement à la gouvernance néolibérale qui a exacerbé la dévastation de Wallmapu au cours des dernières décennies". The Clinic, « “Sometimiento al pacto colonial”: CAM emite declaración con duras críticas a los convencionales mapuches », 15 juillet 2021.

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Une consultation des peuples autochtones est prévue en correspondance du processus constituant, afin que ces derniers puissent juger de la conformité des nouvelles normes constitutionnelles par rapport au respect de leurs droits. Interferencia, « Crece tensión en la bancada de escaños reservados por la consulta indígena y se manifiestan dos tendencias », 24 novembre 2021.

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Parmi ce groupe, on retrouve Adolfo Millabur, qui, avant d’être élu à l’assemblée constituante, a été maire de la commune de Tirua entre 1996 et 2021, et Elisa Loncon, linguiste et universitaire de renommée internationale, membre historique de Ad-Mapu, élue présidente de l’assemblée constituante pendant les premiers 6 mois de son activité.

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À ce groupe sont associées Natividad Llanquileo, avocate défenseure de détenus mapuche dans des causes face à l’État et les grandes entreprises extractivistes en territoire mapuche, devenant aussi porte-parole de détenus en grève de la faim en 2010, et Francisca Linconao, machi et activiste mapuche,  incarcérée en 2016 avec l’accusation de terrorisme et d’implication dans l’incendie de la maison d’un couple de grands propriétaires fonciers à Vilcun (Araucanie), acquittée définitivement en 2018.

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Ce travail a été réalisé dans le cadre du laboratoire d’excellence Tepsis, portant la référence ANR-11-LABX-0067 et a bénéficié d’une aide au titre du Programme Investissements d’Avenir.