Renoncement et effondrement politique
Directeur d'études

(EHESS/Université du Wisconsin-Madison - Cespra)

4 août 1789, Versailles, salle des états généraux, vingt heures : les membres de l’Assemblée nationale prennent place dans l’enceinte. Il est prévu de consacrer la séance à la discussion d’un décret visant à rétablir l’ordre dans les provinces marquées par des révoltes paysannes. Lecture est faite du décret. Aussitôt la lecture achevée, le vicomte de Noailles se lève afin de proposer une motion qui met fin aux droits féodaux et rend les droits seigneuriaux rachetables. Sa proposition est relayée par le duc d’Aiguillon. Trois orateurs du Tiers-état prennent ensuite la parole afin de dénoncer la féodalité. Leurs diatribes suscitent des réactions indignées au sein des bancs de la noblesse. Le duc de Nemours (affilié au Tiers-état) s’efforce de recentrer le débat sur le décret à l’ordre de la séance. À ce moment, un délégué de la noblesse, le duc de Châtelet, intervient afin de signifier qu’il entérine les motions de Noailles et d’Aiguillon et qu’il renonce personnellement aux droits en vigueur sur ses domaines. Dans le sillage immédiat de son intervention, d’autres députés de la noblesse font part publiquement de leur renonciation ou proposent l’abolition des privilèges. Les manifestations de joie et d’enthousiasme se succèdent. Les membres du clergé à leur tour renoncent à leurs privilèges fiscaux avant que ne soit acclamée la fin des privilèges corporatifs des villes, municipalités et provinces. Vers deux heures et demi du matin, la séance est levée. Le régime juridique constitutif de la société d’ordres n’est plus1.

Assemblée nationale. Séance de nuit du 4 août.

Assemblée Nationale. Séance de nuit du 4 août.

« On sait que c’est elle-même [la Noblesse] qui s’est suicidée dans la nuit du 4 août. Mais ce que l’on n’a pas su, c’est l’étonnement des principaux acteurs de cette révolution après la séance. Le duc de Biron le remarqua et s’écria en riant : ‘Mais qu’est-ce donc que nous avons fait, messieurs ? Qui est-ce qui le sait ?’ » (Condorcet)2. L’incrédulité est à la mesure de l’événement. Le 4 août 1789, les membres des ordres privilégiés – noblesse et clergé – procèdent à un acte général de renonciation : renonciation aux charges, aux statuts et aux droits constitutifs de leur raison d’être.

Journal des Etats Généraux
Journal des Etats Généraux
Journal des Etats Généraux
Journal des Etats Généraux

Journal des États Généraux, séance du 4 août 1789 : « En une nuit, l’arbre fameux de la féodalité, dont les rameaux s’élevaient jusqu’aux cieux, dont les racines pénétraient jusqu’aux entrailles de la terre, dont l’ombre couvrait toute la France, a été renversé. … En une nuit, le triple pouvoir féodal, aristocratique, parlementaire, a été … anéanti ».

Cette renonciation de surcroît signale la fin d’un régime. Les représentants de la noblesse et du clergé sabordent le cadre institutionnel et juridique au soubassement de leur domination. Le « suicide » équivaut à une « révolution ». « La nuit du 4 août 1789 [...] marque le moment où un ordre juridique et social, façonné par les siècles, composé d’une hiérarchie d’ordres, de corps et de communautés séparés, et définis par des privilèges, s’est en quelque sorte évanoui »3. Les contemporains ne s’y sont pas trompés, comme en témoigne le constat lapidaire que Pinelle, prêtre et député d’Alsace, exprime dans une lettre datée du 8 août 1789 :

Nous avons supprimé dans un décret solennel tout le régime féodal et les droits qui en résultaient4.

Le délire patriotique

« Le délire patriotique ».

La nuit du 4 août met ainsi en évidence et magnifie un fait que des événements moins dramatiques, moins spectaculaires, moins inattendus ou moins ramassés dans le temps, recouvrent de leur patine : les moments de renoncement collectif scandent les processus d’effondrement de régime. Ils en infléchissent la dynamique et, par contrecoup, l’issue. L’analyse des ruptures politiques manque son objet si elle ne se donne pas les moyens de penser le renoncement comme l’une des modalités de l’effondrement.

 Session des Cortes
Session des Cortes

Session des Cortes : vote de la « Loi pour la réforme politique » (Ley para la Reforma Política), 18 novembre 1976.

« Loi pour la réforme politique », 18 novembre 1976.

La remarque vaut pour des régimes politiques très différents. Le 4 août 1789 se joue le destin d’un régime d’ordres. En novembre 1976, en Espagne, c’est une dictature arc-boutée sur la mainmise d’un parti unique qui se saborde pour laisser place à une démocratie parlementaire5. En 1989, les élites communistes en Europe de l’est (Pologne, Hongrie, Allemagne de l’est, Tchécoslovaquie) procèdent à leur propre mise en retrait6. De même pourrait-on citer les transitions politiques en Afrique du Sud (1990-1994) et  en Union Soviétique (1991)7.

Chute du mur de Berlin
Chute du mur de Berlin
Chute du mur de Berlin

Berlin, novembre 1989.

Ces faits se rapportent à des régimes autoritaires et dictatoriaux. Il serait erroné de supposer que les régimes démocratiques en sont exempts. Le vote du 23 mars 1933 par les députés du parti du Centre de la loi « pour remédier à la détresse du peuple et du Reich » (Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich) consacre la mort constitutionnelle, en toute légalité, de la République de Weimar. De même, le transfert des pouvoirs législatifs, exécutifs et constituants au maréchal Pétain le 10 juillet 1940 signe la fin de la Troisième République française8. Citons enfin le vote des pouvoirs constituants au Général de Gaulle le 2 juin 1958 qui légalise le sabordage de la quatrième République et la mise en place d’un nouveau régime9.

Salle des débats, Reichstag 1933

Reichstag, 23 mars 1933.

Laval, AN 10 juillet 1940

Vichy, Assemblée Nationale, le 10 juillet 1940 : Laval expose les motifs de la délégation des pouvoirs constituants.

Que l’on ne se méprenne pas : le phénomène ne se limite ni aux décideurs politiques ni aux institutions représentatives. Il se fait jour également lorsque les membres d’une « communauté imaginaire », c’est-à-dire une entité collective qui opère comme un principe d’identité et d’affiliation (la classe, le groupe religieux, le groupe socio-professionnel, le quartier, la communauté nationale), se voient confrontés à une offensive qui remet en cause leurs intérêts, leur intégrité collective ou leur capacité d’action. La possibilité du renoncement est inscrite dans toute situation qui, pour un groupe donné, s’impose comme une mise au défi.

Le Temps, 12 juillet 1940

Le Temps, édition du 12 juillet 1940.

Le Matin, édition du 11 juillet 1940
Le Matin, édition du 12 juillet 1940

Le Matin, éditions des 11 et 12 juillet 1940.

Comment dés lors rendre compte de cette possibilité ? Le sens commun, soucieux d’explications simples, suggère trois arguments. Il s’agit d’arguments génériques, que l’on retrouve régulièrement dans les comptes rendus et dont il importe de mettre à nu la logique sous-jacente : ils reflètent une certaine façon d’expliciter le fait politique. Le premier rapporte le renoncement à la contrainte. Les acteurs ne pouvaient agir autrement. Leur décision était un cas de force majeure. Le second argument érige la méconnaissance au rang de cause principale. Les membres du groupe mis en demeure n’avaient pas pleinement conscience des enjeux, des tenants et des aboutissants de la décision. Ils ont abdiqué sans le savoir. Leur décision était un marché de dupes. Quant au troisième argument, il place au centre de l’analyse la collusion idéologique : les acteurs ont entériné leur renoncement parce qu’ils en épousaient les raisons.

Poster électoral travailleur

« Le travailleur au royaume de la croix gammée », poster électoral du parti social-démocrate, juillet 1932.

Les remarques qui suivent passent au crible de l’analyse et de l’investigation empirique chacune de ces explications du sens commun avec pour fil directeur un cas qui a valeur de test dans la mesure où les protagonistes, les essayistes et les historiens l’ont interprété tout à tour à l’aune de ces trois différentes thèses : l’effondrement de la République de Weimar en mars 1933. La focale portera sur l’attitude adoptée vis-à-vis des demandes politiques d’Hitler par les députés des partis qui, jusque là, œuvraient comme piliers du régime de Weimar : le parti du Centre (Zentrumspartei), le parti de l’État allemand, (Deutsche Staatspartei, DStP), le parti populaire bavarois (Bayerische Volkspartei, BVP) et le parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SDP).

La focale n’est nullement fortuite. Les votes parlementaires, tel que celui de mars 1933 en Allemagne, se révèlent particulièrement significatifs en raison de leurs implications politiques et de la clarté avec laquelle ils objectivent le phénomène : les groupes en présence et leurs membres sont identifiables, les enjeux clairement définis, les processus collectifs délimités dans le temps, et la décision sanctionnée par un vote.

1. L’argument qui, au premier abord, semble évident, tant les motivations qu’il suppose vont apparemment de soi, est celui de la contrainte : les acteurs renoncent car ils ne peuvent faire autrement. Cet argument a deux variantes possibles. L’une invoque la coercition. La contrainte porte la marque de la violence et des menaces de représailles. Les acteurs se soumettent à un chantage. Une seconde variante rend compte d’une contrainte diffuse qui relève des circonstances. Les acteurs font face à une situation telle qu’ils n’envisagent pas d’alternative. La structure du choix impose le renoncement comme inéluctable.

Incendie Reichstag

Incendie du Reichstag, nuit du 27 février 1933 – « Le Reichstag en flammes. Écrasons le communisme. Brisons la Social-Démocratie » –

Salle des débats du Reichstag, 28 février 1933.

Nombreux sont les comptes rendus qui interprètent la « révolution légale » opérée en mars 1933 dans cette optique, comme la conséquence de la violence nazie. Le 30 janvier 1933, Hitler est nommé chancelier (premier ministre) à la tête d’un gouvernement de coalition où les nazis détiennent deux postes ministériels (Wilhelm Frick à l’intérieur, Hermann Goering sans portefeuille). Forts d’un sentiment d’impunité, les militants du parti agressent, menacent et intimident leurs opposants pendant et après la campagne pour les élections parlementaires du 5 mars 1933. Les nazis entendent tenir le haut du pavé et ils le font savoir.

Poster électoral parti du centre

Poster du parti du Centre (Zentrumspartei), mars 1933.

Elections parlementaires, Allemagne, 1933

Élections parlementaires du 5 mars 1933 en Allemagne.

Élections parlementaire du 5 mars 1933, répartition en sièges

Élections parlementaires du 5 mars 1933 en Allemagne : répartition des voix au Reichstag.

C’est dans ce contexte que le 21 mars, Hitler soumet au parlement (Reichstag) un projet de loi lui conférant pendant une durée de quatre ans les pleins pouvoirs exécutifs et législatifs, y compris celui de modifier la constitution. Pour les démocrates allemands, le passage de ce texte signifiait la reddition de la démocratie parlementaire à ses ennemis jurés : la loi rendait a priori toute initiative politique d’Hitler légale. Elle lui offrait carte blanche afin d’institutionnaliser un régime de dictature.

Dans la mesure où ce texte de loi autorisait des changements constitutionnels, il ne pouvait être entériné que par une majorité « constitutionnelle » constituée des deux tiers des votes au parlement. Les partis de la majorité gouvernementale, le parti national-socialiste et le parti populaire national allemand (Deutschnationale Volkspartei, DNVP) ne disposaient pas au Reichstag d’une telle majorité. La loi fut néanmoins votée par une majorité constitutionnelle de 444 voix : le parti du Centre (Zentrum), le parti populaire bavarois (BVP), et le parti de l’État Allemand (DStP) votèrent « pour ». Seuls votèrent « contre » les quatre-vingt quatorze députés sociaux-démocrates du SPD présents à Berlin. Les députés communistes en fuite ou emprisonnés ne prirent pas part au vote.

Indubitablement, le renoncement du 23 mars 1933 s’accomplit dans un climat de violence. Le jour du vote (23 mars 1933), une foule de militants nazis manifestait à l’extérieur de l’opéra Kroll où se tenaient, en raison de l’incendie du bâtiment du Reichstag la nuit du 27 février 1933, les délibérations parlementaires :

Nous voulons la loi des pleins pouvoirs. Sinon ça va barder !

La thèse selon laquelle sans les pressions exercées par les nazis, les députés ayant accordé les pleins pouvoirs à Hitler ne s’y seraient pas résolus semble par conséquent aller de soi10. La simplicité de l’argument néanmoins fait illusion pour deux raisons. D’une part, la menace du recours à la force, voire le recours à la force, n’a pas pour corollaire nécessaire la subordination des groupes visés. Qu’il suffise à cet égard d’évoquer la ligne de conduite adoptée par les députés du parti social-démocrate (SPD) en mars 1933.

Plus encore que leurs pairs du parti du Centre, les membres du SPD étaient particulièrement exposés à la violence nazie. Le 23 mars, cependant, l’ensemble des députés SPD se prononça ouvertement contre le transfert des pleins pouvoirs à Hitler. Il serait erroné d’arguer que ces députés n’avaient plus rien à perdre. Aux yeux des Nazis, le sort de ceux qu’ils identifiaient comme « Juifs » n’était pas négociable. Il en allait toutefois autrement pour les non-juifs. Certains au sein du SPD envisageaient un vote d’abstention afin de sauvegarder la perspective d’un modus vivendi11.

Au vu de comportements collectifs tel que celui du groupe parlementaire SPD en mars 1933, l’argument de la contrainte se révèle partiel et problématique : dans certains cas, la menace et l’intimidation restent sans prise sur ceux dont elles visent à façonner le comportement. Ces cas négatifs appartiennent à l’univers des scénarios possibles dont doit rendre compte une explication systématique de ces conjonctures politiques.

Par ailleurs – et ce deuxième constat rejoint le premier – on ne saurait supposer que les contraintes propres à une situation s’imposent d’elles-mêmes à ceux qui les subissent. Il n’y a pas « d’objectivité » en soi des contraintes propres à une situation donnée. Cette « objectivité » est réfractée par le cadre interprétatif et normatif qu’adoptent les membres du groupe ciblé par la violence, cadre d’autant plus prégnant d’un point de vue comportemental qu’il semble faire l’unanimité au sein du groupe considéré12. Ce qui explique pourquoi des situations qui, du point de vue d’un observateur extérieur, apparaissent comme équivalentes en termes de contraintes donnent lieu à des comportements différents.

2. Si l’argument de la contrainte implique une lecture motivationnelle du renoncement, en faisant de la crainte ou de la résignation le motif sous-jacent du renoncement politique, l’argument de la méconnaissance, en revanche, déplace l’accent sur les aspects informationnels et cognitifs. La thèse se décline selon deux registres. Dans les deux cas de figure, les acteurs se méprennent sur les conséquences de leur décision. Il y a en premier lieu l'invocation de l'ignorance. Les acteurs ne pouvaient correctement évaluer les conséquences de leurs décisions. Il leur manquait l’information requise pour un choix en connaissance de cause. Le second registre est celui de la tromperie. Les acteurs avaient reçu l’assurance qu’une fois le transfert de pouvoir effectué, ce pouvoir s’exercerait dans des limites définies. Ces garanties n’ont pas été respectées.

Oskar Farny, député du parti du Centre en mars 1933, s’en remet à cet argumentaire dans sa réponse au questionnaire de dénazification qui lui est soumis dans l’immédiat après-guerre :

En 1933, personne ne savait quelle serait le direction suivie par Hitler après sa prise de pouvoir. Ses déclarations programmatiques étaient modérées et truffées d'assurances apaisantes en matière de politique intérieure et extérieure. On ne pouvait imaginer à ce moment que le peuple [allemand] fût tombé entre les mains d'un menteur et d'un imposteur d'une telle envergure historique13.

Comme le remarque un éditorial de Der gerade Weg (Le droit chemin) en date du 1er mars 1933, s'il est un reproche qui ne peut être fait aux dirigeants nazis, c'est celui d'avoir dissimulé leurs objectifs14. Les nazis vouaient aux gémonies la démocratie. Leur mépris était notoire. S’ils jouaient le jeu des élections démocratiques, c’était à seule fin d'en saper les fondements. La légalité des moyens servait des objectifs révolutionnaires. Hitler l'avait dit à nouveau le 25 septembre 1930 devant la cour suprême (Staatsgerichtshof) lors du procès de trois officiers inculpés de haute trahison en raison de leur appartenance au parti nazi. La tactique du parti était d'acquérir le pouvoir d'État de façon légale. Bien que ce choix tactique différât des tentatives de coup des années 1920, l'objectif restait le même : le renversement de la République de Weimar15.

Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 1er mars 1933
Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 1er mars 1933 éditorial

Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 1er mars 1933 –  Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 1er mars 1933 et éditorial p. 3 : « Le catholique qui s’affirme vote en conformité avec ses principes » (« Der positive Katholik wählt grundsätzlich »).

En février-mars 1933, aucun doute n’est plus possible sur les visées monopolisatrices des nazis et, en conséquence, sur leur volonté d’acquérir un contrôle exclusif de l’appareil d’État. Eugen Bolz, premier ministre de l’état du Württemberg et député du parti du Centre au Reichstag, dénonce ces visées dans un discours prononcé le 12 février 1933 :

On cherche un nouveau droit étatique ; on formule un nouveau concept de l’État, concept selon lequel l'État peut et est en droit de tout faire, l'individu n'est rien et ne signifie rien ... Cette doctrine est en contradiction absolue avec le droit naturel, avec notre conception chrétienne. C'est pourquoi nous voulons dès maintenant faire front contre ce concept de l'État et cette exacerbation du pouvoir étatique16 .

Le diagnostic est sans appel : la pratique du pouvoir des nazis relève d’une conception totalitaire. Ludwig Kaas, alors président du parti, enfonce le clou lors d'un discours à Cologne début mars 1933 :

Tout devient l'objet d'un monopole ... Mais nous ne tolérerons jamais que l'on s'approprie l'Allemagne au profit d'un parti, et que l'on diffame tout ce qui s’oppose à cette aspiration réellement injustifiée à un monopole17.

Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 23 février 1933

Der gerade Weg (Le droit chemin) : édition du 23 février 1933, p. 7 : « Non ! Non ! Aucun catholique ne doit voter national-socialiste » (« Nein ! Nein ! Kein Katholik darf nationalsozialistisch wählen »).

Fait particulièrement probant qui contraste avec la thèse d'un manque d'information : le danger totalitaire est montré du doigt non seulement dans les déclarations publiques des membres les plus en vue du parti du Centre, mais également dans les documents à usage interne et dans les sources éclairant les échanges entre députés. Dans le bulletin d'information du parti du Centre en date du 24 février, Ludwig Kaas, souligne ainsi le risque d'une dictature nazie18. Au début de mars 1933, un mémo « strictement confidentiel » destiné aux cadres du parti mentionne le destin réservé au parti catholique en Italie fasciste et les rumeurs d’une possible élimination du parti du Centre19.

Eugen Bolz

Eugen Bolz, premier ministre de l’état du Württemberg (juin 1928 – mars 1933) et député du parti du Centre au Reichstag (1919-1933).

Par conséquent, dans le cas de la délégation du pouvoir constituant à Hitler en mars 1933, l’argument de la méconnaissance manque singulièrement de crédibilité. Les acteurs politiques avaient pleinement conscience des objectifs politiques des nazis. De même n’ignoraient-ils pas comment ces derniers entendaient user de leur pouvoir. Dans ces conditions, la thèse de la méconnaissance apparaît sans fondement. Quand bien même certains parlementaires se seraient mépris sur les conséquences et la signification de leur vote, leur méprise s’apparente à un aveuglement volontaire.

À l’encontre de la thèse de la méconnaissance, deux objections d’une portée analytique plus générale doivent être formulées. La première souligne le lien entre la conscience des enjeux et l’effort pour s’informer. La recherche d’informations pertinentes afin de minimiser les risques rend la tentation de l’aveuglement plus difficile. La seconde objection porte sur le caractère publique de la décision. Celle-ci engage son auteur et ce dernier le sait. L’aveuglement est, là encore, rendu plus difficile.

Il ne s’ensuit pas que les agents, une fois le renoncement entériné, ne cherchent pas à s’en accommoder en se donnant de « bonnes » raisons, c’est-à-dire des raisons qui puissent faire l’objet d’un assentiment commun et fournir le socle d’une opinion partagée. L'acquiescement produit également la connaissance qui le sert, celle qui tronque, édulcore ou passe sous silence les éléments d'information qui ne cadrent pas avec le choix effectué. Dès lors ce n’est pas la méconnaissance qui détermine le choix, mais le choix qui détermine la méconnaissance20.

3. Venons en au troisième schéma d’explication : celui de la collusion idéologique. Le renoncement sanctionne l’absence de conviction. Les membres du groupe mis en demeure sont en réalité déjà disposés à abandonner tout ou partie de leurs droits, possessions ou capacité. Dans certains cas, ils font leurs les raisons invoquées par leurs opposants. Le fruit tombe, car il est mûr. Vilfredo Pareto envisage la circulation des élites sous ce jour : un groupe dirigeant cède la place sans coup férir lorsqu’il ne croit plus en lui-même, ou lorsqu’il reprend à son compte les mots d’ordre de ses adversaires21.

La thèse affleure dans les comptes rendus de l’effondrement des régimes communistes en 198922. Elle nourrit également certaines analyses du vote du groupe parlementaire du parti du Centre le 23 mars 1933. Les députés du parti du Centre auraient voté pour la loi parce qu’ils n’étaient pas des démocrates convaincus. Leur idéologie penchait trop du côté d’une vision réactionnaire, hiérarchique et corporatiste. À cet égard, il pouvait leur sembler qu’un terrain d’entente avec les nazis fût envisageable23.

Tout comme l’argument en termes de force majeure, celui de la collusion implique un canevas motivationnel dominant. Là où l’invocation de la pression des circonstances ou de la coercition dépeint des individus qui prennent acte de leur impuissance et agissent dans la résignation ou dans la peur, la thèse de la collusion décrit des acteurs qui, bon an mal an, acceptent sans états d’âme leur dépossession ou y souscrivent. Le renoncement repose sur un acte d’adhésion, qu’il s’accomplisse en sourdine ou au vu de tous.

S’inscrit en porte à faux avec cette thèse les comportements et les attitudes qui révèlent l’expérience d’un dilemme : ambivalence, oscillation, position d’attente, souci de l’anonymat, mauvaise conscience et remords une fois la décision prise. La collusion n’est guère compatible avec l’incertitude et l’ambivalence. Il en va ainsi des hésitations et des débats de conscience propres aux députés du parti du Centre avant le vote. Heinrich Brüning, premier ministre de 1930 à 1932, décrit par exemple, au cours d’une réunion du groupe parlementaire du parti du Centre au matin du 23 mars, la loi des pleins pouvoirs comme « la plus monstrueuse des choses qui puissent être demandées à un parlement »24. Les débats de l’après-midi ont un tour dramatique. Dans une lettre à Brüning écrite peu de temps après, Friedrich Dessauer évoque une décision parmi « les plus difficiles qu’il ait eue à prendre au cours de sa vie »25.

Friedrich Dessauer & Heinrich Brüning

Friedrich Dessauer, député du parti du Centre au Reichstag (1924-1933) – Heinrich Brüning, premier ministre de 1930 à 1932, député du parti du Centre au Reichstag (1924-1933).

4. Que déduire de ce tour d’horizon critique des explications du sens commun ? Trois points sont à noter. En premier lieu, un cadre d’explication systématique doit être en mesure d’éclairer non seulement le renoncement collectif dans des situations de mise au défi, mais encore les comportements collectifs qui s’en démarquent. Cette exigence est apparue clairement dans le cas de l’argument de la contrainte. La coercition n’est pas en elle-même garante de son effet. Vécue comme une atteinte intolérable à l’intégrité de l’individu ou du groupe, elle peut devenir un motif d’opposition et de refus.

Second point : que la focale porte sur la résistance ou le renoncement, l’uniformité des comportements ne découle pas nécessairement de l’uniformité des dispositions et de croyances. Comme tout acte collectif, la renonciation uniformise ceux qui y souscrivent par leur comportement. Dans certains cas, cette uniformité est renforcée après coup par la production d’un récit collectif commun. On ne saurait toutefois conclure sans autre forme d’examen que les acteurs individuels qui ont été parties prenantes de la décision ont adopté une ligne de conduite similaire parce qu’ils étaient faits de la même étoffe.

Troisième point : le renoncement implique un choix. Afin d’en mettre à nu les modalités, le phénomène doit être appréhendé comme la résultante d’un processus décisionnel26. Or, lorsque nous appréhendons ces moments de décision au plus près, dans leur processus d’élaboration, le portrait des acteurs qui se fait jour met en exergue leur indécision : face à une situation menaçant leurs droits, leur identité, leur pouvoir ou leurs intérêts, et qui comporte des risques, ils vacillent. La décision ne va pas de soi. Le groupe mis au défi se révèle être à la croisée des chemins. Il peut basculer dans l’un ou l’autre des scénarios inscrits dans la conjoncture : la désagrégation, le renoncement ou la résistance.

Christine Teusch, Helene Weber & Joseph Wirth

Christine Teusch, députée du parti du Centre au Reichstag (1924-1933) – Helene Weber, députée du parti du Centre au Reichstag (1924-1933) – Joseph Wirth, député du parti du Centre au Reichstag, ancien premier ministre (1921-1922) et ancien ministre de l’intérieur (1930-1931).

Lors de la réunion du groupe parlementaire du parti du Centre l’après-midi du 23 mars 1933, Christine Teusch, Helene Weber et Joseph Wirth s'opposèrent, lors d'un vote interne au groupe parlementaire, à l’octroi des pleins pouvoirs à Hitler.

Certains font défection parce qu’ils croient avoir une carte à jouer en tournant casaque ou parce qu’ils ne s’identifient pas au groupe mis en demeure. D’autres n’envisagent pas d’autre ligne de conduite que le refus. Entre ces deux pôles, l’hétéronomie (le fait de s’en remettre à autrui pour le choix d’une ligne de conduite) domine dans l’éventail des dispositions et des attentes. Les agents dans l’expectative attendent du collectif le signal ou l’injonction qui mettront fin à l’indétermination. Le paradoxe est que cette attente, collective et partagée, loin d’offrir une solution à un dilemme décisionnel, l’exacerbe en faisant du groupe le lieu d’un choix ouvert, un horizon de fuite sans contenu déterminé.

La remarque de Ludwig Kaas, président du parti du Centre, au cours des débats au sein du groupe parlementaire qui précédèrent le vote le 23 mars 1933, est très révélatrice de cette vulnérabilité collective :

personne ne peut prendre la responsabilité d’un vote isolé. Cette responsabilité est trop lourde. Le vote ne peut qu’être dépersonnalisé27.

Compte tenu des risques et des enjeux, Kaas énonce de fait la nécessité à ses yeux d’un alignement collectif. En d’autres termes :

quelle que soit la ligne de conduite que nous adopterons, nous devons nous aligner les uns sur les autres afin que notre ligne de conduite soit unanime.

Dire que les membres d’un groupe n’entendent pas s’exposer individuellement dans une situation de mise au défi, c’est dire qu’ils partagent un intérêt à aligner leur conduite sur celle du groupe dans son ensemble. L’épreuve suscite de leur part le souci de se fondre dans une décision collective qui, parce qu’elle est collective, permet de les absoudre jusqu’à un certain point. Elle les motive également à faire leurs les raisons qui formeront la trame d’un récit de justification. Le choix du renoncement, tout comme celui de la résistance, rend compte d’un processus d’alignement.

Deux scénarios dès lors sont possibles. Le premier s’actualise sous la forme d’une cascade de comportements. Certains membres du groupe adoptent publiquement une ligne de conduite. Leur engagement influence d’autres membres qui, jusque là, n’osaient sauter le pas. L’action de ces derniers à son tour suscite l’engagement d’autres individus, et ainsi de suite. L’alignement est séquentiel28. Le second scénario décrit un processus de formation des anticipations. En l’absence d’alignement séquentiel, les acteurs s’efforcent d’envisager le comportement futur du groupe dans son ensemble. Ils échafaudent leurs anticipations en échangeant de façon informelle des informations sur leurs préférences (« savoir local »), ou en envisageant les répercussions sur le groupe d’événements supposés connus de tous (« alignement tacite »). L’alignement se fait par anticipation29.

Ce canevas explicatif met au centre de l’analyse l’hétérogénéité des dispositions et des motivations. L’hétérogénéité explique pourquoi l’alignement a une temporalité propre. Les propensions individuelles à se couler dans le moule diffèrent. Compte tenu de l’enjeu, certains acteurs agissent de façon autonome indépendamment d’un comportement collectif. Le plus grand nombre décide de se fondre dans une prise de position collective.

5. Revenons à la nuit du 4 août 1789 qui a ouvert cette réflexion sur le renoncement politique et les effondrements de régime. Les comptes rendus des contemporains insistent sur la joie et l’effusion collective. L’événement est exceptionnel à plusieurs titres : en raison de son caractère inattendu – le revirement s’accomplit dans un laps de temps très court, en l’absence de signes annonciateurs –de l’ampleur de la renonciation opérée, et de son contenu émotionnel. La joie et l’euphorie contrastent singulièrement avec les antagonismes exprimées au cours des semaines précédentes.

Cette effusion de joie est d’autant plus remarquable au regard du contexte : plusieurs provinces étaient le théâtre de révoltes paysannes. « Il s’agit de détruire l’oppression féodale, et, à l’occasion, de se venger d’un seigneur ou d’un privilégié dont on a eu particulièrement à se plaindre »30. Les nouvelles des mises à sac ont égrené le mois de juillet31. Les députés de la noblesse réunis à Versailles se laissent gagner par l’inquiétude. Le décret qui motive la séance de nuit du 4 août réaffirme les « droits sacrés de la propriété » et dénonce « les troubles et les violences » comme « servant les projets criminels des ennemis du bien public ». Sa teneur est répressive32.

Compte tenu de ces éléments contextuels, on comprend que la dominante émotionnelle des résolutions adoptées la nuit du 4 août ait pu être interprétée comme l’une des manifestations de l’irrationalité propre aux comportements de groupe : imprévisibles, sans logique apparente si ce n’est celle d’une émulation s’amplifiant d’elle-même. Seule la force de l’effervescence collective semble être à même de rendre compte d’une décision aussi étonnante.

Le Bon et Freud ont posé les jalons de ce type d’argument : selon eux, les situations collectives caractérisées par une forte densité de relations interpersonnelles s’avèrent particulièrement propices aux phénomènes de contagion et de mimétisme33. Une fois la dynamique de ces processus activée, les individus perdent la main. Ce sont les affects qui mènent la danse via un mécanisme de « réaction circulaire » (Herbert Blumer) faisant des individus à la fois les réceptacles et les relais d’états affectifs qu’ils ne peuvent contrôler. Le mimétisme et la contagion de ces états affectifs abolissent toute appréciation stratégique des conséquences34. Durkheim propose une clef de lecture qui fait écho à cette perspective: le 4 août 1789 doit être interprété comme un de ces moments d’effusion collective où l’adhésion au groupe prime sur toute autre considération et motive les individus à transcender leurs égoïsmes particuliers35.

Les Formes élémentaires de la vie religieuse

Les Formes élémentaires de la vie religieuse, 1912.

Envisagée sous cet éclairage, la nuit du 4 août a toutes les apparences d’un cas type : le renoncement est proclamé dans l’effervescence. Comme l’indique une note que le comte de Lally-Tolendal en milieu de séance fait passer au président de l’Assemblée, Isaac Le Chapelier :

personne n'est plus maître de soi. Levez la séance36.

Les propositions de renonciation et de réforme fusent comme s’il importait désormais de ne pas se laisser distancer dans le sacrifice. Après coup, certains protagonistes évoquèrent une sorte de « délire ».

Si la dimension émotionnelle de l’événement va sans dire, le rôle joué par l’enthousiasme dans une dynamique collective du renoncement reste sujet à caution. À cet égard, deux points doivent être soulignés. D’une part l’affirmation selon laquelle les protagonistes se seraient laissés submerger par la joie ne dit rien du processus d’émergence de l’effusion. D’autre part le rôle exact joué par les émotions dans l’étiologie du renoncement reste à déterminer. À cet égard, la nuit du 4 août offre un terrain d’étude privilégié.

En effet, une analyse séquentielle de l’événement montre que l’effusion et l’effervescence n’allaient pas de soi. La résurgence des antagonismes faisait partie de l’univers des possibles, comme le montrent les réactions d’indignation suscitées par les diatribes contre les abus féodaux en début de séance. En magnifiant la focale, il apparaît que l’effusion s’est déclarée dans le sillage de la déclaration du duc de Châtelet et qu’elle fut précédée par un moment d’incertitude au sein des représentants de la noblesse. Le point nodal réside dans la conjonction d’une hésitation collective et d’une prise de position publique37.

6. En guise de récapitulation : un régime vacille lorsqu’un ou plusieurs groupes, de par leur action, jettent le doute sur la viabilité de ses règles de fonctionnement. Il s’effondre dès lors que ces règles ont cessé d’être opérantes. Cet état de fait peut recouvrir deux processus. L’un décrit un conflit ouvert qui rend les règles institutionnelles obsolètes. Ces règles n’ont plus de prise. Les agents cessent de s’y référer lorsqu’ils se projettent dans un futur immédiat. L’effondrement institutionnel est la conséquence d’une confrontation sans compromis possible.

Le second processus à l’œuvre dans l’effondrement est celui du renoncement : les tenants du régime abandonnent la lutte et, ce faisant, ouvrent la voie à une restructuration de régime. Août 1789 en France, mars 1933 en Allemagne, juillet 1940 en France, juin 1958 en France, novembre 1976 en Espagne, novembre 1989 en Allemagne de l’Est : ces quelques cas suffisent à prendre la mesure du phénomène, tant dans les régimes dictatoriaux que dans les structures de pouvoir démocratique.

L’effondrement d’un régime ne saurait donc être pensé uniquement comme la conséquence de coups de force. Le renoncement au pouvoir tout comme le renoncement à l’action collective en sont une des modalités possibles. Les observations précédentes se sont efforcées de rendre compte de cette modalité de l’effondrement en prenant pour point de départ les explications inspirées du sens commun : la contrainte, la méconnaissance et la collusion idéologique. Leur examen souligne qu’une explication systématique du phénomène ne peut faire l’impasse sur les variations de comportement face à la contrainte, tout comme elle ne peut supposer une homogénéité des dispositions individuelles. Le point essentiel est le suivant : le renoncement en politique implique un choix. Il nous est possible d’en élucider la logique sous-jacente dés lors que nous l’analysons comme tel.

Cette analyse met à nu la prégnance des choix hétéronomes et de leurs aspects cognitifs dans la dynamique des comportements de groupe, indice s’il en est que le renoncement ne va jamais de soi, aussi déstabilisante et paralysante que soit une situation de mise au défi. Cette analyse éclaire de surcroît deux types d’alignement. L’alignement est séquentiel lorsque les acteurs modèlent leurs décisions sur les engagements de leurs pairs. Il se fait par anticipation quand les acteurs s’efforcent d’envisager le comportement futur du groupe sur la base d’échanges informels (« savoir local ») ou des répercussions attendues d’un événement public (« alignement tacite »). La théorie de l’effondrement est en dernière instance redevable d’une théorie de l’alignement38.

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1

Patrick Kessel, La Nuit du 4 Août 1789, Paris, Arthaud, 1969 ; Jean-Pierre Hirsch, La Nuit du 4 août, Paris, Gallimard/Julliard, 1978 ; Timothy Tackett, Becoming a Revolutionary. The Deputies of the French National Assembly and the Emergence of a Revolutionary Culture (1789-1790), Princeton, Princeton University Press, 1996.

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2

Jean-Antoine-Nicolas de Caritat Condorcet, Mémoires de Condorcet sur la révolution française : extraits de sa correspondance et de celles de ses amis, Paris, Ponthieu, tome II, 1824, p. 60 ; cité par Kessel, La Nuit du 4 Août 1789, Paris, Arthaud, 1969, p. 173.

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3

François Furet, « Nuit du 4 août 1789 », p. 126-132 in F. Furet, M. Ozouf (dir.), Dictionnaire critique de la révolution française, Paris, Flammarion, 1988, p. 126.

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4

Citée par Patrick Kessel, La Nuit du 4 Août 1789, Paris, Arthaud, 1969, p. 179.

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5

Juan J. Linz, Alfred Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1996, p. 91-96. Josep Colomer décrit le vote du 18 novembre 1976 au cours duquel les membres des Cortes – assemblée de représentants désignés par le gouvernement ou élus par des organisations corportatistes – entérinent leur propre dissolution comme un « harakiri » politique (Josep M. Colomer, Game Theory and the Transition to Democracy, Aldershot, Edward Elgar, 1995, p. 58-59). Ignacio Sánchez-Cuenca évoque un « suicide institutionnel » (Ignacio Sánchez-Cuenca, Atado y mal atado : El suicidio institucional del franquismo y el surgimiento de la democracia, Madrid, Alianza, 2014).

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6

« Most ruling parties fell without resistance : They abdicated, willingly gave up power, and melted away » (Vladimir Tismaneanu, Reinventing Politics : Eastern Europe from Stalin to Havel, New York, Free Press, 1992, p. XI).

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7

Alistair Sparks, Tomorrow is another country : the inside story of South Africa's road to change, New York, Hill and Wang, 1995, p. 180-195.

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8

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, chapitre 2.

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9

René Rémond, Le Retour de De Gaulle, Paris, Complexe, 1987.

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10

Karl Dietrich Bracher, « Stufen der Machtergreifung », in K. Bracher, W. Sauer, G. Schulz (dir.), Die nationalsozialistische Machtergreifung. Studien zur Errichtung des totalitären Herrschaftssystems in Deutschland 1933-34, Cologne et Opladen, Westdeutscher Verlag, 1962, p. 159 ; Rudolf Morsey, Der Untergang des politischen Katholizismus. Die Zentrumspartei zwischen christlichem Selbstverständnis und « Nationaler Erhebung » 1932-33, Stuttgart, Belser Verlag, 1977, p. 144.

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11

Otto Buchwitz, 50 Jahre Funktionär der deutschen Arbeiterbewegung, Berlin-Est, Dietz Verlag, 1950, p. 149 ; Josef Felder, « Mein Weg : Buchdrucker – Journalist – SPD Politiker », p. 15-79 in Abgeordnete des Deutschen Bundestages. Aufzeichnungen und Erinnerungen, vol. 1, Boppard, Boldt, 1982, p. 37 ; Wilhelm Hoegner, Der schwierige Außenseiter. Erinnerungen eines Abgeordneten, Emigranten und Ministerpräsidenten, Munich, Isar Verlag, 1959, p. 129.

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12

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, chapitre 3, p. 90-91.

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13

« Im Jahre 1933 wusste auch noch niemand, welche Richtung Hitler nach der Machtübernahme einschlagen würde, denn seine Regierungserklärung war gemässigt und voll beruhigender Zusicherungen nach Innen und Aussen. Niemand konnte zu diesem Zeitpunkt ahnen, welch einem Lügner und Betrüger einmaligen geschichtlichen Formats das Volk in die Hände gefallen war » (NL Farny, I-468, 001-1, Archiv der Konrad Adenauer Stiftung, Sankt Augustin). Sauf indication contraire, les traductions sont miennes.

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14

Der gerade Weg reconnaît explicitement l'identité catholique de son lectorat (Archiv der Konrad Adenauer Stiftung, Sankt Augustin, Fonds Scherer, I-046, 002-3).

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15

John E. Finn, Constitutions in Crisis. Political Violence and the Rule of Law, New York et Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 163.

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16

« Man sucht ein neues Staatsrecht. Man formuliert einen neuen Begriff vom Staat, der sagt : Der Staat kann alles und darf alles ; der einzelne ist nichts und bedeutet nichts. ... Das ist eine Lehre, die mit dem Naturrecht, mit unserer christlichen Auffassung in absolutem Gegensatz steht. ... Deshalb wollen wir von allem Anfang an gegen diesen Begriff des Staates und diese Übersteigerung der staatlichen Macht Front machen » Kölnische Volkszeitung, 15 février 1933. Le titre de cette transcription du discours de Bolz est explicite : « Ce qui est en jeu » (« Was auf dem Spiele steht »).

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17

« Alles wird monopolisiert. ... Aber ... wir werden niemals dulden, daß man Deutschland parteipolitisch monopolisiert, und daß man alles diffamiert, was sich diesem sachlich wahrhaftig nicht gerechtfertigten Monopolisierungsanspruch widersetzt ». Kölnische Volkszeitung, 3 mars 1933.

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18

Kommission für Zeitgeschichte, Bonn. Fonds Dessauer FD 12, Nr. 7136.

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19

Konrad Adenauer Stiftung, Sankt Augustin, Nachlaß Bormann, I-352, Mappe 9, « Streng vertraulich », p. 1. Concernant les échanges entre députés du parti du Centre, voir Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, p. 99.

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20

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, chapitre 4, p. 93-94.

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21

Vilfredo Pareto, The Rise and Fall of Elites : An Application of Theoretical Sociology, introduction de Hans L. Zetterberg, New Brunswick, Transaction, 2008.

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22

« By 1989, party bureaucrats did not believe in their speech. And to shoot, one must believe in something. When those who hold the trigger have absolutely nothing to say, they have no force to pull it » (Adam Przeworski, Democracy and the Market : Political and Economic Reforms in Eastern Europe and Latin America, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p. 6).

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23

Rudolf Lill, « NS-Ideologie und katholische Kirche », p. 151-172 in K. Gotto, K. Repgen (dir.), Die Katholiken und das Dritte Reich, Mainz, Matthias-Grünewald-Verlag, 1990, p. 138.

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24

« Das Ermächtigungsgesetz sei das Ungeheuerlichste, was je von einem Parlament gefordert worden war » (Rudolf Morsey (dir.), Die Protokolle der Reichstagsfraktion und des Fraktionsvorstandes der deutschen Zentrumspartei. 1926-1933, Mainz, Matthias-Grunewald-Verlag, 1969, p. 631).

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25

« Entschluß ..., der zum Schwersten gehört, was ich in meinem Leben überstanden habe ... » (Lettre à Brüning, en date du 27 mars 1933 ; Kommission für Zeitgeschichte, Bonn, Nachlaß Dessauer FD 12 Nr. 6596-6597).

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26

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, préface.

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27

« Prälat Kaas [erklärte], daß niemand die Verantwortung für eine Einzelabstimmung übernehmen könne, diese Verantwortung sei zu schwer -- das Votum könne nur entpersönlicht sein, nur ein einheitliches Votum schaffe Entpersönlichung in der Annahme des Ermächtigungsgesetzes » (Tagebuchaufzeichnungen von Clara Siebert reproduit par Morsey (dir.), in Das ‚Ermächtigungsgesetz’ vom 24. März 1933. Quellen zur Geschichte und Interpretation des ‚Gesetzes zur Behebung der Not von Volk und Reich’, Düsseldorf, Droste Verlag, 1992, p. 137).

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28

Granovetter a formalisé le processus à partir de la notion de seuils d’action individuels (« individual threshold ») : Mark Granovetter, « Threshold Models of Collective Behavior », American Journal of Sociology, vol. 6, n° 83, 1978, p. 1420-1443.

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29

Pour une analyse des processus cognitifs à l’œuvre dans ces deux scénarios, se reporter à Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, chapitre 6 ; « Motives and Alignment », Social Science History, Special Section : Politics, Collective Uncertainty, and the Renunciation of Power, vol. 1, n° 34, 2010, p. 97-109.

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30

Patrick Kessel, La Nuit du 4 Août 1789, Paris, Arthaud, 1969, p. 116.

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31

Georges Lefebvre, Quatre-vingt-neuf, Paris, Éditions Sociales, 1970 ; John Markoff, The Abolition of Feudalism : Peasants, Lords, and Legislators in the French Revolution, University Park, Pennsylvanie, The Pennsylvania State University Press, 1996, p. 300-1, 336-7.

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32

Jean-Pierre Hirsch, La Nuit du 4 août, Paris, Gallimard/Julliard, 1978, p. 145-146.

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33

Gustave Le Bon, La Psychologie des foules, Paris, Félix Alcan, 1908 ; Sigmund Freud, Psychologie collective et analyse du moi, traduction de S. Jankélévitch, Paris, Payot, 1921. Le Bon rend compte de la nuit du 4 août à partir de cette grille d’interprétation.

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34

Herbert Blumer, « Collective Behavior », in Robert E. Park (dir.), An Outline of the Principles of Sociology, New York, Barnes, 1939, p. 222-4. Randall Collins offre une analyse systématique des paramètres écologiques et des implications de ces dynamiques émotionnelles (Randall Collins, « Social Movements and the Focus of Emotional Attention », p. 27-44 in Passionate Politics : Emotions and Social Movements, edited by J. Goodwin, J. M. Jasper, F. Poletta, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 2001 ; Interaction Ritual Chains, Princeton, Princeton University Press, 2004).

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35

Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1995, p. 211. Pour une analyse en termes de « flux émotionnel » congruente avec l’interprétation durkheimienne, voir Randall Collins, « Social Movements and the Focus of Emotional Attention », in J. Goodwin, J. M. Jasper, F. Poletta (dir.), Passionate Politics : Emotions and Social Movements, p. 27-44, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 2001, p. 41.

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36

Charles Élie marquis de Ferrières, Mémoires, vol. 1, Paris, Baudouin, 1821, p. 189. Trophime-Gérard Lally-Tolendal était député « des citoyens nobles de Paris » (A. Robert, E. Bourloton, G. Cougny (dir.), Dictionnaire des parlementaires français comprenant tous les membres des Assemblées françaises et tous les ministres français depuis le 1er mai 1789 jusqu’au 1er mai 1889, tome troisième, Paris, Bourloton, 1891, p. 549).

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37

Ivan Ermakoff, « The Structure of Contingency », American Journal of Sociology, n° 121, 2015, p. 64-125, p. 97-99 ; « Cognition, Emotions and Collective Alignment : A Response to Collins », American Journal of Sociology, n° 123, 2017, p. 284-291.

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38

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008, chapitre 6 ; « Motives and Alignment », Social Science History, Special Section : Politics, Collective Uncertainty, and the Renunciation of Power, vol. 1, n° 34, 2010, p. 97-109.

Herbert Blumer, « Collective Behavior », in R. E. Park (dir.), An Outline of the Principles of Sociology, New York, Barnes, 1939.

Karl Dietrich Bracher, « Stufen der Machtergreifung », in K. Bracher, W. Sauer, G. Schulz (dir.), Die nationalsozialistische Machtergreifung. Studien zur Errichtung des totalitären Herrschaftssystems in Deutschland 1933-34, Cologne et Opladen, Westdeutscher Verlag, 1962.

Otto Buchwitz, 50 Jahre Funktionär der deutschen Arbeiterbewegung, Berlin-Est, Dietz Verlag, 1950.

Jean-Antoine-Nicolas de Caritat Condorcet, Mémoires de Condorcet sur la révolution française : extraits de sa correspondance et de celles de ses amis, Paris, Ponthieu, tome II, 1824.

Randall Collins, « Social Movements and the Focus of Emotional Attention », in J. Goodwin, J.M. Jasper, F. Poletta (eds.), Passionate Politics : Emotions and Social Movements, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 2001, p. 27-44.

Randall Collins, Interaction Ritual Chains, Princeton, Princeton University Press, 2004.

Josep M. Colomer, Game Theory and the Transition to Democracy, Aldershot, Edward Elgar, 1995.

Émile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1995.

Ivan Ermakoff, Ruling Oneself Out : A Theory of Collective Abdications, Durham, Duke University Press, 2008.

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Ivan Ermakoff, « The Structure of Contingency », American Journal of Sociology, n° 121, 2015, p. 64-125.

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