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Hybrider les savoirs. Claude Lefort et Socialisme ou Barbarie entre sciences sociales et projet révolutionnaire

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Le sociologue Alain Touraine, en 1997, dans un courrier adressé à son ancien collègue Claude Lefort (1924-2010), notait sur le mode de l’hommage : « C’est toi qui as fait revivre en France la théorie politique et nous te sommes tous redevables de cette dette intellectuelle qui a nourri à la fois notre travail, nos indignations et nos espoirs1. » Immédiatement surgit l’image de Lefort comme penseur du politique, auteur d’une œuvre considérable explorant, à partir des années 1960, l’énigme que constitue le « mode d’institution de la société2 ». Cependant, dans le constat de Touraine se mêle à la déférence intellectuelle et à l’hommage académique, la reconnaissance d’une dimension politique, mobilisatrice de l’œuvre lefortienne. Politique et savoirs sont ici mêlés. Ce faisant, cette lettre vient questionner la distinction parfois opérée entre un Lefort de la maturité, philosophe purement universitaire et, d’autre part, un « jeune » Lefort, militant pris dans les rets de la théorie révolutionnaire et dont la production aurait, de ce fait, moins à nous apprendre aujourd’hui. En se tournant précisément vers le « portrait de Claude Lefort en jeune homme3 », moins connu, il est possible de complexifier ce constat. Notamment en suivant le concept « d’expérience prolétarienne », publié dans les colonnes de la revue Socialisme ou Barbarie en 1952 et présenté rétrospectivement par son auteur comme « l’article dans lequel est au mieux résumée ma conception à l’époque4 ». Cet article, par le dialogue qu’il instaure entre théorie révolutionnaire, sciences sociales et philosophie soulève des questions épistémologiques décisives pour Lefort, tant pour son activité militante que pour sa réflexion philosophique. Ces questions, bien que reconfigurées, resteront vivante pour Lefort bien au-delà de 1958, date de son abandon du militantisme révolutionnaire. 

Mais plus largement encore, l’étude de « l’expérience prolétarienne » permet, pour le début des années 1950, d’éclairer un enchâssement original de contextes : l’histoire du groupe-revue Socialisme ou Barbarie (1949-1967), dont Touraine a été un critique largement critiqué5 ; l’histoire politique des gauches en contexte de Guerre froide ; l’histoire des profondes mutations qui travaillent les sciences humaines et sociales. Ainsi, à travers une étude du concept d’« expérience prolétarienne », parfois indiciaire, il s’agira de faire émerger les différentes strates de savoirs et de pratiques qui le rendent possible ; les ressources simultanément académiques et militantes qui s’y trouvent sédimentées. En définitive, l’analyse de ce concept, et de l’histoire de Socialisme ou Barbarie plus largement, aboutit à questionner la frontière, postulée plus que démontrée dans les travaux d’inspiration bourdieusienne, entre un « champ académique » et un « champ politique » dans l’après-Seconde Guerre mondiale. À rebours de certains usages rigides de la logique de champ, s’esquisse davantage une forte fluidité, une richesse des jeux à la frontière entre mondes académiques et militants qui découlent de la multi-positionnalité de Lefort, comme de la plupart des théoriciens du groupe. Posant « l’expérience prolétarienne » comme une stratification de « savoirs » composites, nous tenterons de saisir la construction d’une pensée qui fait échec à une modélisation du social par champ et qui, plus largement, propose une alliance originale entre sciences sociales et théorie révolutionnaire.

Les arcanes du travail intellectuel : entre monde académique et militant  

En 1997, Philippe Gottraux publiait un ouvrage, encore aujourd’hui abondamment cité, sur l’histoire du groupe et revue Socialisme ou Barbarie6. Première synthèse sur la question, ce travail de doctorat en science politique explorait la trajectoire de ce groupe-revue selon une logique de champ héritée de la sociologie de Bourdieu. Schématiquement, l’auteur entendait montrer comment les militants révolutionnaires de ce groupe – champ politique radical –, par l’échec de leur organisation révolutionnaire à transformer significativement la société entre 1949 et 1967, auraient entrepris de reconvertir leur capital militant vers le monde universitaire – champ académique – où des théoriciens comme Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Jean-François Lyotard ou encore Vincent Descombes embrassent des carrières universitaires. Ce découpage en deux « champs » clairement distingués, malgré l’inconfort de l’auteur qui, dès l’ouverture, doit reconnaître une forme d’attrait-répulsion de ces militants pour le champ académique7, aboutissait à camper des protagonistes réputés conscients des « règles » sociales dans une veine fonctionnaliste. Cette coupure posée a priori dans les logiques d’implication militante et académique aboutissait à exclure très largement les articles, ouvrages et autres charges d’enseignements du champ d’étude pourtant effectués par nombre de ses acteurs, du vivant même du groupe. Loin d’avoir disparue, cette conceptualisation des engagements intellectuels selon une logique de champ, bien que très largement raffinée, continue d’innerver une part importante des travaux récents en histoire sociale des idées8.

Avant même d’étudier ce que cette démarche peut faire perdre à l’analyse des contenus théoriques, on peut noter que cet usage des « champs » peut limiter notre faculté à mener ce que Jean-Claude Perrot appelait une Histoire concrète de l’abstraction9. En effet, l’histoire intellectuelle a depuis longtemps pointé l’importance de saisir les pratiques et les gestes du travail théorique, les situations professionnelles ou géographiques qui le conditionnent et les réseaux interpersonnels qui le soutiennent. Or, dans le cas de SouB, ces conditions du travail intellectuel se déploient précisément à l’interface entre « champ » académique et militant. Ainsi, Jean-François Lyotard, agrégé de philosophie en 1950, rejoint le groupe en 1954 en proposant une lecture critique et antibureaucratique des luttes de décolonisation en Algérie. En 1956, Lyotard sollicite l’appui de Lefort en vue d’obtenir une place de chargé de cours en sociologie à la Sorbonne auprès de Georges Gurvitch, figure tutélaire du laboratoire de sociologie dont dépend Lefort au CNRS. Cette intercession de Lefort ne porte pas ses fruits. Mais celui-ci évoque dans sa correspondance le « boulot », « assez absorbant », que représente l’enseignement à l’université mais qui a l’avantage de « permettre de recouper pas mal de préoccupations personnelles10 ». Ces « préoccupations personnelles » font ici signe vers cette intrication fondamentale entre ressources académiques et projets militants. En d’autres termes, l’université, en plus du revenu indispensable pour vivre et militer, apparaît ici comme un moyen de fusionner, dans une même temporalité, l’accumulation de savoirs en sciences sociales, leur enseignement et leurs réemplois dans une perspective de transformation de la société.

Il peut même s’agir d’une sorte de boucle rétroactive. Lyotard, dans ses travaux dirigés (TD) dispensés en Sorbonne durant l’année 1960-1961, prend Socialisme ou Barbarie comme point de départ de ses réflexions académiques sur le témoignage et le statut de la parole prolétarienne11. Rien ne justifie donc de cloisonner ces logiques académiques et militantes en termes de « champs » autonomes occultant ces « arcanes du travail intellectuel12 » bâties, y compris dans leur dimension matérielle et pécuniaire, sur une articulation entre inscriptions scientifiques et militantes. Cette porosité se marque également au sein même de « l’expérience prolétarienne » et il nous faut donc étudier les processus, les modalités et les temporalités fines de la construction d’une pensée qui construit simultanément des savoirs académiques depuis une interrogation militante et, symétriquement, alimente ses perspectives révolutionnaires de réflexions épistémologiques menées dans un cadre académique.

Situer « l’expérience prolétarienne » dans l’histoire de Socialisme ou Barbarie

L’article de Lefort paraît à l’hiver 1952, dans le numéro 11 de Socialisme ou Barbarie. Ce groupe-revue naît au printemps 1949 d’une scission avec la IVème Internationale à la suite de différends massifs touchant au mode d’organisation interne du mouvement trotskiste mondial, à l’épineuse question de la « nature de l’URSS » et de la Yougoslavie de Tito13. Après 1947, dans un contexte de polarisation croissante et de recomposition des gauches à l’heure de l’entrée en régime de Guerre froide14, SouB entend mener une critique décapante du programme révolutionnaire hérité, qu’il soit de facture marxiste-léniniste ou trotskiste. La vingtaine de militants emmenés par Cornélius Castoriadis et Claude Lefort visent à adapter le projet révolutionnaire à la nouvelle donne bureaucratique mondiale. Ce concept de bureaucratie est alors compris non seulement comme une excroissance administrative maladive et irrationnelle mais, plus radicalement, comme une tendance lourde à une distinction croissante entre « exécutants » et « dirigeants ». Il en résulte donc une nouvelle forme de domination, inédite, s’enracinant de manière encore imparfaite au sein du bloc de l’Ouest mais déjà concentrée en URSS et ses satellites15. Cette bureaucratisation se développe préférentiellement sur fond d’expansion du rôle des États dans toutes les sphères d’activité, en particulier économique, avec le planisme né des impératifs des reconstructions. Mais la « racine de cette bureaucratie semble dans la plupart des cas être le mouvement ouvrier lui-même. Ce sont en effet les couches dirigeantes des syndicats et des partis ‘‘ouvriers’’16 » qui captent les profits espérés de la Révolution, réussissent à la retourner en une mystification aliénante et, enfin, écartent les masses ouvrières de tout rôle décisionnaire dans la conduite de son destin collectif.

Tirant les conséquences de ce constat initial, c’est alors à un chantier titanesque que s’attèlent les théoriciens de SouB : repenser l’organisation, la théorie et la pratique révolutionnaires. Mais dès sa fondation, des courants divergents travaillent le groupe sur les conséquences à tirer de ce constat. En 1951, face à une tendance rassemblée autour de Castoriadis, Lefort estime que tout programme révolutionnaire imposé de l’extérieur au prolétariat, par une avant-garde professionnelle et non ouvrière pose immédiatement le « problème de la direction révolutionnaire ». Une organisation révolutionnaire n’a de sens que comme pôle d’expression des ouvriers eux-mêmes sous peine de recréer une division bureaucratique de parti17. Ainsi, dans le numéro qui précède immédiatement la publication de « l’expérience prolétarienne », s’affronte deux rapports différents à la classe ouvrière et au mode d’organisation de l’agir militant. « L’expérience prolétarienne » doit être saisie comme un article d’intervention d’une fraction du groupe rejetant toute distinction ontologique entre la classe ouvrière et son parti, débat qui ne sera finalement tranché que lors de la première scission du groupe en 1958. Toutefois, le statut de « l’expérience prolétarienne » est ambigu. L’absence de signature fait paradoxalement endosser à l’ensemble du groupe la responsabilité de cet article alors même qu’il exprime une position minoritaire combattue au sein d’un groupe qui entame alors une première traversée du désert18.

Quant au fond, « l’expérience prolétarienne » vise à tirer les conséquences les plus radicales des prémices antibureaucratiques du groupe. Ce projet révolutionnaire est ainsi conçu comme la récolte de témoignages ouvriers puis leur mise en comparaison afin d’en extraire une forme de perspective révolutionnaire à l’état latent. Ceci est rendu nécessaire par la nature spécifique du prolétariat, ni pur en-soi, ni pour-soi réalisé. Pour Lefort, le prolétariat ne fait pas seulement que réagir à des données économiques objectives – l’infrastructure marxiste – puisqu’il fonde et configure son existence et sa lutte « en fonction de son expérience totale cumulative19. » Ces témoignages ouvriers doivent donc être « un moment de leur propre expérience, un moyen de formuler, de condenser et de confronter une connaissance ordinairement implicite, plutôt ‘sentie’ que réfléchie et fragmentaire20 ».  L’écriture et le témoignage assument une fonction à la fois d’objectivisation du vécu ouvrier et de subjectivisation ouvrière en le constituant comme sujet politique collectif. Mais l’enjeu n’est pas mince puisque « le prolétariat exige une approche spécifique qui permette d'en atteindre le développement subjectif21 ». C’est alors la brèche entre approche émique et étique22 qui est mise au travail. Pour ce faire, Lefort fait fond de ses travaux universitaires qui, selon une autre perspective, construisent et étayent synchroniquement une même réflexion, à la fois révolutionnaire et épistémologique.

Toute une série de difficultés surgissent donc. Les archives de Castoriadis sont ici précieuses pour retracer ces objections formalisées au sein du groupe militant. Dans une note manuscrite intitulée « sur le projet de Claude », antérieure ou contemporaine à 1952, Castoriadis pointe les difficultés épistémologiques de « l’expérience prolétarienne » et insiste d’abord sur la difficulté à ce que le particulier du témoignage ouvrier récolté puisse exprimer l’universalité prolétarienne. En effet, comment, « à partir de témoignages d’individus ou de groupes », « une continuité d’expérience et de création23» au sein prolétariat pourrait-elle être mise au jour ? Car au-delà de la théorie pure, ce savoir risque de produire des effets politiques dommageables : le collage de témoignages ouvriers, selon un mode kaléidoscopique, pourrait « fragment[er] les ouvriers » et les perspectives révolutionnaires à en tirer. Car l’antagonisme de classe, mis au jour par ces témoignages, est-il « perç[u] de la même manière par tous les ouvriers ?24 ». Par ces deux réflexions, Castoriadis touchent au statut du témoignage et à sa faculté à (re)-présenter la praxis du prolétariat. Comment faire surgir le collectif à partir du particulier ? Comment le subjectif du témoignage peut-il aboutir à l’objectivité d’un savoir révolutionnaire ? Pour répondre à ces sérieuses objections, Claude Lefort leste son épistémologie révolutionnaire des débats socio-anthropologiques auxquels il participe sur le versant académique. Une trace, d’aspect infinitésimal, nous met ici sur cette piste.

De l’anthropologie culturaliste américaine à sa mise en Révolution

Il peut sembler en effet étrange de voir apparaitre dans l’article de Socialisme ou Barbarie, une mention des « Papous de l’île d’Alor25 ». Il est question ici des travaux de l’ethnologue américain Cora du Bois, dont les données de terrain sont théorisées par Abram Kardiner, psychanalyste au New York Psychoanalytic Institute26. Ce courant anthropologique connu sous le nom de « Culture and Personality », explore les rapports dialectiques qui unissent la culture d’une société et la formation de la personnalité de ses membres. Or, Lefort consacre en 1951 un article à Kardiner, représentant de cette anthropologie culturaliste américaine dans les Cahiers internationaux de sociologie (CIS). Comment expliquer le choix de cette revue académique ? C’est que, après son agrégation de philosophie obtenue en 1949, Lefort devient, entre 1951-1952, l’assistant de Georges Gurvitch à la Sorbonne, figure axiale de la sociologie d’après-guerre, puis membre, à partir de 1952, du Centre Européen de Sociologie27 (CES), premier laboratoire proprement sociologique français fondé en 1946 au CNRS et qui a précisément pour revue les CIS.

Au sein des CIS, Lefort se fait critique et passeur de cette anthropologie culturelle américaine en France. Il soulignait l’importance du concept « d’institution » chez Kardiner qui a su repérer que chaque société produit des « institutions primaires » visant, en fonction de chaque contexte géo-biologique, à canaliser les besoins essentiels des individus (nourriture, pulsions sexuelles…) en adaptant son organisation sociale (division sexuelle du travail, disciplinarisation des rapports sociaux…) afin d’assurer la stabilité et la reproduction de cette société. Cette institution sociale de la psychè individuelle aboutit à établir un noyau commun d’expériences réalisées par tous les membres de cette société au cours de leur socialisation primaire et mènent à la formation d’une « personnalité de base ». En retour, les individus affrontent, déplacent le sens de ces institutions et cherchent à projeter leurs inconforts psychiques dans des « institutions secondaires28 » (religion, rites …) selon une relation dialectique unissant institution primaire, individu et institution secondaire. Malgré certaines critiques adressées à ce schéma jugé trop causaliste, séparant et faisant découler les institutions secondaires des institutions primaires, Lefort en retient que jamais sociologue n’avait saisi avec autant de finesse « l’arrière-fond social de l’individu », « jamais l'appel de Mauss, qui était aussi celui de Marx, à l'identification de l'homme total et de la société totale n'a reçu aussi complète détermination29». L’adjonction de Mauss et de Marx pointe vers cette sédimentation des savoirs d’apparence dissonante au sein d’une publication académique. Mais pourquoi cette réflexion à partir de l’anthropologie culturaliste américaine se retrouve, à l’état indiciaire, dans les colonnes de Socialisme ou Barbarie ?

C’est que ce concept d’institution, selon la lecture qu’en fait Lefort, tisse non seulement un lien entre le social et l’individuel mais permet surtout de déplier l’enjeu fondamental de « l’expérience prolétarienne » : le fait qu’un individu singulier puisse représenter, dans sa singularité même, le tout du social, enraciné dans sa subjectivité. On le voit donc, la réflexion de Lefort, dans un cadre académique comme militant, affronte en réalité un même enjeu : trouver les conditions d’un savoir qui ferait tomber la distinction mutilante entre individu et société ; entre subjectif et objectif. De l’île Alor à « l’expérience prolétarienne », un continuum de réflexions et de traces mobilise autant Marx dans un article scientifique, que Kardiner dans un écrit militant30. On notera d’ailleurs que cette anthropologie culturaliste américaine accompagne également l’élaboration des réflexions socialo-barbares de Lyotard ou de Castoriadis31. Lefort n’est donc pas en situation d’hapax et, une fois de plus, distinguer ici entre un « champ » militant et académique serait un contre-sens en ce que ces deux aspects sont travaillés par et pour une même réflexion à l’œuvre.

Débats académiques et implications sociologiques de Claude Lefort 

Cette introduction en France de Kardiner, dans laquelle Lefort32 joue un rôle décisif, s’accompagne, dans les pages de « l’expérience prolétarienne » d’une discussion critique de la sociologie académique. Celle-ci est disqualifiée comme ressource pour son projet révolutionnaire : le « malheur de la [sociologie ouvrière] est qu'elle ne peut par définition atteindre la personnalité prolétarienne car elle est condamnée par sa perspective de classe à l'aborder de l'extérieur33 ». Il faut en bref pouvoir dépasser l’opposition entre une approche objective hérité de la sociologie durkheimienne – considérer « les faits sociaux comme des choses » – et subjective du prolétariat. Or, comme l’a souligné Jean-Christophe Marcel, le début des années 1950 marque précisément le moment où des sociologues comme Georges Davy tente de « psychologiser » cette tradition sociologique durkheimienne en perte de vitesse face aux ambitions, en ce domaine, de la phénoménologie34. Cette critique de Lefort s’appuie très directement sur la connaissance dont il dispose de la production sociologique française du fait de son évolution au sein du CES et de sa participation très régulière au Cahiers internationaux de sociologie qui, à côté de l’Année sociologique, constituent le fer de lance des débats sociologiques.

Plus précisément, Lefort s’en prend à la sociologie ouvrière américaine, construite notamment à la suite d’Elton Mayo, en notant que « depuis quelques années est apparue, essentiellement aux États-Unis, une sociologie ‘‘ouvrière’’ qui prétend analyser concrètement les rapports sociaux au sein des entreprises », mais celle-ci est « l’œuvre du patronat » et de « capitalistes ‘‘éclairés’’ 35» qui tentent de fonder un pouvoir sur ce savoir sociologique. Lefort rejoint ici les remarques d’Alain Touraine ou de Michel Crozier36, collègues au sein du CES, qui assurent un dialogue critique avec la production américaine afin de délimiter et de singulariser les axes de refondation de la sociologie ouvrière hexagonale37.  Dès lors, en plus d’une critique propre aux milieux révolutionnaires, les débats académiques en sociologie cadrent ici, en négatif, l’élaboration d’une politique du vécu ouvrier.

Cette fluidité entre savoir militant et académique chez Lefort est facilitée par une grammaire en partie commune entre sociologie et ambition révolutionnaire qui tient au rôle structurant du paradigme marxiste. « L’expérience prolétarienne » s’ouvre en effet sur la mise en évidence, par Lefort, d’une tension irrésolue qui travaille et mine le marxisme orthodoxe. Selon Lefort, ce dernier juxtapose, plus qu’il n’articule, deux principes contradictoires d’explication de l’histoire : une conception déterministe-économiste et le processus de lutte des classes. Appuyé sur le jeune Marx de la Misère de la philosophie et de l’idéologie allemande, Claude Lefort tranche en faveur du second pôle explicatif et se concentre d’emblée sur la conflictualité créatrice du prolétariat, comprise comme son action propre face à la domination bureaucratique. Le prolétariat ne réagit pas seulement à des déterminants objectifs, économiques, qui lui seraient exogènes puisqu’il fonde et configure son existence et sa lutte, « intervenant révolutionnairement non pas selon un schéma préparé par sa situation objective, mais en fonction de son expérience totale cumulative38. »

Or, il est tout à fait significatif de remarquer que ce détour par le jeune Marx est posé, dans le monde académique, comme un point de départ légitime en vue de fonder une réflexion sociologique. En 1948, les CIS publiaient par exemple un numéro spécial sur le rapport entre marxisme et sociologie. Gurvitch, dont Lefort sera l’assistant en Sorbonne, y affirmait que les ouvrages du « jeune Marx », en l’espèce l’Idéologie allemande et les Manuscrits de 1844, « contiennent justement la contribution la plus précieuse de Marx à la sociologie générale, et doivent, par cela même, mettre fin à l'hostilité de certains marxistes contre la sociologie, réduite par eux à l'histoire, ou à ses méthodes d'interprétation39 ». Le sociologue justifiait ce constat en pointant la fluidité dialectique que le jeune Marx offre aux sciences sociales pour travailler le rapport entre individuel et collectif et entre objectif et subjectif. Ainsi, en 1952, le jeune Marx constitue pour Lefort une ressource mobilisable, dans l’épineux débat individu/collectif, de part et d’autre de ses activités scientifiques et militantes, à l’heure où la faible institutionnalisation académique de la sociologie permet une porosité forte entre science et engagement politique40. Ainsi, symétriquement, on constate que cette institutionnalisation disciplinaire souple permet un échange inverse, de la sphère militante vers la sphère académique. En 1950, dans la prestigieuse revue l’Année sociologique, les sociologues du travail les plus en vue s’intéressent au positionnement de SouB en notant que leur postulat sur la bureaucratisation du monde a le mérite de pointer un « nouveau conflit de classes » qui « naît, identique partout. » Dans cette optique la révolution ne tient plus à « la suppression de la propriété privée » mais à « l'abolition de toute distinction entre exécutants et dirigeants. » Selon eux, même si « toutes ces affirmations sont contestables », il « serait regrettable qu'une discussion ne s'engageât pas sur cette revue41 ».  Le début des années 1950 marque bien des circulations fortes, aller-retour, bien que critiques, entre sociologie académique et mise en politique de celle-ci par SouB. En définitive, comme le souligne justement Brigitte Gaïti, la pensée en termes de champs sociaux d’activité nécessite une préalable autonomisation de ces mêmes champs42, ce qui est loin d’être parfaitement établi au début des années 1950 pour le cas de la sociologie académique et du champ militant.

Ressource et dissémination : le rôle pivot de Merleau-Ponty dans l’élaboration d’un savoir hors-champ

Cette relation de Lefort à Maurice Merleau-Ponty amorcée au lycée Carnot à Paris, en septembre 1940, s’est poursuivie jusqu’à la mort brutale du philosophe en 196143. Merleau-Ponty, figure tutélaire et amicale, a fortement contribué à la configuration de la méthodologie lefortienne, usant de la phénoménologie comme remède à « l’illusion de survol »44. Merleau-Ponty constitue en outre un acteur-interface permettant à Lefort, comme à d’autres militants de SouB, de publier dans les Temps modernes, revue qu’il co-dirige avec Sartre jusqu’en 1953 et qui condense des réseaux de sociabilité intellectuelle et une visibilité éditoriale qui tranche avec les faibles tirages de SouB. Car Merleau-Ponty est aussi un précurseur et un pivot de l’introduction de l’anthropologie culturaliste américaine en France, Kardiner en tête, notamment dans ses cours en Sorbonne de 195045. En outre, Merleau-Ponty affronte les mêmes enjeux épistémologiques que Lefort et ceci dans un même espace éditorial : les Cahiers internationaux de sociologie. Dans un article programmatique de 1951, qui déplie de manière saisissante certains enjeux du structuralisme lévi-straussien à venir, Merleau-Ponty regrettait le rendez-vous manqué entre sociologie et philosophie qui aurait permis l’établissement d’une science de l’homme unifiée. Pour répondre à ce manque, le philosophe proposait une alliance inédite entre ces deux épistémologies par le biais de la phénoménologie qui permettrait de dépasser les vieilles apories des sciences sociales : objectivité/subjectivité ; observant/observé. Ce renouvellement, nous dit Merleau-Ponty, peut s’opérer à partir du procédé husserlien de « vision des essences » et de la réduction eidétique, c’est-à-dire la mise en suspension du rapport au monde de l’observateur afin de mettre en équivalence des « expériences phénoménologiques46», les comparer puis les réduire à leur seuls éléments essentiels, structurants, inéliminables pour permettre d’atteindre une essence générale à travers une série de cas particuliers. Or, pour Merleau-Ponty, un objet se prête singulièrement au dépassement de ces oppositions stériles : le langage et la parole.

couverture de la revue Les temps modernes

Couverture de la revue Les Temps modernes. 

C’est ici que la phénoménologie de la parole merleau-pontienne se fait ressource décisive pour Lefort afin de conceptualiser, dans le cadre du témoignage ouvrier, ce passage du particulier au général, du subjectif à l’objectif, par le biais de l’expression. Merleau-Ponty, toujours en 1951, dépassant la linguistique saussurienne, s’attachait à montrer que dans le cadre du langage « le point de vue ‘‘subjectif’’ enveloppe le point de vue ‘‘objectif’’ ; la synchronie enveloppe la diachronie47 ». C’est cette éternelle opposition entre subjectif et objectif, que militants et sociologues affrontent simultanément, qui rencontre, avec la phénoménologie, un nouveau point de cristallisation. Or, comme l’a montré Frédéric Monferrand48, Lefort et le groupe militant peuvent alors s’approprier les lignes de forces de la philosophie du langage merleau-pontienne, les déplacer et les faire jouer dans leur propre univers de référence afin de conceptualiser « l’expérience prolétarienne » et le témoignage ouvrier.

En plus de permettre de fourbir les dernières armes conceptuelles nécessaires à l’élaboration de « l’expérience prolétarienne », le relai par Merleau-Ponty offre également la possibilité d’une dissémination et d’une requalification de « l’expérience prolétarienne » au sein des Temps Modernes, dans un entre-deux des « champs » militant et académique. La controverse cinglante qui oppose Sartre à Lefort dans les colonnes de la revue offre une mise en lumière paradoxale de ce concept lefortien. Cet affrontement trouve son origine dans l’article du philosophe existentialiste intitulé « Les communistes et la paix » et publié en juillet 1952. Sartre, en pointant l’urgence du contexte international, polarisé par la guerre de Corée et la crainte d’une interdiction du PCF à la suite de la mobilisation contre de la venue du général Ridgway en mai 1952, pose le PCF comme seul acteur politique pouvant construire et guider le prolétariat vers la Révolution. Lefort lui répond en 1953 en déconstruisant point par point l’argumentaire sartrien, dans un style mesuré et essentiellement théorique. Lefort pointe une tension chez Sartre qui oscille dans sa vision du prolétariat entre une définition de la classe ouvrière comme un objet inerte devant être mis en forme par le Parti ou comme un pur geste, c’est-à-dire comme simple expression de la lutte des classes et donc, partant, comme du « non-être49 ». Lefort reprend son idée centrale : le prolétariat n’est ni un ensemble objectif ni une somme de subjectivités mais plutôt une « expérience » qui est à la fois créatrice et cumulative dans son opposition à l’aliénation capitaliste50. Dès lors, contrairement à ce que pose Sartre sans l’expliciter, le Parti ne saurait être une incarnation du prolétariat, mais son organe d’expression, qui doit veiller à pousser à son terme la créativité de la classe ouvrière sans introduire de division bureaucratique.

La réponse de Sartre se déploie dans une tout autre direction, avec une véhémence assumée qui subvertit les règles locales de la controverse. Sartre prend à partie le lectorat des Temps Modernes et abolit la place d’énonciation de Lefort – « Qui êtes-vous ? Où êtes-vous ?51 » – en vue de produire ce que la sociologie des controverses a nommé des « craquements, progressifs ou soudains, dans le montage communicationnel52 ». L’argument-massue de Sartre tient en une critique cinglante de cette catégorie d’expérience lefortienne, dans l’idée « d’une présence diffuse de chacun à tous, d’une multiplicité bergsonienne d’interpénétration qui ne serait ni tout à fait somme, ni tout à fait synthèse53 ». Sartre pose cette « expérience prolétarienne » comme un principe vide de cohésion de la classe puisque personne ne sait ce que peut être une expérience réalisée non par un sujet individuel mais supra-individuel – la classe ouvrière. Au-delà de ses conséquences internes sur l’histoire des Temps Modernes – précipitant le départ de Merleau-Ponty en 1953 –, cette controverse accorde une publicité au concept lefortien « d’expérience prolétarienne » qui est cité précisément par Sartre, dans son contexte de publication socialo-barbare. Castoriadis, en charge de la riposte militante dans les colonnes de SouB, note d’ailleurs l’écho inespéré, bien que fugace, accordé aux thèses sociales-barbares, de Preuves à France Observateur, ce qui ne manque pas de stimuler en retour les ventes du numéro 12 de la revue54. Cette controverse arrache donc les thèses de Lefort à sa situation militante marginale pour les présenter et les faire discuter dans une sphère à l’interface du politique et de l’intellectuel, forme d’hybridation du discours qui est une condition importante de la fluidité des engagements entre monde académique et monde militante.

Pourquoi cette véhémence de la part du co-directeur des Temps Modernes ? Sans doute car, à l’arrière-plan de cette controverse, sont visées les sources et les autorités du savoir qui fondent la légitimité du modèle de l’intellectuel universaliste, au moment même où Sartre ambitionne de se tailler ce modèle sur mesure. En effet, en plaçant l’enquête comme moyen et fin révolutionnaire, « l’expérience prolétarienne » de Lefort aboutit à reléguer les militants non-ouvriers à une position passive, à une sorte de maïeutique du projet révolutionnaire secrété dans les profondeurs de l’expérience que les ouvriers font quotidiennement dans la vie à l’usine comme en dehors. Ainsi, « l’expérience prolétarienne », sédimentation de savoirs à la fois militant, socio-anthropologique et philosophique est aussi un projet venant fracturer un imaginaire politique, une tradition militante qui répartissait des places et des fonctions spécifiques, hiérarchisées et où le savoir intellectuel jouait un rôle déterminant. Ce faisant, l’agir militant se trouve en quelque sorte ouvert sur lui-même, privé de perspectives déduites a priori, aux prises avec de nouvelles inquiétudes.

Conclusion : savoirs, politique et dissidences

Au terme de cette enquête apparaissent clairement les fissures dans l’usage rassurant d’une logique de champ qui distinguerait le Militant de l’Académique dans l’orbite de Socialisme ou Barbarie. En effet, ce prolifique travail de théorisation révolutionnaire mené par Lefort – et toutes les pratiques militantes afférentes – s’établit comme co-construction, parfois simultanée, de savoirs sur les deux versants de son activité. L’élaboration de « l’expérience prolétarienne » fut largement permise par l’inscription de Lefort dans un hors-champ, visé et facilité par le contexte académique si singulier du tournant des années 1940-1950. Bien que la démonstration de cet hors-champ puisse s’avérer laborieuse, micro-localisée et indiciaire, celle-ci s’avère essentielle pour saisir une fascinante élaboration de savoirs académiques par le politique et de savoirs politiques par l’académique.

Cette fluidité ne se limite évidemment pas au seul cas de « l’expérience prolétarienne » chez SouB. Mieux encore, c’est toute une constellation d’intellectuels en dissidence, entre la fin des années 1940 et le début des années 1960 qui tentent d’occuper cette position d’interface, de relais entre questionnements académiques et militants, en contournant l’alternative posées aux sciences sociales : participer à la défense des orthodoxies de Guerre froide ou, au contraire, se replier dans un strict positivisme coupé du politique. Dans les interstices, les angles morts ou en opposition directe avec le marxisme établi, ces intellectuels construisent des œuvres questionnant la frontière entre savoir militant et savoir académique, gage, très largement, de leur originalité comme de leur mise en mémoire ultérieure. C’est le cas pour Henri Lefebvre ou encore d’Edgar Morin qui fait dialoguer ses recherches sociologiques menées au CNRS et son hétérodoxie marxiste au sein de l’aventure d’Arguments (1956-1962)55. À une autre échelle, et pour les années post-68, ce schéma d’hybridation des savoirs et de démarcation face à toute orthodoxie continue de travailler des revues comme Autogestion et socialisme. Une histoire intellectuelle du politique oblige donc à quitter certains outils analytiques rassurants et à enjamber une logique de champ qui risquerait d’obérer la richesse théorique et militante de ce moment qui voit, certes de manière encore minoritaire, une mise en critique des orthodoxies révolutionnaires, adossée à une profonde reconfiguration des savoirs en sciences sociales, en vue de dessiner de nouveaux possibles politiques.

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    1

    Lettre d’Alain Touraine à Claude Lefort, 20 mars 1997, CL 287, fonds Claude Lefort, Humathèque, Aubervilliers.

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    2

    Claude Lefort, Essais sur le politique XIXe-XXe siècles, Paris, Seuil, [1986] 2001, p. 19.

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    3

    Judith Revel, « Portrait de Claude Lefort en jeune homme », Raison publique, n°23, 2018, p. 21-36.

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    4

    Entretien paru le 19 avril 1975 dans L’Anti-Mythes, n°14, repris dans Claude Lefort, Le Temps présent, Paris, Belin, 2007, p. 230.

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    5

    Voir la note 41 ; pour les usages critiques de Touraine, notamment son étude sur les ouvriers de Renault-Billancourt parue en 1955, voir pour un seul exemple Pierre Chaulieu (pseudonyme de Cornelius Castoriadis), « Sur le contenu du socialisme », Socialisme ou Barbarie, n°23, janvier-février 1958, note 12 p. 91 ; note 38 p. 113 ou note 43 p. 117.

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    6

    Philippe Gottraux, Socialisme ou Barbarie : un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre, Lausanne, Payot, 1997.

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    7

    Philippe Gottraux, Socialisme ou Barbarie : un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre, Lausanne, Payot, 1997,p. 11-14.

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    8

    Voir par exemple Arnault Skornicki et Jérôme Tournadre, La Nouvelle histoire des idées politiques, Paris, La Découverte, 2015 ; Antoine Aubert, Devenir(s) révolutionnaire(s): enquête sur les intellectuels ”marxistes” en France (années 1968 - années 1990): contribution à une histoire sociale des idées, Thèse de Doctorat, Université Paris 1, 2020.

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    9

    Jean-Claude Perrot, Une Histoire intellectuelle de l'économie politique, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1992.

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    10

    Lettre de Claude Lefort à Jean-François Lyotard, 10 mars 1956, JFL 505, Fonds Jean-François Lyotard, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, f. 3.

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    11

    Dossier « T.P. Sorbonne (1959 à 1964) », FL 293/2, Fonds Jean-François Lyotard, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris.

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    12

    Christophe Prochasson, « Les arcanes du travail intellectuel », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, n° 36, 2018, p. 7-13.

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    13

    Collectif, « Lettre ouverte aux militants du P.C.I et de la ‘‘IVe Internationale’’ », Socialisme ou Barbarie, n°1, mars-avril 1949, p. 90-101.

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    14

    Anne Dulphy, « La gauche et la guerre froide » in J-J. Becker et G. Candar (dir.), Histoire des gauches en France, vol. 2, Paris, La Découverte, 2005, p. 416-434

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    15

    Collectif, « Socialisme ou Barbarie », Socialisme ou Barbarie, n°1, mars-avril 1949, p. 2-46.

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    16

    Collectif, « Socialisme ou Barbarie », Socialisme ou Barbarie, n°1, mars-avril 1949, p.11. 

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    17

    Claude Montal (pseudonyme de Claude Lefort), « Le prolétariat et le problème de la direction révolutionnaire », Socialisme ou Barbarie, n°10, Juillet-Août 1952, p. 19.

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    18

    Marqué par la perte de régularité des parutions, la baisse du volume des publications : Philippe Gottraux, Socialisme ou Barbarie : un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre, Lausanne, Payot, 1997, p. 47-57. François Dosse, Castoriadi. Une vie, Paris, La Découverte, [2024] 2018, p. 57-85.

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    19

    Article collectif, (rédaction effective Claude Lefort), « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, p. 2. Cet article est repris dans Claude Lefort, Éléments d’une critique de la bureaucratie [1971], Paris, Gallimard, « Tel », 1979, p. 73 (abrégé ci-après par ECB)

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    20

    Article collectif, (rédaction effective Claude Lefort), « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, p. 11 (ECB, p. 85).

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    21

    Article collectif, (rédaction effective Claude Lefort), « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, p. 6 (ECB,  p. 78).

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    22

    Jean-Pierre Olivier de Sardan, « Émique », L'Homme, 1998, n°147, vol. 38, 1998, p. 151-166.

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    23

    Cornelius Castoriadis, « Projet de Claude », s.d., CST 177/4, fonds Castoriadis, IMEC, Caen.

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    24

    Cornelius Castoriadis, « Art Montal. 1 », s.d., CST 177/4, fonds Castoriadis, IMEC, Caen.  

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    25

    Claude Lefort, article collectif, (rédaction effective Claude Lefort), « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, p. 11 (ECB, p. 86). Lefort évoque également « les sociétés primitives du type le plus archaïque », p. 7 (ECB, p. 80).

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    26

    Cora Du Bois, Abram Kardiner et Emil Oberholzer, The People of Alor: A Social-Psychological Study of an East Indian Island, Minneapolis, The University of Minnesota Press, 1944.

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    27

    Nicolas Poirier, Introduction à Claude Lefort, Paris, La Découverte, col. Repères Philosophie, 2021, p. 30-31.

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    28

    Abram Kardiner (dir.), The Psychological Frontiers of Society, New York, Columbia University Press, [1945] 1946, p. 23.

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    29

    Claude Lefort, « Notes critiques sur la Méthode Kardiner », Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. 10, 1951, p. 117.

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    30

    Voir également sur ce point Stéphane Vibert, « Claude Lefort et l’anthropologie du politique : les leçons de l’ethnologie » in Sylvain Pasquier (dir.),  Avec Lefort, Après Lefort. Prendre en charge l’expérience de notre temps, Caen, Presses universitaires de Caen, 2023, p. 49-62.

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    31

    Jean-François Lyotard, « Le contenu social de la lutte algérienne », Socialisme ou Barbarie, n°29, Décembre-Février 1960, p. 6 ; pour Castoriadis voir par exemple Stéphane Vibert, « Imaginaire et culture : Castoriadis lecteur de l’anthropologie sociale » in Vincent Descombes et Florence Giust-Desprairies (dir.), Imaginer l’autonomie. Castoriadis, actualité d’une pensée radicale, Paris, Seuil, 2021, p. 133-135.

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    32

    Claude Lefort donne une préface à la première traduction de The Individual and His Society, en 1969, chez Gallimard. Lefort pointe la nouveauté radicale de Kardiner mais critique sa lecture trop mécaniste des institutions. Préface reprise in Claude Lefort, Les Formes de l’histoire (1978), Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 131-187.

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    33

    Claude Lefort, « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, ., p. 11 (ECB, p. 85).

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    34

    Jean-Christophe Marcel, « Georges Davy et les Américains, ou le troisième âge du durkheimisme (1945-1955) », Études Durkhémiennes, n°22, 2016, p.73-87.

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    35

    Claude Lefort, « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952,., p.10-11 (ECB, p. 85) 

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    36

    Voir par exemple Michel Crozier, « Réflexions sociologiques sur les grèves américaines », Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. 13, 1952, p. 157. Sur le rôle de passeur de savoirs sociologiques de Crozier : François Chaubet, “Michel Crozier, entre la France et les États-Unis. Parcours international d'un sociologue”, Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n°119, 2013, p. 71-84.

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    37

    Jean-Christophe Marcel, “Le déploiement de la recherche au Centre d’études sociologiques (1945-1960)”, La Revue pour l’histoire du CNRS, n°1, 2005, en ligne : https://journals.openedition.org/histoire-cnrs/1656#bodyftn39

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    38

    Claude Lefort, « L’expérience prolétarienne », Socialisme ou Barbarie, n°11, novembre-décembre 1952, p. 2 (ECB, p. 73)

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    39

    Georges Gurvitch, « La Sociologie du Jeune Marx », Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. 4, 1948, p. 4.

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    40

    Jean-Michel Chapoulie, « La seconde fondation de la sociologie française, les États-Unis et la classe ouvrière », Revue française de sociologie, n°32, vol. 3, 1991, p. 330-332.

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    41

    Michel Collinet, Jean-Daniel Raynaud et Alain Touraine, « Socialisme ou Barbarie. Organe de critique et d'orientation révolutionnaire, nos 1-4 », L'Année sociologique, Troisième série, T. 4, 1949-1950, p. 470.

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    42

    Brigitte Gaïti, « La science dans la mêlée : usages croisés des discours savants et militants » in P. Hamman, J-M. Méon et B. Verrier (dir.), Discours savants, Discours militants : mélange des genres, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 293-309.

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    43

    Maurice Merleau-Ponty, Œuvres, Paris, Gallimard, col. Quarto, 2010, p. 44-45.

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    44

    Mattia Di Pierro, L’Esperienza del mundo : Claude Lefort e la fenomenologia del politico, Pise, Edizioni ETS, 2020, p. 63-102.

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    45

    Maurice Merleau-Ponty, « L’enfant vu par l’adulte (XI. XII, XIII) », Bulletin du Groupe d'études de psychologie de l'université de Paris, n°8, vol. 3, 1950, p. 13-18.

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    46

    Maurice Merleau-Ponty, « Le philosophe et le sociologue », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 10, 1951, p. 55-56.

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    47

    Maurice Merleau-Ponty, « Sur la phénoménologie du langage » (1951) repris in Signes [1960], Paris, Folio, col. Essais, 2018, p. 140.

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    48

    Frédéric Monferrand, « Politiser l’expérience. Merleau-Ponty, Socialisme ou Barbarie et ‘‘l’expérience prolétarienne’’ », Chiasmi International, vol. 19, 2018, p. 87-99.

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    49

    Claude Lefort, « Le marxisme et Sartre », Les Temps Modernes, n°89, Avril 1953, p. 1543.

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    50

    Claude Lefort, « Le marxisme et Sartre », Les Temps Modernes, n°89, Avril 1953, p. 1547.

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    51

    Jean-Paul Sartre, « Réponse à Lefort », Les Temps Modernes, n°89, Avril 1953, p. 1600.

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    52

    Jean-Louis Fabiani, « Disputes, polémiques et controverses dans les mondes intellectuels. Vers une sociologie historique des formes de débat agonistique », Mil Neuf Cent. Revue d’histoire intellectuelle, n°25, 2007, p. 51.  

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    53

    Jean-Paul Sartre, « Réponse à Lefort », Les Temps Modernes, n°89, Avril 1953, p. 1600.

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    54

    Lettre de Cornelius Castoriadis à Claude Lefort, 20 janvier 1954, reprise in Cornelius Castoriadis, Écrits politiques 1945-1997, T.VII, Saint-Loup-de-Naud, Éditions du Sandre, 2020, p. 218.

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    55

    Pour Lefebvre voir par exemple Stuart Elden, Understanding Henri Lefebvre. Theory and the Possible, London-New-York, Continuum, 2004 ; Edgar Morin, « Témoignage » in P. Grémion et F. Piotet (dir.), Georges Friedmann. Un sociologue dans le siècle, Paris, CNRS Éditions, 2004, p. 157-162.

    Pour citer cette publication

    Émile Le Pessot, « Hybrider les savoirs. Claude Lefort et Socialisme ou Barbarie entre sciences sociales et projet révolutionnaire » Dans Gilles, Bataillon (dir.), « Claude Lefort, une pensée pour le XXIe siècle ? », Politika, mis en ligne le 14/01/2025, consulté le 15/01/2025 ;

    URL : https://politika.io/index.php/fr/article/hybrider-savoirs-claude-lefort-socialisme-ou-barbarie-entre-sciences-sociales-projet