L’École des hautes études en sciences sociales a cinquante ans. C’est un fait : un décret du Premier ministre la crée le 23 janvier 1975. Mais ce fait résiste-t-il longtemps à l’examen ? A-t-elle bien cinquante ans, si l’on considère qu’une évolution progressive conduit la VIe Section de l’École pratique des hautes études créée par un très bref décret du 3 novembre 1947 et présidée par Lucien Febvre vers sa transformation en EHESS à partir de projets lancés par Fernand Braudel, bientôt son second président ? Et pouvons-nous parler de la seule EHESS, alors que, dès 1975, son destin est étroitement lié à celui de la Fondation maison des sciences de l’homme, créée en 1963 à l’initiative de Fernand Braudel – une Maison dont l’édifice d’acier et de verre du 54 boulevard Raspail conçu par le cabinet d’architectes dirigé par Marcel Lods a été édifié de 1967 à 1969 ? Alors que le Centre national de la recherche scientifique est présent dès cette date et le sera toujours davantage dans la suite ? On pourrait aussi remonter plus loin dans le temps, à décembre 1929, quand Marcel Mauss avait soumis à la Fondation Rockefeller le projet d’un Institut de recherches des sciences sociales à Paris.
La date, fétiche peut-être, de 1975 reste cependant l’occasion, ne serait-ce que par ces questions, de tenter de faire l’histoire, insuffisamment connue aujourd’hui, d’une institution scientifique – en pesant à balance égale les deux termes – dont les archives, déjà utilisées par différents chercheurs mais qui ne cessent de s’enrichir, permettent de reconstruire la longue durée, les multiples visages des femmes et hommes qui y oeuvrent et la mobilité perpétuelle, aussi bien dans ses diverses implantations que dans l’évolution de ses modes d’organisation et le dynamisme de son rayonnement international.
Un ensemble d’articles en forme d’entretiens ou de textes, tous fondés sur la découverte de pièces d’archives inédites et leur analyse par des acteurs et témoins de la vie de l’École, sera présenté ici au fil des mois et jusqu’à l’automne 2025. Ces contributions sont proposées en étroite coopération avec Patrick Fridenson, directeur d’études à l’EHESS, et un comité éditorial représentatif de la diversité de l’École.
Les premiers articles ouvrent une réflexion sur « l’École avant l’École », en compagnie de Roger Chartier et de Jacques Revel. Cette réflexion sera prolongée par un retour de Tiphaine Samoyault sur le rôle de Roland Barthes, membre du bureau de la VIe section de l’École pratique de 1972 à 1975, et par d’autres articles consacrés, notamment, au développement de la coopération avec le CNRS et aux activités de recherche et d’enseignement communes aux personnels des deux institutions.
À l’horizon de cet essai d’histoire, qui ne sera pas une ego-histoire, une hypothèse : l’héritage multiple de l’EHESS est peut-être la meilleure carte qu’elle puisse jouer aujourd’hui dans un nouvel espace multiple, le Campus Condorcet.
Atelier coordonné par Pierre-Antoine Fabre
