Retour vers le futur Royaume des Deux-Siciles
Emmanuel Gatti, Horizon. Gravure, morsure directe sur trame d’aquatinte, 5 ex., 230x130

Emmanuel Gatti, Horizon. Gravure, morsure directe sur trame d’aquatinte, 5 ex., 230x130

Au lendemain du vote du 4 mars 2018, l’Italie s’est réveillée coupée en deux : le Nord a plébiscité le centre-droit, avec une large progression de la Lega [Ligue] de Matteo Salvini (l’ancienne Lega Nord, Ligue du Nord) ; le Sud a voté en masse pour le Movimento 5 Stelle (Mouvement 5 Etoiles, ci-après M5s) dirigé par Luigi di Maio. Pour certains commentateurs, le succès électoral du M5s recoupe la carte du Royaume des Deux-Siciles avant l’Unité italienne1. À bien y regarder, une correspondance parfaite ressort également avec la répartition géographique des voix en faveur de la Démocratie Chrétienne en 19922, lors des dernières élections avant l’opération Mani Pulite [Mains Propres], l’enquête judiciaire qui entraîna l’effondrement des partis politiques et la fin de la première République. Avec des nuances variables, mais toujours sur un ton polémique, les commentateurs relient le succès du M5s à sa proposition de « revenu citoyen » qui montrerait le Sud, incapable d’un développement autonome, succombant une fois de plus à la séduction de l’assistanat. La carte du vote pour le M5s évoquerait ainsi ces « forces de la sédation » qui ont maintenu « le Mezzogiorno [le Sud de la péninsule] dans son état de minorité, les Méridionaux compensant l’absence d’inclusion dans les circuits de la modernité par des prébendes et des allocations »3.

Si la carte des « deux Italies » qui a refait surface après le 4 mars n’était rien d’autre que l’expression d’une « nostalgie » pour la Caisse en faveur du Mezzogiorno – le soutien économique extraordinaire mis en place dans les années de la première république pour résoudre la sempiternelle « Question méridionale » – alors pourquoi convoquer sur la scène politique d’aujourd’hui le Royaume des Deux-Siciles d’autrefois4 ?

Mappa delle “due Italie”, Twitter@NapoliBorbonica, 6 marzo 2017

Carte des « deux Italie », Twitter@NapoliBorbonica, 6 mars 2017.

En février 2017, plusieurs élu-e-s des circonscriptions du Sud, pour la plupart issu-e-s du M5s, ont présenté une motion en faveur de l’« Institution de la Journée de la mémoire des victimes méridionales de l’Unité d’Italie » au Sénat, à la Chambre et dans les Conseils régionaux du Sud. Pour la première fois une demande relevant d’une « mémoire scindée » entre le Nord et le Sud s’impose au niveau institutionnel et fait irruption dans la sphère publique.

Cet article se concentre sur la construction de la « post-mémoire »5du Royaume des Deux-Siciles, résultant de la convergence conjoncturelle de pratiques politiques et discursives, à l’origine très éloignées les unes des autres, qui ont subverti le récit populaire patriotique sur la naissance de l’Italie, et l’ont converti en récit de la « conquête » et du « génocide » des Méridionaux.

La première partie de l’article présente une reconstitution du contexte dans lequel la proposition de « Journée de la mémoire » a été conçue et prise en charge par les représentants du M5s, déjà en forte hausse dans les sondages électoraux, surtout au Sud. La diffusion de cette nouvelle a déclenché une véritable « guerre d’histoire » impliquant les intellectuels et les historiens qui ont pris parti contre cette motion.

Afin de comprendre les efforts pour instituer un nouveau régime mémoriel, il faut revenir aux contestations du Risorgimento et de la construction de la nation qui ont vu le jour en 2011, année anniversaire des cent cinquante ans de l’Unification italienne. À l’occasion de la commémoration, les médias ont pointé leurs projecteurs sur le succès éditorial croissant du révisionnisme historique responsable de la diffusion de la contre-histoire des néo-bourboniens et des néo-méridionalistes, une constellation bigarrée de mouvements – que je définis, dans leur ensemble, comme post-méridionalistes – s’attachant à faire progresser la post-mémoire du « génocide des Méridionaux ».

Toujours dans cette première partie, je proposerai une note interprétative au sujet de mon choix de recourir à la notion de post-mémoire. En partant du constat que la catégorie de « génocide » appliquée à l’histoire de l’Unification italienne est une nouveauté introduite par le marché éditorial en vue du cent cinquantenaire (1861-2011), il me semble que la notion introduite par Marianne Hirsch peut contribuer à expliquer comment la construction indirecte d’un imaginaire esthétique du « génocide des Méridionaux » s’est transformée en expérience vécue d’une « communauté de mémoire ». 

Le terme post-méridionalisme entend souligner la rupture avec l’héritage du méridionalisme classique, ainsi que les affinités rhétoriques avec le tournant postcolonial dans les études sur le Sud de l’Italie. D’importance plus grande encore est le rappel du positionnement, explicitement revendiqué, de ces mouvements dans un espace politique post-idéologique – le slogan en est « ni à droite ni au gauche mais au Sud » – avec, par conséquent, une tendance à établir des liens de solidarité « ethnique » qui exaltent l’articulation identité-localité, et avec l’objectif de construire des alliances tactiques transversales pour combattre un ennemi commun : l’État italien.

Le compte rendu ethnographique de la célébration néo-bourbonienne de la « Journée de la mémoire » en 2017 à Gaeta  – le dernier bastion des Bourbon avant la reddition devant l’armée piémontaise – permet de saisir l’effort pour nouer une alliance politique avec le M5s en se fondant sur des revendications territoriales et identitaires. En effet, les représentants du M5s ne sont que les émissaires des « entrepreneurs de la mémoire », ces leaders post-méridionalistes ayant mobilisé le passé du Royaume perdu des Deux-Siciles afin de lutter au nom de la rédemption du Sud. La synthèse du traitement variable réservé à la proposition selon ses passages devant les diverses institutions révèle la faiblesse politique du « projet mémoriel », tandis que le vif débat avec les « historiens de l’université » fait ressortir la force envahissante du recours au « macro frame » discursif « anti-establishment »6, en lien direct avec le style de communication néo-populiste. Les attaques contre l’autorité de la « caste universitaire » constituent, dans la droite ligne de ce qui arrive vis-à-vis de tou-te-s les expert-e-s dans tous les champs de la connaissance, une stratégie banale de mobilisation sociale au sein des mouvements néo-populistes, aujourd’hui en forte progression.

La deuxième partie de l’article revient sur des éléments de genèse des mouvements post-méridionalistes. Cette rapide rétrospective n’a pas la prétention de retracer une histoire politique du Mezzogiorno et encore moins d’aborder l’énorme débat sur la Question méridionale et les différents courants de pensée méridionalistes. Plus modestement, le regard est concentré sur les dernières décennies du XXe siècle, sur certains des événements qui ont eu une influence directe sur les choix politiques des hommes politiques de la droite et de la gauche méridionales, des personnalités excentriques et marginales, « canonisées » dans un second temps comme les ancêtres illustres du (post) méridionalisme. 

Quoique l’on puisse percevoir une continuité généalogique, la perspective ethnographique de ce texte révèle que le pouvoir révolutionnaire de la communication digitale a été, et continue d’être, décisif pour la mobilisation des politiques de la mémoire et de l’identité du Sud. L’émergence technologique de la « mass self-communication »7, le pouvoir de chaque utilisateur/-trice d’internet de générer, distribuer et relancer des contenus vers un public global, a favorisé la transformation rapide des modèles d’activisme social. Grâce à l’interconnexion expansive des réseaux sociaux, le mouvement post-méridionaliste tout comme d’autres groupes minoritaires, a atteint des niveaux toujours plus hauts de visibilité jusqu’à conquérir un espace de communication potentiellement global. Le concept de « deep mediatization », le processus d’interdépendance croissante et profonde reposant sur la technologie qui concerne tous les domaines du monde social8, fournit une clé d’interprétation pour comprendre les implications politiques des communautés médiatisées construites sur la revendication d’une forte appartenance identitaire.

La partie finale de ce texte offre un regard depuis l’intérieur de la communauté médiatisée sur l’activisme post-méridionaliste, fondé sur la recherche ethnographique. De septembre 2012 à mars 2014, j’ai mené une observation participante au sein du groupe Facebook « No Lombroso », le réseau social de la protestation contre la nouvelle installation du Musée d’anthropologie criminelle « Cesare Lombroso », inaugurée à Turin en novembre 20099. Ce scientifique controversé est, d’après la vulgate historiographique, le principal théoricien de l’infériorité raciale des Méridionaux10. Tout comme dans l’Italie d’après l’Unité les brigands du Sud avaient « apporté » les preuves anthropologiques qu’il existait quelque chose comme un « criminel né »11, à l’approche du cent cinquantième anniversaire de l’Unification italienne, la nouvelle installation du musée consacré à Lombroso offrait une scène idéale pour actualiser la mémoire de ceux qui « n’étaient plus les brigands » mais bien « les patriotes et martyres » tombés en défendant le Royaume des Deux-Siciles12. La collection de restes humains du musée a été présentée comme « la fosse commune des brigands méridionaux »13 : la preuve matérielle du « génocide » perpétré par les Piémontais durant « la conquête du Sud ». Sans surprise, les leaders de la bataille institutionnelle pour la « Journée de la mémoire » sont ceux qui se battent depuis des années pour le rapatriement et la digne sépulture de tous les restes humains du musée vers le cimetière des Fontanelle à Naples, la capitale du Royaume des Deux-Siciles14.

Dès 2010, la mobilisation sur internet contre le musée turinois a joué un rôle décisif dans la création d’un espace social de communication, au sein duquel la représentation quotidienne de la mémoire du « génocide des Méridionaux » a produit l’expérience émotive partagée du deuil et contribué à transformer la relation entre les participants en un lien affectif d’appartenance.

L’intensité de l’implication durant la recherche en ligne m’a convaincue d’emprunter le concept de communitas à l’analyse du processus rituel de Victor Turner15. Lorsque je parle de « web communitas », je me réfère à ce lien émotionnel de fraternité/sororité, ce sentiment de proximité qui naît avec la révélation d’être des victimes ayant en partage la violence subie, malgré l’absence d’une relation en face à face.

Lorsque j’ai entrepris ma recherche sur le terrain en ligne,

le M5s – qui allait remporter son premier succès électoral aux élections politiques de 2013 – jouissait déjà d’une forte approbation au sein du réseau « No Lombroso ». En suivant les pérégrinations digitales de mes amis-Facebook, j’ai découvert que le Blog delle stelle [Blog des étoiles] de Beppe Grillo16 avait conféré visibilité et soutien à la marche de protestation qui s’est tenue à Turin le 8 mai 2010, contre le musée et contre les célébrations imminentes de l’Unité d’Italie17.

Cent cinquante

Confine di Stato, www.traditio.it, foto archivio 2015
Io non festeggio i miei carnefici, foto Facebook/gp@Fratelli Meridionali Uniti
Variazioni iconografiche del “genocidio dei meridionali” : Fenestrelle come Auschwitz, foto Facebook/gp@o.Briganti.o

- Frontière d'Etat, www.traditio.it, 2015.

- « Je ne fête pas mes bourreaux », foto Facebook/gp@Fratelli Meridionali Uniti.

- « Je ne suis pas italien », foto facebook@giuseppeserino.

Le rendez-vous de 2011 a révélé l’existence, longtemps sous-estimée, d’une contre-histoire du Risorgimento et de l’Unification – de la part du Sud – qui se présentait « comme un agglomérat discursif vital et loin d’envisager de se rendre »18. Les premiers symptômes des efforts pour accentuer les divisions internes remontent à la progression de la Lega Nord dans les années 1990, y compris grâce à la campagne diffamatoire contre le Sud et la menace sécessionniste19 : l’histoire douloureuse de l’identité nationale italienne devenait la ressource symbolique pour convoquer le passé sur le front du conflit politique du présent entre Nord et Sud20.

Dans l’attente du grand événement que serait le cent cinquantième anniversaire, la suite de célébrations des bicentenaires – de la Révolution napolitaine (1999) puis de la naissance de Garibaldi (2007) – ont fourni aux représentants de la Ligue, aux néo-bourboniens et aux catholiques conservateurs des « bornes chronologique »21 pour défaire l’histoire du Risorgimento22.

Le marketing éditorial des célébrations a bâti sa fortune sur les ruines de la rhétorique unitaire et a favorisé le succès d’une classe de « nouveaux intermédiaires culturels », « écrivains-journalistes et journalistes-écrivains »23 qui ont acquis l’autorité herméneutique sur la « véritable histoire » du Sud et de l’Unification italienne24. Le nouveau canon narratif adressé à un vaste public populaire a la force de persuasion d’un mythe : l’Unification n’était qu’un masque qui cachait une « guerre de conquête » aux dépens du Royaume des Deux-Siciles, suivie d’un « génocide des populations », de la destruction d’une économie florissante et de la naissance de la tristement célèbre Question méridionale.

Les souvenirs des vaincus – qui se trouvaient dans les archives, entre les mains des historiens de profession ou bien repris dans de sporadiques reconstitutions littéraires et cinématographiques25– ont été réélaborés et enrichis suivant le style narratif du « témoin oculaire » afin de convoquer sur la scène de la mémoire la présence du témoin, la victime du « silence coupable » des historiens.

Le motif narratif de l’« histoire cachée » et de l’« archive interdite » est étroitement lié à la prétention de « révéler la vérité », quoique rien ne soit plus éloigné de la vérité, comme le souligne John Davis lorsqu’il rappelle que « le volume, l’originalité et l’ampleur des recherches universitaires consacrées à l’histoire du Sud, avant l’Unification et juste après, durant les quatre dernières décennies, sont impressionnants et sans précédent »26. Se mouvant dans la « sphère publique en réseau »27constituée par les différents médias – des réseaux sociaux à l’infotainment des télévisions nationales et locales – les journalistes-écrivains ont acquis un rôle clé de révélateurs des connaissances secrètes au peuple dupé, victime de la conspiration des puissants ennemis du Sud.

L’auteur le plus influent au sein de cette tendance est Pino Aprile, journaliste de longue date, ex-collaborateur et directeur de journaux populaires tels qu’Oggi et Gente de l’éditeur Edilio Rusconi28. Le journaliste des Pouilles – de Gioia del Colle – est l’icône du méridionalisme télévisé ; présence dynamique sur les réseaux sociaux, il est toujours plus souvent invité d’honneur des rassemblements néo-bourboniens en souvenir des individus tombés pour le royaume.

L’incipit de Terroni – « Je ne savais pas que les Piémontais avaient fait au Sud ce que les nazis avaient fait à Marzabotto. Mais de nombreuses fois [ils l’ont fait], des années durant »29– est devenu un manifeste politique de la lutte pour la révélation de la « vérité cachée » et la libération des méridionaux des ténèbres du mensonge. Du rapprochement Piémontais-nazis découle l’idée du « génocide » du peuple méridional. Aprile n’est pas le premier à avoir recours à cette comparaison : l’expression « envahisseurs Piémontais-nazis » est la « marque de fabrique » de l’ouvrage militant, La Conquista del Sud30 [La Conquête du Sud], publié en 1972 par Carlo Alianello, authentique passeur culturel de la mémoire des vaincus. Auteur reconnu de romans historiques dans le second après-guerre, il avait commencé en 1943 avec L’Alfiere31 [Le porte-drapeau], qui se déroule durant la guerre d’annexion du Royaume des Deux-Siciles. La thématique de la loyauté du soldat bourbonien au roi et à la patrie domine le roman. La biographie de l’auteur disponible sur le site du mouvement néo-bourbonien décrit L’Alfiere  comme le roman de prédilection des soldats italiens restés loyaux à Mussolini dans la République de Salò32. En 1956, en collaboration avec le réalisateur Anton Giulio Majano, l’écrivain a participé à l’adaptation télévisée de L’Alfiere, l’un des premiers feuilletons de la télévision italienne33. La transposition télévisée des œuvres littéraires d’Alianello a atteint le grand public, contribuant à rendre populaire la vision des vaincus du Risorgimento et à raviver la mémoire culturelle du brigandage après l’Unité. L’analogie historique avec les vaincus de la Résistance au nazisme et au fascisme transparaît en filigrane dans la narration d’Alianello.

Trente ans plus tard, toujours chez l’éditeur Rusconi, La Conquista del Sud est publié dans le but déclaré de dénoncer les abus de mémoire de la nation italienne qui, d’après l’auteur, commémore les massacres survenus durant l’occupation nazie mais laisse sombrer dans l’oubli ceux perpétrés durant l’Unification. Alianello articule le genre de l’essai historique, construit sur une trame de citations tirées des archives conservant les souvenirs des philo-bourboniens, à la technique narrative du roman, s’attardant sur des descriptions détaillées de mort et de souffrance, de viols, de cadavres et de corps démembrés34. La grande fresque de l’horreur sert à susciter la réprobation morale de Garibaldi et des envahisseurs piémontais qui se seraient rendus responsables de massacres brutaux de civils, à l’instar des nazis. Le roman historique d’Alianello a créé le « paysage de la mémoire »35 de la conquête du Sud : Pontelandolfo et Casalduni, villages à la frontière du Molise et de la Campanie, auraient été rasés et auraient subi l’extermination de milliers d’habitants (14 août 1861) ; la forteresse de Fenestrelle en Piémont, le « lager » où 40 000 soldats bourboniens seraient morts de privation et dont les corps auraient été dissous dans de la chaux vive36– voilà les « mnémotopes » ou lieux de mémoire37 du peuple qui s’est levé pour défendre la patrie des Deux-Siciles. L’épisode étalon de la cruauté des Piémontais, destiné lui aussi à se voir répéter comme « mnémotrope » du récit des vaincus méridionaux, est l’histoire d’un très jeune homme accusé d’avoir volé une paire de chaussure appartenant à l’armée italienne, et fusillé sans pitié pour cette raison. Il s’agit d’un fragment de mémoire familiale d’Alianello en personne, transmis par son arrière-grand-père, enchâssé dans le texte pour renforcer la production « de la fiabilité »38 du témoin de la « vérité historique » : « J’en ai une connaissance personnelle. Mon père me le raconta et je n’ai jamais pu l’oublier. Je ne peux préciser ni l’année ni la date exacte. Mais ce fait est vrai »39. En 1980, cette histoire tragique est représentée dans l’une des scènes40 les plus déchirantes d’un autre feuilleton télévisé qui passait sur Rai 1, L’eredità della priora [L’héritage de la mère prieure], tiré du roman éponyme41 sur le brigandage et les insurrections anti-Unité. La bande son composée par Eugenio Bennato et Carlo d’Angiò, jouée par le groupe folk Musicanova, inclut la célèbre chanson Brigante se more [Brigand jusqu’à la mort] qui, des décennies durant, a symbolisé l’esprit anarchiste du brigand, le « primitive rebel »  diamétralement opposé à l’idée de loyauté patriotique à la monarchie bourbonienne.

Lorsqu’arrive le cent cinquantenaire, Aprile franchit le pas menant de l’analogie Piémontais-nazis au domaine lexical du génocide. La conjoncture était enfin favorable à la poursuite du projet pédagogique de diffusion de la « vérité historique » sur la conquête du Sud. Avec son essai retentissant de 2016, Carnefici. Fu genocidio : centinaia di migliaia di italiani del Sud uccisi, incarcerati, deportati, torturati, derubati. Ecco le prove42 [Bourreaux. Ce fut un génocide : des centaines de milliers d’Italiens du Sud tués, emprisonnés, déportés, torturés, volés. Voici les preuves], le journaliste-écrivain relance la revendication en faveur de la reconnaissance, par l’État italien, des victimes de l’Unification.

En quelques années à peine, la diffusion du canon de la « véritable histoire » a rendue possible la construction d’un capital symbolique pour la formation d’une nouvelle « mémoire culturelle » des Méridionaux.

Pourquoi « post-mémoire » ?

Variazioni iconografiche del “genocidio dei meridionali” : Fenestrelle come Auschwitz, foto Facebook/gp@o.Briganti.o
Genocidio negato, © Carlo Ceresa, 2012

- Montage iconographique autour du « génocide des méridionaux » : de Fenestrelle à Auschwitz, Facebook/gp@o.Briganti.o.

- « Le génocide nié », © Carlo Ceresa, 2012.

Variazioni iconografiche del “genocidio dei meridionali”, Facebook/gp@Fratelli, Meridionali Uniti.

Montage iconographique autour du « génocide des méridionaux ».

Variazioni iconografiche Nazisti e piemontesi a confronto, foto Facebook@giuseppeserino

Montage iconographique comparant nazis et Piémontais.

L’affirmation d’un nouveau régime de mémoire culturelle a tiré sa force symbolique des récits sur la volonté de l’État italien de cacher les preuves du « génocide », suivant un projet du pouvoir précis destiné à empêcher la transmission intergénérationnelle de la mémoire et à soumettre la conscience du peuple méridional.

En recourant au terme post-mémoire, avec toute son « ambiguïté théorique »43 et les nombreuses questions soulevées par la tentative d’expliquer les mécanismes de transmission du trauma historique44, j’entends éclairer deux aspects centraux dans la construction de la mémoire du « génocide des Méridionaux ».

En premier lieu, l’« expérience traumatique » est complètement déconnectée de la transmission à la génération suivante par les témoins-survivants, et de la réalité historique même d’un génocide : le trauma historique naît de la croyance acquise en une occultation et un effacement du passé, de la sensation de découvrir un vide de la mémoire qui devrait être comblé par l’intermédiaire d’un processus créatif de construction active de la post-mémoire. La colère et la douleur face à la découverte de la vérité cachée et les histoires de conversion à la véritable histoire ont été la constante des conversations de mes amis-Facebook. L’un en est même venu à écrire sur son profil : « CONVERTI à la recherche passionnée de la VERITÉ HISTORIQUE du RISORGIMENTO ».

En second lieu, à partir du moment où la vérité d’un passé oublié est perdue pour toujours, la « vérité » peut être « révélée » seulement par des preuves cachées dans les archives et, lorsque ces preuves sont elles aussi perdues, le processus d’« active remembering »45 peut sélectionner les objets de mémoire appropriés pour reconstituer la réalité du « génocide ». L’esthétique de l’archive visuelle de l’Holocauste, la rhétorique et la poétique du « génocide paradigmatique » façonnent entièrement la construction de l’imaginaire du « génocide des Méridionaux », parvenant de la sorte à combler les lacunes de la mémoire.

Les six photographies des cadavres des brigands tués – un petit catalogue d’atrocités publiées dès 1969 par Aldo De Jaco46– ainsi que les photographies de la collection de crânes du musée Lombroso, revendiquées et requalifiées comme images des reliques des patriotes du Royaume des Deux-Siciles, sont sans cesse montrées au sein de la communauté post-méridionaliste médiatisée : souvent juxtaposées aux images des corps décharnés des prisonniers des camps nazis, elles aussi récupérées et exhibées comme des preuves photographiques des « camps des Savoie » ou simplement comme un produit violent de substitution visuelle aux documents détruits sur le « génocide des Méridionaux »47.

Plutôt que de liquider ces pratiques en tant que faux, il est nécessaire de les envisager comme une partie du processus actif de transformation des Méridionaux en « témoins adoptifs »48 de leur propre « génocide », qui est ainsi perçu comme le seul véritable « génocide paradigmatique ». Par conséquent, cette rivalité mimétique vis-à-vis des juifs débouche sur des manifestations telles que la composition anonyme d’un « Dialogue entre un juif mort et un napolitain mort », partagé sur Facebook le 27 janvier 2017.

En voici un bref extrait : 

J. : Je suis mort à Dachau.

N. : Je suis mort à Fenestrelle.

J. : J’ai été déporté en train.

N. : J’ai été déporté à pied.

J. : Moi, j’ai été tué parce que j’étais moi, parce que ma religion est le judaïsme.

N. : Moi aussi j’étais moi-même et beaucoup d’entre nous ont été tués précisément parce que nous étions catholiques.

J. : Après l’extermination j’ai eu mon Etat.

N. : Après l’extermination je suis devenu une colonie.

J. : Mes descendants ont une « Journée de la mémoire ».

N. : Les miens n’ont pas une journée de paix et pas même le souvenir [de ce qui est arrivé].

L’activité de « past presencing »49 au moyen du « retour de la connaissance traumatique et des expériences incorporées »50 dans le milieu technologique performatif de la web communtias produit les « témoins adoptifs » du « génocide » du peuple des Deux-Siciles, qui se sent appelé au devoir de témoignage exactement comme les survivants des camps de concentration nazis.

« La gloire sera, non pour les vainqueurs mais pour les vaincus… »

Muro della memoria
Gaeta 11 febbraio 2017, da destra Pino Aprile e Gennaro De Crescenzo
Gaeta 11 febbraio 2017, Pino Aprile depone il mattone della memoria di Casalduni

- « Le mur de la mémoire », www.reteduesicilie.it

- Gaeta, 11 février 2017, Pino Aprile (à droite) et Gennaro De Crescenzo (photo : Maria Teresa Milicia).

- Gaeta 11 février 2017, Pino Aprile pose la brique de la mémoire de Casalduni (photo : Maria Teresa Milicia).

Gaeta, février 1861-2017. François II de Bourbon et sa femme Marie-Sophie de Bavière sont enfermés dans la ville forteresse depuis des mois, et tentent désespérément de défendre le Royaume des Deux-Siciles, « le dernier refuge de l’indépendance de l’Italie méridionale »51.

Le 13 février, le roi signe la reddition. Un peu plus d’un mois plus tard, le 17 mars 1861, on proclame la naissance du Royaume d’Italie sous le gouvernement de la monarchie de Savoie.

Gaeta a toujours été un lieu cher à la mémoire des vaincus, une étape de pèlerinage pour les petits groupes traditionnalistes de philo-bourboniens, réunis autour de la revue napolitaine L’Alfiere, fondée dans les années 1960 par le parlementaire européen Silvio Vitale, homme politique au long cours du parti néo-fasciste Movimento Sociale Italiano (MSI, soit Mouvement Social Italien)52.

En 1994, les gradins de la citadelle accueillent un nouveau groupe de « nostalgiques », qui viennent de se réunir à Naples au sein de l’Associazione culturale neoborbonica [Association culturelle néo-bourbonienne]. Le 7 septembre 1993, ils s’étaient exprimés en public avec une contre-manifestation le jour anniversaire de l’entrée de Garibaldi à Naples. Les néo-bourboniens, longtemps traités avec une suffisance méprisante, ont transformé Gaeta en un lieu de mémoire en se réunissant chaque année le 13 février pour commémorer les « morts méridionaux » tombés en défendant le Royaume des Deux-Siciles.

En 2017, durant l’habituel rassemblement sur le rocher, dans le petit espace vert face à la terrasse sur la mer, on dépose les briques du « Mur de la mémoire »53 destinées à la construction du monument permanent à la mémoire des martyrs et des héros du Royaume des Deux-Siciles. Sur chaque brique est gravé le nom d’un village ou d’une ville où se seraient déroulés d’atroces massacres. Parmi elles, la brique consacrée à Motta Santa Lucia, le « lieu de mémoire du brigand Villella », symbole de la bataille des mouvements néo-bourboniens pour la rédemption du Sud.

L’année du « Mur de la mémoire », le président du mouvement néo-bourbonien Gennaro De Crescenzo introduit l’annonce importante qu’Aprile réserve à l’assistance : « … car c’est lui qui a inventé tout cela ».

Aprile :

Chacun d’entre nous a découvert qu’il y avait une vérité qui nous avait été cachée et cela nous a tous rendus responsables, qui écrit doit écrire, qui chante doit chanter, qui est un organisateur doit organiser, qui construit des monuments fabriquer des briques, qui aime raconter enseigner et éduquer ses enfants, cela nous a conféré la responsabilité énorme qui sépare les honnêtes des malhonnêtes, ceux qui savent doivent révéler la vérité, ce qu’ils savent, aux autres. Pour cette raison, nous avons aussi besoin […] de panneaux, de plaques, de monuments, de croix pour nos morts, et nous avons aussi besoin d’une date sur le calendrier, nous avons besoin de morts dont nous souvenir, nous avons besoin de noms dans lesquels nous reconnaître, de notre Olympe personnel, identitaire, celui d’un peuple qui a été écrasé […] On m’a fait une confidence […] D’ici quelques jours, dans six régions du Sud, sera présentée une motion afin que le 13 février devienne la Journée de la mémoire du génocide qui a été perpétré… j’ai hâte de savoir s’ils auront le courage de ne pas la faire passer54

À compter du 14 février, la motion pour « l’Institution d’une Journée de la mémoire visant à commémorer les Méridionaux morts lors de l’Unification italienne » est présentée aux Conseils des régions du Sud – les Abruzzes, la Basilicate, la Campanie, les Pouilles et la Sicile – au Conseil municipal de Naples, à la Chambre et au Sénat de la République. Le texte, pratiquement identique à chaque fois, indique le 13 février comme date de commémoration des victimes méridionales de l’Unité d’Italie et de « leurs villages respectifs entièrement rasés » ; on demande en outre de « mettre en place, à l’occasion de la susdite Journée de la mémoire, toutes les initiatives relevant de la compétence de chacun afin de promouvoir les colloques et les événements en mesure de rappeler les faits en question, en impliquant les institutions scolaires de tout ordre et tout degré »55. Les rapporteurs de la motion au sein des gouvernements régionaux et le sénateur Sergio Puglia sont tous issus du M5s. Au Parlement, la première signataire de la motion est la députée Nunzia De Girolamo de Forza Italia (Fi), ainsi qu’un groupe de parlementaires, du centre-droit comme du Partito Democratico (Parti Démocrate), tous élus dans les circonscriptions du Sud56. En Calabre, où le M5s n’a pas atteint le quorum aux élections régionales de 2014, la motion n’a été présentée qu’à l’Union des municipalités de la Valle del Torbido, par le conseiller Pasquale Mesiti, élu sur une liste citoyenne et membre de l’association culturelle Due Sicilie [Deux-Siciles]57.

La guerre d'histoire et l'été de la mémoire

Manifesto per la Giornata della memoria
Il senatore Puglia in raccoglimento davanti al monumento dei caduti a Casalduni, Casalduni 22 dicembre 2017
Commento al voto del 4 marzo 2018

- Affiche pour la journée du souvenir, Facebook@AntonellaLaricchiaMovimento5Stelle.

- Le sénateur des Pouilles se recueuillant devant le monument aux morts de Casalduni, Casalduni 22 décembre 2017, Facebook@pugliasergio.

- Commentaires sur le vote du 4 mars 2018, Facebook/gp@o.Briganti.o, 6 mars 2018.

Le Conseil régional de la Basilicate, mené par le Partito Democratico, est le premier à discuter la motion lors de la session du 28 février. Gianni Perrino du M5s explique :

Je tiens à préciser que le 13 février est choisi comme date symbolique précisément parce qu’il s’agit de la journée où le siège de Gaeta s’acheva en 186158.

Le 7 mars, le Conseil donne son approbation. Dans une remarque conclusive, le rapporteur issu du M5s formule une analogie entre l’annexion forcée du Royaume des Deux-Siciles et « ce qui est en train d’arriver au niveau de l’Union européenne, au sein de laquelle une unification contrainte, comme celle de la zone euro par exemple, qui ne se bat pas en ce moment avec des baïonnettes… »59.

Pendant ce temps-là, en Campanie, la motion est présentée aussi bien au Conseil régional qu’au conseil municipal de Naples60. À Naples justement, où le M5s était assuré du soutien du maire De Magistris – avec l’appui, entre autres, de la liste citoyenne Mò! Unione Mediterranea [Maintenant ! Union Méditerranéenne], le parti né en 2012 avec la bénédiction d’Aprile – la motion rencontre un obstacle imprévu. Au cours de la même session du conseil le 20 mars, on approuve à l’unanimité la révocation de la citoyenneté d’honneur au général Enrico Cialdini (accordée par la ville de Naples en 1861), tandis qu’au sujet de l’institution de la Journée de la mémoire s’élèvent des voix inquiètes quant aux politiques culturelles qui « minent l’unité nationale ». La motion se voit ainsi renvoyée en Commission culturelle où l’on sollicite l’avis de Renata De Lorenzo, présidente de la Società napoletana di Storia Patria [Société napolitaine d’histoire locale] et de Marcella Marmo de l’Université Federico II. Le Conseil communal de Naples est le seul à prendre à bras le corps la controverse historique en consultant les historien-nes : le maire De Magistris et la majorité du Conseil rejettent la motion.

La nouvelle reste néanmoins cantonnée aux marges de l’agenda médiatique national, cantonnée au multivers digital post-méridionaliste61. La « guerre d’histoire » n’éclate qu’après la diffusion de la nouvelle de l’approbation de la motion par la région des Pouilles le 4 juillet, avec un vote quasi unanime et l’approbation du gouverneur Michele Emiliano du Partito Democratico. Un geste attendu, étant donné qu’Aprile est consultant pour Emiliano. Leur alliance remonte à l’époque des contre-célébrations de l’Unité d’Italie, lorsqu’Emiliano était maire de Bari62. Le département de sciences humaines (DISUM) de l’université de Bari prend position contre la Journée de la mémoire avec une lettre adressée au Président de région Emiliano. Alessandro Leogrande ouvre le débat dans les quotidiens avec l’article « Neoborbonici a 5 stelle »63  [Néo-bourboniens à 5 étoiles]. Pour la première fois, après des années de diffusion massive du révisionnisme anti-Risorgimento, on enregistre une prise de position publique ferme de toutes les associations d’historiens, d’instituts de recherche et de représentants de la société civile. Lea Durante, vice-présidente de l’International Gramsci society Italia, enseignante du DISUM, lance une pétition sur la plateforme change.org, adressée au Président de la région des Pouilles64. La réaction unitaire des historien-ne-s et des intellectuel-le-s, engagé-e-s depuis toujours sur les sujets concernant le Mezzogiorno, a des effets concrets sur le parcours institutionnel de la motion : dans les Abruzzes et en Sicile, elle n’est jamais discutée ; en Basilicate, une nouvelle motion, présentée fin août, demande l’annulation de l’approbation du 7 mars 2017 ; dans les Pouilles, sans être rejetée officiellement, l’institution de la Journée de la mémoire reste lettre morte65. La motion présentée au Parlement par Nunzia De Girolamo échappe à l’attention des médias : elle est aspirée dans la spirale du silence, tout comme l’institution de la Journée de la mémoire dans la petite enclave néo-bourbonienne des municipalités de la Valle del Torbido.

Cela ne veut pas du tout dire pour autant que la stratégie des entrepreneurs de la mémoire soit un échec. Dans l’arène du débat public, la rhétorique bien huilée du complot des puissants pour cacher la vérité historique s’est renforcée. Le nouveau leadership moral et intellectuel du post-méridionalisme, dont Aprile est le représentant le plus populaire et le plus recherché par les médias, a gagné en autorité. Comme l’affirme Antonella Laricchia du M5s des Pouilles, « la grande révolution qui a eu lieu avec les livres de Pino Aprile, à compter du cent cinquantième anniversaire de l’Unité d’Italie »66, est la révélation d’une « histoire cachée ». La prise de parole fougueuse du sénateur Sergio Puglia insiste sur la « conjuration du silence » des historiens : « Si j’étais lumière [littéralement « Si j’étais feu », « S’i fossi fuoco », qui reprend le premier vers du célèbre poème de Cecco Angiolieri], je voudrais être utilisé pour éclairer l’obscurité de la caverne historiographique qui a étouffé de nombreuses vérités historiques tues par crainte institutionnelle… »67  ; et il poursuit plus avant avec la lecture d’un long extrait de Terroni de Pino Aprile. 

La nouveauté de l’« été de la mémoire » – ainsi qualifié par De Crescenzo – réside dans la fusion, en un horizon symbolique unique, de la lutte contre la corruption de la caste politique, sujet cher au M5s, avec la lutte contre la « caste des historiens », ces « maîtres en chaires » qui, depuis plus de cent cinquante ans, cachent la vérité sur le « sang du Sud ». Toutes les prises de parole – de De Crescenzo aux journalistes et aux historiens révisionnistes proches du mouvement néo-bourbonien tels que Lino Paturno, ex-directeur de la Gazzetta del Mezzogiorno, et Gigi Di Fiore – reprennent la même idée : les universitaires défendent l’idée patronale de l’histoire, ils incarnent la servilité de la classe enseignante, en tout point semblables aux « universitaires qui signèrent en 1934 leur adhésion au Parti fasciste »68.

La plateforme change.org est devenue l’arène de l’affrontement entre l’élite universitaire et le « peuple ». La pétition de l’« universitaire » Durante s’est transformée en cible facile pour la mobilisation encouragée par Domenico Iannantuoni. En première ligne du combat No Lombroso depuis des années, expert de pétitions en ligne, l’ingénieur milanais originaire des Pouilles a lancé une contre-pétition en faveur de la Journée de la mémoire, en mobilisant le réseau cinq étoiles-post-méridionaliste69. À bien y regarder, le chiffre de 10 933 signatures est vraiment bas pour une pétition de cette importance, mais il est tout de même supérieur aux 1 550 signatures rassemblées par Durante70. Largement suffisant en tout cas pour soutenir les discours agressifs des activistes médiatiques de la mémoire. Antonella Laricchia, conseillère M5s et parmi les premières signataires, offre ce commentaire : « l’histoire d’un peuple, et donc le sens conféré à son futur, ne peut pas être l’apanage d’une maigre élite de soi-disant intellectuels, mais doit plutôt être le bien commun des citoyens qui n’ont pas peur de la confrontation, voire la souhaitent »71.

Sur YouTube, l’appel à soutenir la pétition de Iannantuoni informe qu’un « petit groupe d’universitaires » a levé la voix contre une journée de débat libre et de confrontation démocratique, de fait une « censure de la vérité historique »72. De Crescenzo met l’accent sur le même point. De son point de vue, les historiens, désormais coupés de la réalité, croient détenir l’exclusivité de l’usage public de l’histoire :

La position universitaire a donc été, en substance, anti-historique : avec le web et grâce au travail volontaire de nombreux chercheurs et passeurs, il n’est plus concevable de limiter « l’usage public de l’histoire », le temps est révolu où l’histoire était contrôlée par les historiens « pro-Savoie », voire par les historiens proches des régimes dictatoriaux du siècle passé73

Une protestation unanime s’est levée contre l’usage de l’étiquette « nostalgie bourbonienne » pour déformer l’image d’un projet de mouvement tourné vers le futur. Pour faire court, l’arrogance moqueuse vis-à-vis du « folklore néo-bourbonien » ne marche plus. 

La délégitimisation des « historiens officiels » est proportionnelle à l’adhésion croissante aux leaders charismatiques qui, outre leur présence constante sur le web, jouissent d’un réseau territorial de marketing de la contre-histoire du Risorgimento assurée par le prestige médiatique, autrement dit le « capital médiatique »74. Sur la page Facebook Terroni, carrefour des contributions quotidiennes sur le complot universitaire aux dépens du Sud, les followers rejoignent la stratégie diffamatoire planifiée par les leaders contre les ennemis intérieurs, ces « professeurs, encore mieux s’ils sont “autochtones”, récompensés avec des chaires » pour dire du mal du Sud. Les argumentaires de la nouvelle historiographie sur le Mezzogiorno que les « universitaires autochtones » essaient de relancer, tout en se gardant de verser dans une emphase pro-Savoie et pro-Risorgimento, ne parviennent pas à pénétrer le circuit des répliques virales75.

Les entrepreneurs de la Journée de la mémoire ne sont pas intéressés, en réalité, par la dispute historiographique : ils ont entrepris une véritable guerre pour la conquête du pouvoir symbolique de représentation du Sud et de son histoire.

Question méridionale : à gauche, à droite, en descendant vers le Sud

Au cours de ma recherche au sein du groupe Facebook No Lombroso, je me suis liée d’amitié virtuelle avec des activistes de droite comme de gauche, tous disposés à minimiser les différences qui les séparaient afin de s’unir dans la mobilisation identitaire pour le Sud. Le déplacement de forces opposées vers un front de lutte commun a permis de récupérer les héritages oubliés de deux leaders locaux, Nicola Zitara (1927-2010) et Angelo Manna (1935-2001) qui, durant les mêmes années, ont poursuivi sans succès, à distance l’un de l’autre, des objectifs parallèles pour l’autonomie politique du Sud. Un bref détour par les dernières décennies du siècle dernier permet de repérer plusieurs événements ayant influencé la vie publique de ces figures excentriques du méridionalisme, jusqu’au tournant qui a rendu à présent possible leur inclusion dans la ligne généalogique des mouvements post-méridionalistes.

Le 14 juillet 1970 à Reggio de Calabre éclate la révolte contre la décision de déplacer à Catanzaro le chef-lieu de la région, tout juste mise en place après le référendum constitutionnel du 7 juin sanctionnant la naissance des régions à statut ordinaire [note de la traductrice : les régions italiennes, au nombre de 20, se divisent en régions à statut ordinaire – 15, dont la Calabre – et extraordinaire : Sardaigne, Sicile, Vallée d’Aoste, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie-Julienne]. La situation ne revient à la normale qu’en février 1971, avec un lourd bilan de 5 morts, plus de 2 000 blessés et 800 arrestations76. La révolte, célèbre pour son slogan « Boia chi molla » [À bas les lâcheurs], soutenue y compris par les leaders locaux du Msi, parti en position de force dans la ville du détroit, est estampillée réactionnaire et fasciste. Luigi Lombardi Satriani, anthropologue, et Nicola Zitara (1927-2010), militant socialiste, se mobilisent pour élaborer une nouvelle perspective méridionaliste, en réponse aux forces de gauche qui, sous le « vernis antifasciste », avaient de fait légitimé « l’action répressive de l’état bourgeois contre les masses méridionales »77. Tous deux calabrais, « intellectuels organiques », méridionalistes militants, Zitara et Lombardi Satriani faisaient partie, dès 1967, du Cercle culturel Gaetano Salvemini de Vibo Valentia, fondé par Francesco Tassone en 1964, tout comme la revue Quaderni Calabresi et la maison d’édition Qualecultura. Le cercle culturel a représenté durant ces années l’une des expressions les plus dynamiques de l’engagement politique du méridionalisme marxiste. L’anthropologue allait travailler sur le terrain pour faire émerger « le discours révolutionnaire en tenant compte de la spécificité culturelle et politique du Mezzogiorno »78. Zitara souhaitait approfondir sur le plan théorique les causes structurelles du sous-développement. Les deux recherches conflueraient dans un même volume. En 1971 pourtant paraissent deux textes séparés, dans deux maisons d’édition différentes79. Que s’est-il passé ? « Le groupe de Quaderni Calabresi était antagoniste, pas sécessionniste […] tandis que Zitara devenait de plus en plus extrémiste, au point de devenir sécessionniste. Ses réflexions prirent une direction radicale, la catastrophe la plus grande était l’Unité d’Italie et son texte exprimait cette vision », raconte Lombardi Satriani80.

Dans son texte L’Unità d’Italia, Zitara pousse la critique radicale de l’État italien jusqu’à un point de non-retour. L’intellectuel calabrais se persuade durant ces années que les intérêts de la classe laborieuse du Nord avaient été et continuaient d’être divergents de ceux du Sud81. Une fois l’unité de la lutte de classe brisée, le Nord et le Sud émergent comme deux peuples et deux nations séparées, l’une dominante, l’autre exploitée.

La rupture de Zitara avec l’orthodoxie de la démarche révolutionnaire suscita un vif débat au sein du comité éditorial de Qualecultura, jusqu’à la douloureuse décision finale de ne pas publier le livre. Comme le suggère le récit de Lombardi Satriani, dans cette « affaire éditoriale », les aspects politiques et personnels finirent par se mêler de façon inextricable avec des conséquences importantes sur les choix ultérieurs de Zitara, jusqu’à l’assimilation de ses positions par le post-méridionalisme du troisième millénaire.

En 1980, Zitara et Tassone fondent le Movimento Meridionale (Mm, Mouvement méridional), base pour un parti en faveur de l’autonomie du Sud82, qui se proposait d’agréger le mécontentement des Méridionaux et de répondre à l’arrogance des mouvements sécessionnistes Liga Veneta [Ligue vénitienne] et Lega Lombarda [Ligue lombarde], déjà en forte croissance, qui allaient entrer au parlement en 1987, en lançant des invectives racistes contre les Méridionaux. Alors qu’aux élections politiques de 1992 la Lega Nord parvenait à réunir en un parti unique tous les mouvements du Nord, obtenant une victoire écrasante avec 55 sièges au Parlement, le projet autonomiste du Sud échouait définitivement83.

Lorsqu’en 1994 il publie à compte d’auteur son roman autobiographique, Memorie di quand’ero italiano [Mémoires de quand j’étais Italien], Zitara a perdu tout espoir de parvenir à changer le Sud avec des mesures politiques de la gauche au sein du contexte unitaire et avec le fonctionnement d’un parti enraciné dans la lutte de classe. Si les masses populaires n’ont jamais suivi les élites révolutionnaires, en prenant parti pour les Bourbon et les brigands en 1799 comme en 1860, le moment est venu de se tourner vers l’avenir, déclare-t-il dans les dernières pages de son roman, « Même si je dois m’attifer avec les lys des Bourbon et marcher bras dessus bras dessous avec Carmine Crocco »84. En effet Zitara n’a pas changé sa pensée politique : il a choisi de recourir à une tactique mimétique, convaincu que la redécouverte identitaire du passé bourbonien pourrait être assimilée et prise en charge par la stratégie de séparatisme révolutionnaire pour la future libération du Sud85.

Le 4 mars 1991, Angelo Manna, député napolitain du Msi, demande au moyen d’une question au Parlement que soient ouvertes les « archives secrètes » de l’État-major de l’armée afin de faire la lumière sur la vérité de l’Unité italienne, la véritable histoire de la conquête du Sud. La principale cible était la Lega Nord, toujours prête à attaquer l’État italien en l’accusant d’être gangréné par les politiciens méridionaux « mafieux et corrompus », qui siphonnent les ressources du Nord industrieux pour entretenir leur pouvoir clientéliste. « La double peine ! Nous étions le royaume le plus riche avant l’Unité d’Italie »86 : Manna se rebelle contre cette injustice de l’histoire aux dépens du Sud. Ce politicien excentrique décide de fonder un parti, le Fronte del Sud [Front du Sud], qui participe aux élections municipales à Naples en 1992 et aux élections politiques de la même année avec la liste Lega delle Leghe [Ligue des Ligues]. Le projet autonomiste-identitaire de Manna ne rencontre pas lui non plus de succès électoral, mais la force de son discours programmatique – « Nous portons encore la marque des vaincus dans notre chair »87 – convainc le jeune sympathisant Gennaro De Crescenzo d’entreprendre, avant toute chose, la bataille culturelle pour rétablir la vérité historique sur le Royaume bourbonien : un impératif moral et une action indispensable pour la formation d’une conscience politique au Sud. L’Association culturelle néo-bourbonienne naît en 1993 avec pour objectif précis de mobiliser les consciences, en adoptant d’emblée des stratégies de communication à fort impact et visibilité publiques. La première manifestation pour contre-célébrer l’entrée de Garibaldi à Naples en 1993 est le baptême public de l’association, y compris grâce à la collaboration de Riccardo Pazzaglia, metteur en scène, écrivain, personnalité versatile et pleine d’humour, très populaire88.

Nascita del Movimento neoborbonico, Napoli 7 settembre 1993, da sinistra Riccardo Pazzaglia e Gennaro De Crescenzo
Ventennale della nascita del Movimento neoborbonico, Napoli 26 ottobre 2013, da destra SAR Carlo di Borbone, Pino Aprile, Gerardo de Crescenzo
La famiglia reale ai festeggiamenti del 25° anniversario del Movimento neoborbonico, Napoli 3 novembre 2018

- Naissance du Mouvement néo-bourbon, Naples 7 septembre 1993, Riccardo Pazzaglia (à gauche) et Gennaro De Crescenzo, photo © Il Mattino.

- Vingt ans après la naissance du Mouvement néo-bourbon, Naples 26 octobre 2013, de droite à gauche : SAR Carlo di Borbone, Pino Aprile, Gerardo de Crescenzo (photo © Caserta Focus).

- La famille royale célèbre le 25e anniversaire du Mouvement néo-bourbon, Naples 3 novembre 2018, facebook/gp@Movimento Neoborbonico.

L’efficacité de la bataille culturelle entreprise par les néo-bourboniens peut compter, en outre, sur la charge symbolique de l’alliance avec le prince Charles de Bourbon, l’un des possibles héritiers du trône du Royaume des Deux-Siciles, présent au rassemblement du 13 février 1994 à Gaeta. Le mouvement néo-bourbonien a amplement contribué à la réhabilitation de l’image de la famille royale, grâce à l’organisation territoriale constamment occupée à réécrire l’histoire grâce aux cérémonies et aux contre-célébrations, toujours prête à saisir les occasions de visibilité médiatique. La présence de Charles de Bourbon aux festivités en 2013 le confirme, lors des vingt ans de la fondation de l’association et, surtout, l’insertion des vidéos de l’événement sur le site officiel de la famille royale89. La revalorisation publique de la monarchie bourbonienne et la création du mythe d’un règne merveilleux détruit par l’Unification converge au sein d’une stratégie plus vaste de branding économique, politique et culturel qui englobe dans une toile, aussi invisible que solide, marketing territorial et sentiment identitaire, production de la localité, memory branding et développement communautaire. Le renversement de l’idée de la tyrannie bourbonienne va de pair avec le renversement de l’idée du Sud plein de brigands et arriéré. La campagne publicitaire du café Borbone [Bourbon], marque enregistrée en 2006 par L’Aromatika s.r.l.90, tire profit de l’image « Roy-alement bonne » [n.d.t. « Re-almente buona » en Italien, « realmente » signifie « réellement » et « royalement », ici le jeu de mot est accentué sur le « Re », le « Roi »] des souverains des Deux-Siciles et la transfiguration du brigand en héros de la résistance offre des ressources compétitives pour le développement de l’heritage tourism dans les lieux de mémoire.

« Nous sommes la contre-histoire avec des lys sur nos drapeaux »

Au seuil du troisième millénaire, Zitara crée un avant-poste méridionaliste sur le web, la revue électronique FORA, devenue par la suite Elealm91. Le programme de la revue invite à la mobilisation et à la collaboration quiconque désire contribuer, sans aucune forme de censure idéologique ou politique, pourvu qu’il ou elle soit « méridionale »92. En 2003, Alessandro Romano – descendant du sergent bourbonien Pasquale Domenico Romano, devenu « détenteur spécialisé »93 de la mémoire des brigands-héros – inaugure le site de la Rete di informazione del Regno delle Due Sicilie [chaîne d’information du Royaume des Deux-Siciles], un bulletin d’information légitimiste. En 2005 vient le tour du site du mouvement néo-bourbonien et, en 2007, des Comitati Due Sicilie [Comités Deux-Siciles], une branche du mouvement, avec des antennes dans de nombreuses villes du Nord94. Il s’agit de la première phase d’occupation du cyberespace, la véritable expansion arrive avec la révolution des réseaux sociaux, le lancement de la plateforme YouTube, la diffusion de l’usage de Facebook, endémique en Italie à compter de 2008. Le contexte poly-médiatique rend disponibles des contenus pour construire l’architecture symbolique spécifique de chacune des formes de vie communautaire sur Facebook : comme le note Daniel Miller, Facebook devient ce que ses utilisateurs en font95.

Costa del libro Terroni modificata da un Facebook-amico

Dos du livre Terroni modifié par un ami Facebook.

La plateforme YouTube continue de faire croître les archives post-méridionalistes qui permettent de sélectionner à tout moment les événements dans le monde, terrestre ou télévisé – des performances théâtrales et musicales, publiques ou domestiques, des rassemblements politiques ainsi que des fictions, des documentaires, des talk-shows – et les rend disponibles pour le partage viral. À partir de mars 2010, l’extraordinaire succès éditorial de Terroni a engendré une imposante opération de marketing de produits de consommation culturelle – depuis les nouvelles productions musicales et théâtrales à la relance éditoriale des ouvrages amateurs des années 1990 (préfacés par Aprile) – qui incorporent les poétiques sociales au sein d’une véritable esthétique du post-méridionalisme. Le spectacle théâtral Terroni, qui s’ouvre avec le grondement rugissant de la météorite qui s’est abattue sur les Deux-Siciles avec l’Unification, est joué avec succès dans l’Italie toute entière à partir de décembre 2010. Toujours cette même année fatidique, Valerio Rizzo et Nico Cimino, deux jeunes de la Basilicate, ouvrent la page Facebook des Briganti  [Brigands], qui compte aujourd’hui plus de 300 000 followers, l’une des pages les plus suivies. La riche archive photo et vidéo des Briganti documente l’activité quotidienne d’information sur les fronts les plus chauds des protestations sociales au Sud96. L’attribution de l’origine de tous les maux à la « Malaunità » [unité maudite] qui a permis l’exploitation du Sud par le Nord assimile Briganti à la communauté médiatique post-méridionaliste.

Meme sullo sfruttamento del Sud

Mème sur l’exploitation du Sud, Facebook/gp@o.Briganti.o

Le style propagandiste du slogan est la marque de fabrique communicationnelle, simple et efficace, que Briganti applique à la divulgation de la « pensée méridionaliste » des théoriciens – plus ou moins illustres – de référence. Gramsci, Zitara, Manna et Aprile sont réduits à des citations-publicités, comprimés sous forme de mèmes destinés au partage viral sur les réseaux. Le flux des mèmes-détritus de la « patri-archive » méridionaliste forme une nébuleuse tournoyant sans cesse dans l’univers des partages en ligne, un matériel toujours disponible pour des bricolages créatifs. Briganti lui-même est devenu une marque à succès : sur la plateforme Briganti.info sont en vente des produits de la marque Briganti, des vêtements aux tasses à café, également distribués dans les magasins affiliés sur le territoire des Deux-Siciles, et jusqu’à la collection d’images pour tatouage97.

Le projet le plus apprécié est consacré, une fois encore, à la révélation de la vérité historique : « l’Association Briganti, afin de compléter le Projet École, entrepris il y a un an déjà, a rédigé un manuel qui analyse de manière critique le soi-disant “Risorgimento” ». Le volume s’adresse aux élèves des écoles de premier et second degré, comme « approfondissement des manuels existants »98. Le manuel s’adresse aux « enseignants-brigands »99 qui ont l’intention de se lancer dans le parcours révolutionnaire de décolonisation de la société méridionale.

Conclusions : « Celui-celle qui connaît la véritable histoire ne sera plus jamais le-la même »

L’instauration du canon mythique de la « véritable histoire » est le liant profond de cet ensemble de mouvements divers, la principale ressource du pouvoir symbolique qui a consolidé la nouvelle mémoire culturelle duo-sicilienne, qui a créé l’espace du conflit pour l’affirmation compétitive de l’hégémonie d’un nouveau leadership (moral, intellectuel, politique) et qui alimente, grâce à la « mass self-communication » technologique, un système de redistribution des ressources de production politique et culturelle des représentations identitaires.

La transfiguration mythique du récit historique libère les ressources symboliques pour agir simultanément sur le passé, le présent et le futur100 : le mythe de la « véritable histoire » devient un puissant instrument de diagnostic de l’origine du mal du Mezzogiorno et un schéma de simplification cognitive encore plus puissant pour résoudre enfin le dilemme insoluble : « pourquoi le Sud est-il resté à la traîne »101? Les échanges quotidiens des ressources symboliques sur Facebook donnent vie à la web communitas : le pouvoir performatif de la réitération ritualisée y subsume les participants « en un seul et unique événement fluide synchronique »102. La focalisation de l’attention sur le symbole dominant de la « véritable histoire », qui relie le rappel quotidien de la violence, de l’exploitation et de la duperie infligés au Sud, conduit à requalifier sa propre expérience sociale et existentielle. Le travail de présentification et de partage de l’expérience commune du trauma et de la révélation de la « vérité » du génocide, permet d’adopter la condition de victime, d’incorporer le « privilège exorbitant »103 qui marque la conversion de l’existence d’un individu isolé à l’existence collective d’une communauté de victimes/témoins de la conquête du Sud.

Le dédommagement des victimes est perçu comme un dû. Le complexe sacrificiel de la nouvelle mémoire culturelle du Sud constitue un arrière-fond symbolique important pour saisir le sens des revendications politiques et économiques d’une partie au moins des « Méridionaux ». L’exigence perpétuelle de sacrifices formulée par le gouvernement national et par l’Europe afin de surmonter la grave crise économique de la dernière décennie, est perçue comme l’écho assourdissant de cette « météorite » censée avoir anéanti les richesses du Royaume des Deux-Siciles et qui continue d’entraver sa renaissance. La même relation symbolique lie aujourd’hui l’Italie à l’Europe : une Italie-colonie, victime sacrificielle des pays du Nord de l’Europe qui étouffent la reprise économique de l’Italie et ne renoncent pas à faire peser leur « supériorité culturelle » avec toute la violence des lieux communs. 

Déplier la liste des notes et références
Retour vers la note de texte 5268

1

Tom Kington, « Italy’s political map is like a flashback to 200 years ago », [en ligne], The Times, 7 mars 2018 ;

 

@ilGiornale, « I Cinque Stelle come i Borboni del 1815. Il ritorno del Regno delle Due Sicilie », [en ligne], Il Giornale, 6 mars 2018.

Retour vers la note de texte 5269

2

Salvatore Vassallo, « Quelle curiose somiglianze nella nuova geografia del voto », [en ligne].

 

Voir également : Marco Valbruzzi, Rinaldo Vignati (dir.), Il vicolo cieco. Le elezioni del 4 marzo 2018, Istituto Cattaneo, Bologna, Il Mulino, 2018.

Retour vers la note de texte 5270

3

Onofrio Romano, « La nuova sedazione del Sud », [en ligne], Italianieuropei, n° 2, 2018.

Retour vers la note de texte 5271

4

La première esquisse de ce texte remonte à quelques mois avant les élections. Je souhaite remercier Sabina Loriga et David Schreiber pour m’avoir invitée à participer au séminaire « Usages publics du passé » en janvier 2018. Le débat stimulant a été précieux pour la conceptualisation et la révision de cet article. Je remercie également Gaetano Ciarcia pour sa lecture attentive et ses critiques constructives. 

Retour vers la note de texte 5272

5

Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory. Writing and Visual Culture After the Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012.

Retour vers la note de texte 5273

6

Manuel Anselmi, « Populism and the Quality of Democracy. Italy and Venezuela in a comparative perspective », Etnografia e Ricerca Qualitativa, n° 1, 2015, p. 48.

 

Voir aussi : Ilvo Diamanti, Marc Lazar, Popolocrazia. La metamorfosi delle nostre democrazie, Roma-Bari, Laterza, 2018.

Retour vers la note de texte 5465

7

Manuel Castells, « Communication, Power and Counter-power in the Network Society », International Journal of Communication, n° 1, 2007, p. 238-266 ;

 

Manuel Castells, Communication Power, New York, Oxford University Press, 2009, p. 63-71.

Retour vers la note de texte 5466

8

Nick Couldry, Andreas Hepp, The Mediated Construction of Reality, Cambridge, Polity Press, 2017, p. 172-177.

Retour vers la note de texte 5467

9

En 2011, j’ai commencé cette recherche ethnographique à Motta Santa Lucia, petit village de la province de Catanzaro (Calabre). Le maire Amedeo Colacino, cofondateur avec Domenico Iannantuoni du Comité technico-scientifique No Lombroso, menait la bataille légale contre le Musée turinois pour le rapatriement du crâne de son compatriote Giuseppe Villella, un pauvre voleur mort en 1864 à Pavie, devenu l’une des pièces scientifiques de la collection de crânes Lombroso et présenté aujourd’hui comme un patriote de la résistance du Royaume des Deux-Siciles.

Retour vers la note de texte 5468

10

Vito Teti, La razza maledetta. Alle origini del pregiudizio antimeridionale, Roma, Manifestolibri, 1993.

Pour une mise à jour, voir désormais : Angelo Matteo Caglioti, « Race, Statistic and Italian Eugenics. Alfredo Niceforo’s Trajectory from Lombroso to Fascism (1876-1960) », European History Quarterly, vol. 47, n° 3, 2017, p. 461-489 ;

 

Gaia Giuliani, Race, Nation and Gender in Modern Italy. Intersectional Representation in Visual Culture, London, Palgrave Macmillan, 2018 ;

 

Maria Teresa Milicia, « Colères, maladresses et races maudites. La naissance de l’antiracisme dans l’Italie postunitaire », in A. Aramini, E. Bovo (dir.), La Pensée de la race en Italie. Du romantisme au fascisme, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2018, p. 131-150.

Retour vers la note de texte 5469

11

Mary Gibson, Nati per il crimine. Cesare Lombroso e le origini della criminologia biologica, Milano, Bruno Mondadori, 2008.

Retour vers la note de texte 5470

12

Silvano Montaldo, « La fossa comune del Museo Lombroso e il “lager”di Fenestrelle: il centocinquantenario dei neoborbonici », Passato e Presente, vol. 87, 2012, p. 105-118.

Retour vers la note de texte 5471

13

Marisa Ingrosso, « I briganti meridionali nella “fossa comune”del museo Lombroso », [en ligne], La Gazzetta del Mezzogiorno, 2 novembre 2009.

Retour vers la note de texte 5472

14

Sur le cas du rapatriement de la collection du Musée Lombroso : Maria Teresa Milicia, Lombroso e il brigante. Storia di un cranio conteso, Roma, Salerno editrice, 2014 ;

 

Maria Teresa Milicia, « How Lombroso Museum Became a Permanent Conflict Zone », in V. Golding, J. Walklate (dir.), Museums and Communities. Diversity and Dialogue in an Age of Migration, Newcastle, Cambridge Scholar Press, 2018, p. 42-60.

Retour vers la note de texte 5473

15

Victor Turner, The Ritual Process. Structure and Antistructure, Chicago, Aldine Publishing, 1969.

Retour vers la note de texte 5474

16

Beppe Grillo, comique génois, a cofondé le M5s avec Gianroberto Casaleggio en 2009.

Voir : Piergiorgio Corbetta (éd.), M5s. Come cambia il partito di Grillo, Bologna, Il Mulino, 2017.

Retour vers la note de texte 5475

17

« I movimenti meridionali contro il museo Cesare Lombroso », [en ligne], YouTube Beppe Grillo, 11 mai 2010.

Le M5s est devenu une référence pour l’activisme local de nombreux groupes et mouvements : Ilvo Diamanti, « The 5 Star Movement: a political laboratory », Contemporary Italian Politics, vol. 6, n° 1, 2014, p. 4-15.

Retour vers la note de texte 5476

18

Maria Pia Casalena, « Centocinquant’anni (e più) di discorsi antirisorgimentali », in M. P. Casalena (dir.), Antirisorgimento. Appropriazioni, critiche, delegittimazioni, Bologna, Pendragon, 2013, p. 3.

Retour vers la note de texte 5477

19

Voir Lynda Dematteo, L’Idiotie en politique. Subversion et néo-populisme en Italie, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’homme, 2007.

 

Sur le racisme stratégique de la Ligue du Nord : Martina Avanza, « The Northern League and its “innocuous xenophobia” », in A. Mammone, G. A. Veltri (dir.), Italy Today.The Sic Man of Europe, London and New York, Routledge, 2010, p. 131-142.

Retour vers la note de texte 5478

20

Martina Avanza, « Une histoire pour la Padanie. La Ligue du Nord et l’usage politique du passé », Annales. Histoire Sciences Sociales, n° 1, 2003, p. 85-107.

Retour vers la note de texte 5479

21

Eviatar Zerubavel, Mappe del tempo. Memoria collettiva e costruzione del passato,Bologna, Il Mulino, 2005, p. 148.

Retour vers la note de texte 5480

22

« Crociati, legittimisti e politici », écrit Enrico Francia dans « Risorgimento conteso. Riflessioni su intransigenti, giornalisti (e storici) », 900, n° 8-9, 2003, p. 147 ;

 

voir aussi : Silvana Patriarca, « Unmaking the Nation ? Uses and Abuses of Garibaldi in Contemporary Italy »,Modern Italy, 2010, vol. 15, n° 4, p. 467-483 ;

 

Massimo Cattaneo, « Il Triennio repubblicano 1796-1799. Nuovi paradigmi e pseudorevisionismo », in M. P. Casalena (dir), Antirisorgimento.Appropriazioni, critiche, delegittimazioni, Bologna, Pendragon, 2013, p. 69-86.

Retour vers la note de texte 5481

23

Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979, p. 375.

Retour vers la note de texte 5482

24

Une sélection de titres : Giordano Bruno Guerri, Il sangue del Sud. Antistoria del Risorgimento e del Brigantaggio, Milano, Mondadori, 2010 ;

 

Gigi Di Fiore, Controstoria dell’Unità d’Italia: fatti e misfatti del Risorgimento, Milano, Rizzoli, 2007 ;

 

le texte pionnier du journaliste-écrivain Lorenzo Del Boca, Maledetti Savoia, Milano, Piemme, 1998 ;

 

Lorenzo Del Boca, Savoia Boia! L’Italia unita come non ce l’hanno mai raccontata, Milano Piemme, 2011, avec une préface de Pino Aprile. 

 

Voir aussi : Paolo Mieli et Lorenzo Del Boca « Mieli : la verità sul Risorgimento. I parte », [en ligne], Salone Internazionale del Libro, Torino, 2011, YouTube Maria Giovanna Ferrante, publié le 23 mai 2011.

Retour vers la note de texte 5483

25

Voir : Carmine Pinto, « Gli ultimi borbonici. Narrazioni e miti della nazione perduta duo-siciliana (1867-1911) », Meridiana, vol. 88, n° 1, 2017, p. 61-82 ;

 

Giuseppe Lupo, « L’Antirisorgimento nella narrativa italiana del Novecento », in M. Casalena (dir.), Antirisorgimento. Appropriazioni, critiche delegittimazioni, Bologna, Pendragon, 2013, p. 203-215 ;

 

« Da Nord a Sud: Noi Credevamo di Mario Martone. Un forum con Francesco Benigno, Salvatore Lupo, Marcella Marmo ed Emiliano Morreale », Meridiana, Centocinquantenario, vol. 69, nº 3, 2010, p. 145-170 ;

Marcella Marmo, « Il grande brigantaggio nel cinema. Dalla prima alla seconda repubblica », [en ligne], Storicamente, vol. 7, 2011.

Retour vers la note de texte 5484

26

John Davis, « The South and the Risorgimento: Histories and Counter-histories », Journal of Modern Italian Studies, vol. 19, n° 1, 2014, p. 54-55.

 

Sur la nouvelle historiographie du Sud : Lucy Riall, « Which Road to the South ? Revisionists revisit the Mezzogiorno », Journal of Modern Italian Studies, vol. 5, n° 1, 2000, p. 89-100 ;

 

Enrico Dal Lago, « Rethinking the Bourbon Kingdom », Modern Italy, vol. 6, n° 1, 2001, p. 69-78.

Retour vers la note de texte 5485

27

Yochai Benkler, The Wealth of Networks, New Haven, Yale University Press, 2006, p. 219-220.

Retour vers la note de texte 5486

28

La maison d’édition Rusconi a été le lieu d’expression de la culture conservatrice de droite dans l’Italie d’après le fascisme. Oggi, périodique aux affinités catholico-monarchistes, a été très populaire jusqu’aux années 1990, avant la concurrence de l’entertainment télévisuel : Mauro Forno, Informazione potere: storia del giornalismo italiano, Roma-Bari, Laterza, 2012, p. 183-184.

Retour vers la note de texte 5487

29

Pino Aprile, TerroniTutto quello che è stato fatto perché gli italiani del Sud diventassero meridionali, Milano, Piemme, 2010, p. 7.

Retour vers la note de texte 5488

30

Carlo Alianello, La Conquista del Sud. Il Risorgimento nell’Italia meridionale, Milano, Rusconi editore, 1972.

Retour vers la note de texte 5489

31

Carlo Alianello, L’Alfiere, Torino, Einaudi, 1943.

Retour vers la note de texte 5490

32

De Antonellis Gianandrea, « Carlo Alianello », [en ligne], n.d.

Retour vers la note de texte 5492

34

Carlo Alianello, La Conquista del Sud, Napoli, Il Cerchio, 2010, p. 167-169.

Retour vers la note de texte 5493

35

Jan Assmann, La Memoria culturale. Struttura, ricordo e identità politica nelle grandi civiltà antiche, Torino, Einaudi, 1997, p. 33-34.

Retour vers la note de texte 5494

36

Alessandro Barbero, I prigionieri dei Savoia. La vera storia della congiura di Fenestrelle, Roma-Bari, Laterza, 2012.

Retour vers la note de texte 5495

37

Pierre Nora, « Entre mémoire et histoire. La problématique des lieux », in P. Nora (dir.) Les Lieux de Mémoire, Paris, Gallimard, 1997, p. 23-43.

Retour vers la note de texte 5496

38

Michel de Certeau, L’Écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 2002 [1975], p. 131.

Retour vers la note de texte 5497

39

Carlo Alianello, La conquista del Sud, Napoli, Il Cerchio, 2010, p. 113-119.

Retour vers la note de texte 5498

40

« L’eredità della priora 7°episodio », [en ligne], YouTube Associazione Culturale Vibrazioni Lucane, publié le 7 octobre 2011, 37'56.

 

Voir : “Sceneggiati e fiction 1980-1982”, [en ligne], RAI Teche.

Retour vers la note de texte 5499

41

Carlo Alianello, L’Eredità della priora, Milano, Feltrinelli, 1963. Le roman comptait parmi les finalistes du prix “Campiello” en 1963 mais, par une curieuse coïncidence, le vainqueur fut Primo Levi avec La Trêve.

Retour vers la note de texte 5500

42

Pino Aprile, CarneficiFu genocidio: centinaia di migliaia di italiani del Sud uccisi, incarcerati, deportati, torturati, derubati. Ecco le prove, Milano, Piemme, 2016.

Retour vers la note de texte 5502

44

Sabina Loriga, « Du trauma historique », [en ligne], Passés Futurs, n° 1, 2017.

Retour vers la note de texte 5503

45

Aleida Assmann, « Canon and Archive », in A. Erll, A. Nünning (dir.), Cultural Memory Studies. An International and Interdisciplinary Handbook, Berlin, Walter de Gruyter, 2008p. 97-98.

Retour vers la note de texte 5504

46

Aldo De Jaco, Il brigantaggio meridionale. Cronaca inedita dell’Unità d’Italia, Roma, Editori Riuniti, 1969.

 

Les photographies sont tirées des archives de l’Istituto per la Storia del Risorgimento Italiano, « Fondi Speciali », Album fotografico dei Briganti

 

L’autre fonds d’archives photographique des brigands est conservé au Museo di Antropologia Criminale « Cesare Lombroso », voir : Silvano Montaldo, Eleonor Chiari, « Human Skulls and Photographs of Dead Bandits : The Problem of Presenting a Ninenteen-Century Museum to Twenty-First-Century Audiences », in E. Stylianou, T. Stylianou-Lambert (dir.), Museums and Photography. Displaying Death, London-New York, Routledge, 2017, p. 150-163.

Retour vers la note de texte 5505

47

Au sujet du débat sur le risque de banalisation de l’Holocauste : Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory, New York, Columbia University Press, 2012, p. 106.

Retour vers la note de texte 5506

48

Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory, New York, Columbia University Press, 2012, p. 6.

Retour vers la note de texte 5507

49

Sharon Macdonald, « Precencing Europe’s Pasts », in U. Kockel, M. N. Craith, J. Frykman (dir.), A Companion to the Anthropology of Europe, Oxford, Wiley-Blackwell, 2012, p. 231-252.

Retour vers la note de texte 5508

50

Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory. Writing and Visual Culture After the Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012, p. 6. 

Retour vers la note de texte 5509

51

Charles Garnier, Journal du siège de Gaëte, Bruxelles, Société Belge de Librairie, 1861, p. 3.

Retour vers la note de texte 5510

52

En 1992, Vitale a organisé le premier colloque traditionnaliste dans la « fedelissima città di Gaeta » (très fidèle ville de Gaeta) : « Convegno tradizionalista di Gaeta-Silvio Vitale », [en ligne], 13 février 2005, YouTube Due Sicilie, publié le 7 septembre 2007.

 

Voir : Fabrice Jesné, Simon Sarlin, « Italy : The Temptation of Revisionism », [en ligne], Books & Ideas, 2 juin 2012 ;  

 

Michele Marzana, « “Viva o’rre nuosto”. Attività e pensiero della controstoria neoborbonica », [en ligne], Zapruder, n° 42, 2017, p. 55-72.

Retour vers la note de texte 5511

53

Rete Due Sicilie (Chaîne Deux-Siciles), « Il muro della memoria »,[en ligne], janvier 2017.

Retour vers la note de texte 5512

54

Enregistrement vidéo personnel 0007, Gaeta 11 février 2017, 00.02.55-00.05.42.

Retour vers la note de texte 5514

55

Le dossier en ligne de la Società Italiana per lo Studio della Storia Contemporanea, [en ligne], (SISSCO, Société Italienne pour l’Etude de l’Histoire Contemporaine), créé en juillet 2017 par Gian Luca Fruci (coordinateur) Antonio Bonatesta, Christopher Calefati, Antonella Fiorio, Paola Magnarelli, Federico Mazzini, Federico Palmieri, Carmine Pinto, contient les textes des différentes motions et le communiqué de presse du débat.

Retour vers la note de texte 5516

57

Déliberation n° 30, 26 avril 2017, « Istituzione di una giornata della memoria atta a commemorare i meridionali morti in occasione dell’unificazione italiana », [en ligne], L’Association Culturelle Due Sicilie (Deux-Siciles) a été fondée en 2000 par Nicola Zitara, l’un des pères du post-méridionalisme sur lequel je reviendrai plus avant.

Retour vers la note de texte 5577

59

Conseil Régional de la Basilicate, Compte rendu de la session, 7 mars 2017, [en ligne], p. 76.

Retour vers la note de texte 5579

61

Pino Aprile, « Giorno della memoria », [en ligne] post Facebook 8 avril 2017 ;

 

M5s Campania, « Martiri del Risorgimento », [en ligne], post Facebook, 1 mars 2017. 

Comme on peut le relever dans le Dossier SISSCO, jusqu’en juillet la nouvelle ne décolle pas. 

Retour vers la note de texte 5580

62

Michele Emiliano, Lino Patruno, Pino Aprile, Gennaro De Crescenzo, Eugenio Bennato, « Dalla parte dei briganti. Riflessioni sulla vera storia », [en ligne], Teatro Niccolò Piccinni, Bari, 19 janvier 2011, VideoAndria, publié le 1er Mars 2011.

Retour vers la note de texte 5581

63

Alessandro Leogrande, « Neoborbonici a cinque stelle », [en ligne], Corriere del Mezzogiorno, 6 juillet 2017.

Retour vers la note de texte 5582

64

Lea Durante, « Per un uso corretto della memoria e della , [en ligne]. (Je remercie Lea Durante pour les informations qu’elle m’a fournies.)

Retour vers la note de texte 5583

65

Dans le Molise, la motion n’a jamais été présentée.

Retour vers la note de texte 5584

66

Antonella Laricchia, session du conseil, « Resoconto stenografico », [en ligne], Bari, 4 juillet 2017, p. 81.

Retour vers la note de texte 5585

67

Sergio Puglia, « Discorso sui martiri meridionali dimenticati del Risorgimento », [en ligne], 28 février 2017, YouTube Senato cinque stelle, publié le 1er mars 2017.

Retour vers la note de texte 5587

69

Domenico Iannantuoni, « Il giorno della memoria per le vittime dell’Unità d’Italia », [en ligne], consulté le 1er juin 2018.

Retour vers la note de texte 5588

70

Lea Durante, « Per un uso corretto della memoria e della storia », [en ligne], consulté le 1er juin 2018.

Retour vers la note de texte 5590

73

Gennaro De Crescenzo, « L’estate della memoria », [en ligne], post Facebook Domenico Iannantuoni, 2 octobre 2017.

Retour vers la note de texte 5592

74

Nick Couldry, Sociologia dei nuovi media. Teoria sociale e pratiche mediali digitali, Milano-Torino, Pearson, 2015, p. 182.

Retour vers la note de texte 5593

75

Renata De Lorenzo, « Editoriale », Società Italiana per la Storia dell’Età Moderna, 27 juillet 2017 ;

 

Saverio Russo, « Giorno della memoria neoborbonica. Partiti ormai senza più saperi », Corriere del Mezzogiorno, 25 juillet 2017 ;

 

Gian Luca Fruci, Carmine Pinto, « Borbonismo e sudismo », [en ligne], La Rivista. Il Mulino, 30 août 2017.

Retour vers la note de texte 5594

76

Fabio Cuzzola, Reggio 1970. Storie e memorie della rivolta, Roma, Donzelli, 2007.

La solution politique aux causes de la révolte, dite « pacchetto Colombo », prévoyait la construction, jamais réalisée, du Ve Centre Sidérurgique à Gioia Tauro, avec la promesse de dizaines de milliers d’emplois. 

Retour vers la note de texte 5595

77

Luigi M. Lombardi Satriani, Rivolta e strumentalizzazione. Il caso di Reggio Calabria, Milano, Franco Angeli, 1979, p. 167-168 (première édition : Reggio Calabria. Rivolta e strumentalizzazione, Vibo Valentia, Qualecultura, 1971).

Retour vers la note de texte 5596

78

Luigi M. Lombardi Satriani, Rivolta e strumentalizzazione. Il caso di Reggio Calabria, Milano, Franco Angeli, 1979, p. 78-79.

Retour vers la note de texte 5597

79

Luigi M. Lombardi Satriani, Reggio Calabria. Rivolta e strumentalizzazione, Vibo Valentia, Qualecultura, 1971 ;

 

Nicola Zitara, L’Unità d’Italia. Nascita di una colonia, Milano, Jaka Book, 1971.

Retour vers la note de texte 5598

80

Interview menée le 20 décembre 2017.

Retour vers la note de texte 5599

81

Nicola Zitara, L’Unità d’Italia. Nascita di una colonia, Milano, Jaka Book, 2010 [1971], p. 20. 

Retour vers la note de texte 5600

82

Movimento Meridionale, [en ligne], Facebook Memorial page.

Retour vers la note de texte 5601

83

Le Mm a obtenu 0.02 %, 8 700 voix à l’échelle du pays tout entier.

Retour vers la note de texte 5602

84

Nicola Zitara, Memorie di quand’ero italiano, Reggio Calabria, Città del Sole Edizioni, 2013, p. 441.

Carmine Crocco était un célèbre brigand de Rionero in Vulture (Basilicate).

Retour vers la note de texte 5603

85

Nicola Zitara, « Nicola Zitara intervistato da Stefano Lo Passo », [en ligne], YouTube Stefano LoP, publié le 17 juillet 2013.

Retour vers la note de texte 5605

87

Angelo Manna, « Noi portiamo ancora il marchio dei vinti sulle nostre carni », [en ligne], Naples, 28 avril 1992, YouTube MezzoTornese, publié le 24 décembre 2011.

Retour vers la note de texte 5606

88

Connu du grand public pour sa participation systématique aux shows télévisés de Renzo Arbore : « Quelli della notte » (1985) et « Indietro Tutta » (1987-1988).

Retour vers la note de texte 5607

89

Real Casa di Borbone Due Sicilie [Famille Royale de Bourbon Deux-Siciles], « Il movimento neoborbonico celebra il 20 anni di attività » [en ligne].

À cette occasion, Aprile s’est vu décerner le prix Deux-Siciles, [en ligne].

Retour vers la note de texte 5609

90

La marque « Borbone » [Bourbon] a été déposée en 1996 par la princesse Béatrice, sœur de Charles.

Retour vers la note de texte 5610

91

Vers de la chanson “Ezechia da Verona [Cesare Lombroso]”, auteur Mimmo Cavallo, Album: Quando saremo fratelli uniti, [en ligne], musique du spectacle Terroni de Pino Aprile, dirigé et interpreté par Roberto D’Alessandro, (vidéo publiée le 5 août 2011).

Retour vers la note de texte 5612

93

Jan Assmann, La Memoria culturale. Struttura, ricordo e identità politica nelle grandi civiltà antiche, Torino, Einaudi, 1997, p. 28.

Retour vers la note de texte 5614

95

Tales from Facebook, Cambridge, Polity Press, 2011, p. 158-163.

Retour vers la note de texte 5615

96

La protestation contre la pollution de l’ILVA de Taranto, le mouvement contre le trafic des déchets toxiques et la terre des feux en Campanie, le mouvement No TRIV contre les forages en Méditerranée, le No TAP contre l’implantation de canalisations de gaz sur la côte des Pouilles, la lutte contre la pollution due au pétrole en Basilicate. Tous partagent le slogan : « On pollue au Sud, on encaisse au Nord ». Pour une perspective ethnographique : Enzo Alliegro, « Simboli e processi di costruzione simbolica. “La Terra dei Fuochi”in Campania », [en ligne], EtnoAntropologia, vol. 5, n° 2, 2017, p. 175-239.

Retour vers la note de texte 5618

98

L’Altra storia. Analisi critica del Risorgimento. L’Unità d’Italia vista dalla parte dei « Briganti »La liste des activités dans les écoles : http://briganti.info/progetto-scuola/. Suite à la sortie de Terroni, les écoles sont devenues un véritable terrain d’affrontement dans cette guerre d’histoire, comme en témoignent de nombreux amis et collaborateurs de la Calabre aux Pouilles.

Retour vers la note de texte 5617

99

Briganti, « Sei un insegnante-brigante? », post sur Facebook 20 avril 2016.

Retour vers la note de texte 5619

100

Claude Lévi-Strauss, « The Structural Study of Myth », The Journal of American Folklore, 1955, vol. 68, nº 270, p. 430.

Retour vers la note de texte 5620

101

Emanuele Felice, Perché il Sud è rimasto indietro, Bologna, Il Mulino, 2013.

Retour vers la note de texte 5621

102

Victor Turner, From Ritual to Theatre. The Human Seriousness of Play, PAJ Books, Massachusetts, MIT Press, 1982, p. 48.

Retour vers la note de texte 5622

103

Paul Ricoeur,  La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 104.