Sphères publiques soviétiques

Dans son ouvrage L’Espace public. Archéologie de la Publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Jürgen Habermas a formulé ainsi le concept de sphère publique, suscitant par la suite un grand nombre de travaux : « Le sujet de la sphère publique est le public en tant que support d’une opinion publique à la fonction critique de laquelle se réfère la Publicité, c’est-à-dire à peu de choses près la publicité des débats judiciaires. […] La sphère publique apparaît parfois comme étant simplement celle de l’opinion publique qui s’oppose directement au pouvoir. On comptera au nombre des “organes de la sphère publique” les organes de l’État, ou bien suivant les cas, les médias qui, comme la presse, sont au service de la communication au sein du public1 ». À sa suite, les oppositions entre pouvoir et société ainsi qu’entre privé et public sont devenues des éléments structurants des débats autour de la sphère publique dans des sociétés modernes.

La pertinence de ce concept pour les études des sociétés socialistes (en particulier soviétiques) n’en constitue pas moins un sujet de controverses. Il peut paraître en effet paradoxal, au premier regard, de parler de « sphère publique » pour les sociétés de type soviétique, ou d’y dresser ne serait-ce qu’une séparation entre le privé et le public : le premier constat qu’il est possible de faire à propos de l'Union soviétique n’est-il pas que le pouvoir s'y immisçait dans tous les domaines de la vie2? Pour les bolcheviks, la sphère privée ne devait pas avoir d'autonomie, car tout – jusqu'à l'intimité – devait être placé sous le contrôle vigilant du collectif3. Le terme même « privé », associé à la société bourgeoise, a été remplacé par le terme « personnel » (ainsi ne parlait-on pas de « propriété privée » mais de « propriété personnelle »). Quant à ce qui relevait du « public », il était alors désigné par le terme « commun ». En théorie du moins, au lieu de l'opposition « public-privé » était donc pensée une complémentarité entre le commun et le personnel4. Chaque membre de la société devait partager les idéaux et les valeurs socialistes et apporter sa contribution, notamment par le biais du travail, au bien commun dont l’expression ultime était le communisme. En retour, chacun devait être gratifié à la hauteur de ses efforts (sous le socialisme) et de ses besoins (sous le communisme). Le collectif – le commun – se composait de la multitude d’individus dotés chacun des capacités et des personnalités uniques. Mais chaque personne avait besoin du collectif, comme instance d’appui et de contrôle de sa conduite personnelle, pour se sentir à l’unisson avec les autres sur le chemin de la construction du communisme.

Si parler de « sphère publique » n’a donc rien d’évident au premier abord, l’opinion publique en URSS a en revanche été l’objet de travaux dès les années 1950. Se revendiquant de l’école dite « totalitaire », ces études cherchaient à formuler les modalités de formation et d’expression de l’opinion publique dans un pays où les communications étaient associées avant tout à la propagande, et où le public ne pouvait pas s’opposer ouvertement au pouvoir. La réception d’Habermas par les spécialistes de l’Union soviétique correspond à un moment de remise en cause de ce schéma explicatif, avec l’émergence du révisionnisme en histoire soviétique, engagé à partir des années 1960-1970. Les historiens « révisionnistes » s’opposaient à l’approche totalitaire en postulant l’impossibilité d’un contrôle total de la société par le pouvoir. Par conséquent, ils ont porté l’accent sur la tension entre la nécessité, pour le régime soviétique, d'impliquer tous les citoyens dans les collectifs d’une part, et d'autre part la volonté des individus de se réserver des niches privées5Cette façon de penser la tension entre pouvoir et société structure la manière dont la sphère publique soviétique est envisagée par les chercheurs. Les premiers révisionnistes ont d’ailleurs rejeté l’expression « sphère publique » : pour éviter la référence à Habermas et toute analogie avec les sociétés démocratiques libérales, ils ont préféré parler d’« opinion populaire ».

L’ouverture des archives en 1991 a ravivé le questionnement. L’exceptionnalité de l’expérience soviétique a alors poussé certains chercheurs à raisonner en termes de substitut à la sphère publique (quasi public sphere) ou de « privé public » (public privacy)6 : d'après eux, les traits typiques de la sphère publique (libre expression des opinions, discussions ouvertes et possibilités d'influencer la politique) faisaient défaut en URSS. Ces évolutions historiographiques sont au cœur de cette notice, qui, à partir d’une analyse des lectures et des usages d’Habermas par les spécialistes des sociétés de type soviétique, voudrait proposer de nouvelles perspectives susceptibles de dépasser les dichotomies entre public et privé ainsi qu’entre soutien et opposition au régime.

Vasily Grossman, Life and Fate (New York, The Harvill Press, 1960).

 

Yevgenia Nikolaevna Shaposhnikova settled in Kuybeshev in the room of an old lady, Zhenni Genrikhovna Genrikhson, a German who had long ago been a nanny in the Shaposhnikov household.

It was strange for Yevgenia, after Stalingrad, to find herself in a quiet little room with an old lady who could not get over the fact that the little girl in braids had become a grown-up woman.

Zhenni lived in a room with hardly any light, which had once-upon-a-time served as the servant's quarters in big merchant's apartment. Now every room had a family living in it, and every room was divided by screens, curtains, carpets, and the backs of couches into nooks and corners where people slept, ate, and entertained guests--where a nurse gave shots to a paralyzed old man.

In the evenings, the kitchen hummed with tenants' voices.

Yevgenia Nikolaevna liked this kitchen with its arched ceiling blackened by soot, with the red-black flame of its kerosine stoves.

In and around the laundry drying on lines, bustled tenants in robes, in quilted jackets, in military shirts; knives glinted. Steam curled overhead as women washing clothes bent over tubs and basins. The wide stove was never fired up; its tiled sides shone white as snowdrifts from some volcano that had gone dead in a previous geological epoch.

In the apartment lived the family of a truck loader who had gone to the front; a gynecologist; an engineer from a secret factory; a single mother working as a cashier in a distribution center; the widow of a barber who had been killed at the front; a post-office manager. In the biggest room of all, the former living room, was the director of a medical clinic.

The apartment was as vast as a city. It even had its madman: a quiet old man with gentle puppy-dog's eyes.

People lived at close quarters, but apart from one another. They were not really friends. They fought; they made up; they hid the details of their lives and then suddenly, loudly and openheartedly, would reveal everything.

Yevgenia Nikolaevna wanted to draw this. Not the objects, not the people, but the feeling they stirred in her.

This feeling was complicated and hard to describe; even a great artist could not express it. It united the awesome military power of the state and people with this dark kitchen, this poverty, gossip, and pettiness. It combined the destructive force of military steel with kitchen pots and potato peelings.

The expression of this feeling destroyed lines, blurred edges, dissolved into what seemed from outside to be a meaningless connection of broken images and spots of light.

The old lady was timid and obliging. She wore a dark dress with a white collar. Her cheeks were always rosy, even though she was always on the verge of starvation.

In her head lived the memories of pranks that Lyudmila had played when she was in first grade and funny expressions that Marusya said when she was little. She remembered how two-year old Mitya would burst into the dining room in his bib and waving his hands, would shout "dinder! dinder!" [Mitya—Dmitrii, as he is referred to later in this excerpt—and Marusya have both died, Marusya while trying to leave Stalingrad and Mitya in the Gulag—trans.]

Now Zhenni Genrikhovna worked for a woman who was a dentist. She did housework and took care of the dentist's sick mother. Her employer would often leave for five or six days to work in regional clinics, and then Zhenni Genrikhovna would spend the night in her house looking after the helpless old woman who could barely move her legs after a recent stroke.

She had absolutely no sense of property. She constantly apologized to Yevgenia Nikolaevna, asking her permission to open the transom in connection with the comings and goings of her motley-colored cat. Her greatest interest and anxieties concerned this cat, whom she feared the neighbors would hurt.

One of the neighbors, the engineer Dragin, a factory manager, would look at her wrinkled face, her girlishly slender, dried-up waist, her pince-nez hanging on a black string, and give a nasty sneer. His plebeian nature was offended by the old lady's loyalty to the past, by the ridiculous innocence of her smile when she talked about taking her prerevolutionary charges on a drive in their carriage and accompanying "madame" to Venice, Paris, and Vienna. Many of the "babies" she had pampered ended up with the White Army or were killed by Red troops, but the only thing that mattered to the old lady was the memory of the scarlatina, diphtheria, and colitis they suffered from when they were little.

Yevgenia Nikolaevna would say to Dragin:

"I have never met a sweeter, gentler person than she is. Believe me, she is kinder than anyone who lives in this apartment."

Dragin, looking intoYevgenia Nikolaevna's eyes with a man's frank and impudent gaze, would reply:

"Keep it up, sweetheart. You, comrade Shaposhnikova, have sold yourself to the Germans for living quarters."

Apparently Zhenni Genrikhovna did not care for healthy children. Her favorite subject was the frailest of her charges, the son of a Jewish factory owner. She kept his drawings and notebooks and would start crying every time when she reached the part of her story where she had to describe his quiet death.

Many years had passed since she lived with the Shaposhnikovs, but she remembered all the children's nicknames and she cried when she found out about Marusya's death. She kept writing, in her uncertain hand, a letter to Aleksandra Vladimirovna, but she could never finish it.

She called pike roe "caviare" and liked to tell Zhenya about her children's prerevolutionary breakfasts: a cup of strong bullion and a piece of venison.

Her own rations she fed to her cat, whom she called "my dear, silver child." The cat was a rough, sullen beast, but it adored her and as soon as it caught sight of her, became gentle and happy.

Dragin kept asking her how she felt about Hitler: "I suppose you're glad?" But the crafty old lady declared herself an anti-fascist and called the Fuhrer a cannibal.

She was hopeless at everything. She couldn't wash clothes, couldn't cook, and when she went to the store to buy matches the busy clerk would tear off of her ration card the monthly allotments of sugar or meat.

Contemporary children in no way resembled her charges of that long-ago age that she called "peacetime." Everything had changed, even the games. In "peacetime," little girls played hoops; they spun rubber diabolos on strings attached to lacquered sticks and played with a soft, painted ball that they carried in a white net bag. But today's children played volleyball, swam the crawl, and in the winter, dressed in ski pants, they played hockey, yelling and whistling.

They knew more than Zhenni Genrikhovna about alimony, abortion, illegally obtained certificates of employment. They knew about senior lieutenants and colonels, who brought their mistresses fats and canned food from the front.

Yevgenia Nikolaevna liked it when the old German lady told stories about her own childhood—about her brother Dmitry, whom Zhenni Genrikhovna remembered particularly well on account of his whooping cough and diptheria.

One time Zhenni Genrikhovna said:

"I am thinking about my last family in nineteen seventeen. Monsieur was with the Finance Minister. He would pace the dining room and say, "Everything is ruined, estates are being burned, factories have stopped working, hard currency has lost its value, vaults have been robbed." And then the whole family fell apart, like your family now. Monsieur, Madame, and Mademoiselle left for Switzerland, my little boy volunteered to serve with General Kornilov, and Madame cried "We're spending entire days saying goodbye. This is the end."

Yevgenia Nikolaevna gave a sad smile and said nothing.

One evening the local policeman brought Zhenni Genrikhovna a summons. The old German put on her hat with its white flower and asked Zhenya to feed the cat. She was going to the police, and from there to her job with the dentist lady; she promised to be back a day later.When Yevgenia Nikolaevna returned from work, she found the room in disarray. The neighbors told her that Zhenni Genrikhovna had been taken by the police.

Yevgenia Nikolaevna went to inquire about her. At the police station, she was told that the old woman was exiled to the north with a group of Germans.

A day later, the police officer came with the building superintendent and removed a sealed basket of evidence: old clothes and faded photographs and letters.

Zhenya went to the NKVD to find out how to send the old lady a warm shawl. The man behind the window asked her:

"So who are you, a German?

"No, I'm Russian."

"Go home. Don't bother people with your inquiries."

"I'm talking about winter things."

"Am I making myself clear?" asked the man behind the window in such a soft voice that Yevgenia Nikolaevna lost her nerve.

That very evening she heard voices in the kitchen—the neighbors were discussing her.

One voice said: "All the same, I don't like her behavior."

A second answered: "In my opinion, she pulled it off. First she got one foot in, then she told the right people who the old woman was, and now she's taken over the room."

A man's voice said: "What do you mean room, it's a cubicle."

A fourth voice said: "Someone like that will always come out on top, it's good to have someone like that by your side."

The cat's fate was a sad one. While the neighbors argued over what to do with him, he sat in the kitchen, sleepy and dispirited.

"The hell with this German animal," said the women.

Dragin unexpectedly announced that he would help feed the cat. But the cat didn't live long without Zhenni Genrikhovna. One of the women either by accident or because she was annoyed splashed boiling water on him, and he died.

Quelle « opinion publique » dans le premier État de propagande ?

La question de la propagande et de l’opinion publique en URSS intéresse les historiens et les politistes occidentaux depuis les années 1950, car elle permet d’interroger le degré d’adhésion des individus au régime. L’historiographie a aboutit à une thèse, devenue lieu commun, selon laquelle le régime soviétique reposait sur deux piliers, propagande et répression, soit, dans les termes de Lénine, « sur un équilibre de la coercition et de persuasion7 ». D’un côté, la propagande aurait un véritable effet de « lavage de cerveaux », tandis que, de l’autre, la coercition réduirait les opposants au silence. Certains chercheurs de l’école « totalitaire » ont ainsi conclu que propagande et opinion publique, dans le cas de l’URSS, seraient synonymes8. Pour l’historien américain Peter Kenez par exemple, la force de la propagande ne laissait pas d’alternative aux Soviétiques : ceux-ci se comportaient correctement du point de vue du régime, non parce qu’ils croyaient dans ses valeurs mais parce qu’à force de répéter ses slogans ils auraient acquis un état de conscience convenable9. L’atomisation croissante de la société, où la communication politique verticale se serait substituée aux liens horizontaux favorisant les échanges d’idées et d’opinions et l’émergence de pensée critique aurait assuré le succès de la propagande soviétique.

Nikolai Kochergin, Even Higner the Banner of Leninism! (poster, 1932)

L’affiche célébrant les succès du premier plan quinquennal (1928-1933), permet, par sa composition en deux parties dichotomiques, de mener un véritable travail de pédagogie. Au monde ordonné du « socialisme dans un seul pays » s’oppose le monde chaotique du capitalisme qui part à la dérive. À l’armée des travailleurs (ouvriers, agriculteurs et intelligentsia) s’oppose les ouvriers luttant contre le chômage, pour leurs droits et contre le militarisme nazi. À la croissance exponentielle de la production, promesse d’un avenir meilleur en cours de réalisation, s’oppose la crise économique qui précipite la déchéance humaine.

Si les travaux sur la propagande ont généralement adopté une approche par le haut, les recherches sur l’opinion populaire se sont inscrites dans le sillage d’une histoire sociale qui a renversé la perspective. À l’image d’une société composée de « zombies terrorisés », l’école révisionniste a opposé celle d’une société capable d’agir : capable de soutenir le régime, comme de résister ou de s’opposer au pouvoir. Les premiers travaux révisionnistes, dans les années 1960-1970, ont par exemple insisté sur l’existence dans la société soviétique d’un soutien volontaire au régime de la part de ses bénéficiaires, les « promus privilégiés » (vydvijentsy), c’est-à-dire les individus en situation de mobilité sociale ascendante. Ce soutien est présenté avant tout de manière instrumentale : il s’agirait d’individus hypocrites, s’adaptant à la conjoncture pour en tirer profit10.

La découverte dans les archives des rapports (svodki) de la police politique (NKVD) sur les états d’esprit de la population a stimulé de nouvelles études sur l’opinion populaire à la suite de celles de Sarah Davies11Cette dernière a souligné l’attitude ambivalente des Soviétiques vis-à-vis du régime : les ressources langagières du discours officiel étaient une arène pour des conflits sociaux qui s’emparaient des significations divergentes des signes et des symboles contenus dans la langue. Son insistance sur la capacité des individus à élaborer une critique à partir des termes mêmes du discours officiel correspond à un des postulats de subalternes studies : les dominés n’ont pas forcément besoin de références extérieures au système dans lequel ils vivent pour critiquer les dominants.

À partir des mêmes sources, d’autres historiens ont essayé d’aborder l’opinion publique par l’étude des rumeurs12. Mais les limites des svodki pour appréhender les opinions des individus ont été mises en lumière. La grille de lecture des agents de la police politique leur faisait classer les opinions en trois ensembles : « positifs », « négatifs » et « neutres ». Imprégnés d’une manie de « chasse aux espions », les auteurs des rapports avaient tendance à voir des manifestations d’opposition partout, à surestimer certaines opinions, à généraliser à partir de remarques individuelles et disparates. La pression exercée sur les agents, obligés d’identifier des ennemis pendant l’époque des répressions, de produire des chiffres, les poussait à traduire les énoncés des Soviétiques dans le langage de la police politique, qui fait sens pour les dirigeants, voire à inventer certaines remarques. Le choix des sujets des rapports était dicté par les priorités du régime et ne coïncidait par forcement avec les centres d’intérêts des individus. En somme, ces rapports disaient ce que les dirigeants voulaient entendre et pas forcément ce que les individus pensaient13.

Confrontés à ces impasses, les néorévisionnistes ont proposé, à partir d’autres sources, une nouvelle explication des rapports entre le pouvoir et la société ainsi que des mécanismes de formation de l’opinion publique. Dès 1995, l’historien américain Stephen Kotkin a rejeté la dichotomie entre opposition et soutien, en insistant sur l’usage stratégique, par les Soviétiques, du langage du pouvoir (le fameux « parler bolchévique »), usage qui leur permettait d’atteindre leurs buts, de se faire entendre par les dirigeants, d’obtenir des promotions, des bénéfices et de la reconnaissance. Pour Kotkin, il n’y avait pas, durant l’entre-deux-guerres, d’alternative à ce langage : les Soviétiques n’avaient pas la possibilité d’utiliser d’autres outillages mentaux14.

Une note du NKVD à Staline concernant la protection des entreprises les plus importantes de Moscou, 21 août 1941.

 

L’usage de ces documents produit aussi un effet de loupe sur ceux qui s’opposaient au pouvoir. On est passé de l’idée d’une propagande efficace, véhiculée par l’école totalitaire, à celle d’une propagande inefficace butant sur une société qui résiste. Or, à se concentrer uniquement, comme l’ouvrage de Sarah Davies, sur les oppositions, le lien social en devient insaisissable. En se focalisant sur l’image d’une société qui résiste, les travaux révisionnistes se rendent incapables d’expliquer la durabilité du régime. La seule coercition est en effet un élément d’explication limité – ne serait-ce que parce qu’elle n’est plus aussi forte au cours de la période poststalinienne.

Quel rôle des subjectivités dans les mécanismes de formation de l’opinion publique ?

Les travaux consacrés aux lettres adressées au pouvoir et publiées dans la presse, en tant que source de connaissance, pour les autorités, des états d’esprit de la population et en tant que mode de communication, se sont beaucoup appuyés sur cette idée d’un « parler bolchévique ». Si les dénonciations et les lettres de plainte ont été utilisées par les autorités à des fins répressives, en leur permettant de mieux cibler leurs ennemis supposés, la façon d’aborder cette source comme une représentation fidèle de l’état d’esprit de la population a tout même été l’objet de débats historiographiques. Ces lettres permettent certes de se faire une idée de la variété des opinions de la population, mais elles ne documentent qu’une infime part des états d’esprit : dans leur grande majorité, ceux-ci n’ont pas été exprimés par écrit et n’ont pas été communiqués aux autorités. Se sentir assez engagé sur le plan politique pour envoyer une lettre aux autorités n’est en rien une attitude commune à l’ensemble de la population15.

L’historien allemand Jochen Hellbeck a pris position dans le débat en pointant la tendance à surestimer l’importance de la résistance dans la société soviétique, résultat d’une projection de l’optique libérale du choix politique sur une société non libérale. À la différence des premiers révisionnistes qui avaient souligné le soutien intéressé des promus du régime, les néorévisionnistes ont porté l’accent sur le caractère transformatif et performatif du discours officiel intériorisé par les individus. En particulier, les documents écrits à la première personne donnent à voir l’envie d’obtenir une biographie soviétique, d’être intégré dans la société, ou encore la peur d’être relégué aux bords de l’histoire et être écrasé par elle. Si pour Kotkin il est impossible de savoir qui croyait véritablement dans ce qu’il écrivait dans les lettres, les journaux intimes constituent en revanche, aux yeux d’Hellbeck, une source attestant de la sincérité du souhait de devenir des « hommes nouveaux » et des « femmes nouvelles soviétiques », constructeurs du socialisme, membres du collectif et acteurs de l’histoire en train de se faire16. À lire Sarah Davies, tous les paysans riches résistaient au pouvoir soviétique ; Jochen Hellbeck met lui en lumière le fait qu’un fils de koulak pouvait désirer à tout prix à devenir un citoyen soviétique irréprochable17.

Igal Halfin and Jochen Hellbeck, « Rethinking the Stalinist Subject: Stephen Kotkin's ‘Magnetic Mountain’ and the State of Soviet Historical Studies ».

 

« The question of belief is central to Kotkin's understanding of the Stalinist subject. In asking whether the people of Magnitogorsk believed in the "truths" incessantly produced and disseminated by the Bolshevik state, he chooses an ingenious approach borrowed from the French historian Lucien Febvre. Rather than inquiring into what members of Stalinist society believed in, he maps out the limits of unbelief- the boundaries of critical thought beyond which nobody living within the Soviet system could think. A combination of factors - such as the compelling nature of the regime's "revolutionary truth," the Stalin cult, and most important, the crisis of the capitalist world and with it, of a credible alternative to socialism - combined, according to Kotkin, to preclude the emergence of systemic unbelief toward Stalinism. Yet abandoning his methodology halfway, Kotkin falls back on a psychological, ahistorical understanding of belief. Thus he writes of individuals "struggling" to hold to their "cherished beliefs," of their "attempts" to "convince" themselves, and of their "problems" in confusing the official, revolutionary truth with their own observational truth (pp. 229, 350, 354). Kotkin's distinction between "believers," "half-believers," and rare non-believers reinrroduces the possibility of an essentially pure and non-ideological subject by conceptual- izing belief as an instance of contamination by Bolshevik ideology. The author's approach obscures the fundamental implication of all Magnitogorsk subjects in the Stalinist matrix of meaning, regardless of their beliefs. Even when individuals criticized the regime, the terms of their argument remained determined by the Stalinist language. Thereby they inadvertently contributed to its legitimization. Furthermore, Kotkin ignores the cases of those contemporaries who experienced their inability to accept the official truth as an instance of personal inadequacy, rather than as an indication of the system's shortcomings. Discussing the rare instances when Magnitogorsk workers came forth publicly to criticize aspects of the Stalinist order, Kotkin writes of "moments of catharsis" (p. 229). The cathartic act, he implies, was experienced as a release of pressure accumulating in a world of deception and blatant lies. Indeed, as private diaries from the era show such moments of letting off steam and denouncing the official system of truth were not infrequent. Kotkin is correct in stating that such instances of criticism far from undermined the Stalinist system. Indeed, they were a constitutive part thereof. Yet what Kotkin terms as moments of "catharsis" might be better understood as instances of personal crisis. Rarely, if at all, did individuals experience articulations of critical thought positively. They could not help but regard their propensity to criticism as sinful, the token of an impure soul and an impediment to salvation. In the final analysis, Kotkin's portrayal of the subject strikes us as ahistorical. It is as if he invites the reader to project himself into the urban jungle of Magnitogorsk and identify with the protagonists. Behind this empathie narrative lurks a presupposition of a transhistorical subject with a universal response to external challenges of any sort. Taking Kotkin's agenda to its logical conclusion, it should be possible to map out the worldview of the Stalinist subject. Private sources that have become available in recent years allow for insights into the system of values, attitudes, and emotional responses that characterized the Stalinist subject. In this connection, the liberal subject Kotkin at times falls back onto might make a good comparison, as long as we do not posit it as normative ».

 

Igal Halfin and Jochen Hellbeck, « Rethinking the Stalinist Subject: Stephen Kotkin's "Magnetic Mountain" and the State of Soviet Historical Studies », Jahrbücher für Geschichte Osteuropas, Neue Folge, 3 (1996), p. 456-463.

Inspiré par les travaux de Michel Foucault, Hellbeck a interrogé les journaux intimes comme des instruments de travail sur soi. Le soi « réflexif » lui semble central pour comprendre la formation de l’opinion publique en URSS : l’opinion populaire est beaucoup plus complexe que la simple réaction aux idées du pouvoir et aux événements, il faut la penser en lien avec des expériences de transformation personnelle. Pour les historiens des subjectivités, l’idéologie n’est pas tant imposée à la société que produite par elle – plutôt par les individus, d’ailleurs, que par les groupes (ce qui pose problème vis-à-vis de la théorie habermasienne où les discussions et les échanges d’opinion sont indispensables pour la formulation de l’opinion publique). L’idéologie ne préexiste pas au sujet : elle ne devient réelle qu’au travers d’actes d’appropriation individuelle. En ce sens, elle est constitutive de la subjectivité, et apparaît comme un vecteur d’inclusion sociale, un mode de penser et d’agir qui permet de faire partie de la société18.

Ces travaux sur les subjectivités ont permis de dépasser l’opposition entre État et société, comme de renouveler l’analyse des mécanismes de formation de l’opinion publique. En envisageant les personnes au croisement de leurs liens de communication verticaux (le rapport au discours officiel) et horizontaux (les correspondances interpersonnelles), Malte Griesse a par exemple montré comment les échanges épistolaires pouvaient devenir un lieu de fermentation de la critique19

Ce genre de réflexion est néanmoins à son tour critiqué en raison de son faible potentiel de généralisation : même si la société soviétique est définie comme graphomane20, ce type de travail sur soi à l’aide des journaux intimes, pendant l’entre-deux-guerres, est propre à une frange assez réduite de la société (jeunesses urbaines, individus en situation de la mobilité sociale ascendante ou victimes de la discrimination et de la stigmatisation)21. Les paysans dont les journaux intimes ont été trouvés ne travaillaient pas tous sur eux et pouvaient se limiter à noter la météo, sans se poser la question de leur insertion dans la société soviétique22. De plus, que faire de tous ceux qui n’ont pas communiqué par écrit au quotidien ? Si nous partons du principe, suivant les réflexions de Sandro Landi, que l’opinion peut s’exprimer aussi par le silence23, nous devons prendre en compte les comportements et les actes non verbalisés.

Sandro Landi, « Au delà de l'espace public. Habermas, Locke et le consentement tacite ».

 

« Habermas est le dernier grand philosophe allemand vivant. L’influence de ses théories dans le monde universitaire est inséparable de son autorité, acquise dans le domaine médiatique en tant que défenseur polémique de la modernité : c’est à ce titre qu’on l’a vu intervenir dans les débats sur la prolifération nucléaire, sur l’Holocauste, sur le « patriotisme constitutionnel », sur le rôle de la religion dans les sociétés post-sécularisées. Ce statut public explique sans doute en partie le caractère minoritaire et à contre-courant des voix qui, dans les dernières décennies, ont souligné les faiblesses de son modèle, notamment d’un point de vue philosophique et sociologique. L’opinion publique, conçue comme l’émanation d’un espace discursif, rationnel et critique, a fait ainsi l’objet d’une naturalisation, à tel point qu’il est devenu inhabituel de faire référence à des notions antérieures ou alternatives ou bien de se demander si cette puissante représentation de la réalité historique et sociale ne contribue pas à occulter d’autres réalités possibles.

Parmi les voix dissonantes, celle de la sociologue Elisabeth Noelle-Neumann est devenue aujourd’hui, pour les historiens de l’espace public, presque inaudible. Son livre le plus connu, Die Schweigespirale: Öffentliche Meinung. Unsere soziale Haut, publié en 1980 et rapidement traduit aux États-Unis, est une prise de position très nette contre une approche purement théorique des phénomènes d’opinion. Sous-entendue, l’intention polémique à l’égard d’Habermas – déjà objet de la critique de Noelle-Neumann dans un article paru en 1979 – est néanmoins évidente et motivée par un désaccord qui n’est qu’en partie de nature philosophique : en effet, la controverse qui a opposé ces deux chercheurs a parfois dépassé les limites du monde universitaire. Sans doute, le jugement sur les théories d’E. Noelle-Neumann est influencé par les soupçons qui pèsent sur son passé de collaboratrice du régime nazi. Cependant, Die Schweigespirale reste un livre intéressant qui essaie de combiner la technique des sondages d’opinion avec la relecture de certains textes classiques de la philosophie politique. Le but de cette méthode originale et contestable est de rechercher dans les observations des auteurs du passé les traces d’un phénomène mesurable à travers la pratique des sondages qu’E. Noelle-Neumann qualifie de « spirale du silence » ; l’un de ces auteurs est précisément John Locke. Le modèle de la « spirale du silence » donne lieu à une représentation de l’espace public renversée par rapport au modèle habermassien. En effet, dans la réalité étudiée par E. Noelle-Neumann, lorsque des individus faisant partie d’une communauté font un usage public de la parole, ils n’obéissent pas à une rationalité discursive inscrite dans la dimension de la sociabilité mais plutôt à la peur primordiale de l’isolement ; d’où cette défi nition apparemment paradoxale de l’opinion publique : « Public opinions are attitudes or behaviours one must express in public if one is not isolated oneself; in areas of controversy or change, public opinions are those attitudes one can express without running the danger of isolating oneself ». E. Noelle-Neumann postule donc un lien entre les opinions exprimées et celles inexprimées et, dans sa vision, la parole n’est réellement publique que quand elle est la manifestation d’un consentement silencieux. Le silence, plus que la parole, est ainsi constitutif de l’opinion publique ; une opinion publique silencieuse qui se situe au cœur des processus qui fondent le lien social et la subordination politique. Selon E. Noelle-Neumann, la découverte lockéenne de la law of opinion met en lumière l’identité oblitérée d’opinions et de comportements collectifs dans les dynamiques qui permettent à chaque communauté de s’identifier à certaines valeurs et de survivre dans le temps. E. Noelle-Neumann ne précise pas si la « spirale du silence » est seulement l’une des formes historiquement possibles de l’opinion publique, mais elle est persuadée que celle-ci correspond au visage de ce phénomène aperçu par des auteurs politiques, tels que Machiavel ou David Hume. Il s’agit d’une suggestion qui mérite d’être approfondie : que signifi e en effet étudier les opinions tacites d’un point de vue historique ? Et par ailleurs, avec quel degré d’exactitude l’usage historique du modèle habermassien permet-il de restituer des réalités dont témoignent certains acteurs du passé ? Pour tenter une réponse, il faut d’abord et encore analyser les conditions qui ont permis la réception des thèses d’Habermas dans le milieu historien. »

 

Sandro Landi, « Au delà de l'espace public. Habermas, Locke et le consentement tacite », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4 (2012), p. 7-32.

Par ailleurs, beaucoup de travaux évoqués jusqu’ici sont centrés sur l’entre-deux-guerres, or la seconde moitié du xxe siècle, caractérisée par l’inclusion des pays de l’Europe centrale et orientale dans la sphère d’influence de l’URSS, par les changements dans le discours officiel soviétique ainsi que par l’afflux de nouvelles ressources informatives et langagières (notamment via des stations de radio étrangères qui commencent à diffuser des émissions en russe sur le territoire de l’URSS et que le pouvoir n’arrive pas à brouiller complètement24) transforme les données du problème. Ces nouvelles ressources constituent en effet un terreau fertile pour la formation d’opinions critiques vis-à-vis du pouvoir en place, et rendent davantage possible la logique libérale du choix politique. Les chercheurs qui mobilisent le concept de sphère publique dans leurs travaux sur les sociétés du type soviétique s’efforcent de prendre en compte ces changements.

Une sphère publique bourgeoise dans les sociétés socialistes ?

L'histoire d’un malentendu

La réception de la théorie habermasienne de la sphère publique par les spécialistes de la société soviétique peut être vue comme un vaste malentendu. Alors que Habermas lui-même, dès l’avant-propos à L’Espace public, indique qu’il n’est pas possible de faire de la sphère publique telle qu’elle apparaît au cours du Haut Moyen Âge un idéal-type, et de l’appliquer ensuite à diverses réalités historiques, les spécialistes de l’Union soviétique considèrent précisément ce concept comme un idéal-type normatif anhistorique25. Dès lors, la plupart des recherches se donnent pour but de montrer les écarts entre la réalité historique et l’outil conceptuel forgé par le philosophe.

Cette lecture partielle ignore la distinction faite par Habermas entre les différents types de sphère publique : 1°) celle structurée par la représentation (Moyen Âge) ; 2°) la sphère publique bourgeoise libérale, étroitement liée aux pratiques de lecture et de sociabilité dans l’Europe des Lumières, et qui « renvoie à un public constitué par des personnes privées faisant usage de la raison » ; 3°) la sphère publique plébéienne, illettrée, dont l’avènement au xixe siècle est associé aux conséquences des révolutions bourgeoises ; 4°) la sphère publique plébiscitaire acclamative, post-littéraire (la loi de l’opinion y règne sans aucune discussion publique), propre aux sociétés du xxe siècle26. En dépit de cet effort de classification historique, les historiens travaillant sur l’URSS focalisent leur attention sur la seule sphère publique bourgeoise, qu’ils mettent à l’épreuve des matériaux empiriques soviétiques.

Pas plus qu’ils ne prennent en compte cette classification, ils ne s’intéressent à la dernière partie de l’ouvrage, consacrée au déclin de la sphère publique bourgeoise. Ils partent du présupposé qu’elle existe toujours dans les sociétés occidentales ou, au mieux, font des analyses diachroniques en appliquant le modèle de la sphère publique bourgeoise à la société soviétique – démarche d’autant plus étonnante qu’elle est le fait d’historiens qui ont précisément tendance à reprocher aux philosophes leurs réflexions abstraites, détachées des contextes sociaux et historiques locaux. Ces historiens ne réfléchissent pas à l’impact qu’a pu exercer sur Habermas l’environnement dans lequel il écrivait son livre, à savoir l’Allemagne d’après le nazisme, d’après la Seconde Guerre mondiale. Or cette situation peut expliquer son pessimisme vis-à-vis du faible potentiel critique de la sphère publique acclamative plébiscitaire. Ajoutons que si les historiens n’amputaient pas le livre d’Habermas de sa dernière partie, des réflexions sur la sphère publique acclamative plébiscitaire pourraient davantage se développer.

Dernier symptôme de ce malentendu enfin, explicite celui-là, les auteurs qui entendent démontrer que l'usage du concept de sphère publique est possible pour la société soviétique, prennent toutefois la précaution de dire que cette notion n'a aucune des caractéristiques de la sphère publique définie par Habermas. À tout le moins, l'utilisation du concept pose donc problème : aucune filiation intellectuelle n'est dressée entre la façon dont Habermas a défini ce concept et la manière dont la notion est utilisée dans l'historiographie des régimes du type soviétique ; aucune référence concurrente à Habermas n'apparait non plus dans ces recherches.

Une sphère publique « officielle » : l’obchtchestvennost’

Quoi qu’il en soit, ces travaux ont défini la sphère publique soviétique de deux façons, étroite ou large. Dans le cadre de la définition étroite, la sphère publique est assimilée au seul phénomène d’obchtchestvennost’ (désignant les activistes et les militants engagés pour le régime, qui sont censés représenter l'opinion publique « orthodoxe », c'est-à-dire confondue avec le discours officiel). Dans le deuxième cas, elle renvoie à une multitude des pratiques et à des espaces formels comme informels (niches de résistance y compris).

Lorsque la sphère publique est associée à l’obchtchestvennost’, on souligne d'emblée qu'il s'agit de la critique non pas du pouvoir mais pour le pouvoir, non pas du régime mais pour le régime. Telle était la raison d'être des sphères publiques créées par les gouvernements27 : la critique s’y trouvait limitée par les contours du discours officiel, qui fournissait les seuls et uniques outillages mentaux opératoires pour les acteurs. Étant à la fois les agents et les objets de ce discours officiel, les membres de la sphère publique ne pouvaient pas, à l’époque stalinienne, le mettre en doute28. Ce type de sphère publique paraît donc en rupture par rapport à la définition d'Habermas, selon laquelle « la sphère publique apparaît parfois comme étant simplement celle de l’opinion publique qui s’oppose directement au pouvoir ». On oublie par conséquent que, selon Habermas lui-même, lors de l’apparition de la sphère publique plébiscitaire acclamative au xxe siècle, « la force de son principe, la Publicité critique, perd toute son acuité. » Habermas résume ainsi la décomposition de la publicité : « elle pénètre les sphères toujours plus vastes de la société, mais perd du même coup sa fonction politique qui est de soumettre au contrôle d'un public faisant un usage critique de sa raison des états de choses rendus publics29 ».

A priori, les processus observables en Russie après l'arrivée des bolcheviks au pouvoir ont tous les signes de la sphère publique plébiscitaire acclamative : élections, référendums, audiences publiques, réunions des unions professionnelles et du parti, manifestations de rue, journaux, représentations théâtrales et débats scientifiques. On peut admettre que les bolcheviks avaient effectivement le projet de créer une sphère publique socialiste dotée d’une capacité d'intégration maximale et permettant à tout un chacun de participer aux débats publics, conçus comme le lieu d'expression de la volonté du peuple qui orienterait les choix politiques30. Les partisans de la définition étroite considèrent que Staline a su créer un nouveau type de sphère publique politique, fondée sur les formes de participation héritées du régime impérial, et lui permettant de contrôler, de modifier ou de détruire les relations sociales. L’obchtchestvennost’ serait devenu pour Staline un outil de manipulation des relations sociales31.

Dans les réunions régulières des activistes du Parti et des Jeunesses Communistes (considérées comme une sphère publique où la communication joue un rôle crucial), il s’agissait pour les activistes de s’exercer dans l’art de la rhétorique bolchevique, de faire de la critique de soi plutôt que de remettre en cause les fondements des politiques conduites par les autorités. La présence physique avait une importance capitale dans leur fonctionnement : donnant lieu à des communications de proximité (à la façon des communautés villageoises), la distanciation et la dépersonnalisation – traits typiques de la sphère publique de la démocratie libérale – n’y étaient pas possibles. Même les médias soviétiques ne permettaient pas de prise de distance : leurs messages aussi devaient être discutés publiquement lors des réunions de l’obchtchestvennost’. Les bolcheviks concevaient ces réunions comme des écoles de formation politique, d’appropriation d’une certaine culture politique qui s’exprimait entre autres dans des votes à main levée et dans le règlement des conflits en public.

L’obchtchestvennost’ serait un mécanisme panoptique du pouvoir, un relais de gouvernement, un instrument à l’aide duquel le pouvoir disciplinait le corps social. Lieux d’exercice d’un contrôle social horizontal, ils devaient transformer tout un chacun en constructeur conscient du communisme (et s’occuper notamment des déviants et des marginaux à certaines époques) en impliquant le plus grand nombre possible des Soviétiques dans ce qu’ils pensaient être la vie politique du pays : la discussion de l’actualité nationale et étrangère. L’obchtchestvennost’ devait ainsi assurer la cohésion sociale. Cependant la question de son rôle et de sa responsabilité exacte dans les répressions demeure un point de débats entre chercheurs. Pour les uns, les réunions permettaient aux autorités de mieux cerner les failles et les personnes potentiellement suspectes, qui devenaient ensuite victimes des répressions. Pour d’autres, la critique y étant dirigée avant tout à l’endroit des représentants des autorités locales, ceux-ci cherchaient plutôt à neutraliser l’obchtchestvennost’ en ritualisant au maximum ces réunions.

Ces dernières sont envisagées comme des performances, des actes performatifs qui décrivent la réalité et poussent à l’action. Se dire loyal au régime supposait de le prouver en acte : de participer à un subbotnik, de souscrire une obligation pour un emprunt d’État, de participer à la collectivisation, à la compétition socialiste, etc. Le public et les acteurs formaient un tout uni, les spectateurs non impliqués n’existaient pas. C’était des lieux où des concepts abstraits de la propagande étaient remplis de sens concret32.

Au-delà de l’obchtchestvennost’ : sphère publique et espaces publics

Le refus de cette définition étroite est lié à une approche historiographique qui ne se contente pas de réduire l'évolution du système soviétique aux processus politiques – autrement dit, à la seule partie visible de l'iceberg. Les partisans de la définition large de la sphère publique cherchent à y inclure toutes les manifestations du social, et raisonnent surtout en termes d’espaces publics.

Penser une sphère publique unique, se présentant sous la forme des réunions de l'obchtchestvennost', revient pour eux à supposer une domination et un contrôle absolu de cet espace par le pouvoir33Ils ne refusent pas pour autant le postulat de l'interventionnisme étatique dans toutes les sphères de la vie, et proposent d’inclure dans la sphère publique toutes les organisations sociales, toutes les institutions soutenues et investies par l'État, ainsi que tout lieu de rassemblement des individus autorisé par le pouvoir (parcs, magasins, théâtres, salles de cinéma ou encore bains publics par exemple). D'après les chercheurs, ces espaces publics étaient des amplificateurs du message du pouvoir, des laboratoires dans lesquels ce message était intériorisé, des espaces de socialisation où l’on acquérait aussi des compétences spécifiques. L'accent est toujours placé sur la coprésence physique des individus dans des endroits publics – d'où la préférence de ces historiens pour l’expression « espace public » plutôt que « sphère publique ».

On constate ainsi une confusion entre lieux publics concrets et sphère publique abstraite. Cette forte dimension spatiale dans cette définition de l’espace public s’est imposée en France, peut-être en raison de choix opérés de la traduction d’Habermas : chez Habermas, le terme qui a été traduit en français par « Publicité » s’incarne dans les lieux publics mais ne s’y réduit pas. Cependant, même les historiens allemands spécialistes de l’URSS réitèrent cette dimension spatiale dans leur définition de l’espace public socialiste. Cette accentuation de la dimension spatiale et de la coprésence physique des individus se fait au détriment de l’attention pour les communications, pour l'usage de la raison dans la critique du pouvoir. Mettre en avant ce dernier aspect aurait amené à s'intéresser avant tout aux niches de résistance (dissidents ou croyants, par exemple). Comme ces niches étaient minoritaires, on considère qu'elles ne pouvaient pas être les seules formes de l'espace public dans les régimes du type soviétique. Dans le cadre de cette définition large de la sphère publique, il s'agit d'explorer ce qui se passe dans les confins du régime, qui n'étaient pas censés offrir une autonomie et une liberté aux individus.

Ces espaces publics multiples n'étaient pas nécessairement des lieux d'engagement aveugle dans les projets du régime, ni des niches de résistance (même si les autorités pouvaient les voir en tant que telles, accuser leurs membres du sabotage et procéder à des répressions). Les mêmes individus pouvaient appartenir à la fois à plusieurs espaces publics sans être conscients de ces multiples appartenances34. Cela pouvait être des réseaux de solidarité du personnel d'une haute administration, des paysans membres d'un kolkhoze ou encore des croyants unis par une même foi. Toute la sphère de l'informel correspond à ces divers espaces publics, analysés, en s’inspirant de Michel de Certeau, en termes de ruses du quotidien35Il s’y déployait des tactiques d'accommodation aux exigences et aux conditions du régimes, de stratégies de contournement des règles imposées d'en haut. Ils donnaient aussi lieu à l’invention de règles alternatives. La critique ouverte, propre à la sphère publique bourgeoise, se trouve donc remplacée par des pratiques sociales ne remettant pas en cause les décisions politiques et les dispositifs en vigueur, mais assurant au contraire la pérennité et la stabilité du régime. La pratique des échanges de services et de faveurs, qui s'alimente dans les fonds publics, renforce les liens sociaux au sein des clans et des réseaux.

Cette définition de l'espace public s'éloigne d'autant plus d'Habermas qu'elle s'approche de ce que John Locke a appelé « la loi de l'opinion ». En effet, la discussion n’est pas une condition obligatoire de la formation de ces espaces publics alors que pour Habermas, l’opinion publique ne peut pas provenir du consentement tacite sans usage de la parole et de la raison. La « loi de l’opinion » de Locke est donc qualifiée par Habermas de non publique, car c’est une affaire des personnes privées qui se sentent guidées par la morale et les valeurs communément admises dans leur société36.

Des sphères publiques soviétiques

Les réflexions portant sur la période poststalinienne envisagent encore différemment la sphère publique soviétique. D’après Alexei Yurchak, nous assistons alors à une formalisation extrême du discours officiel : ce dernier perd ses signifiants en gardant seulement la dimension performative qui amène à une extrême ritualisation des manifestations publiques, de toutes ces réunions d’obchtchestvennost’. L’importance de cette sphère publique officielle diminue considérablement. En revanche, la campagne de la construction massive de logement, lancée sous Khrouchtchev en 1957, s’est traduite par une autonomisation croissante de la sphère privée : les communications dans les cuisines des appartements individuels et dans des cafés sont devenus de nouveaux lieux de socialisation, où l’on discutait de la littérature autorisée et surtout de celle interdite par la censure (le fameux samizdat), et où la critique à l'égard du régime devenait de plus en plus forte (sans être pour autant systématique).

Aleksandr Laktionov, Moving into a New Flat (1952) 

Aleksander Laktionov, L'Aménagement dans un nouvel appartement (1952) 

Les appartements communautaires rendaient le privé public ; les appartements individuels, par les discussions dans les cuisines, ont fait rentrer le public dans le privé. L'écoute des radios étrangères offrait en outre des outillages mentaux ou des références différents de ceux du discours officiel. Les possibilités d’user de la raison pour élaborer une critique du pouvoir en place vont alors croissant. En témoignaient les partis clandestins fondés par des étudiants, ou le collage d’affiches et la distribution de tracts subversifs dans les boîtes aux lettres. La dissidence est apparue dans ce contexte et doit être prise en compte par la réflexion sur les formes de la sphère publique soviétique : le Dégel l’a transformée de manière significative. Cette transformation n'exclut toutefois pas la présence d’éléments de la sphère publique plébiscitaire acclamative, laquelle s'appuyait notamment sur le développement des médias qui assuraient l'intégration de tous dans une sphère publique élargie37.

En systématisant ces travaux et en nous référant à la dernière partie de l’ouvrage d’Habermas, consacré au déclin de la sphère publique bourgeoise, il est possible de distinguer trois types de sphère publique dans les sociétés socialistes. D’abord, une sphère publique plébiscitaire acclamative, qui serait purement officielle, correspondant à la notion soviétique d'obshchestvennost'. Dans celle-ci, la critique se faisait pour le régime et non pas contre lui. Ensuite, une sphère publique semi-contrôlée qui procurait une possibilité de déjouer le contrôle grâce aux cadres officiels qui assuraient son existence38 : ce sont ces sphères semi-contrôlées qui ont garanti la pérennité du régime. Elles étaient le lieu d’une critique déguisée, utilisant un langage codé où régnaient l'implicite et des références accessibles aux seuls initiés. Enfin, troisième et dernier type de sphère publique, les niches opposées au pouvoir, dans lesquelles se développait une critique non déguisée – d’où le statut clandestin des groupes39.

Ainsi, il est possible d’observer dans les sociétés du type soviétique, non pas seulement une sphère publique acclamative, mais une variété des sphères publiques –  car une marge de manœuvre existait pour la critique. La reconnaissance de cette marge de manœuvre, et la prise en compte de la perte progressive de la capacité critique dans toutes les sphères publiques des sociétés industrialisées à partir du xixe siècle, permet d’ailleurs de relativiser l'exceptionnalité de la sphère publique socialiste. Une « sphère sociale » – ni publique ni privée – constitue en somme une forme commune de modernité pour les États sociaux interventionnistes du xxe siècle40.

Des lieux communs du socialisme

Il semble important, en dernier lieu, d’interroger l’impératif de publicité comme une clé de lecture du concept de sphère publique. D’après Antoine Lilti, l’idée de publicité, pensée comme l’exigence d’un usage critique de la raison, serait « entièrement fondée sur un idéal politique, celui de la délibération publique qu’elle projette sur l’âge d’or des Lumières pour mieux critiquer tout ce qui, dans notre monde contemporain, s’en éloigne. » En idéalisant le xviiie siècle, cette conceptualisation de la publicité nous conduit sur une fausse piste pour penser le public. Par son étude de la célébrité, Antoine Lilti a montré que le public « n’est pas seulement une instance de jugement littéraire, artistique ou politique ; il est plutôt un ensemble de lecteurs anonymes qui ont en commun de lire les mêmes livres et, de plus en plus au xviiie siècle, les mêmes journaux. Le public n’est pas constitué par l’échange d’arguments rationnels, mais par le partage des mêmes curiosités et des mêmes croyances, par le fait de s’intéresser aux mêmes choses au même moment et par la conscience de cette simultanéité »41.

Ce déplacement conceptuel est décisif pour dépasser la dichotomie entre le privé et le public, qui pose problème dans le cas des pays socialistes. Le public pensé de cette manière devient une instance qui peut exercer une critique collective (pour ou contre le régime), mais aussi un ressort de la culture de masse. La conscience des individus de constituer un public, c’est-à-dire de s’intéresser à la même chose au même moment, crée des effets d’imitation et une possibilité de s’influencer à distance. Le rôle des médias, par-là, devient central.

Or le changement de régime, en octobre 1917, s’est accompagné d’une révolution des communications, qui s’exprime en premier lieu par la diffusion de la presse à travers tout le pays, et plus tard par la radiodiffusion et la télévision. Pour les bolcheviks il est crucial, notamment pour leur objectif d’éducation politique des masses, d’offrir à tous les habitants du pays un accès au discours officiel. Plusieurs mécanismes différents ont été utilisés à cette fin, à commencer par la fixation de tarifs extrêmement bas pour les journaux : à la fin des années 1920, ces tarifs sont quatre fois inférieurs aux prix d’avant-guerre (pour des volumes deux fois et demi supérieurs)42.

Malgré cette politique tarifaire, coûteuse pour l’État, il demeure difficile, durant la première moitié du xxe siècle, de couvrir l’ensemble du territoire par des réseaux de communication homogènes. En 1947, 65% de la population soviétique habite en milieu rural, et possède moins de 20% des équipements radio. Certains kolkhozes n’ont pas le moindre haut-parleur. De la même façon, la majorité des villages se trouve à plus de dix kilomètres des bureaux de poste, ce qui complique la livraison de journaux. Même si les éducateurs politiques font leur travail, le discours du pouvoir n’est pas omniprésent dans un milieu rural où perdure, au moins jusqu’à la fin de l’époque stalinienne, une solidarité mécanique.

The Front Page of the newspaper Pravda, 12 April 1961.
The Front Page of the newspaper Moskovskaia Pravda, 12 April 1961.
The Front Page of the newspaper Komsomolskaia Pravda, 12 April 1961.

La Une du journal Pravda, Moskovskaia Pravda et Komsomolskaia Pravda du 12 avril 1961.

The Double Page of the newspaper Moskovskaia Pravda, 12 April 1961.

La double page du journal Moskovskaia Pravda du 12 avril 1961.

En revanche, à partir des années 1950, des dynamiques assez fortes de constitution des publics par les médias se font jour, avec le passage à la radiodiffusion sans fil, le début de la diffusion des radios étrangères en URSS, l’apparition des transistors puis de la télévision. Cette diversification de l’offre permettait de faire le choix des programmes à écouter et à regarder. En 1970, la radio est entrée dans tous les foyers soviétiques – on compte alors 95 millions de postes dans le pays. Si, en 1950, on recense un poste de télévision pour douze mille habitants, cette proportion atteint un pour quinze habitants en 1970, et un pour quatre en 1980. Parallèlement, l’urbanisation permet à des citadins toujours plus nombreux d’accéder à la culture de masse médiatisée43. Le développement d’une telle culture est étroitement lié aux mécanismes de création des célébrités. Les médias socialistes en maîtrisent parfaitement les ressorts – il suffit de penser aux campagnes médiatiques autour d’Alexei Stakhanov, de Iouri Gagarine et d’autres cosmonautes. La communication au travers des célébrités est au cœur de la culture médiatique dans les pays socialistes.

La grammaire des lieux communs et la sociologie des régimes d’engagements conceptualisée par Laurent Thévenot permettent de mieux comprendre comment les individus pouvaient s’entendre dans le différend. Les lieux communs ne sont pas des évidences et surtout pas des clichés, mais des objets intermédiaires – des figures de héros attachants, des objets chargés d'émotion, des scènes emblématiques de littérature, poésie ou cinéma – auxquels on peut se référer, de manière différente selon ses affinités personnelles44. Les célébrités constituent de tels lieux communs auxquels on peut être attachés par des affinités personnelles dans le différend : elles ne sont jamais exposées à une discussion critique ni remises en question. De fait, le succès de la propagande soviétique de la première moitié des années 1930, analysé par David Brandenberger, est étroitement lié à l’abandon du discours abstrait sur les forces sociales anonymes et à sa substitution par des figures de « héros ordinaires » (stakhanovistes, aviateurs, etc.), dans la littérature comme dans les films45L’engagement de tous avec ces lieux communs, qu’il est possible d’investir individuellement, donne un caractère personnel et émouvant à la communication. Ce prisme théorique aide ainsi à résoudre la dichotomie entre soutien et opposition. Afin de comprendre la diversité des opinions chez une seule et même personne, il faut penser en termes d’engagements situés, ce qui permet d’éviter les jugements sur la duplicité supposée des individus.

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1

Jürgen Habermas, L’Espace public. Archéologie de la Publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (trad. Marc B. de Launay), Paris, Payot, 1978 (éd. orig. Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Auflage, Berlin, Neuwied, 1962), p. 14.

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2

Michel Christian, Sandrine Kott, “Introduction. Sphère publique et sphère privée dans les sociétés socialistes. La mise à l’épreuve d’une dichotomie”, Histoire@politique, n° 7/1, 2009, p. 1-12.

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3

Gabor T. Rittersporn, Jan C. Behrends, Malte Rolf, “Exploring Public Spheres in Regimes of the Soviet Type. A possible Approach (Introduction)”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankgurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 23-35, ici p. 23.

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4

Michel Christian, Sandrine Kott, “Introduction. Sphère publique et sphère privée dans les sociétés socialistes. La mise à l’épreuve d’une dichotomie”, Histoire@politique, n° 7/1, 2009, p. 6.

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5

Gabor T. Rittersporn, Malte Rolf, Jan C. Behrends, “Open Spaces and Public Realm. Thoughts on the Public Sphere in Soviet-Type Systems”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 423-452, ici p. 446.

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6

Katerina Gerasimova, “Public Spaces in the Communal Apartment”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 165-193 ; Gabor T. Rittersporn, Malte Rolf, Jan C. Behrends, “Open Spaces and Public Realm. Thoughts on the Public Sphere in Soviet-Type Systems”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 439.

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7

Alex Inkeles, L’Opinion publique en Russie soviétique. Une étude sur la persuasion des masses, Paris, Les Îles d’Or, 1956, p. 7 (éd. orig. Public Opinion in Soviet Russia. A Study in Mass Persuasion, Harvard, Harvard University Press, 1950).

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8

Voir, par exemple : Alex Inkeles, L’Opinion publique en Russie soviétique. Une étude sur la persuasion des masses, Paris, Les Îles d’Or, 1956 ; Peter Kenez, The Birth of the Propaganda State. Soviet Methods of Mass Mobilization, 1917-1929, Cambridge, Cambridge University Press, 1985. Tous deux sont commentés par Jan Plamper : “Beyond Binaries : Popular Opinion in Stalinism”, in P. Corner (dir.), Popular Opinion in Totalitarian Regimes. Fascism, Nazism, Communism, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 64-80, ici p. 65.

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9

Peter Kenez, The Birth of the Propaganda State. Soviet Methods of Mass Mobilization, 1917-1929, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.

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10

Vera Dunham, In Stalin Times. Middleclass Values in Soviet Fiction, Cambridge, Cambridge University Press, 1979 ; Sheila Fitzpatrick, Education and Social Mobility in the Soviet Union, 1921–1932, Cambridge, Cambridge University Press, 1979 ; Sheila Fitzpatrick, Tear off the Masks! Identity and Imposture in Twentieth-Century Russia, Princeton, Princeton University Press, 2005.

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11

Sarah Davies, Popular Opinion in Stalin’s Russia. Terror, propaganda and dissent, 1934-1941, Cambridge, Cambridge University Press, 1997 ; voir aussi un ouvrage récent qui se tient à la même ligne interprétative : Gabor Rittesporn, Anguish, Anger and Folkways in Soviet Russia, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 2014.

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12

Timothy Johnston, Being Soviet. Identity, Rumour, and Everyday Life Under Stalin, Oxford, Oxford University Press, 2011 ; Igor Narskij et al. (dir.), Sluhi v istorii Rossii xix-xx vekov. Neformal’naja kommunikacija i krutye povoroty rossijskoj istorii, Tcheljabinsk, Kamennyj pojas, 2011.

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13

Peter Holquist, “Anti-Soviet Svodki from the Civil War : Surveillance as a Shared Feature of Russian Political Culture”, Russian Review, n° 3/56, 1997, p. 445-450 ; Peter Holquist, “‘Information Is the Alpha and Omega of Our Work’: Bolshevik Surveillance in Its Pan-European Context”, The Journal of Modern History, n° 3/69, 1997, p. 415-450 ; Lesley Rimmel, “Svodki and Popular Opinion in Stalinist Leningrad”, Cahiers du monde russe, t. 40, n° 1-2, 1999, p. 217-234 ; Jochen Hellbeck, “Liberation from Autonomy : Mapping Self-Understanding in Stalin’s Time”, in P. Corner (dir.), Popular Opinion in Totalitarian Regimes. Fascism, Nazism, Communism, Oxford-New York, Oxford University Press, 2009, p. 49-63, ici p. 51-53 ; Alain Blum, Yuri Shapoval, Faux coupables. Surveillance, aveux et procès en Ukraine soviétique (1924-1934), Paris, CNRS Éditions, 2012.

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14

Stephen Kotkin, Magnetic Mountain. Stalinism as a Civilization, Berkeley, University of California Press, 1995.

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15

Sheila Fitzpatrick, “Supplicants and Citizens : Public Letter-Writing in Soviet Russia in the 1930s”, Slavic Review, n° 55/1, 1996, p. 78-105 ; Matthew E. Lenoe, “Letter-Writing and the State : Reader Correspondence with Newspapers as a Source for Early Soviet History”, Cahiers du monde russe, t. 40, n° 1-2, 1999, p. 139-170 ; François-Xavier Nérard, Cinq pour cent de vérité. La dénonciation dans l’URSS de Staline, 1928-1941, Paris, Tallandier, 2004 ; Rósa Magnúsdóttir, “‘Be Careful in America, Premier Khrushchev!’ Soviet perceptions of peaceful coexistence with the United States in 1959”, Cahiers du monde russe, t. 47, n° 1, 2006, p. 109-130 ; Miriam Dobson, Khrushchev’s Cold Summer. Gulag Returneers, Crime, and the Fate of Reform after Stalin, Ithaca, Cornell University Press, 2009, p. 11. Des recueils de documents d’archives russes, Pis’ma vo vlast’, ont également été publiés en plusieurs volumes.

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16

Igal Halfin, Jochen Hellbeck, “Rethinking the Stalinist Subject: Stephen Kotkin’s ‘Magnetic Mountain’ and the State of Soviet Historical Studies”, Jahrbücher für Geschichte Osteuropas, n° 44, 1996, p. 456-463.

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17

Jochen Hellbeck, Revolution on My Mind. Writing a Diary Under Stalin, Cambridge, Harvard University Press, 2006.

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18

Jochen Hellbeck, “Liberation from Autonomy : Mapping Self-Understanding in Stalin’s Time”, in P. Corner (dir.), Popular Opinion in Totalitarian Regimes. Fascism, Nazism, Communism, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 49-63, ici p. 50-53.

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19

Malte Griesse, Communiquer, juger et agir sous Staline. La personne prise entre ses liens avec les proches et son rapport au système politico-idéologique, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2011.

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20

Svetlana Boym, Common places. Mythologies of Everyday Life in Russia, Cambridge, Harvard University Press, 1994, p. 200-205 ; Sheila Fitzpatrick, “Supplicants and Citizens : Public Letter-Writing in Soviet Russia in the 1930s”, Slavic Review, n° 55/1, 1996, p. 78-105.

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21

Golfo Alexopoulos, Stalin’s Outcasts. Aliens, Citizens, and the Soviet State, 1926-1936, Ithaca, Cornell University Press, 2003.

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22

Véronique Garros, Natalia Korenevskaya, Thomas Lahusen (dir.), Intimacy and Terror. Soviet Diaries of the 1930s, New York, The New Press, 1995.

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23

Sandro Landi, “Au-delà de l'espace public. Habermas, Locke et le consentement tacite”, Revue d'histoire moderne et contemporaine, n°59/4, 2012, p. 7-32.

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24

Alexei Yurchak, Everything Was Forever, Until It Was No More. The Last Soviet Generation, Princeton, Princeton University Press, 2005.

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25

Gabor Rittersporn, “Reflexes, Folkways, Networks: Social Spaces in the Pre-war USSR”, in Ph. R. Bullock, A. Byford, C. Nun-Ingerflom, I. Ohayon, M. Rubins, A. Winestein (dir.), Loyalties, Solidarities and Identities in Russian Society. History and Culture, Londres, University College London. School of Slavonic and East European Studies, 2013, p. 125-139.

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26

Jürgen Habermas, L’Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (trad. Marc B. de Launay), Paris, Payot, 1978, p. 9-11.

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27

Gabor T. Rittersporn, Jan C. Behrends, Malte Rolf, “Exploring Public Spheres in Regimes of the Soviet Type. A possible Approach (Introduction)”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 27.

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28

Gabor Rittersporn, “Reflexes, Folkways, Networks: Social Spaces in the Pre-war USSR”, in Ph. R. Bullock, A. Byford, C. Nun-Ingerflom, I. Ohayon, M. Rubins, A. Winestein (dir.), Loyalties, Solidarities and Identities in Russian Society. History and Culture, Londres, University College London. School of Slavonic and East European Studies, 2013, p. 125-139.

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29

Jürgen Habermas, L’Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (trad. Marc B. de Launay), Paris, Payot, 1978, p. 48.

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30

Gabor Rittersporn, “Reflexes, Folkways, Networks: Social Spaces in the Pre-war USSR”, in Ph. R. Bullock, A. Byford, C. Nun-Ingerflom, I. Ohayon, M. Rubins, A. Winestein (dir.), Loyalties, Solidarities and Identities in Russian Society. History and Culture, Londres, University College London. School of Slavonic and East European Studies, 2013, p. 125-139.

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31

Lorenz Erren, “Stalinist Rule and Its Communication Practices. An Overview”, in K. Postoutenko (dir.), Totalitarian Communication. Hierarchies, Codes and Messages, Bielefeld, Transcript Verlag, 2010, p. 43-65.

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32

Pour tous ces points, voir : Lorenz Erren, “Stalinist Rule and Its Communication Practices. An Overview”, in K. Postoutenko (dir.), Totalitarian Communication. Hierarchies, Codes and Messages, Bielefeld, Transcript Verlag, 2010, en particulier p. 44-45, 55, 48.

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33

À ce sujet, voir : Gabor T. Rittersporn, Jan C. Behrends, Malte Rolf, “Exploring Public Spheres in Regimes of the Soviet Type. A possible Approach (Introduction)”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 24-31 en particulier.

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34

Gabor Rittersporn, “Reflexes, Folkways, Networks: Social Spaces in the Pre-war USSR”, in Ph. R. Bullock, A. Byford, C. Nun-Ingerflom, I. Ohayon, M. Rubins, A. Winestein (dir.), Loyalties, Solidarities and Identities in Russian Society. History and Culture, Londres, University College London. School of Slavonic and East European Studies, 2013, p. 125-139.

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35

Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990 ; Sheila Fitzpatrick, Le Stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30 (trad. F.-X. Nérard), Paris, Flammarion, 2002 (éd. orig. Everyday Stalinism. Ordinary Life in Extraordinary Times, Soviet Russia in the 1930s, Oxford, Oxford University Press, 1999) ; David Crowley, Susan E. Reid (dir.), Socialist Spaces. Sites of Everyday Life in the Eastern Bloc, Oxford, Berg, 2002 ; Nadège Ragaru, Antonela Capelle-Pogacean (dir.), Vie quotidienne et pouvoir sous le communisme. Consommer à l’Est, Paris, Karthala, 2010 ; Larissa Zakharova, S’habiller à la soviétique. La mode et le Dégel en URSS, Paris, CNRS Éditions, 2011 ; Larissa Zakharova, “Le quotidien du communisme : pratiques et objets”, Annales. Histoire, Sciences Sociales, 68e année, n° 2, 2013, p. 305-314.

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36

Sandro Landi, “Au-delà de l'espace public. Habermas, Locke et le consentement tacite”, Revue d'histoire moderne et contemporaine, n° 59/4, 2012, p. 7-32.

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37

Alexei Yurchak, Everything Was Forever, Until It Was No More. The Last Soviet Generation, Princeton, Princeton University Press, 2005 ; Katerina Gerasimova, “Public Spaces in the Communal Apartment”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 165-193 ; Vladimir A. Kozlov, Massovye besporiadki v SSSR pri Khrouchtcheve i Brejneve, Novosibirsk, Sibirski khronograf, 1999 ; Gabor T. Rittersporn, Malte Rolf, Jan C. Behrends, “Open Spaces and Public Realm. Thoughts on the Public Sphere in Soviet-Type Systems”, in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 448.

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38

Bella Ostromoukhova, Jouer et déjouer. Construction sociale d’une jeunesse active à travers le théâtre amateur des étudiants soviétiques. 1953-1975, Paris, thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales, 2011 ; Anna Zaytseva, “La légitimation du rock en URSS dans les années 1970-1980”, Cahiers du monde russe, t. 48, n°4, 2008, p. 651-680.

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39

Ici il convient de citer toute l’historiographie de la dissidence. Pour son versant politique, voir par exemple, Cécile Vaissié, Pour notre liberté et pour la vôtre. Le combat des dissidents de Russie, Paris, Plon, 1999. Pour la dissidence religieuse, voir par exemple : Sergei Zhuk, Rock and Roll in the Rocket City. The West, Identity, and Ideology in Soviet Dniepropetrovsk, 1960-1985, Baltimore, MD, the Johns Hopkins University Press & Washington, D.C., Woodrow Wilson Center Press, 2010.

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40

Michel Christian, Sandrine Kott, “Introduction. Sphère publique et sphère privée dans les sociétés socialistes. La mise à l’épreuve d’une dichotomie”, Histoire@politique, n° 7/1, 2009, p. 6.

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41

Antoine Lilti, Figures publiques. L’invention de la célébrité. 1750-1850, Paris, Fayard, 2014, p. 17.

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42

Larissa Zakharova, “Concevoir l’efficacité des communications en Union soviétique (fin des années 1920-début des années 1930)”, Histoire et mesure, t. XXX, n° 1, 2015, p. 69-102.

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43

Kristin Roth-Ey, Moscow Prime Time. How the Soviet Union Built the Media Empire That Lost the Cultural Cold War, Ithaca, Cornell University Press, 2011 ; Stephen Lovell, “How Russia Learned to Listen : Radio and the Making of Soviet Culture”, Kritika : Explorations in Russian and Eurasian History, n° 3/12, 2011, p. 591-615 ; Olaf Mertelsmann (dir.), Central and Eastern European Media Under Dictatorial Rule and in the Early Cold War, Frankfurt am Main, Peter Lang, Tartu Historical Studies, vol. 1, 2011.

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44

Laurent Thévenot, “Voicing concern and difference: from public spaces to common-places”, European Journal of Cultural and Political Sociology, n° 1/1, 2014, p. 7-34 ; Laurent Thévenot, L’Action au pluriel. Sociologie des régimes d’engagement, Paris, La Découverte, 2006.

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45

David Brandenberger, Propaganda State in Crisis. Soviet Ideology, Indoctrination, and Terror Under Stalin, 1927-1941, New Haven, Yale University Press, 2011.

Golfo Alexopoulos, Stalin’s Outcasts. Aliens, Citizens, and the Soviet State, 1926-1936, Ithaca, Cornell University Press, 2003.

Alain Blum, Yuri Shapoval, Faux coupables. Surveillance, aveux et procès en Ukraine soviétique (1924-1934), Paris, CNRS Éditions, 2012.

Svetlana Boym, Common Places. Mythologies of Everyday Life in Russia, Cambridge, Harvard University Press, 1994.

David Brandenberger, Propaganda State in Crisis. Soviet Ideology, Indoctrination, and Terror Under Stalin, 1927-1941, New Haven, Yale University Press, 2011.

Michel de Certeau, L’Invention du quotidien. I. Arts de faire, Paris, Gallimard, 1990.

Michel Christian, Sandrine Kott, « Introduction. Sphère publique et sphère privée dans les sociétés socialistes. La mise à l’épreuve d’une dichotomie », Histoire@politique, n° 7/1, 2009, p. 1-12.

David Crowley, Susan E. Reid (dir.), Socialist Spaces. Sites of Everyday Life in the Eastern Bloc, Oxford, Berg, 2002.

Sarah Davies, Popular Opinion in Stalin’s Russia. Terror, propaganda and dissent, 1934-1941, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

Miriam Dobson, Khrushchev’s Cold Summer. Gulag Returneers, Crime, and the Fate of Reform after Stalin, Ithaca, Cornell University Press, 2009.

Vera Dunham, In Stalin Times. Middleclass Values in Soviet Fiction, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.

Lorenz Erren, « Stalinist Rule and Its Communication Practices. An Overview », in K. Postoutenko (dir.), Totalitarian Communication. Hierarchies, Codes and Messages, Bielefeld, Transcript Verlag, 2010, p. 43-65.

Sheila Fitzpatrick, Education and Social Mobility in the Soviet Union, 1921–1932, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.

Sheila Fitzpatrick, « Supplicants and Citizens : Public Letter-Writing in Soviet Russia in the 1930s », Slavic Review, n° 55/1, 1996, p. 78-105.

Sheila Fitzpatrick, Le Stalinisme au quotidien. La Russie soviétique dans les années 30 (trad. F.-X. Nérard), Paris, Flammarion, 2002 (éd. orig. Everyday Stalinism. Ordinary Life in Extraordinary Times, Soviet Russia in the 1930s, Oxford, Oxford University Press, 1999).

Sheila Fitzpatrick, Tear off the Masks! Identity and Imposture in Twentieth-Century Russia, Princeton, Princeton University Press, 2005.

Véronique Garros, Natalia Korenevskaya, Thomas Lahusen (dir.), Intimacy and Terror. Soviet Diaries of the 1930s, New York, The New Press, 1995.

Katerina Gerasimova, « Public Spaces in the Communal Apartment », in G. T. Rittersporn, M. Rolf, J. C. Behrends (dir.), Sphären von Öffentlichkeit in Gesellschaften sowjetischen Typs/ Public Spheres in Soviet-type Societies, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2003, p. 165-193.

Malte Griesse, Communiquer, juger et agir sous Staline. La personne prise entre ses liens avec les proches et son rapport au système politico-idéologique, Frankfurt am Main, Peter Lang, 2011.

Jürgen Habermas, L’Espace public. Archéologie de la Publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (trad. Marc B. de Launay), Paris, Payot, 1978 (éd. orig. Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Auflage, Berlin, Neuwied, 1962).

Igal Halfin, Jochen Hellbeck, « Rethinking the Stalinist Subject: Stephen Kotkin’s “Magnetic Mountain” and the State of Soviet Historical Studies », Jahrbücher für Geschichte Osteuropas, vol. 44, n° 3, 1996, p. 456-463.

Jochen Hellbeck, Revolution on My Mind. Writing a Diary Under Stalin, Cambridge, Harvard University Press, 2006.

Jochen Hellbeck, « Liberation from Autonomy : Mapping Self-Understanding in Stalin’s Time », in P. Corner (dir.), Popular Opinion in Totalitarian Regimes. Fascism, Nazism, Communism, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 49-63.

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Peter Holquist, « “Information Is the Alpha and Omega of Our Work”: Bolshevik Surveillance in Its Pan-European Context », The Journal of Modern History, n° 3/69, 1997, p. 415-450.

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Rósa Magnúsdóttir, « “Be Careful in America, Premier Khrushchev!” Soviet perceptions of peaceful coexistence with the United States in 1959 », Cahiers du monde russe, t. 47, n° 1, 2006, p. 109-130.

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Nadège Ragaru, Antonela Capelle-Pogacean (dir.), Vie quotidienne et pouvoir sous le communisme. Consommer à l’Est, Paris, Karthala, 2010.

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Anna Zaytseva, « La légitimation du rock en URSS dans les années 1970-1980 », Cahiers du monde russe, t. 48, n°4, 2008, p. 651-680.

Sergei Zhuk, Rock and Roll in the Rocket City. The West, Identity, and Ideology in Soviet Dniepropetrovsk, 1960-1985, Baltimore, MD, The Johns Hopkins University Press & Washington, D.C., Woodrow Wilson Center Press, 2010.