De la photographie à l’icône
Les peintures de la grotte de Lascaux, Guernica de Picasso, la photographie du républicain espagnol par Robert Capa, celle de la jeune étudiante à la fleur bravant les fusils de la garde nationale américaine devant le Pentagone le 21 octobre 1967 par Marc Riboud, celle de la petite fille nue fuyant le bombardement du Vietnam au Napalm le 8 juin 19721, les images d’abord télévisées puis photographiques de Neil Armstrong marchant sur la Lune, celles de « l’homme au tank » de la place Tien An Men en 1989, autant d’images qui appartiennent aujourd’hui à la mémoire collective des citoyens d’un monde… connecté. Dans l’histoire de notre République, certaines images ont également une puissance d’évocation plus fortes que d’autres. Ainsi du tableau d’Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, devenu un symbole de la République, dont les deux principaux personnages, la Liberté, assimilée depuis à Marianne, et l’enfant combattant, Gavroche, ont même désormais des vies autonomes2. Plus près de nous, on songe à la photographie de De Gaulle au micro à Londres le 18 juin 1940, ou à celle de François Mitterrand, une rose à la main, au Panthéon en mai 1981.
Affiche de l'exposition Jaurès contemporain, 2014.
L’exposition Jaurès contemporain, organisée au Panthéon en 2014, a rassemblé une collection de documents qui prouve que le tribun socialiste est resté présent, mais avec une intensité variable, dans les débats qui ont agité la gauche et plus largement la société française depuis son assassinat en 1914. Dans cette mémoire construite et entretenue, les « images » jouent un grand rôle. Ainsi, le visiteur est accueilli au Panthéon par une reproduction en grand format de la célèbre photographie de Branger prise le 25 mai 1913 lors du meeting contre la loi des 3 ans, qui visait à rallonger le service militaire d’une année. Pour la SFIO et pour Jaurès, le dispositif renforçait la menace de guerre. Le photographe a saisi la tribune de loin : au-dessus d’une foule immense, Jaurès, accroché à la hampe d’un drapeau – rouge – déployé apparaît dans toute sa force de conviction.
Si cette photographie est devenue une icône, si elle est certainement une des images de Jaurès les plus reproduites aujourd’hui, elle ne l’a pas toujours été. Ce jour-là, plusieurs reporters-photographes étaient présents, et Jaurès a été photographié à différents moments de son discours. Alors pourquoi cette image ? Quand et où a-t-elle été publiée pour la première fois ? Que nous raconte-t-elle de Jaurès ? Comment a-t-elle été réutilisée ? Pourquoi a-t-elle été retenue et s’est-elle imposée plus que les autres ? Quand et pourquoi est-elle devenue iconique ? Que nous dit-elle de l’utilisation des images dans un monde où celles-ci nous submergent ? Avant d’apporter des réponses à ces questions, il importe de contextualiser les éléments qui la composent, soumis à des interprétations changeantes selon l’époque où elle regardée3.
Jean Jaurès au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913 par Maurice-Louis Branger.
La gauche, ses symboles et ses images
Cette photographie est une représentation visuelle de Jaurès. Dans le geste et l’attitude qu’elle donne à voir, elle coïncide avec l’image, représentation mentale, de Jaurès orateur. Parmi d’autres images4, elle peut également illustrer le Jaurès pacifiste. Telles qu’elles nous sont parvenues, et que nous les avons vues pour la première fois, ces images – photographies, tableaux, dessins, caricatures – soulignent les représentations associées à Jean Jaurès : le martyr de la paix, le pacifiste, le républicain, le tribun, le socialiste, l’artisan de l’unité des socialistes, le philosophe, ou pour ses adversaires – à travers les caricatures notamment –, le démagogue, le traître, le « boche ».
Le Petit Journal, 22 juin 1913. « Souvenez-vous donc ! » : l'injonction au souvenir par Marianne, un mois après le meeting du Pré-Saint-Gervais, fait allusion à la perte de l'Alsace au cours de la guerre de 1870, symbolisée par la cathédrale de Strasbourg dévastée.
Pour mieux saisir ces représentations iconographiques, il faut les situer dans l’univers auquel elles se rattachent. Les images, comme les symboles (drapeaux, couleurs, emblèmes, logos, chansons), occupent une place importante dans l’histoire de la gauche, dans les mobilisations, dans la culture des organisations, tissant des liens entre les individus, identifiant des familles. Comprendre la généalogie de ces images et de ces symboles informe sur l’état de la collectivité qui les a produits, les mobilise ou les abandonne5.
Ces images de Jaurès, celles qui nous parlent encore aujourd’hui, s’inscrivent dans l’histoire et la culture socialistes.
La République française a son drapeau tricolore, sa devise, son hymne, son incarnation dans Marianne ou la semeuse, ou le coq gaulois, autant de « lieux de mémoire » selon l’expression de Pierre Nora. À partir de 1848, les « rouges », sans oublier les libertaires et anarchistes, se sont aussi dotés d’un univers symbolique, culture révolutionnaire et républicaine finissant par s’entremêler. Ce syncrétisme culturel perdure aujourd’hui, quoiqu’estompé. Contentons nous d’en rappeler pour la gauche les principaux objets et leur évolution :
- un drapeau, rouge6 ;
- un hymne, l’Internationale de Pottier et Degeyter, puis pour les socialistes, à partir de 1977, Changer la vie7, accompagné dans les années 1980 d’une réappropriation de La Marseillaise ;
- des chants et chansons qui accompagnent les luttes du mouvement ouvrier : Le temps des cerises, Gloire au 17e, La jeune garde (culture communiste), Bandera rossa, Au devant de la vie ;
- des devises, slogans, mots d’ordre : « prolétaire de tous les pays… », « Pain, paix, liberté », « changer la vie… », « Nos vies valent plus que leur profit », « l’humain d’abord » ;
- des grands moments : les Lumières, la Révolution française, les révolutions du XIXe siècle, la Commune, le Front populaire, le 10 mai 1981 ;
- un Panthéon de grands hommes (et de rares femmes) de l’histoire nationale : Voltaire, Rousseau, Robespierre, Danton, Saint-Just, Proudhon, Louise Michel, Guesde, Jaurès, Vaillant, Blum, Mendès France, Mitterrand ;
- des insignes, logos : pour les communistes dans leur diversité, la faucille et le marteau ; pour les socialistes, l’image d’un soleil levant avec une Marianne ouvrière (qui s’oppose à la Marianne bourgeoise), puis les trois flèches, et aujourd’hui le poing et la rose ;
- une fleur (l’Églantine, la rose sauvage, le muguet puis la Rose dans les années 1970).
Ces symboles forment la mémoire collective de la gauche. Il suffit de feuilleter l’album illustré du peuple de gauche pour comprendre leur puissance d’évocation et d’émotion. Ces images identifient, illustrent et qualifient des événements qu’elles actualisent. Elles sont à la fois fidèles, séduisantes et dans le même temps très réductrices. La photographie tient une place particulière dans cet imaginaire. Elle fédère des collectifs et renvoie à des identités partagées. La photographie peut aussi tromper quand elle est recadrée, retouchée, colorisée, ou quand elle est sortie de son contexte. Une prise de vue ne restitue qu’une partie de la réalité, elle est techniquement prisonnière d’un cadre, d’une focale et ne donne donc à voir que le seul point de vue du photographe. Enfin, il faut rappeler qu’une fois tirée, vendue, publiée, elle peut être recadrée, légendée soit pour reprendre le propos de son auteur soit parfois pour l’interpréter ou le détourner.
Aussi doit-elle être analysée et décryptée avec la même rigueur qui s’impose au traitement des archives.
Maurice-Louis Branger, un photo-reporter au Pré-Saint-Gervais, 25 mai 1913.
Le 25 mai 1913, le Parti socialiste SFIO tient un meeting contre la loi de trois ans8 sur le terrain d’une municipalité récemment conquise, le Pré-Saint-Gervais. Le même jour, on peut lire en dernière page du journal socialiste dirigé par Jaurès, L’Humanité, l’appel à la manifestation et les ultimes consignes des organisateurs, en l’occurrence la fédération socialiste de la Seine. Pas moins de quatorze tribunes ont été dressées sur la butte rouge9, sur chacune desquelles doivent prendre place quatre ou cinq orateurs dont le temps de parole a été limité à quinze minutes. Les recensions de la manifestation omettent le plus souvent d’en parler, mais ce jour là cinq femmes, militantes socialistes, pacifistes, prendront également la parole10. Elles n’intéresseront pas les photographes.
Autour de la tribune sur laquelle Jaurès doit intervenir, près de 4 000 manifestants se sont rassemblés11. Juste avant de monter prendre la parole à son tour, le député socialiste, ceint de son écharpe tricolore, a entendu son camarade et ami Paul Renaudel secrétaire de rédaction de L’Humanité, puis le député de la Seine Arthur Groussier auquel a succédé un cheminot révoqué après les grèves de 1910 répondant au beau nom de Toulouse. Ils sont tous les trois restés sur la carriole qui sert de tribune, se sont assis sur la plateforme pour écouter Jaurès, et ont été immortalisés par le photographe Maurice-Louis Branger (1874-1950)12. Durant le discours, ce dernier réalise au moins quinze prises de vues de l’orateur13. Parmi elles, cette photographie prise à distance et appelée à devenir iconique14, symbole à la fois de cette journée et de la parole et de l’acte jauréssien15.
Pour en revenir au reportage de Branger, sa série de clichés nous renseigne sur ses déambulations sur les lieux de la manifestation. Car si la photographie emblématique est prise à distance afin d’élaborer un plan large de l’orateur et de la foule, les quatorze autres que nous avons pu rassembler sont prises au pied de la tribune, en contre-plongée, centrées sur Jaurès. Une observation de l’ensemble de ces photographies montre bien que le photographe attache une attention particulière à la gestuelle et aux mouvements de l’orateur. Il semble captivé par l’énergie qu’exprime le tribun socialiste. Capturer le mouvement, l’instantané d’un geste, d’un regard, tel est l’objectif du photographe. Comme s’il cherchait à reproduire, à figer les attitudes de Jaurès reproduites par les dessinateurs, peintres et caricaturistes qui, à l’instar de Léandre ou Éloy-Vincent dans leurs tableaux, se sont appliqués à en restituer l’extraordinaire palette16. Les talents d’orateur (verbe et gestuelle) du « grand tribun » sont, en 1913, connus de tous. Pour le photographe, Jaurès est un bon sujet.
Charles Léandre : Jaurès à la tribune (1903).
Les appareils photographiques de l’époque permettent désormais de saisir l’instant, à condition d’avoir une maîtrise parfaite de la technique de prise de vue (stabilisation de l’appareil, évaluation de la lumière, angles de vue, réactivité, sens du moment). Branger, en saisissant plusieurs phases de l’intervention de Jaurès, élabore une séquence quasi cinématographique. Ces quinze clichés racontent une histoire, de la montée à la tribune, à l’apothéose : l’homme au-dessus de la foule, la dominant tout en faisant corps avec elle. Jaurès, légèrement penché comme s’il voulait parler à l’oreille de chacun des auditeurs venus l’écouter dénoncer une loi porteuse de menaces pour la paix, s’accroche au drapeau rouge largement déployé. Il pointe le bras vers la foule et rassemble ses doigts, formant un triangle, une pointe, symbole de la volonté, caractéristique de l’homme et du dirigeant socialiste qu’il est. Il est, pour ses partisans, le pédagogue qui cherche à convaincre par l’argument, l’explicitation des faits, la rigueur de son analyse. Jaurès est à mille lieux du démagogue ou du dirigeant politique diaphane. Branger est venue saisir Jaurès en action. Les images du reporter se sont imposées d’autant plus facilement qu’il n’existe ni séquence cinématographique ni archive sonore de ce discours.
Situons rapidement cette photographie dans l’ensemble plus large des photographies socialistes de l’époque.
Chambre photographique de voyage conservée au Muséum de Toulouse.
Le prix des appareils, les conditions de prise de vue et de développement réservent encore à la fin du XIXe siècle la photographie à des professionnels et à une petite communauté d’amateurs. Cependant, elle commence se démocratiser dans la société de la Belle-Époque. Les moyens techniques autorisent désormais des reproductions rapides – moins d’une journée à partir de 1910 – et les photographies deviennent un moyen très prisé de propagande, de diffusion publicitaire, d’illustration d’événements familiaux, de manifestations, de congrès. Dès 1912, les congressistes socialistes peuvent acheter durant leurs rassemblements nationaux des cartes souvenirs de leur réunion17. Mieux que les gravures ou les dessins, ces cartes postales photographiques, aident à populariser les visages des chefs du mouvement socialiste18.
Le passage chez le photographe devient un rituel dans les familles pour donner des nouvelles aux proches et à l’entourage. Dans les milieux politiques, Henri Manuel est l’un des photographes attitrés des élus, quand Nadar se fait une renommée plus artistique dans le monde culturel, même si des politiques aiment poser dans son atelier.
La photographie progresse, mais hormis le portrait d’identité, les images que la SFIO diffuse représentent en grande majorité des foules. En plein air, lors de manifestations, dans les salles de congrès, au moment de la sortie d’une réunion, les objectifs des photographes captent des groupes impersonnels de militants. Ce sont ces images que la presse socialiste promeut pour illustrer un événement politique. Dans son étude sur les photographies des congrès nationaux de la SFIO parues dans L’Humanité avant 1914, Annick Bonnet relève que sur les treize photographies publiées, trois seulement sont des portraits. Au congrès de 1907, hormis deux portraits de Guesde et de Bracke, les autres clichés représentent des vues des salles, de la sortie des délégués, ou des manifestations. On montre peu les orateurs ou la tribune du congrès. Ainsi, l’Humanité ne met pas en avant son directeur. Le choix rédactionnel est de montrer le masse composant le Parti, la SFIO dans sa collégialité militante. Dans l’Encyclopédie socialiste19 de Compère-Morel, on retrouve des reproductions de ces cartes postales de congrès pour illustrer les grands moments de la vie du Parti. Dans bien des volumes, on découvre les photos d’identité des responsables politiques, administratifs, des journalistes et des élus de la SFIO, mais aucune des leaders en action ou à la tribune.
Le destin d’une photographie : à la Une, oubliée puis redécouverte
Document 1 : L'Humanité du 26 mai 1913, la photographie de Maurice-Louis Branger est en première page, au milieu et dans un plus petit format que les deux autres au-dessus qui barrent la une.
Document 2 : L'Illustration du 31 mai 1913.
Document 3 : première de couverture du livre La Vie de Jaurès de Marcelle Auclair.
Retrouvons Branger et L’Humanité. Compte tenu de ce contexte, de la place des photographies à l’époque dans la presse partisane et des choix éditoriaux de L’Humanité, il n’est pas étonnant que le 26 mai, notre photographie partage la première page du quotidien avec quatre autres (document 1). Elle n’est pas particulièrement mise en valeur, elle vient même en troisième position, sous deux autres clichés du meeting publiés côte à côte chacun sur trois colonnes, qui montrent la densité de la foule rassemblée la veille. À la question posée en gros titre, « Barthou est-il satisfait ? », le quotidien répond en sous-titre « 150 000 manifestants au Pré-Saint-Gervais » et ces deux images valent preuve (leur légende insiste sur « la démonstration du Pré-Saint-Gervais »)20. La photographie de Jaurès est publiée sur deux colonnes, sans retouche, légèrement recadrée (le drapeau est coupé au deux tiers), dans un format panoramique plus petit que celui du tirage de presse original que Branger a très certainement vendu à la rédaction du journal socialiste21(comme il a dû proposer l’ensemble de ses clichés à d’autres journaux qui n’ont pas retenu cette image). En-dessous, sur une colonne, les portraits de deux autres orateurs, Brustlein, conseiller fédéral suisse (pour montrer le caractère international de la manifestation) et Marcel Sembat, député de la Seine.
C’est bien la foule, le peuple assemblé, qui est mis en scène, Jaurès étant un des orateurs présents. Un orateur cité en une et photographié, certes parce qu’il est parmi les importants, mais sans déférence exagérée.
Une semaine plus tard, le 31 mai, la même photographie paraît dans le magazine à gros tirage L’Illustration, (document 2). Cependant, elle est cette fois recadrée sur Jaurès, et sert à illustrer un article hostile à la mobilisation contre les trois ans22, image accompagnée d’une légende sans équivoque : « le démagogue ». Le cadrage pourrait laisser croire à une volonté de glorification du sujet, mais l’orientation du journal et le contenu de l’article infirme cette hypothèse : il s’agit de montrer un homme isolé, agressif, auréolé du drapeau rouge (envahissant sur ce recadrage) qui colore les propos démagogiques du député socialiste. La foule a disparu, pour ne laisser place qu’à un manipulateur.
Au cours de nos recherches, nous n’avons pas retrouvé dans la presse d’autres utilisations de cette photographie de Branger ni dans les semaines qui suivent cette manifestation ni au cours des années suivantes. Les articles qui paraissent au moment de l’assassinat de Jaurès, comme à l’occasion des premiers anniversaires de sa disparition, sont illustrés exclusivement de portraits, dessins ou photographies (le plus souvent les portraits posés de Nadar, d’Henri Manuel, de Branger, ou la photographie prise à Montevideo). En 1916, le journal Les Hommes du jour publie un cliché de Branger de la manifestation du 25 mai 1913, mais il s’agit d’une photographie prise en contre-plongée du pied de la tribune. De même, le 23 novembre 1924, au moment de la panthéonisation de Jaurès, le journal du Cartel des gauches, Le Quotidien, publie en une deux autres photographies du reportage de Branger au Pré-Saint-Gervais23.
La première réutilisation attestée de cette image devenue iconique de Jaurès date de 1954, en couverture de la biographie de Marcelle Auclair, La Vie de Jaurès24 (document 3). Il s’agit d’ailleurs de la version recadrée de la photographie publiée par L’Illustration, mais cette fois associée à une vision positive de l’homme politique, relayant sa profession de foi « pacifiste », démontrant les usages différenciés du medium photographique25. En 1957, une image scolaire en couleur du Jaurès orateur transpose la figure de l’orateur dans le décor d’une mine du Tarn, avec terrils et grues en arrière-plan. Le tribun s’adresse à un public d’ouvriers, de mineurs. Une « ouvriérisation » du public, mais sans drapeau rouge (effacé dans un contexte scolaire ?) et vêtu de son écharpe tricolore de député. Toujours est-il que c'est bien le geste et ce qu’il évoque que les auteurs de cette image populaire ont réinterprété.
Dix ans plus tard, à l’occasion du cinquantenaire de l’assassinat de Jaurès, c’est un hebdomadaire national de la SFIO, Démocratie 64, qui la reproduit, faisant le choix d’un cadrage encore plus serré sur l’orateur, coupant en deux le drapeau rouge. La même année, les historiens Annie Kriegel et Jean-Jacques Becker font paraître leur ouvrage 1914, la guerre et le mouvement ouvrier français26 et illustrent l’une des premières pages d’une photographie prise au 25 mai 1913. Cependant, elle est datée de 1912, comme elle l’était dans le catalogue du Musée de Castres, édité à l’occasion du centenaire de la naissance de Jaurès en 1959. Ces approximations suggèrent que la manifestation du Pré-Saint-Gervais n’a pas encore pris une place importante dans la mémoire collective et que, par conséquent, les prises de vues la documentant ne sont pas encore bien identifiées et connues. Cette erreur de datation, à notre connaissance, ne s’est pas reproduite en 2014 lors des très nombreuses publications, cette fois et presque exclusivement, de la photographie iconique.
Document 4 : couverture du magazine Historia publié en 1969.
Document 5 : couverture du magazine Le Nouvel Observateur publié en 2010.
En 1969, la photographie est promue en couverture du magazine Historia pour illustrer un dossier intitulé « Jean Jaurès et l’Internationale ». Le drapeau ainsi que les bonnets phrygiens sur les hampes des deux autres drapeaux accrochés sur la carriole qui sert de tribune sont colorisés en rouge, l’orateur demeurant noir et blanc27. Au tournant des années 1970, le cliché commence à être redécouvert. La couleur est parfois restituée au drapeau, et l’image solarisée, selon les critères esthétiques des éditeurs de l’époque (documents 4 et 5).
En 1984, c’est au tour du PCF en couverture d’un Bulletin de propagande et d’information de s’accaparer cette photographie et de l’utiliser dans un montage audacieux produit par l’agence de communication Grapus. Cette publication grand format offre aux lecteurs une pleine page illustrée de deux motifs qui se répètent, un triangle bleu dans lequel la photographie de Jaurès au Pré-Saint-Gervais est insérée, alternant avec des rectangles en forme d’écrans de télévision dans lesquels on reconnaît l’image du secrétaire général du PCF de l’époque, Georges Marchais.
L’année suivante, la Société de bibliologie et de schématisation fait paraître Jaurès et ses images. La photographie occupe la couverture dans sa version recadrée par l’Illustration. Le commentaire souligne très brièvement qu’il s’agit du « cliché le plus répandu »28.
Document 6 : première de couverture de l'ouvrage Mémoires de France de Jacques-Louis Delpal et Claire Julliard publié aux Éditions de la Martinière en 1998.
En 1991, un cap médiatique est franchi avec sa parution en couverture d’une anthologie littéraire et photographique intitulée Mémoires de France (Éditions de La Martinière) (document 6). Le recadrage donne une impression d’éternité à un moment qui n’a duré que quelques secondes.
Cette édition, en 1991, ne donne toujours pas le nom du photographe. Toutefois, la photographie de Branger gagne alors en notoriété.
Une image, une icône : les sens et les usages
On peut dater du début des années 1990 le changement de statut de cette photographie. Elle accède alors au rang d’image emblématique. Un nouvel indice en est donné avec le choix de la Société d’études jaurésiennes, en 1994, pour le 80e anniversaire de l’assassinat de Jaurès, d’en faire l’illustration de couverture de ses Cahiers trimestriels (et ce jusqu’à leur refonte en 1997). Elle incarne désormais le tribun assassiné. Elle impose sa présence par les symboles qu’elle réunit : le drapeau rouge, la foule rassemblée, entre ciel et terre, le martyr, l’homme au-dessus de la foule, et des apôtre à ses pieds.
Document 7 : première de couverture de l'ouvrage Jaurès. La Parole et l'acte de Madeleine Rébérioux.
Cette même année, la présidente de la Société, Madeleine Rebérioux, se laisse convaincre sans difficulté de publier en couverture de son Jaurès. La parole et l’acte29 , une version colorisée de cette photographie et très recadrée (document 7). Le drapeau est rouge, ainsi que l’écharpe tricolore que Jaurès, comme tous les élus du peuple réunis au Pré portaient ce jour-là. Cette spécialiste incontestable de Jaurès a choisi, ou toléré, de présenter un Jaurès paré de l’attribut révolutionnaire, la colorisation proposant une lecture plus radicale de la vie du tribun assassiné. Doit-on voir dans ce maquillage un choix simplement marketing pour simplifier voire clarifier la lecture de cette image30 ?
À partir de cette première colorisation de l’écharpe, différentes versions s’opposent entre les tenants d’un Jaurès socialiste et républicain et ceux désireux de souligner son engagement socialiste et révolutionnaire, bien qu’il ait toujours écarté cette dernière option, se présentant comme un réformiste. En 2005, au moment de son centenaire, le Parti socialiste s’autorise lui aussi une relecture de l’histoire : il récupère Jaurès pour cause de campagne électorale en faveur du traité constituant européen avec une affiche où au drapeau rouge de Jaurès est substituée la bannière étoilée de l’Union européenne. On pourrait multiplier les exemples de ces travestissements qui détournent l’image de son sens originel. Il en va ainsi du geste de Jaurès, un geste de professeur, doigts joints pour démontrer, alors qu’il est parfois interprété comme un poing dressé face à la foule pour souligner son propos31. Cet anachronisme – le poing dressé n’est devenu un geste de gauche que dans les années 1930 – n’a finalement pas d’importance. Ce sont justement tous ces recadrages, colorisations, réinterprétations qui confèrent à cette image son statut d’« icône ».
À l’évidence, c’est bien le Jaurès pacifiste qu’entendent aujourd’hui célébrer nombre des utilisateurs de cette photographie. D’abord, le contexte et l’événement valent preuve : un an avant la conflagration mondiale, ce meeting contre les trois ans prend évidemment place dans le combat de Jaurès pour prévenir la guerre qui menace. De la paix au pacifisme, le pas est vite franchi. Il ne nous appartient ici de discuter cette lecture de l’engagement de Jaurès, contentons-nous de rappeler aussi qu’il est un patriote, très au fait des questions de la défense nationale, et certainement pas un pacifiste intégral32. Le lieu, le Pré-Saint-Gervais, la banlieue pas encore tout à fait rouge, appartient depuis peu aux forces de gauche, et fait sens, histoire, fidélité. L’acteur central : Jaurès, orateur célébré, apprécié, exprime sur ce cliché toute la puissance de son engagement pour éviter un conflit violent.
Jaurès est présenté à la fois en majesté, en action, mais aussi en future victime, en martyr de la cause de la paix.
Cette photographie répond ainsi aux portraits – illustrant « l’homme, le penseur, le socialiste33» – publiés au moment de sa mort. Elle prend son sens rétrospectivement, elle le ressuscite pour restituer le sacrifice du tribun, raconte un moment partagé avec les militants, dans l’espoir de sauver la paix. Par cette photographie, Jaurès est ainsi rendu à son peuple, au milieu de lui, un homme parmi eux.
Cette photographie, redécouverte dans son intégrité originelle, autorise ainsi plusieurs récits. Au-delà de la colorisation partisane ou marketing34, sa polysémie la rend tout à la fois familière et intrigante, comme si le spectateur pouvait en chercher la vérité, comme si elle conservait sa part de mystère. Elle renvoie à un temps où le socialisme est vierge de toute compromission avec le pouvoir. Jaurès incarne cette espérance d’un autre avenir, son martyr renforçant la charge émotionnelle qu’elle dégage aujourd’hui. Après les nombreuses révélations sur les mises en scènes, montages, falsifications d’images, dans le champs politique et artistique, publier cette photographie dans son format d’origine, sans recadrage, révèle aussi l’évolution du rapport au document photographique pour l’historien, comme pour le spectateur. L’image a désormais un véritable statut de source. Une source avec laquelle on ne triche plus.
Le succès de la photographie de Branger ne peut être séparé aujourd’hui de l’histoire de la photographie. Au-delà des symboles qu’elle mobilise, avec son drapeau flottant fièrement, elle intègre le catalogue illustré de l’histoire des gauches, telle la photographie de la militante de la CGT, Rose Zehner, s’adressant à ses collègues grévistes des usines Citroën-Javel, le 23 mars 1938, immortalisée par Willy Ronis. Une histoire loin d’être consensuelle. Ainsi, l’attitude de Jaurès peut suggérer à la fois la ferveur de l’engagement, mais aussi la trahison des socialistes, en opposant son engagement pour la paix réaffirmé le 25 mai 1913 et le ralliement à l’Union sacrée. Ce geste jaurésien au Pré-Saint-Gervais, cette communion avec le peuple rassemblé tranche, dans l’esprit d’une partie de la gauche, avec la décision des socialistes de la Chambre des député de « défendre la patrie » en août 1914. Dès lors, on comprend que les communistes recherchent aujourd’hui dans la figure et la pensée de Jaurès une filiation. Pour preuve, l’abondance des hommages et des manifestations multiformes que lui rend désormais le PCF. Malgré ses divergences, la gauche peut regarder son martyr et se rassurer.
Il était grand et il s’est sacrifié ; son image permet de garder l’espoir qu’un autre monde était possible.
Notes
1
Ce cliché de Nick Ut, où l’on voit Kim Phuc, enfant, victime d’un bombardement de l’aviation sud-vietnamienne a été pris le 8 juin 1972. Il est pourtant souvent associé au « moment 68 », pour symboliser l’horreur des bombardements américains sur le Vietnam.
2
Révolutionnaire dans l’histoire de la peinture avec son plan large et son personnage central, une femme drapeau à la main, ce tableau, daté de 1830, est une allégorie de la liberté. Enrôlé internationalement au service de toutes les causes et reproduit ou réinterprété sur tous types de supports, de l’affiche aux couvertures de disque, il « illustre » depuis près de deux siècles bien des événements (souvent la révolution de 1848).
3
Cette étude a pour origine l’exposition Jaurès contemporain conçue par Vincent Duclert qui interroge la « mémoire de Jaurès », depuis son assassinat le 31 juillet 1914, il y a 100 ans, et la trace qu’il a laissée dans le débat à gauche et plus largement dans la vie politique et culturelle nationale. Il a sélectionné dans nos collections les images, photographies, cartes postales, les brochures, livres et objets notamment un buste, qui pourraient illustrer son propos. Dans ce cadre, il nous a proposé de composer un panneau dont nous avons signé le texte, mais pas dirigé la mise en page, ni la sélection finale des images, autour de la célèbre photographie de Jaurès saisi en plein discours au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913 par le photographe Maurice-Louis Branger (1874-1950).
4
Il n’existe pas de banque de données des innombrables « images » de Jaurès (dessins, peintures, caricatures, photographies, bustes…) mais s’agissant des photographies, on peut estimer qu’il est présent sur près de 200 clichés différents. Un échantillon significatif est reproduit dans l’ouvrage de Jean-Noël Jeanneney, Jean Jaurès, Nathan, photo poche histoire, 2001. Dès 1959, le Musée Jaurès à Castres publiait un petit catalogue riche d'une iconographie diverse parmi lesquelles les photographies.
5
Les historiens s’intéressent de plus en plus aux symboles et aux images. Nous avons ici une pensée pour Maurice Agulhon récemment disparu, qui a su montrer à travers son œuvre et ses travaux sur Marianne, et ses recherches sur la symbolique républicaine, tout l’intérêt qu’il y a à observer la manière dont nos sociétés manient leurs symboles.
6
En 1936, le PCF adopte le drapeau tricolore qu’il « noue » avec le drapeau rouge soviétique (faucille et marteau, symboles adoptés aux lendemains de la Révolution bolchevique). Voir Maurice Dommanget, Histoire du drapeau rouge des origines à la guerre de 1939, Librairie de l’Étoile, 1967. Quant au PS, il garde son drapeau rouge même si, à partir de 1971, son nouveau symbole, le poing et la rose, lui associe également le rose comme couleur politique.
7
Robert Brécy, Florilège de la chanson révolutionnaire. De 1789 au Front populaire, Paris, Éditions ouvrières, 1990.
8
Deux mois auparavant, le 16 mars, la CGT, au moment du débat à la Chambre des députés, a rassemblé une foule de manifestants au Pré-Saint-Gervais. Le 25 mai, la SFIO a invité la confédération ouvrière à participer au rassemblement et autorise également la présence de groupements anarchistes et libertaires. Enfin, le 13 juillet 1913, Jaurès, au côté de sa fille Madeleine, participera au dernier meeting réuni en ce lieu avant la guerre. Voir Madeleine Rebérioux, « Le Pré-Saint-Gervais et Jaurès », in V. Perlès (dir.), Le Pré entre Paris et banlieue, histoire(s) du Pré-Saint-Gervais, Paris, Créaphis, 2005.
9
Elle est connue comme la butte-du-Chapeau-rouge au Pré Saint-Gervais.
10
Il s’agit de Suzanne Gibaud, Alice Jouenne, Élisabeth Renaud, Louise Saumoneau, Maria Verone. L’Humanité, 25 mai 1913.
11
D’après les rapports de police consultables aux Archives nationales, cote F 7/335. Les auteurs remercient Philippe Oulmont de leur avoir transmis cette cote d’archives. Nous renvoyons également à son article pionnier « Au Pré-Saint-Gervais, 25 mai 1913 : Jaurès en rouge et en tricolore », in V. Duclert, R. Fabre, P. Fridenson, Avenirs et avant-garde en France XIXe-XXe siècles. Hommage à Madeleine Rebérioux, Paris, La Découverte, 1999, p. 391-394.
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Nous nous sommes intéressés à ce photographe longtemps oublié du crédit photographique et à l'histoire de ses photographies, en tentant de repérer les nombreuses utilisations, nous livrant à quelques interprétations sur ses usages partisans et, enfin, à l'histoire de leur acquisition par l'agence Roger-Viollet qui depuis le milieu des années 1960 en gère les droits de reproduction. Voir Éric Lafon, La Photographie de Jaurès, à paraître.
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Nombre établi d’après le nombre de photographies de Branger que nous avons identifiées et recensées, parues dans des journaux, magazines et livres, de 1913 à nos jours.
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Au sens de Christian Gattinoni, Les Mots de la photographie, Paris, Belin, 2004.
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Madeleine Rebérioux, Jean Jaurès. La parole et l’acte, Paris, Gallimard, 1994.
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Voir par exemple, Charles Léandre, « Jaurès à la tribune » (1903), Eloy-Vincent, « Croquis pour servir à illustrer l’histoire de l’éloquence » (1910), « Brillant match d’éloquence entre MM. Jean Jaurès et Jules Guesde » (1900), par Henri Somm, œuvres conservées aujourd’hui au musée Jean-Jaurès de Castres. Documents commentés par Alain Boscus.
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À partir de 1904, le Parti socialiste de France édite quatre cartes postales de propagande : un portrait de Jules Guesde, un de Édouard Vaillant, et deux cartes avec un dessin illustrant le slogan « Organisons-nous ! ». Elles sont vendues 5 centimes pièce, et le parti leur fait de la publicité pour une vente militante dans sa presse. Après l’unité socialiste, en 1908, le parti socialiste SFIO diffuse via sa librairie douze cartes postales, des portraits : Des figures historiques, Marx, Blanqui, Jean-Baptiste Clément, Eugène Pottier, des chefs nationaux et régionaux du socialisme, Jaurès, Guesde, Allemane, Brousse, Delory, Landrin, Édouard Vaillant, Paul Lafargue. Toutes les familles sont représentées, le parti ne fait pas « personnalité ».
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Jaurès est très présent à travers ce nouveau « média ». En 2000, à l’initiative de Remy Casals, le colloque Sur les pas de Jaurès (Privat, 2004) a étudié le corpus des cartes postales qui ont accompagnées les luttes de Jaurès aux quatre coins du territoire. Plus récemment, dans le cadre d’une journée d’étude organisée par la Société d’études jaurésiennes, Annick Bonnet a fait une communication sur les images des congrès de la SFIO entre 1905 et 1914 (Cahiers Jaurès, n° 187-188, 2008).
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Compère-Morel, Jean-Lorris, Quillet, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l'Internationale ouvrière, Paris, Aristide Quillet Éditeur, 1912.
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Le quotidien socialiste ne fait pas sa une sur le discours de Jaurès, mais sur l’ampleur de la manifestation et son chiffrage. Le nombre de manifestants annoncé par L’Humanité est-il fiable ? Une note de la Sûreté nationale du 26 mai 1913 le minore, mais ne conteste pas le succès du rassemblement : « Chez les socialistes. La manifestation du Pré St Gervais. Les dirigeants du Parti socialiste se montrent très satisfaits du succès de la manifestation d’hier, et surtout de ce qu’aucun incident ne s’y est produit. De l’avis général, le nombre des assistants atteignait cent mille, et le chiffre des signatures recueillies pour le pétitionnement, qui n’était pas établi ce matin, est évalué à près de 30 000. […] À signaler également l’ovation qui a été faite à Vaillant et surtout à Jaurès ». Voir Archives nationales, F 7/335, Note de la Sûreté, M 54 U du 26 mai 1913.
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À partir des renseignements fournis par Philippe Oulmont dans son étude déjà citée, nous avons consulté dans le fonds de la Sûreté nationale déposé aux Archives nationales un tirage de presse d’époque, tamponné Branger.
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On peut lire dans ce numéro de L’Illustration que si les organisateurs annoncent 120 000 manifestants, « L’Humanité titre le lendemain sur 150 000 – la Préfecture de police n’en aurait compté que 30 à 35 000 ». Cependant, dans certains des rapports de police, le chiffre de 150 000 est aussi repris. Celui de cent mille également. Relevons enfin que le journaliste de L’Illustration note la présence imposante d’un drapeau noir des groupements anarchistes, souvent oubliés dans les comptes rendus de la presse.
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Pour l’exposition au Panthéon, ces deux photographies ont été reproduites sur des dadzibao.
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Marcelle Auclair, La Vie de Jaurès ou la France d’avant 1914, Paris, Le Seuil, 1954.
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L’exemple le plus connu de tous étant l’Affiche rouge. Il s’agit à l’origine d’une affiche de propagande produite par les nazis pour dénoncer et stigmatiser la Résistance française. Elle est réutilisée « positivement » par cette même Résistance et la mémoire collective la range aujourd’hui dans le corpus des images les plus emblématiques de la lutte contre l’Occupant.
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Annie Kriegel, Jean-Jacques Becker, 1914, La guerre et le mouvement ouvrier français Paris, Armand Colin, 1964.
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On retrouvera cette même version de la photographie pour illustrer Jaurès, puis le socialisme ou les gauches successivement en couverture d’un numéro Les Grands événements du XXe siècle en 1983, puis d’un numéro du magazine Textes et documents pour la classe (TDC, 2004). En 2010, le magazine Le Nouvel Observateur publie un hors-série consacré à « L’Histoire des gauches 1789-2010 » et d’énumérer « Républicains, Socialistes, Anarchistes, Utopistes, Communistes, Trotskistes, Maoïstes, Ecologistes » sur la couverture affichant la photographie de Jaurès par Branger.
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« Images et “images” de Jaurès », Marie-Claude Vettraino-Soulard, in Jaurès et ses images, Collectif, Société de Bibliologie et de schématisation, 1985.
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Madeleine Rebérioux, Jaurès. La Parole et l'acte, Paris, Gallimard, 1994.
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En 1999, on retrouve fort logiquement cette photographie (recadrée mais dans sa version originale en noir et blanc) en couverture de l'ouvrage Hommage à Madeleine Rebérioux. Jaurès. La parole et l'acte, Paris, Gallimard, 1994.
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Le plus bel exemple de ce télescopage se trouve chez Paul Nizan qui, en 1938, dans La Conspiration, évoque « les images sentimentales que Paris gardait de Jean Jaurès et de son canotier et de sa vieille jaquette et de ses poings levés contre la guerre devant le grand ciel du Pré Saint-Gervais ». Nous en profitons pour signaler que l’on confond souvent les deux meetings du Pré-Saint-Gervais, celui de mai, où Jaurès porte un chapeau noir, et celui de Juillet, où il se protège du soleil avec un canotier blanc.
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Dans l’abondante bibliographie sur ce thème, au-delà de la somme de ses récents biographes Gilles Candar et Vincent Duclert (Jaurès, Fayard, 2014), ou de la présentation de Jean-Jacques Becker à la réédition de « L’Armée nouvelle » dans l’Œuvre de Jaurès (Fayard, 2013), nous renvoyons à l’utile mise au point de François Chanet dans le numéro spécial de L’Histoire (n° 397, mars 2014) : « La paix, mais pas à tout prix ».
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Nous reprenons ici le sous-titre de la première biographie de Jaurès publiée par Charles Rappoport, en 1916, aux éditions de l’Émancipatrice.
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Du Nouvel observateur à L’Humanité dimanche, de L’Histoire à Historia, du Hors-série du Monde à L'Express ou à GéoHistoire pour n’évoquer que la presse et les magazines nationaux, les utilisations en couverture ou en pleine page sont fréquentes au cours des quinze dernières années. Nous ne donnons ici que quelques exemples de magazines parus en 2014.
Bibliographie
Marcelle Auclair, La Vie de Jaurès ou la France d’avant 1914, Paris, Le Seuil, 1954.
Jean-Jacques Becker, « L’Armée nouvelle » in L’Oeuvre de Jaurès, Paris, Fayard, 2013.
Annick Bonnet, « Images de congrès : les photographies des congrès socialistes (1905-1914) », in Cahiers Jaurès, n° 187-188 « Les Débuts de la SFIO », p. 47-61, 2008.
Robert Brécy, Florilège de la chanson révolutionnaire. De 1789 au Front Populaire, Paris, Éditions ouvrières, 1990.
Alain Boscus, Remy Cazals, Sur les pas de Jaurès : la France de 1900, Paris, Privat, 2004.
Gilles Candar, Vincent Duclert, Jaurès, Paris, Fayard, 2014.
Adéodat Compère-Morel, Jean Lorris, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, Paris, Aristide Quillet Éditeur, vol. 12, 1912.
Maurice Dommanget, Histoire du drapeau rouge des origines à la guerre de 1939, Paris, Éditions ouvrières, 1990.
Christian Gattinoni, Les Mots de la photographie, Paris, Belin, 2004.
Jean-Noël Jeanneney, Jean Jaurès, Paris, Nathan, Photo poche histoire, 2001.
Annie Kriegel, Jean-Jacques Becker, 1914, La guerre et le mouvement ouvrier français, Paris, Armand Colin, 1964.
Eric Lafon, La Photographie de Jaurès, à paraître.
Paul Nizan, La Conspiration, Paris, Gallimard, 1938.
Philippe Oulmont « Au-Pré-Saint-Gervais, 25 mai 1913 : Jaurès en rouge et en tricolore », in V. Duclert, R. Fabre, P. Fridenson, Avenir et avant-garde en France XIXe-XXe siècles. Hommage à Madeleine Rébérioux, Paris, La Découverte, 1999, p. 391-394.
Madeleine Rébérioux, Jean Jaurès. La Parole et l’acte, Paris, Gallimard, 1994.
Madeleine Rébérioux, « Le Pré-Saint-Gervais et Jaurès », in V. Perlès (dir.), Le Prè entre Paris et banlieue, Histoire(s) du Pré-Saint-Gervais, Paris, Créaphis, 2005.
Charles Rappoport, Jean Jaurès. L’homme, le penseur, le socialiste, Paris, Éditions de l’Émancipatrice, 1916.
Marie-Claude Vetttraino-Soulard, « Images et “images” de Jaurès » in Jaurès et ses images, Collectif, Société de Bibliologie et de schématisation, 1985.