(Université de Buenos Aires - CONICET (Consejo Nacionale de investigaciones cientificas y técnicas))
Andrea Jacchia, Male Moon
La figure du trauma a été largement appliquée dans les représentations et les interventions sur l’expérience du passé récent en Argentine. Au cours des vingt dernières années, il est devenu assez fréquent de trouver la mention de « trauma historique », non seulement dans le discours académique mais aussi dans diverses pratiques sociales et politiques de la mémoire : pour des commémorations et, même, dans les revendications combatives provenant de l’univers des victimes. Ce qui compte dans ma recherche, ce sont les usages du trauma, non la théorie ni le concept. Mon intention n’est pas de corriger ces notions ou ces utilisations, elle n’est pas non plus de refuser le terme. Il est incorporé dans le discours de l’histoire (et des sciences humaines en général) ainsi que dans le discours de l’opinion. C’est au-delà des utilisations historiographiques du « trauma » que je tente d’interroger les conditions de leur apparition, les problèmes auxquels le terme est combiné, les sens auxquels tout cela est associé. Autrement dit, j’essaie d’étudier les usages de cette figure du trauma dans son impact sur la conscience sociale et historique. Dans ce travail, je ne pourrai que présenter une sélection d’un corpus très large ; je ne peux donc offrir de certitudes mais proposer un parcours qui ouvre sur des directions différentes.
Pour spécifier un peu plus les problèmes que j’aborde, disons que je cherche à explorer certaines idées ou représentations dans les discours de la mémoire et de l’histoire du passé récent. Mon intérêt n’est pas l’histoire du trauma comme événement mais comme le processus d’une formation de la mémoire : mémoire d’une situation, ou d’une expérience, si l’on veut, qui se prolonge dans le présent. Il s’agit en ce sens d’une « histoire du présent » dans une double acception : il s’agit d’abord d’un passé présent dans ses effets mêmes ; simultanément, je focalise sur l’histoire d’une époque, la nôtre, à travers une étude de son vocabulaire.
Il y a deux termes qui ont été appliqués à la connaissance et à la pensée du passé de violences et de crimes de masse en Argentine : « génocide » et « trauma ». Ce sont deux figures qui ont une certaine relation entre elles et réfèrent des situations extrêmes. L’une se situe au niveau de l’« événement », le terrorisme d’État et les « disparus », l’autre, au niveau des effets et des mémoires (ou des perturbations de la mémoire), dans ce qui subsiste de l’événement dans l’expérience1. Bien sûr, cette distinction entre événement et expérience est problématique pour la discipline historique. Mais elle est présente dans les usages et les représentations sur les crimes d’État, surtout quand on pense la terreur à la fois à partir de ses effets sur les victimes directes et à partir de ses effets sur la société. Avec l’idée d’une terreur étendue à l’ensemble de la société apparaît la figure corrélative de la société comme une pure victime, bouleversée et paralysée par le « trauma ».
Dans les expériences connues de crimes massifs, surtout ceux commis par l’État, la gamme des comportements sociaux courants (c’est-à-dire adoptés par ceux qui ne sont pas les cibles directes de la répression ou de l’extermination) est loin de se réduire à la condition homogène de victime. On pourrait dire ainsi ce que Primo Levi indiquait du Lager : entre le noir des bourreaux et le blanc des victimes, il y a une vaste « zone grise »2. La victimisation globale de la société est généralement une opération rétrospective. J’ajoute une autre précision : l’adjectif « traumatique » peut être un adjectif qualificatif renvoyant seulement à des expériences limites, extrêmes, de l’ordre des violences de masse et de crimes collectifs. Ce n’est pas cet usage que je me propose d’interroger. Je veux considérer le substantif « trauma », ou même « trauma national », et ce qu’il entraîne quand on parle de la mémoire historique.
En Argentine, ces termes affleurent dans le discours public, surtout celui des organismes de défense des droits de l’homme. Cette notion de trauma a été appliquée à l’expérience de la répression endurée par les victimes et, par extension, endurée par la société pendant la dernière dictature. On pose une sorte de corrélation entre le terrorisme d’État, du côté des pratiques de la violence étatique, et le trauma, du côté des effets de ce terrorisme d’État sur la société. Voyons un exemple, tiré de la Collection Educ.ar, du ministère de l’Éducation nationale, dans une série de matériels pédagogiques, « Écoles par l’identité », destinés à des enseignants :
« Avec cette pratique de disparition forcée de personnes et avec l’institutionnalisation des camps de concentration et d’extermination a été organisée une modalité répressive du pouvoir. Cette modalité a implanté, par la violence et la publicité grandiloquente, la terreur et la paralysie. Le trauma vécu a affecté, ainsi, toute la communauté en se transformant en trauma historique3. »
C’est une citation presque textuelle d’un travail publié par le Secteur Psychologique des Grands-mères de place de Mai4. Mais il y a aussi autre chose dans les énoncés de ce texte tiré d’un organisme de défense des droits de l’homme : « Ce modèle de pouvoir concentrationnaire est propre à ce siècle et a été créé par le nazisme ». Il fait donc référence au génocide de la population juive d’Europe, la Shoah. Entre l’événement local (terrorisme d’État, TdE) et la figure du trauma historique se situe cette évocation de l’Événement majeur ou du Trauma majeur de la mémoire du XXe siècle.
TdE - génocide (Shoah) - trauma vécu - trauma historique
On peut comprendre ces énoncés de la manière suivante : le génocide est à l’événement ce que le trauma est à l’expérience. Mais nous verrons que dans ces énoncés sur le trauma, il n’est pas facile de séparer ce qui est de l’ordre de l’événement de ce qui est de l’ordre de l’expérience. De fait, cette difficulté apparaît déjà avec la distinction entre « trauma vécu » et « trauma historique », qui suppose une tension entre ce qui est de l’ordre de la réalité et ce qui est de l’ordre de la remémoration et de l’imagination. Cette ambiguïté est présente dans la catégorie même de trauma, qui peut être conçu comme un effet direct de l’événement (c’est l’idée du trauma comme choc, fracture, irruption), ou peut correspondre à un temps second, un a posteriori. Un tel a posteriori a une autre durée dans la mesure où il peut être considéré comme une perturbation de la mémoire, ainsi est-il entendu dans l’expression « trauma historique ».
Comme on le sait, « les Grands-mères de la place de Mai » est une organisation constituée sur le modèle de celle des Mères de la place de Mai, fondée en 1977 en Argentine, un an après le coup d’État de 1976. Son but est de retrouver les enfants volés par la dictature militaire et de les rendre à leurs familles légitimes. L’organisation offre une assistance psychologique, d’inspiration psychanalytique, aux enfants (qui sont déjà de jeunes adultes) et aux familles. Je veux souligner que ce document que j’ai cité, du ministère de l’Éducation sur le trauma, reproduit un travail né de la pratique d’assistance et de consultation dans un organisme des droits humains qui, comme celui des « Grands-mères », aborde les problèmes de l’appropriation et de la restitution d’enfants. Je signale ici une donnée problématique qui va réapparaître : le rôle de la psychanalyse, et d’un certain exercice thérapeutique, dans cette transposition de la notion de trauma dans le discours public sur l’histoire récente.
Dans la figure du trauma appliquée à l’événement et à l’expérience collective, on superpose en principe deux sens : d’une part, la lésion ou la conséquence immédiate (« la terreur et la paralysie », c’est-à-dire le « trauma vécu ») ; d’autre part, l’effet postérieur, ce qui subsiste, le « trauma historique », qui aurait affecté toute la communauté. Dans le premier sens, l’accent est mis sur l’intensité du choc et sur la commotion qu’il produit : le traumatisme dépend surtout de l’irruption d’un agent externe au sujet. Dans le second sens, le traumatisme est, d’une certaine manière, implanté dans l’histoire, dans une durée, dans un temps qui n’est pas celui de l’événement mais celui des sujets.
Le trauma est alors conçu comme un effet d’« irradiation » du terrorisme d’État. Cette idée d’« irradiation » est présente dans un texte de Carlos Rozanski, un juriste et juge argentin qui a écrit sur l’application de la catégorie de « génocide » aux crimes commis en Argentine5. La psychanalyse mène ici au droit : il reprend cette idée d’irradiation à un dramaturge et psychanalyste, Osvaldo Pavlovsky, lequel a écrit une œuvre très célèbre sur le personnage d’un tortionnaire, « El Señor Galíndez » (1973). C’est une œuvre antérieure à la dictature, qui commença en Argentine trois années après sa publication. Dans cette œuvre, Galíndez n’est pas seulement celui qui exécute les actions de torture ; il est aussi celui qui offre une sorte de théorie ou de conception des méthodes et des fins de la torture. L’œuvre inclut une scène et un discours sur les effets de la torture étendus à la société. Elle dit notamment : « pour chaque individu que nous touchons, nous en paralysons mille par la peur. Nous agissons par irradiation6». Est bien présente cette idée d’« irradiation » comme action de propagation, empruntée à la physique : émission et propagation d’une radiation, comme la lumière, la chaleur ou un autre type d’énergie. On a donc étendu cette notion à la transmission ou la diffusion d’une émotion : la peur.
La peur
Andrea Jacchia, Un Cesare qualunque
Il est remarquable qu’en 1973 Pavlovsky, qui est psychanalyste, ne parle pas de « trauma » mais directement de « peur ». De la même façon durant la post-dictature, dans divers travaux sur la violence sociale et la répression étatique (menés tout au long des années quatre-vingt et au début de la décennie suivante, en Argentine, ou concernant des expériences semblables), on ne parlait pas non plus de trauma mais de peur, et même d’une « culture de la peur7». Le mot « peur », en tous les cas, semble mieux correspondre à l’idée d’un effet émotionnel ou subjectif plus ou moins immédiat qui s’explique principalement par l’événement qui le produit. Le trauma, comme pathologie sociale et politique effet direct du choc, paraît élargir cette formule initiale qui reposait sur l’efficacité immédiate de la peur. En ce second cas, il y a quelque chose qui subsiste du passé et qui fait apparaître une autre complexité du côté des sujets impliqués. Si l’on parle, en particulier, de « trauma historique », il ne s’agit pas des victimes directes (ceux qui ont été détenus, torturés, contraints à l’exil) ou de la famille et des amis qui ont perdu des proches et qui ont souffert. Il s’agit des expériences (plus précisément, des perturbations de l’expérience) et des mémoires intensifiées ou altérées de la société.
Un premier problème que je voudrais présenter brièvement, à propos de l’expérience argentine, est ce qui change dans ce déplacement de la peur au trauma. Or ce qui change implique l’usage public de la psychanalyse.
La peur est une émotion ou une passion éminemment politique en Occident, largement intégrée dans la pensée politique moderne8. Cette dernière a même établi une relation directe entre la peur et le despotisme. Bien sûr, cette dimension politique, et même morale de la peur a été explorée par l’historiographie (par exemple, Jean Delumeau propose une généalogie de la peur selon une longue durée dans l’histoire sociale et politique, voire dans l’histoire de la civilisation occidentale9). Dans ce type d’investigation, la peur n’est pas simplement une réponse émotionnelle immédiate à un danger extérieur. Elle est associée à des sentiments de culpabilité, voire au péché ; c’est-à-dire que l’historiographie l’enracine dans des plans plus profonds, plus structurants de la subjectivité ou de l’intersubjectivité. Je ne peux cependant pas le développer ici.
J’aimerais souligner que cette figure de la peur a été présente dans quelques travaux pionniers sur l’autoritarisme et les dictatures latino-américaines, provenant surtout des sciences sociales et politiques, autrement dit considérant la peur sociale en interaction avec le politique. Guillermo O’Donnell a écrit en 1983, pendant la dictature, un article intitulé « La cosecha del miedo » (« La récolte de la peur »)10. S’il dénonçait d’une part le régime militaire, il se penchait aussi sur les conditions préalables créées par le cycle de violence et de meurtres dans la société : aussi écrivait-il que, pendant les années antérieures à 1976, « l’Argentine s’était enivrée du mythe de la violence politiquement efficace et finalement purificatrice11». La peur était donc dans la société avant la dictature. L’expression culture de la peur est une dénomination qui apparaît durant ces années-là et fut employée par d’autres politologues et sociologues latino-américains, tels Juan Corradi et Norbert Lechner ; elle devient de la sorte un outil conceptuel pour l’analyse des dictatures du Chili et l’Argentine12.
Ce qui est important dans ces analyses, c’est que cette culture de la peur n’était pas conçue simplement comme un effet de la violence d’État mais qu’elle faisait partie des conditions préalables des dictatures dans la société : dans la mesure exacte où la peur est associée à la demande d’ordre et de sécurité. Voilà précisément, au moins dans l’expérience argentine et chilienne, ce que promettaient les chefs militaires : l’ordre face au chaos, face à la violence politique, face à l’effondrement économique. Cette analyse politique et culturelle de la peur, donc, ne s’épuisait pas dans le cortège symptomatique des émotions paralysantes ou de la terreur. Elle était conçue comme un ingrédient positif de conformité ou d’obéissance à un ordre autoritaire. Norbert Lechner indique bien que l’acceptation sociale des dictatures dépend de cette promesse d’ordre, c’est-à-dire qu’elle se fonde sur la promesse d’en finir avec la peur ; même si, pour bien des gens, cela engendrera des peurs finalement bien plus terribles13. Dans la subordination à un ordre autoritaire, la société se dépolitise, les sujets perdent leur condition de citoyens, deviennent « infantilisés » comme le dit O’Donnell. D’autre part, le pouvoir violent et autoritaire « lâche les loups » (« suelta los lobos ») dans la société, car la peur stimule aussi des violences et des despotismes dans divers domaines sociaux, des domaines dont ne sont plus en charge seulement des militaires ou des policiers mais, également, des dirigeants et des responsables civils14.
En définitive, cette catégorie politique qu’est la culture de la peur permet une approche révélant des dimensions moins visibles des crimes et des violences d’État ; elle fait inclure dans l’analyse des traits et des comportements préalables ou plus pérennes de la société et conduit à poser la question des responsabilités quant à l’avènement des dictatures. Avec le trauma au contraire, au moins pour l’usage que j’en commente, le poids de l’expérience est renvoyé sur une violence externe à la société, laquelle l’endure alors en tant que pure ou simple victime.
Trauma et famille
Le trauma est une notion éminemment clinique, née des savoirs et des pratiques de la guérison dans des domaines spécifiques, la neuropathologie et la psychanalyse. Il n’y a pas de savoir sur le trauma qui ne porte avec lui cette dimension thérapeutique, de traitement des traumas subis ou de prévention des traumas à venir. Et ceci ne cesse de poser problème à l’historien, au moins quand il exerce un « usage public de l’histoire ». En effet, qu’est-ce qui sépare et qui unit la position de l’historien et celle du psychanalyste ? Peut-être la vieille promesse de l’histoire comme « maîtresse de vie » (historia magistra vitae) peut-elle réapparaître sous les traits d’un savoir capable de guérir ou de prévoir les maux de la société ? On peut rappeler les propos d’Ernest Renan quand il fournissait une sorte de thérapie directive et prescrivait ce que la nation française devait se rappeler et ce qu’elle devait oublier. Bien sûr, les circonstances de ces propos étaient une défaite nationale, on peut dire un « trauma », et la prescription soulignait l’importance « d’avoir souffert ensemble ». Renan parlait de « souvenirs nationaux » et arrivait à cette conclusion : « les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun ». Le deuil, alors, peut être la base d’un sentiment renforcé de la nation à condition de rappeler les gloires passées à l’intérieur même des souffrances endurées15.
Je reviens alors sur les énoncés du matériel pédagogique du ministère de l’Éducation. Comme je l’ai dit, la représentation d’un trauma historique est le fruit d’une expérience d’assistance et de consultation dans un organisme de défense des droits de l’homme qui traite les problèmes d’enlèvement et de restitution d’enfants. Si on peut parler ici de « mémoire blessée » comme le fait Paul Ricœur (qui évite d’utiliser le terme « trauma »)16, c’est aussi parce qu’il s’agit d’une blessure des liens familiaux primaires. La signification du trauma reste contenue dans les séquelles des dommages soufferts par les enfants, par leurs pères et par leurs grands-pères ; elle reste associée à des processus de perte, de deuils dans la trame des fantômes familiaux.
À titre d’hypothèse au regard de ce qui précède, on peut dire qu’à partir de récits condensés des blessures et des souffrances, un travail sur le trauma effectue une transposition de la sphère de la famille dans la sphère de la société. Autrement dit, plus on insiste sur la figure du « trauma historique » pour décrire les effets collectifs et les conséquences collectives des violences et des crimes, en cherchant à leur donner du sens, plus on assimile la société à une sorte de famille étendue. S’impose alors la question suivante, et elle est double : qu’est-ce qui peut effectivement être pensé avec une telle transposition ? Mais aussi : quelles sont les limites de cette façon singulière de penser, à travers la souffrance et la nécessité rétrospective de la dignité, la société selon le modèle de la famille ?
Le problème des relations entre société civile et famille est un sujet épineux pour la pensée politique et sociale, la philosophie et l’histoire. En principe, la pensée moderne tend à séparer la vie familiale, privée, de la société publique politique. On peut voir cette distinction dans des pensées bien différentes. Hannah Arendt sépare la polis de la famille, selon le modèle grec ; Michel Foucault, avec d’autres concepts, établit cette séparation à partir de ses recherches sur la « gouvernementalité » et la population17. À ce stade de mon article, je peux seulement souligner cette caractéristique des représentations du trauma dans le discours et dans l’action du mouvement de défense des droits de l’homme en Argentine : il y a projection des fantômes familiaux sur la société politique et même sur certaines représentations de la nation.
Trauma et nation
Andrea Jacchia, One day
Arthur G. Neal utilise la catégorie de « trauma national », de façon explicite18. Il présente sa recherche comme un travail de psychologie sociale appliquée à ce qu’il appelle les « traumas majeurs » de la société américaine du XXe siècle. Il s’agit d’événements imprévus ou perturbateurs qui, à la manière d’un choc, altèrent la stabilité de la vie sociale. La condition « nationale » paraît dépendre de ce qu’il s’agit de faits qui bouleversent d’une manière ou d’une autre tous les secteurs et tous les groupes d’une même communauté sociopolitique. J’énonce quelques-uns des chapitres de sa recherche qui forment autant de « chocs » de ce genre : la Grande Dépression des années 1930, l’attaque japonaise à Pearl Harbor, la « menace communiste » et l’ère McCarthy, l’assassinat de Kennedy, la guerre du Viêtnam. Le modèle ici n’est évidemment pas celui de la famille. Cela ne concerne pas les pertes familiales mais touche une idée de société ou de communauté, unifiée par des consensus et des récits d’opinion publique formant comme une conscience historique.
« Trauma national » est une expression utilisée en Argentine par Patricia Valdez, qui était directrice de Memoria Abierta (Mémoire Ouverte), un collectif ayant réuni plusieurs organismes de défense des droits de l’homme19. À partir de la catégorie de « trauma national », elle compare deux monuments commémoratifs : le Vietnam Memorial de Washington et le Monument aux Victimes du Terrorisme d’État de Buenos Aires. L’angle d’analyse passe par la représentation matérielle et par la remémoration qu’elle signifie ou illustre. Le trauma est considéré comme ce qui perdure dans les pratiques de commémorations publiques à travers lesquelles les sociétés, ou certains groupes, évoquent les blessures et les souffrances qui ont secoué leurs fondements en tant que communauté. De fait, le texte ne développe ni les conditions ni les caractéristiques du « trauma national » et le terme n’est utilisé que dans le titre. Mais tout part de l’évidence que ces mémoriaux se ressemblent (le projet du monument argentin s’est, en vérité, inspiré de celui du Viêtnam) : dans les deux cas, il y a un parcours à effectuer par le visiteur et l’on y nomme individuellement les morts en nombre. Dans les deux cas apparaît aussi la dimension familiale du « trauma » : Valdez décrit en effet les usages du mémorial par les familles et les proches des victimes et elle souligne certains comportements qui sont assimilables à des rituels de deuil. Au Vietnam Memorial, il est d’usage que le proche fasse une sorte de gravure du nom, réalisée à l’aide d’un papier posé sur la pierre et sur lequel on passe et repasse un crayon. Dans le monument argentin où, dans la majorité des cas, il n’y a ni corps ni tombes des « disparus », des parents cherchent à toucher le nom. Ce glissement ou cette imbrication du deuil familial avec les commémorations de la nation est important à souligner. Le sujet mérite une analyse plus approfondie car il débouche sur un problème complexe : les narrations de la nation.
Dans les visions classiques de la nation, qui soulignent les victoires et vantent les héros du passé, le motif de base ne provient pas d’un imaginaire familier. Sur ce point, je veux introduire une autre recherche historique qui recourt à cette catégorie de « trauma national » en le liant au processus de deuil20. L’auteur, Wolfgang Schivelbusch, est un historien allemand vivant aux États-Unis. Il applique directement le terme de « trauma national » à des défaites militaires : il s’agit de « nations vaincues ». Il propose une analyse historique comparative de trois situations : la défaite de la Confédération du Sud dans la guerre civile nord-américaine, celle de la France lors de la guerre franco-prussienne et, pour finir, celle de l’Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale. Le problème abordé est celui des mémoires narratives des défaites ; on retrouve là le problème plus général de l’histoire racontée par les vaincus. Ce travail prétend donc rectifier le principe selon lequel l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. S’ils survivent pour les raconter, les vaincus aussi écrivent, c’est-à-dire réécrivent et inventent leur histoire.
L’objectif de la recherche de Wolfgang Schivelbusch est d’analyser comment on raconte les événements rétrospectivement afin d’atténuer ou de refuser la défaite endurée sur le champ de bataille. L’auteur relève des façons analogues de traiter les événements qui frappent l’orgueil et l’auto-estime d’une nation ou d’une communauté. La défaite, transposée comme « trauma », tend à être attribuée à des causes extérieures, au-delà de l’héroïsme des soldats ; on cherche alors des boucs émissaires, on accuse les politiciens ou les traîtres, etc. Finalement, on construit diverses légendes sur la supériorité morale des vaincus, de façon à ce que la défaite puisse se convertir en une sorte de victoire ultérieure. Mais dans cette analyse, le plus important est la narration préexistante de la nation, préexistence qui est dévoilée à travers une scène de guerre. « Trauma » ne paraît pas avoir de signification trop précise et renvoie à la catastrophe, l’échec ou l’humiliation collective. La signification du terme repose sur cette idée substantielle de l’intégrité et du caractère perdurable de la nation.
Les deux travaux commentés, celui de Patricia Valdez et celui de Wolfgang Schivelbusch, au-delà de leurs différences, ont une chose en commun : les symptômes du trauma ne sont pas de l’ordre de la paralysie ou de l’amnésie. Ils promeuvent au contraire une action et certaines pratiques ; la blessure ou la défaite sont insistantes et font retour dans la commémoration, dans le récit historique ou dans la littérature. Les usages du trauma, dans un rapport avec la dimension « nationale », perdurent à travers une représentation plus ou moins compacte et unifiée d’un ensemble. Dans un cas, cela semble reposer sur la famille considérée comme unité de sang, de sentiment et d’honneur. Dans l’autre (le travail de Schivelbusch), l’unité semble se maintenir par une idée plus classique de la nation et du peuple, surtout du peuple en armes, c’est-à-dire dans une configuration militaire, voire guerrière de la nation.
L'usage public de la psychanalyse
Henry Rousso a produit une recherche remarquable sur la mémoire nationale française21. C’est une histoire des perturbations de la mémoire collective centrée sur un événement, « Vichy », c’est-à-dire la période et le régime de gouvernement dirigés par le Maréchal Pétain dans la France occupée. Henry Rousso travaille explicitement avec des notions provenant de la psychopathologie (on pourrait dire qu’elle sont, dans son travail, comme des métaphores). Il écrit par exemple : « La France est malade de son passé ». Bien sûr le vocabulaire de la psychanalyse est très présent dans ce livre mais son auteur n’emploie presque pas le terme « trauma ». « Vichy » est nommé « syndrome », son prologue l’appelle « névrose ». Dans l’analyse il utilise des termes comme « deuil inachevé », « souvenir-écran », « refoulement » et « retour du refoulé », « projection », « obsession », mais aussi « catharsis », etc. S’il utilise occasionnellement la catégorie du trauma, ce terme est en quelque sorte l’équivalent du refoulé. Il ne dit pas « trauma national » mais expose quelque chose de semblable :
« Le syndrome de Vichy est l’ensemble hétérogène des symptômes, des manifestations, en particulier dans la vie politique, sociale et culturelle, qui révèlent l’existence d’un traumatisme engendré par l’Occupation, particulièrement celui lié aux divisions internes, traumatisme qui s’est maintenu, parfois développé, après la fin des événements22. »
Ces idées psychanalytiques appliquées à l’histoire et aux survivances du passé abordent une problématique analogue à celle que nous avons vue dans les fragments déjà cités. Il me paraît alors pertinent de l’inclure dans ce parcours sur divers travaux qui pensent des événements qui perdurent et produisent des effets sur le présent de la mémoire.
Dans la recherche d’Henry Rousso, l’événement dépend de la manière avec laquelle il est récupéré et signifié. Qu’est-ce que « Vichy » pour les Français et, de façon plus générale, pour le savoir et pour la mémoire européenne ? Si l’événement est l’« Occupation », le poids en incombe aux Allemands, ce sont leurs crimes ; si l’accent est mis sur la collaboration avec les envahisseurs, le poids se déplace et retombe sur la société française elle-même, sur ses conflits qu’Henry Rousso considère comme une sorte de guerre civile. Dans son analyse, l’événement n’est pas l’humiliation nationale de la défaite (comme dans l’analyse de Wolfgang Schivelbusch), mais cette fracture interne dans la société : pour beaucoup de Français, les Allemands étaient des alliés dans une guerre contre d’autres Français. Le « syndrome » est celui d’une guerre interne plus que l’Occupation par une puissance externe.
En ce qui concerne la mémoire, pourquoi recourir à la psychanalyse ? Henry Rousso énonce diverses raisons mais en souligne une plus particulièrement : dans les années 1980, il trouve un terme dans le « vocabulaire de l’époque » qui est répété pour référer les années de la guerre, « refoulement »23. Par une assez libre utilisation du vocabulaire de la psychanalyse, Henry Rousso interprète ce refoulé comme une culpabilité (de là, le « deuil inachevé »), une représentation inconciliable avec la conscience d’une société soutenue dans les mythes républicains de l’égalité et de la solidarité. Ce refoulé empêche les Français, dit Henry Rousso, de se réconcilier avec leur propre histoire, en se retournant comme un symptôme sur le corps social. Ce qui domine dans cette analyse est le modèle de la névrose, de l’hystérie et, plus généralement, c’est le concept freudien du retour du refoulé. Je ne cherche pas à juger l’utilisation que fait Henry Rousso de la théorie psychanalytique. Il parle de « deuil », de « symptômes obsessionnels », puis il reconnaît qu’il s’est trompé en indiquant une étape obsessionnelle24. M’intéresse plutôt de souligner comment il trouve dans la psychanalyse un appui pour une exploration généalogique. Il ne part pas d’un « événement fondateur », préexistant, initial. Il rejette ce qu’il appelle « une obsession pour l’origine », où le plus éloigné expliquerait ce qui est plus proche. La procédure généalogique part au contraire du plus proche, ce qui est abordable dans le présent, et opère à travers une « méthode régressive » : Vichy est moins un morceau du temps passé qu’une présence, un « passé qui ne passe pas ». Cela se dévoile selon divers symptômes dans la culture, la littérature, le cinéma et les discours de l’opinion.
Qu’est-ce qui peut être extrait de l’œuvre d’Henry Rousso concernant le problème des perturbations du temps et de la mémoire ? Poser une origine absolue qui retombe sur l’événement fondateur, ce n’est pas la même chose qu’interroger un noyau de significations rétrospectivement produit, ce n’est pas la même chose que proposer une généalogie de cette figure projetée vers le passé. Faire retomber le poids de la « mémoire blessée » dans l’événement lui-même, c’est différent que de chercher ce qu’il met à jour d’une fracture dans la société. Cela suppose, en outre, un topique du temps historique (ceci est un dernier enseignement de la recherche d’Henry Rousso) : le temps du « trauma », ou de ce qui est refoulé n’est pas le temps réel ; ce n’est pas un temps fixé dans le passé. Il y a une autre durée en cause : des « phases », des actions et des formations rétrospectives. Il est clair que ce nouveau vocabulaire n’est pas celui des acteurs, de ceux qui ont vécu les événements. Restent alors des questions importantes, principalement historiques : quand et comment ce nouveau vocabulaire a-t-il été implanté ?
Généalogie du « trauma » argentin
Andrea Jacchia, Masque sans masque
Je reviens à l’expérience argentine. La peur est une émotion, ou une passion, longuement pensée et utilisée par la pensée politique. Avec le trauma, dans les usages contemporains, on impose d’autres sens et on ouvre un espace pour le discours psychanalytique. Il est en effet remarquable que dans les années soixante-dix en Argentine, à un moment où la violence politique était considérée dans le cadre d’une « guerre révolutionnaire », des blessures ou des dommages soufferts n’aient pas été conçus comme traumas. Par exemple, en septembre 1972 un groupe de la guérilla, les FAL (forces armées de libération), enleva le chef de la psychiatrie de la prison de Villa Devoto, Hugo Norberto d’Aquila. Il fut interrogé pendant plusieurs jours avant d’être libéré. Les interrogatoires sont transcrits dans un livre, Máxima peligrosidad (« dangerosité maximale »)25. Peu avant, en août, avait eu lieu un massacre de prisonniers politiques à Trelew, dans le sud du pays. L’interrogatoire du psychiatre porte sur le régime très strict de détention subi par les prisonniers politiques (cellules individuelles, conditions d’isolement). Les ravisseurs demandent au psychiatre d’évoquer les conséquences de ce régime sur la santé mentale des détenus ainsi que les effets de la torture qu’ils ont subie avant d’être transférés dans cette prison. On ne trouve à aucun moment de références au « trauma » ni aux « facteurs traumatiques ». Ces termes ne font partie du vocabulaire ni du psychiatre ni de ceux qui l’interrogent. Le psychiatre parle toujours de dépression, d’anxiété, d’états ou de réactions anxio-dépressives, de symptômes somatiques. Ceux qui l’interrogent, pour leur part, se réfèrent à des « facteurs de détérioration physique et mentale ».
On trouve la même absence du terme, et selon une même perspective plus politique, dans les travaux cliniques de Frantz Fanon qui rendent compte de son expérience comme psychiatre durant la guerre d’Algérie. Ces travaux ne parlent presque pas de trauma, ni pour référer des cas individuels, ni pour référer l’expérience collective26. Dans ses descriptions des troubles du « colonisé », ce qui est souligné sont le rejet et la réaction agressive : les histoires cliniques sont systématiquement comprises comme une micro-expression de la lutte sociale et politique.
En Argentine, pendant les années précédant la dictature de 1976, il y avait un important discours de la psychiatrie et de la psychanalyse dans la gauche politique ayant accompagné la radicalisation politique et intellectuelle de la société. Il s’agissait des années de la dictature qui avait commencé en 1966 avec le Général Ongania, qui s’était achevée en 1973 sous la direction du Général Lanusse. Là aussi, il y eut des prisonniers et des morts (bien que sans commune mesure avec l’amplitude des massacres perpétrés sous la dictature de Videla). Ce que l’on peut dire, c’est que dans ce discours, à l’époque où dominait une configuration révolutionnaire, il n’y avait guère de place pour la figure du trauma.
On peut dire que les conditions propices aux usages de la psychanalyse, focalisée sur le trauma, seraient doubles. D’une part, comme nous l’avons vu, il faut admettre l’importance des représentations familiales des blessures endurées, au détriment de formes plus classiques de la société politique. D’autre part, les effets de la défaite ou l’échec des illusions révolutionnaires doivent être pris en compte. Bien entendu, ces conditions occasionnent certains changements de vocabulaire. Comme il a été dit, elles déplacent mais n’annulent en rien d’autres approches, telles celles qui, à partir des analyses politiques, recourent à la catégorie plus classique de la peur en politique.
Ces usages – dominés par des formes familiales et par l’intégrité des liaisons primaires – n’épuisent pas la productivité d’une recherche sur le passé et sur les mémoires, tout au moins d’une recherche qui s’inspirerait de la psychanalyse. Dans une investigation cherchant à recourir à des concepts freudiens, penser les altérations de la mémoire, penser le passé qui ne passe pas implique d’autres questions. En particulier, les questions sur les latences de la mémoire, sur la dimension inconsciente, refoulée ou soustraite à la possibilité de délibération comme à la volonté directe des sujets impliqués. En ce sens, quelques notions freudiennes peuvent fonctionner comme des « fictions théoriques » pour le travail de l’historien27. Freud est sans doute l’auteur qui permet de penser le trauma dans l’histoire du sujet et du groupe. Mais l’inspiration freudienne suppose d’admettre un topique plus complexe de la mémoire et de l’oubli ; cela exige de restituer à cette figure une dimension latente, inaccessible au sujet. La question freudienne serait alors : qu’est-ce qui, dans le « trauma historique », n’est ni connu ni reconnu ? Le concept freudien d’une temporalité rétroactive et de l’efficacité des représentations ou des scènes latentes, séparées de la conscience des agents, rompt ainsi avec l’idée d’une relation simple et directe entre l’événement et sa durée dans la mémoire.
Le créateur de la psychanalyse a étendu ce concept à l’analyse historique dans son ouvrage consacré à L’Homme Moïse et le monothéisme28. Dans ce « roman historique » (selon les mots de Freud), le trauma collectif coïncide avec ce qui est refoulé et s’avère inséparable de son retour. Il y a deux idées que je tiens à souligner dans cette recherche. D’une part, le trauma n’est pas l’« accident » ou l’événement même : il est implanté comme tel à partir de sa propre réactivation et de ses effets. D’autre part, il peut « ressurgir », comme un retour du refoulé, car ce qui est « enterré » laisse ses « traces »29. Le trauma est ce qui laisse des traces ; le focus analytique, pour le psychanalyste ou pour l’historien, se déplace dès lors de l’événement aux traces et à ses effets. Toutefois, le travail sur ces dites traces requiert une critique qui démonte certains mécanismes du retour, comme celui de la « déformation » (Enstellung) inhérente à la constitution et aux mouvements des traces30.
Je reviens au texte de Patricia Valdez sur les mémoriaux consacrés aux morts au Viêtnam et ceux consacrés aux victimes du terrorisme d’État en Argentine. Quelles traces peut-on y trouver, au-delà des rituels du deuil et de commémoration ? Valdez écrit :
« Les deux monuments sont motivés par des événements […] qui au moment de se produire ont commotionné les sociétés, qui ont montré des comportements sociaux et politiques antagoniques face au conflit et ont laissé des traces profondes dans des personnes, dans des groupes et dans la culture des pays31. »
Les traces, donc, ne répondent pas directement à la terreur d’État ou à la guerre externe, mais elles renvoient directement aussi « aux comportements sociaux et politiques antagoniques face au conflit ». Valdez se réfère aux divisions internes à la société : aux États-Unis, il s’agit du conflit produit dans la société nord-américaine à propos de la guerre du Viêtnam ; dans le cas argentin, de façon sans doute plus claire encore, ce sont les confrontations et les violences réciproques pendant les années antérieures à 1976, qui furent une condition de la répression et du massacre perpétré par l’État. Ce que l’historien argentin Tulio Halperin Donghi a appelé une « guerre civile larvée32».
Je terminerai avec une précision. De façon comparable à la recherche historico-psychanalytique menée par Henry Rousso, la scène de la guerre interne, en Argentine, peut être regardée comme un noyau dur de ce qui s’est implanté, enterré pourrait-on dire, comme trauma. Noyau insistant dans la répétition aussi bien que dans les narrations qui cherchent à le conjurer. Il fait retour vers le présent et dans la scène sociale à travers divers symptômes. S’il faut chercher une justification conceptuelle pour remplacer ou étendre le recours plus classique à la peur comme passion politique, la figure du trauma historique, en tant qu’indicateur d’une perturbation appliquée à l’expérience collective, ne pourrait pas être simplement comprise comme l’expression d’une rupture externe à la communauté politique. Elle devient un outil, ou une fiction, disponible pour l’analyse des fantômes de la violence et de l’antagonisme présents et actifs dans la société.
Notes
1
Sur les usages du « génocide », voir : Hugo Vezzetti, « Uses and Limits of the Figure of “Genocide” », in Claudia Hilb, Philippe-Joseph Salazar (dir.), New Beginnings: Argentina & South Africa, Cape Town, Africa Rhetoric Publishing, 2012.
2
Primo Levi, I sommersi e i salvati, Einaudi, 1986. Traduction espagnole utilisée par Pilar Gómez Bedate, Los hundidos y los salvados, Barcelona, Muchnik, 1995 (en français, traduit par André Maugé : Naufragés et rescapés. Quarante ans après Auschwitz, Paris, Gallimard, 1989).
3
« Con dicha práctica de “desaparición forzada de personas’ y con la institucionalización de campos de concentración y exterminio quedó organizada una modalidad represiva del poder. Esta modalidad implantó, mediante la violencia y la propaganda grandilocuente, el terror y la parálisis. El trauma vivido afectó a toda la comunidad convirtiéndose, así, en trauma histórico” ». Voir en ligne (consulté le 18 mai 2015) : http://coleccion.educ.ar/coleccion/CD10/contenidos/teorico/mod1/art1/index.html.
4
« Con dicha práctica de “desaparición forzada de personas” y con la institucionalización de campos de concentración y exterminio (llegaron a ser 465 en todo el país) queda organizada una modalidad represiva del poder. Este modelo de poder concentracionario es propio de este siglo y fue creado por el nazismo durante la segunda guerra mundial y funcionó como poder totalizante, dueño de la vida y de la muerte. La violencia quedó implantada en la sociedad como modo de vida en donde el terror y la parálisis desarman el tejido social. El trauma vivido, verdadero genocidio, afecta a toda la comunidad convirtiéndose en trauma histórico. » Alicia Lo Giúdice, « Derecho a la identidad », inAlicia Lo Giúdice (comp.), Psicoanálisis. Restitución, Apropiación, Filiación, Ediciones Abuelas de Plaza de Mayo, 2005, p. 29. Voir en ligne(consulté le 18 mai 2015) : http:// .abuelas.org.ar/areas.php?area=bibliografia.php&der1=der1_mat.php&der2=der2_mat.php.
5
Carlos Rozanski, « Delitos de lesa humanidad y genocidio; origen y sentido de las prohibiciones », in Andreozzi, Gabriele (dir.), Juicios por crímenes de lesa humanidad en la Argentina, Buenos Aires, Atuel, 2011. Voir « El genocidio y la irradiación del terror », p. 193.
6
« Por cada uno que tocamos, mil paralizamos de miedo. Nosotros actuamos por irradiación » ; cité par Carlos Rozanski, « Delitos de lesa humanidad y genocidio; origen y sentido de las prohibiciones », indans Andreozzi, Gabriele (coord.), Juicios por crímenes de lesa humanidad en la Argentina, Buenos Aires, Atuel, 2011.
7
Par exemple, voir : Juan Corradi, Patricia Weiss Fagen, Manuel Antonio Garretón, « Fear: A Cultural and Political Construct », in J. Corradi, P. Weiss Fagen, M. A. Garretón (dir.), Fear al the Edge. State Terror and Resistance in Latin America, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1992.
8
Je pense par exemple au travail de Remo Bodei sur les passions politiques : Remo Bodei, Geometria delle passioni. Paura, speranza, felicità: filosofia e uso politico, Milano, Feltrinelli, 1991.
9
Jean Delumeau, La Peur en Occident, XIVe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1978.
10
Guillermo O’Donnell, « La cosecha del miedo », Nexos, , no 61, Janvier 1983.
11
G. O’Donnell, « La cosecha del miedo », Nexos, no 61, 1983, p. 55 : « La Argentina se emborrachó con el mito de la violencia políticamente eficaz y últimamente purificadora ».
12
Voir par exemple: Norbert Lechner, « Some People Die of Fear: Fear as a Political Problem », in J. Corradi, P. Weiss Fagen, M. A. Garretón (dir.), Fear al the Edge. State Terror and Resistance in Latin America, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1992.
13
Norbert Lechner, « Some People Die of Fear: Fear as a Political Problem », in J. Corradi, P. Weiss Fagen, M. A. Garretón (dir.), Fear al the Edge. State Terror and Resistance in Latin America, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1992, p. 29.
14
« Cuanto más autoritario y violento es un poder, más suelta los lobos en todos los ámbitos que toca », Guillermo O’Donnell, « La cosecha del miedo », Nexos, Mexique, no 61, Janvier 1983, p. 56.
15
Ernest Renan, « Qu’est-ce qu’une nation ? » (conférence prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882), édition de Philippe Forest dans : Qu’est-ce qu’une nation ? Littérature et identité nationale de 1871 à 1914, Paris, Pierre Bordas et fils, 1991, p. 50.
16
Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 83.
17
Hannah Arendt, The Human Condition, University of Chicago Press, 1958 (traduit en français par Georges Fradier, sous le titre Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961). Michel Foucault, « La gouvernementalité », Leçon du 1er février 1978, in Sécurité, Territoire, Population. Cours au Collège de France 1977-1978, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2004.
18
Arthur G. Neal, National Trauma and Collective Memory. Major Events in the American Century, New York, M.E. Sharpe, 1998.
19
Voir Patricia Valdez, « Culturas, memorias y traumas nacionales : Memoriales en Washington y Buenos Aires », Argentina @ The Wilson Center, Documents and Papers, Núm. 8, septiembre 2004. En ligne (consulté le 18 mai 2015) : http://www.memoriaabierta.org.ar/materiales/pdf/ culturas_memorias_y_traumas_nacionales.pdf
20
Wolfgang Schivelbusch, The Culture of Defeat: On National Trauma, Mourning, and Recovery, New York, Metropolitan Books, 2003.
21
Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Paris, Le Seuil, 1987.
22
Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy, Paris, Le Seuil, 1987, p. 18-19.
23
Henry Rousso, « La trayectoria de un historiador del tiempo presente, 1975-2000 », p. 16. Voir la page en ligne (consultée le 18 mai 2015) : http://.historizarelpasadovivo.cl/es_resultado_textos.php?categoria=El+pasado+vivo%3A+casos+paralelos+y+precedentes&titulo=La+trayectoria+de+un+historiador+del+tiempo+presente%2C+1975-200.
24
Henry Rousso, « La trayectoria de un historiador del tiempo presente, 1975-2000 », p. 17.
25
Hugo d’Aquila, Máxima Peligrosidad. Declaraciones en una cárcel del Pueblo, Buenos Aires, Candela, 1973.
26
Voir Frantz Fanon, « Médecine et colonialisme », L’an V de la révolution algérienne [1959], Paris, La Découverte, 2011 ; et surtout : F. Fanon, « Guerre coloniale et troubles mentaux », Les Damnés de la Terre [1961], Paris, La Découverte, 2002.
27
Sur la « «fiction théorique» », voir : Sigmund Freud, L’Interprétation du rêve, Œuvres complètes de psychanalyse, vol. IV, Paris, PUF, 2003, en particulier le chapitre VII, « Sur la psychologie des processus du rêve », § D. Voir aussi : Michel de Certeau, « Le roman psychanalytique : Histoire et littérature », Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 1987 (traduction espagnole utilisée : « La “novela” psicoanalítica. Historia y literatura », Historia y psicoanálisis, México, Universidad Iberoamericana, 1995).
28
Sigmund Freud, L’Homme Moïse et la Religion Monothéiste [1939], d’après la traduction espagnole : Obras Completas, Buenos Aires, Amorrortu, 1976-1979, vol. XXIII (en français, voir la traduction de cet essai dans : S. Freud, Œuvres complètes psychanalyse, vol. XX, Paris, PUF, 2010).
29
Sigmund Freud, L’Homme Moïse et la Religion Monothéiste [1939], d’après la traduction espagnole : Obras Completas, Buenos Aires, Amorrortu, 1976-1979, vol. XXIII, p. 64-65 et 120.
30
Voir Michel de Certeau, « La “novela” psicoanalítica. Historia y literatura », Historia y psicoanálisis Mexico, Universidad Iberoamericana, 1995, p. 104 (en français : Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 1987). Les mécanismes de L’Interprétation des rêves (« déplacer », « défigurer », « masquer », etc.) se retrouvent, trente années après, appliquées au roman historique « L’homme Moïse et la religion monothéiste ».
31
« Ambos monumentos están motivados por acontecimientos […] que al momento de producirse conmocionaron a las sociedades, mostraron comportamientos sociales y políticos antagónicos frente al conflicto y dejaron huellas profundas en personas, en grupos y en la cultura de los países ».
32
Tulio Halperin Donghi, Argentina en el callejón [1964], Buenos Aires, Ariel, 1995. « Prólogo » (1995), p. 16 ; voir aussi Tulio Halperin Donghi, La larga agonía de la Argentina peronista, Buenos Aires, Ariel, 1994, p. 64.