A call to people to observe self-isolation / Призыв к людям соблюдать самоизоляцию
Dans les mondes russe, caucasien, centre-européen et centre-asiatique, la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus au printemps 2020 met à l’épreuve les personnes comme les sociétés. Elle ne peut manquer d’interroger les chercheurs observant avec stupeur les transformations à l’œuvre sous le coup du défi sanitaire global. Dans l’immédiateté de la crise, pour répondre à cette sidération, de jeunes chercheurs du CERCEC proposent des billets d’analyse, à partir de leurs thématiques et objets de recherche sur leurs terrains respectifs.
Dans une approche sociologique, leurs recherches portent sur des groupes, des mouvements ou des acteurs sociaux engagés dans des activités à la fois singulières et communes. Il ne s’agit donc pas là de la grande actualité politique donnée à voir dans les médias mais des pratiques ordinaires en société qui interrogent la vie de la cité. Les acteurs évoqués sont très divers puisque se croisent des journalistes confinés à leur domicile, des cosaques veillant à la distanciation sociale, des artisans de la paix au Donbass privés de rencontres internationales, d’anciens combattants remobilisés contre le virus, des spécialistes d’internet inquiets de son succès ou encore des hippies surpris par la pandémie internationale.
De cette diversité d’observatoires se dégagent quelques réflexions communes qui interrogent les sciences sociales. La première montre que la confrontation à la pandémie vient d’abord mettre en lumière des évolutions, des tensions ou des défis qui lui préexistaient. La crise agit comme un révélateur : elle vient éprouver la capacité à faire du commun et du collectif. La crainte de la maladie, l’épreuve du confinement ou l’incertitude du lendemain sont de puissants facteurs de repli sur soi et de renoncement à l’engagement dans le monde. Agir en bonne entente et en bon collectif est plus difficile encore qu’à l’habitude. La seconde concerne l’inventivité individuelle et sociale qui naît de la crise. Pour faire face à cette situation inédite, dans un contexte de forte incertitude sur ses conséquences médicales mais aussi sociales et économiques, les acteurs sociaux font preuve d’une grande inventivité pour comprendre, donner sens et continuer à agir dans ce monde entravé. Des idées et des pratiques nouvelles surgissent pour dépasser les difficultés et continuer à faire lien en bricolant des dispositifs de communication, d’échange et d’expression nouveaux.
Cette inventivité s’appuie massivement sur l’usage du numérique et son exploration. Tous s’en emparent et expérimentent de nouveaux outils, s’initient à de nouvelles applications, renforcent leur communication à distance pour s’informer, échanger, débattre ou agir. Cet investissement du numérique est salutaire, car il permet de maintenir des relations et d’imaginer de nouvelles façons de faire pour l’avenir. Il est aussi inquiétant en raison de la surveillance et du contrôle qui se renforcent par l’intermédiaire de ces outils. Ces promesses et ces menaces valent pour les chercheurs. Brusquement privés d’accès à leurs terrains d’enquête, ils bénéficient des ressources en ligne pour documenter la crise en cours mais sont aussi vigilants face à l’usage des données qui circulent, à leurs apports mais aussi à leurs dommages éventuels. Les billets présentés ici s’appuient sur ces sources numériques devenues précieuses, tout en restant sensibles à l’éthique de la recherche qu’elles imposent.