Revenir à l’atelier
En tant qu’outil analytique, la convivialité a d’abord été définie comme une qualité qui consiste à être amical et à faire en sorte que les gens se sentent bienvenus, puis comme une qualité qui comporte des alternatives radicales à la croissance et à ses liens fondamentaux avec l’idéologie et l’économie capitalistes. L’évolution de cette définition a eu lieu au cours des dernières décennies, et le but de cet article est de suivre sa progression en mettant l’accent sur l’alimentation, depuis la table à manger jusqu’aux villes multiculturelles, en passant par le design, l’art et le post-humanisme. Le rapprochement entre convivialité et alimentation correspond à un double objectif. D’une part, mettre en avant l’alimentation permet de faire de la convivialité un concept opérationnel qui sous-entend, tout en les promouvant, des approches holistiques et interdisciplinaires de l’interrelation entre culture, nature, politique et économie. De l’autre, l’approfondissement et le développement de cette connexion permettent de libérer le potentiel transformateur de capacités d’agir au-delà de l’humain que recèlent les environnements alimentaires. Au fond, je conçois ce texte comme un exercice préliminaire d’utopie (alimentaire) concrète, l’utopie faisant référence à une impossibilité qui n’existe qu’en fonction de dispositifs présents au sein d’un système1. J’espère que ce prisme convivial alimentera l’imagination et contribuera à activer « une aptitude à identifier des possibilités de transformation qui existent peut-être mais n’ont pas encore été reconnues, ainsi qu’une aptitude à imaginer ce qui aujourd’hui est inimaginable2 » dans notre système alimentaire3.
De la table aux outils
La racine du terme « convivialité » est double puisqu’elle renvoie à deux mots latins qui n’ont pas le même sens, convivium et cumvivere. Convivium désigne un banquet, un festin, un repas pris en commun, cumvivere signifie « vivre avec », mais dans l’usage de tous les jours, c’est le premier sens qui s’est imposé. La convivialité est souvent associée à un « idéal euphorique4 » de sociabilité, d’amitié et de plaisir qui se déploie autour d’une table, au cours d’un long repas. Elle fait référence à la réunion joyeuse, mais planifiée, d’individus qui contribuent à créer une atmosphère agréable. La convivialité est très souvent confondue avec la commensalité, que l’on définit en général comme la pratique qui consiste à manger ensemble5 ou à la même table6. Les deux mots sont utilisés comme s’ils étaient interchangeables parce qu’ils suscitent des associations d’idées plaisantes de repas partagés et de rassemblement. En sciences sociales, la convivialité sous-entend toujours des notions de plaisir, ce qui n’est pas le cas de la commensalité, dont la fonction sociale peut comprendre ségrégation et division sociale7. De fait, la commensalité reflète la façon dont chaque société est organisée, qu’il s’agisse des points communs entre les gens, ou de différences et de hiérarchies évidentes. La convivialité est moins liée à l’acte de manger avec d’autres, y compris dans sa dimension sensorielle et sociale, qu’au plaisir de la sociabilité alimentaire elle-même8. Georg Simmel définit la sociabilité comme une association ludique et démocratique où le plaisir de chaque individu dépend de la joie des autres9. Sa définition implique que les personnes qui participent à cette interaction sont interdépendantes et dépourvues de traits susceptibles de créer un déséquilibre et de menacer le caractère plaisant de la situation. Par conséquent, pour qu’une situation de repas soit sociable, amicale, donc conviviale, les participants doivent être motivés par une aspiration collective à l’affabilité et à la gaieté. En outre, ils doivent accepter les règles d’interaction sociale établies dans ce contexte spécifique. L’hôte, comme l’expliquait Grimod de la Reynière au XIXe siècle, doit connaître à la fois « les hommes et la bonne chère » pour jouer le rôle essentiel qui consiste à choisir les personnes qui seront à sa table10. Cet aspect de la convivialité a suscité plusieurs interprétations qui mettent en avant un minimum d’homogénéité sociale ou d’habitus commun au sens de Bourdieu11, circonscrivant le concept à des contextes sociaux caractérisés, non pas par la nécessité ou l’obligation, mais par le choix et l’intention. Ce qui explique sans doute que les spécialistes des food studies ne considèrent la convivialité que comme une des configurations possibles de la commensalité12, laquelle correspond aux us et coutumes des groupes des classes moyennes et privilégiées. Insister sur l’habitus interdit d’envisager la convivialité comme un ensemble de pratiques sociales soutenues et proactives qui, suivant un certain nombre de règles, fonctionnent comme une forme de lubrifiant social – donc indépendamment de l’homogénéité ou de l’uniformité sociale. En attendant, comme ses connotations évidentes de loisir et de sociabilité n’ont jamais été remises en cause, la convivialité n’a pas été envisagée par les food studies comme un concept aussi sérieux que celui de commensalité, mais comme un idéal culturel.
Notons qu’en dépit de ses connotations alimentaires usuelles, le concept de convivialité attire plutôt l’attention de chercheurs étrangers aux questions de culture alimentaire, notamment de ceux qui travaillent sur les questions de migration et de différence culturelle. En outre, leurs travaux se concentrent sur le deuxième sens latin du mot – cum vivire –, soit la capacité de vivre ensemble. Cette vision de la convivialité les amène à s’intéresser aux défis que représentent les relations interculturelles dans un monde de plus en plus globalisé, et aux conséquences sur les relations locales et la cohabitation dans un village, une ville, voire, un pays13. Comme le montrent diverses disciplines des sciences sociales et humaines, les interprétations actuelles de la convivialité « reflètent une préoccupation plus profonde pour la condition humaine et la façon dont nous pensons les modalités humaines du vivre-ensemble14 ». Les villes multiculturelles sont le principal laboratoire où se déploie cette approche, non seulement parce qu’il s’agit de circonstances et de conditions où des gens, avec leurs origines sociales et culturelles, négocient la convivialité, mais parce qu’elles sont l’occasion de définir ou de concevoir des cadres optimaux pour faire l’expérience d’une dimension qui inclut une part d’existence.
Cette dimension normative est en effet au cœur de la plupart des analyses de la convivialité. Dans son livre intitulé La Convivialité, Ivan Illich, auteur d’une des propositions les plus influentes sur cette notion, explique que les « outils » sociaux (qu’il s’agisse d’idées, de machines ou d’institutions) pourraient être modelés de façon à contribuer à la coexistence et la compatibilité des vies au sein de systèmes sociaux complexes15. Chez Illich, la convivialité a une connotation programmatique qui va avec une critique radicale du capitalisme industriel, de l’aliénation et de la dégradation de l’environnement qui en découle. En opposition, il définit la convivialité comme les « rapports autonomes et créateurs entre les personnes d’une part, et les rapports entre les personnes et leur environnement d’autre part », ces rapports témoignant d’une interaction et d’un engagement intenses et étendus, et de la « liberté individuelle réalisée dans une interdépendance personnelle16 ». Illich met aussi l’accent sur les « outils » (c’est-à-dire les outils de communication tels que le téléphone ou le vélo) en tant qu’ils facilitent l’interaction et la démocratisation, ce qui implique de définir des cadres matériels, des environnements spécifiques et des lignes directrices pour que la société fonctionne. La convivialité devient ainsi un projet holistique où les êtres humains et leurs environnements, naturels et artificiels, s’unissent pour améliorer la qualité des relations humaines17.
Urbanistes, designers, architectes, activistes, tous ont largement recours à cette approche socio-matérielle de la convivialité, notamment quand il s’agit de relever les défis que posent les migrations et les déplacements de population de plus en plus nombreux. Je donnerai trois exemples. Le premier est l’atelier baptisé « Cultiver la convivialité », qui a eu lieu à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 2017 et 2018. Cet atelier faisait partie d’un projet financé par l’Union européenne, intitulé « 4Cs : from Conflict to Conviviality through Creativity and Culture », où le mot « conviviality » renvoyait à l’objectif visant à rassembler « les individus au sein d’un cadre propice au dialogue interculturel, à la reconnaissance mutuelle et à une égale participation18 ». Le but était de souligner et d’intégrer les références sociales, politiques et culturelles des migrants (résidents de longue date et primo-arrivants) pour résoudre des situations conflictuelles en appliquant les méthodologies du design. Des étudiants, des experts, des activistes, des artistes et des designers, ainsi que des migrants, ont donc conceptualisé ce qu’ils appelaient des « nouveaux outils de convivialité », expression qui faisait directement référence à Ivan Illich. Ces outils comprenaient des objets, des structures modulaires et des initiatives entrepreneuriales destinées à améliorer la qualité de vie des migrants, tout en tirant parti de leurs connaissances et de leurs compétences spécifiques. Parmi ces objets et ces solutions, beaucoup étaient liés au commerce alimentaire, comme le street food, et à l’idée de commensalité partagée, l’alimentation étant désormais un élément essentiel des initiatives visant à lutter contre la pauvreté urbaine et l’exclusion sociale19.
En Allemagne, les projets RefuEat et Kitchen on the Run poursuivent le même objectif et s’appuient sur des méthodes proches20. RefuEat est une entreprise de restauration dont les employés, qui sont tous des réfugiés syriens, remorquent des cuisines mobiles montées sur des roues de bicyclettes en parcourant les rues de Berlin pour installer des stands de grillades à l’occasion d’événements publics ou privés. Parfaitement équipées, ces bicyclettes comprennent tout ce qu’il faut pour préparer des repas rapides et frais en plein air : non seulement les ingrédients, mais des poêles, des friteuses, des cuvettes pour faire la vaisselle et tous les éléments qui permettent de monter le stand. Aidés par un petit moteur électrique qui contribue à alléger le poids de la remorque, les employés de RefuEat traversent la ville de long en large en pédalant. Leurs bicyclettes alimentaires défient les structures urbaines et politiques qui régulent et organisent officiellement l’espace public et qui ne favorisent ni l’emploi ni l’inclusion des réfugiés. Or, ces derniers n’ont pas besoin d’avoir un excellent niveau d’allemand ni de permis de conduire pour vendre les plats de RefuEat dans les rues de la ville. En même temps, ils apprennent à naviguer dans, et à apprivoiser l’espace public de leur nouveau chez-soi et à interagir avec les locaux. Pour ces réfugiés, la mobilité matérielle des vélos et les « affordances21 » de l’objet en soi leur permet d’exercer une forme de citoyenneté : non seulement les employés de RefuEat s’intègrent au tissu social de Berlin mais ils participent à la fabrique de ce tissu. Ces bicyclettes alimentaires se rapprochent de ce que le designer militant Andrea Vetter appelle des « technologies conviviales22 » puisque ce qui les caractérise – leur « adaptabilité » (au paysage urbain berlinois), leur « interaction bio » (avec des objets comestibles et des personnes) et leur « pertinence » (les vélos sont faciles à réparer et non polluants) – contribue à promouvoir l’égalité entre les personnes et la protection de l’environnement.
Un vélo alimentaire multicolore dans les rues de Berlin.
Sur place, la remorque est transformée en étal de cuisine.
Kitchen on the Run est une association dont le but est de créer une communauté de personnes d’origines culturelles différentes : habitants locaux, migrants, réfugiés et demandeurs d’asile. Son principal outil est un conteneur maritime comprenant une cuisine intégrée qui se déplace dans toute l’Allemagne (et auparavant dans d’autres pays) en faisant des pauses de cinq semaines dans des petites villes pour organiser des événements culinaires réunissant réfugiés et locaux. Le conteneur se transforme en une cuisine parfaitement équipée, avec un plancher en bois démontable et un système d’étagères ouvertes offrant tous les ustensiles à portée de main, une visibilité qui minimise le malaise que les gens pourraient ressentir dans une cuisine inconnue, sans compter que cela facilite le rangement. Les responsables de l’association espèrent que les cinq semaines de présence du conteneur toucheront le cœur des habitants. Dans le meilleur des cas, l’installation de cette cuisine éphémère donne naissance à une « communauté culinaire » plus durable, si bien que les gens continuent à se réunir. C’est ce que souhaite l’équipe de Kitchen on the Run, qui organise des réunions de planification au cours desquelles ses membres font connaissance de bénévoles potentiels qu’ils encouragent à devenir des membres actifs de leur communauté grâce à la cuisine. Lors de la réunion à laquelle j’ai assisté, les participants recevaient un livret intitulé Cook, Eat, Meet, Repeat, qui proposait des idées et des modèles pour aider les bénévoles à organiser des événements après le passage du conteneur. Kitchen on the Run (pas seulement le conteneur) peut donc être considéré comme un outil convivial au sens d’Illich, qui ne se limite pas aux objets et aux technologies stricto sensu, mais se réfère aux institutions dont la conception est rationnelle, qui « donnent à chaque personne la possibilité d’enrichir le monde qui l’entoure de sa vision personnelle23 ».
« Le gros bleu », un grand conteneur bleu arrivé en Allemagne en provenance de Chine.
L’espace cuisine à l’intérieur du conteneur est conçu pour être accueillant et facile à occuper.
Ces deux initiatives montrent que la nourriture et les objets, dans leur matérialité, peuvent améliorer et favoriser les relations marquées par la différence, mais qu’elles ne peuvent être considérées comme des solutions exhaustives aux défis que représentent l’inclusion sociale et la migration forcée. Il faut plutôt y voir des orchestrations plus-qu’humaines qui facilitent les relations et tiennent compte de leur dimension affective en sachant qu’elles peuvent diminuer les troubles liés à l’anxiété sociale et à l’isolement, donc proposer de nouvelles possibilités d’être-au-monde. La réalisation de ces résultats positifs n’est jamais assurée : par définition, les orchestrations conviviales sont précaires et pleines d’imprévus car l’élan qui les porte relève en grande partie de la responsabilité des individus et de l’étendue de leur engagement vis-à-vis de leur environnement. Enfin, même si ces deux exemples d’assemblages et d’outils conviviaux font valoir une interaction et une interdépendance plus importantes entre les personnes et leur environnement matériel et quotidien, ils mettent en œuvre une forme de convivialité toujours centrée sur l’humain.
Penser hors de la boîte (à outils)
La conceptualisation de la convivialité bénéficie aussi de l’engagement du champ artistique. Un exemple : la notion était au cœur d’une série de conférences et de débats organisés dans le cadre de l’exposition d’art contemporain Documenta (13) de 2012. Dans leur compte-rendu de ces événements, Nowicka et Vertovec24 insistent sur l’idée centrale de « worlding », qui vient du nouveau matérialisme25. Le worlding désigne l’aptitude à fabriquer des nouveaux mondes en accordant une attention particulière à des lieux, des événements, des rencontres et des expériences, et en affrontant activement leur matérialité et leur situation contextuelle26. Le worlding est une invitation à voir les choses autrement pour imaginer une nouvelle vie. Il est intéressant de noter que les artistes, les conservateurs et les critiques culturels qui participaient aux débats autour de l’exposition appliquaient les attributs du worlding à la fois à la notion de convivialité et à l’exposition elle-même, notamment le jour où ils ont assimilé la convivialité et la Documenta (13) « au sens où [l’exposition] invite toutes sortes de gens à prendre leur temps, à se laisser toucher par l’environnement et à co-créer l’espace et la situation pour que la convivialité ait lieu27 », même s’ils reconnaissaient qu’il est impossible de contrôler la façon dont la convivialité se produit. En effet, même si les arrangements et les dispositions médiatisés par des objets artistiques et d’autres facteurs « produisent un sentiment de “plus que” », ce « plus que » est difficile à reproduire sur un mode programmatique dans la mesure où il émerge d’assemblages complexes28.
Les qualités relationnelles et transformatrices de la convivialité sont aussi présentes dans des projets artistiques qui ne font pas explicitement référence à cette notion. En avril 2016, par exemple, j’ai été invité par l’ONG Waman Wasi, qui promeut l’affirmation culturelle des populations de l’Amazonie péruvienne, à participer à un atelier de trois jours avec des habitants locaux, des artistes, des chercheurs et des activistes. L’atelier se déroulait dans la ville de Lamas mais il faisait partie d’une série répartie dans le monde entier, dont le but était de préparer le terrain intellectuel de la 32e Biennale de São Paulo. Le thème de cette biennale, incerteza viva (« Vivre l’incertitude ») mettait l’accent sur la notion d’incertitude au XXIe siècle et sur les réponses qu’offre l’art contemporain pour embrasser ou habiter l’incertitude. Cette approche reposait sur la conviction qu’il faut distinguer l’incertitude de la peur pour faire face aux problèmes qui se posent, du changement climatique à la perte de la diversité biologique et culturelle, en passant par les migrations mondiales et la xénophobie qu’elles suscitent. Accepter l’incertitude implique d’engager des processus de désapprentissage et de prendre en compte la nature illimitée de la connaissance. Nous, les différents participants de l’atelier, étions immergés dans le savoir qui permet à ces communautés amazoniennes de vivre et de survivre, sachant que la nourriture y jouait un rôle essentiel. En découvrant les pratiques alimentaires locales, qu’il s’agisse des aliments considérés comme des remèdes, de la commensalité ou du savoir-faire agricole traditionnel, nous avons expérimenté des possibilités inédites d’avoir des relations respectueuses avec le vivant qui nous entoure. Pour ce faire, il nous a fallu accepter l’idée que les mondes humain, naturel et plus-qu’humain s’influencent et évoluent ensemble, en symbiose. Le fait est qu’il s’agissait d’une situation où les relations conviviales dépassent la sphère humaine afin d’englober des représentations du monde au sein des limites matérielles de la planète. Participer à l’atelier impliquait de remettre en question ce que nous jugeons acquis, d’ouvrir de nouvelles perspectives pour tirer des leçons d’expériences vécues par d’autres, et de considérer que les modes de pensée scientifiques et symboliques sont complémentaires, plutôt qu’exclusifs. Au fond, l’atelier proposait aux participants de s’engager dans de nouvelles pratiques de worlding, de prêter attention « aux histoires divergentes, stratifiées et combinées qui fabriquent des mondes29 » et de les embrasser. En encourageant la participation et l’interaction, l’atelier s’est lui-même transformé en une plateforme conviviale qui a permis la co-création de récits alternatifs de coexistence.
Femmes préparant des herbes médicinales. Atelier Incerteza Viva, Lamas.
Partage de nourriture. Atelier Incerteza Viva, communauté Anak Churuyaco Valisho.
Homme préparant du thé « sang de dragon » à partir de la résine de l’arbre Croton lecheri. Atelier Incerteza Viva, Lamas.
Parce qu’elle est toujours à la recherche d’environnements favorisant une coexistence harmonieuse, la convivialité comporte une dimension programmatique et normative (aussi faible que possible). Accepter la fragilité, la précarité et l’indétermination de la rencontre avec la différence est une forme d’accomplissement qui exige de savoir négocier et de faire des efforts constants et soutenus30.
Récemment, la convivialité a donné lieu à des réflexions et des projets d’écologie politique (notamment à travers la notion de « conservation conviviale ») qui encouragent la prise de décision démocratique à l’échelle locale pour les questions environnementales et insistent sur les interdépendances fortes entre les êtres humains et l’environnement31. Ces courants défendent l’idée qu’il nous faut entièrement ré-imaginer notre rapport à la biodiversité alors que les crises d’extinction se multiplient, et proposent des modes opératoires qui permettraient de surmonter la situation actuelle qui n’est pas durable32. Dans les lignes qui suivent, je m’appuierai aussi sur une approche holistique de la convivialité pour analyser et définir certains éléments propices à une critique inclusive des différentes approches de la durabilité dans le domaine de l’alimentation.
Convivialité, alimentation et paysages de correspondances : vers des paysages alimentaires conviviaux
L’alimentation mondiale traverse actuellement une crise à visage multiple, à travers laquelle le commerce international, la perturbation des réseaux, les conflits, la malnutrition et le changement climatique mettent en péril la santé humaine et planétaire33. La plupart des réflexions et des mesures prises pour répondre à ces défis s’appuient sur les déclinaisons classiques de l’idée de durabilité qui reposent sur une vision du monde séparant les humains des non-humains, et la « culture » de la « nature », celle-ci englobant la biodiversité et les écosystèmes. Parce qu’elle se concentre sur la gestion des écosystèmes envisagés comme des ressources permettant de maintenir le mode de vie des sociétés modernes, la durabilité telle que la défendent les experts du développement durable et de la croissance verte ne tient pas compte des seuils propres à la nature, ni du caractère interdépendant des systèmes économiques, sociaux et environnementaux34.
Nous avons absolument besoin d’une vision qui corresponde au changement radical de regard que nous devons avoir sur la biodiversité alimentaire. Ma thèse est la suivante : la convivialité, si elle est associée au concept de paysage alimentaire, entraîne un changement de perspective qui permet de reconnecter les gens à leurs écosystèmes et de déployer les possibilités sans précédent qui en découlent. Cette transformation n’est possible que si nous ouvrons le champ d’intervention, en général limité aux experts, pour encourager un engagement multisectoriel et civil contre la dégradation de nos environnements alimentaires. Ce rapprochement entre convivialité et paysages alimentaires est aligné sur les recherches et les pratiques qui incitent à revitaliser les cultures alimentaires traditionnelles, les marchés locaux et les chaînes d’approvisionnement alimentaire courtes afin de contrebalancer les politiques qui comptent sur le commerce mondial et les politiques climatiques écologiques pour résoudre les crises alimentaires mondiales ; il correspond aussi à l’idée qu’il existe des façons alternatives d’envisager la durabilité alimentaire35.
Dans un tel contexte, la convivialité donne du sens et fournit un nouvel objectif. Car elle fait sienne les principes d’équité, d’interdépendance, de respect mutuel d’autrui et du monde naturel, de responsabilité commune quant à la façon dont nous vivons et nous engageons dans le monde. La convivialité implique de cultiver l’attention et la sagesse humaines pour « correspondre » avec d’autres êtres36. Dans ce sens-là, la correspondance désigne « le processus par lequel des êtres ou des choses se répondent littéralement les uns les autres au fil du temps », non pas parce qu’ils ou elles veulent en savoir plus sur les autres êtres ou les autres choses, « mais pour être plus proches » et s’entendre avec ces autres37. Dans cette optique, la convivialité postule qu’« être, c’est toujours être avec38 ».
Enracinée dans une éthique de la communalité, de la réciprocité et du soin, la convivialité présuppose que les humains et les non-humains sont intrinsèquement pris dans des réseaux et des relations qui s’efforcent d’assurer leur existence individuelle et leur existence commune. Cette interdépendance implique une dynamique proche de celle qui a été définie sous le nom de crianza mutua (soin mutuel) par des chercheurs andins39 et, plus récemment, de « politique de renforcement mutuel » par des chercheurs nord-américains40. Ce que tous partagent, c’est un même engagement en faveur de la lutte pour le vivant et la revitalisation « sur les terrains mouvants de l’appartenance et de l’exclusion dans les communautés multi-espèces41 ». La convivialité insiste sur les connexions et les interdépendances complexes et changeantes qui font la vie, tout en reconnaissant que l’inégalité, le conflit, la négociation, l’indifférence et la dépendance font partie des rapports de convivialité, au même titre que le mutualisme et la collaboration42. Cela ne veut pas dire que toutes les espèces, toutes les entités et les forces animées sont égales – « nous alimentons et nous sommes alimentés, nous mangeons et nous sommes mangés43 » ; il s’agit plutôt de reconnaître les asymétries qui les distinguent afin de combler le fossé entre les différentes façons de connaître et d’expérimenter le monde44.
La critique conviviale de la durabilité alimentaire devient plus concrète quand la convivialité est associée au concept de paysage alimentaire. Celui-ci désigne les environnements physiques, sociaux et symboliques où les pratiques, les valeurs et les représentations de l’alimentation croisent les réalités matérielles qui sous-tendent les rapports entre les êtres humains et la nourriture45. Les paysages alimentaires sont des « constructions profondément mises en perspective, infléchies par la situation historique, linguistique et politique de différents types d’acteurs46 » qui contribuent à situer la vie des groupes et des individus dans le monde, de façon à la fois tangible et imaginaire. Mon interprétation du concept de paysage alimentaire met en avant le rôle de l’imagination, si bien qu’elle ne fait pas référence à un paysage alimentaire stable englobant une série d’objets et d’espaces aménagés qui déterminent les pratiques alimentaires d’une population particulière. Dans mon esprit, l’expression « paysage alimentaire » désigne plutôt une « formation du vivant mise en pratique » où les gens et les choses se rencontrent en ayant des « relations passionnées, intimes et matérielles47 » avec la matière comestible. Tactiques, explorations, expériences et engagements multi-sensoriels sont au cœur de cette vision des paysages alimentaires qui en fait des environnements mutuellement constitutifs, sympathiques et coopératifs, mais aussi conflictuels et contestés. En effet, comme les idées sur l’alimentation « concernent évidemment la transformation des corps et des environnements individuels, les technologies pour y parvenir et les complexités sociales et culturelles que cela permet48 », les paysages alimentaires ne peuvent être appréhendés qu’au moyen de négociations.
Conçue comme une manière d’être relationnelle et dynamique, la convivialité n’est pas seulement un prisme à travers lequel il est possible d’envisager toutes les entités, les processus, les matériaux, les symboles et les conditions qui font partie des paysages alimentaires, ainsi que leurs configurations présentes. Elle offre aussi la possibilité d’intervenir effectivement et affectivement sur ces éléments et, par le biais de négociations, de proposer des voies d’action alternatives et d’en imaginer les résultats potentiels. Dans le domaine de l’alimentation, la convivialité dispose d’un terrain fertile comprenant : les critiques post-humanistes qui réorientent la convivialité vers des interdépendances profondes avec les paysages agricoles et les expérimentations du sol49 ; les textes, les arts visuels et le spectacle vivant qui décrivent, transmettent et mettent en scène des potentialités qui touchent l’alimentation, l’agriculture et les relations multi-espèces dans des contextes comestibles50 ; les projets de cuisine et de production d’aliments qui considèrent les humains et les non-humains (animaux, plantes, eau, bactéries, objets, etc.) non seulement comme une matière ou une ressource comestible, mais comme des associés pouvant coopérer – je pense, par exemple, aux aliments fermentés ou à la transformation d’espèces invasives en aliments51 ; les initiatives locales qui voient les communautés collaborer pour co-créer la possibilité de reprendre le contrôle de leur environnement alimentaire et agricole ; ou encore, les nouveaux modèles de partage de nourriture qui comprennent des activités de commensalité intentionnelle et des nouvelles pratiques qui peuvent être médiées par différents outils.
Cette association entre convivialité et paysages alimentaires, que j’appellerai « paysages alimentaires conviviaux », ouvre la voie à une double critique de la durabilité. La première vise à combler, au moins partiellement, le déficit culturel de la durabilité, qui provient de ce que les humanistes, les scientifiques des pays du Sud, la société civile, les artistes et autres travailleurs culturels n’ont pas été au centre des discussions sur ce qu’est et pourrait être la durabilité. Le deuxième est une invitation à repenser nos rapports à l’alimentation, à l’environnement et au « vivant » en général.
Notes
1
Gary Wilder, Concrete Utopianism, New York, Fordham University Press, 2022.
2
Gary Wilder, Concrete Utopianism, New York, Fordham University Press, 2022, p. 10.
3
Voir, par exemple, l’article de Léo Mariani et Tania Roser qui fait partie de cet atelier : « Réintégrer le monde, accueillir l’incertitude en vitiviniculture », in Tristan Fournier (dir.), « Utopies nourricières », Politika, mis en ligne le 29/01/2024.
4
Surinder Phull, Wendy Wills et Angela Dickinson, « Is It a Pleasure to Eat Together ? Theoretical Reflections on Conviviality and the Mediterranean Diet », Sociology Compass, vol. 9, no. 11, 2015, p. 978.
5
Jeffery Sobal, « Sociability and Meals: Facilitation, Commensality and Interaction », in Herbert L. Meiselman (dir.), Dimensions of the meal, Gaithersburg, Aspen, 2000, p. 119-133.
6
Claude Fischler, « Commensality, Society and Culture », Social Science Information, vol. 50, no. 3-4, 2011, p. 528-548.
7
Claude Grignon, « Commensality and Social Morphology: An Essay of Typology », in Peter Scholliers (dir.), Food, Drink and Identity: Cooking, Eating and Drinking in Europe since the Middle Ages, Oxford, Berg Publishers, 2001 ; Claude Fischler, « Commensality, Society and Culture », Social Science Information, vol. 50, no. 3-4, 2011, p. 528-548 ; Surinder Phull, Wendy Wills et Angela Dickinson, « Is It a Pleasure to Eat Together? Theoretical Reflections on Conviviality and the Mediterranean Diet », Sociology Compass, vol. 9, no. 11, 2015, p. 978 ; Håkan Jönsson, Maxime Michaud et Nicklas Neuman, « What Is Commensality? A Critical Discussion of an Expanding Research Field », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 18, no. 12, 2021.
8
Edda Starck et Raul Matta, « More-than-human Assemblages and the Politics of (Food) Conviviality: Cooking, Eating, and Living Together », Germany, Food, Culture & Society, 2022, p. 1-20.
9
Georg Simmel, « Sociology of the Meal », in David Frisby et Mike Featherstone (dir.), Simmel on Culture, Londres, Sage, 1997, p. 130-135.
10
Alexandre Grimod de la Reynière, Almanach des gourmands, Paris, Éd. Pierre Waleffe, 1968.
11
Pierre Bourdieu, La Distinction, Paris, Minuit, 1979.
12
Francesc-Xavier Medina, « Looking for Commensality : On Culture, Health, Heritage, and the Mediterranean Diet », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol. 18, no. 5, 2021.
13
Paul Gilroy, After Empire: Melancholia or Convivial Culture?, New York, Routledge, 2004 ; Paul Gilroy, « Multiculture in times of war », Critical Quarterly, vol. 48, no. 4, 2006, p. 27-45.
14
Magdalena Nowicka et Steven Vertovec, « Comparing Cconvivialities : Dreams and Realities of living-with-difference », European Journal of Cultural Studies, vol. 17, no. 4, 2014, p. 341-356.
15
Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Seuil, 1973.
16
Ivan Illich, « Inverser les institutions », Esprit, vol. 3, 1972 (article repris et reformulé dans La Convivialité).
17
Sarah Whatmore et Steve Hinchliffe, « Ecological landscapes », in Dan Hicks et Mary C. Beaudry (dir.), Oxford Handbook of Material Culture Studies, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 439-454.
19
Juan Fernandez Gil et al., Food Relations. Food as a Key Medium for Social Inclusion and Intercultural Dialogue, Freiburg, Agronauten, 2018.
20
Edda Starck et Raúl Matta, « More-than-human Assemblages and the Politics of (Food) Conviviality: Cooking, Eating, and Living Together », Germany, Food, Culture & Society, 2022, p. 1-20.
21
James Jerome Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception, Boston, Houghton Mifflin, 1979.
22
Andrea Vetter, « The matrix of convivial technology – Assessing technologies for degrowth », Journal of Cleaner Production, vol. 197, no. 2, 2018, p. 1778-1786.
23
Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Seuil, 1973.
24
Magdalena Nowicka et Steven Vertovec, « Comparing Convivialities: Dreams and Realities of living-with-difference », European Journal of Cultural Studies, vol. 17, no. 4, 2014, p. 341-356.
25
Kathleen Stewart, « Worlding Refrains », in Melissa Gregg et Gregory J. Seigworth (dir.), The Affect Theory Reader, Londres, Duke University Press, 2010, p. 339-353. Donna J. Haraway, Quand les espèces se rencontrent, Paris, La Découverte, 2021.
26
Helen Palmer et Vicky Hunter, « Worlding », newmaterialism.eu, 16 mars 2018.
27
Magdalena Nowicka et Steven Vertovec, « Comparing Convivialities: Dreams and Realities of living-with-difference », European Journal of Cultural Studies, vol. 17, no. 4, 2014, p. 341-356.
28
Amanda Wise et Selvaraj Velayutham, « Conviviality in Everyday Multiculturalism : some Brief Comparisons between Singapore and Sydney », European Journal of Cultural Studies, vol. 17, no. 4, 2014, p. 425.
29
Anna Tsing, Le Champignon de la fin du monde. Sur les possibilités de vivre dans les ruines du capitalisme, Paris, La Découverte, 2017, p. 59.
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