Anthropocène à l’Est

Ce dossier, conçu par l’équipe « Environnement » du CERCEC (CNRS – EHESS) en partenariat avec le CREE (INALCO), propose des éclairages sur les crises et sur les mobilisations environnementales à l’est de l’Europe et dans l’ex-URSS.

 

Coordonné par Laurent Coumel (INALCO – CREE), Jawad Daheur (CNRS – CERCEC) et Marie-Hélène Mandrillon (CNRS – CERCEC)

 

À l’est de l’Europe et dans l’ex-URSS, marqués par quarante ou soixante-dix ans de régimes dits communistes au XXe siècle, la question environnementale se pose avec des temporalités différentes de celles du monde occidental. La pression des sociétés sur les milieux et les ressources s’y inscrit là aussi dans le temps long de l’anthropocène, ère géologique dont l’humanité est devenue une force majeure : qu’on le fasse débuter avec l’âge industriel, entre la fin du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle, ou avec l’accélération des dégradations écologiques et de leur prise en compte globale survenue après 1945. Mais alors que le relatif « tournant environnemental » des années 1960 et 1970 à l’Ouest a connu un équivalent beaucoup plus faible dans les institutions et les sphères publiques à l’Est, la catastrophe de Tchernobyl en 1986 a provoqué, quelques années plus tard, un premier moment de forte mobilisation verte : les ruptures politiques de 1989 en Europe centrale et orientale et la dislocation de l’Union soviétique en 1991 en sont pour partie le résultat.

Dans les années 1990, les pays post-communistes ont connu des situations contrastées : renforcement de la législation environnementale mais affaiblissement des institutions chargées de la faire appliquer, essor parfois contrarié, voire réprimé des mouvements écologistes. En ce début de XXIe siècle, la question environnementale reprend force dans ces espaces, y compris ceux qui sont soumis à des régimes autoritaires. Des contestations liées, soit aux défis globaux (changement climatique), soit à la perception des risques (catastrophes amplifiées par l’action humaine), soit à des préoccupations locales, se déploient à nouveau, notamment via Internet et les réseaux sociaux.

Les ateliers « Anthropocène à l’Est » visent à éclairer ce retour de la question environnementale en Europe centrale et orientale et dans l’ex-URSS, au prisme des héritages historiques, et plus largement de ce que Reinhart Koselleck a désigné comme « espace d’expérience vécue », en le reliant à l’« horizon d’attente » des acteurs. C’est ce présent à la fois dépendant du passé, et en devenir, que cherchent à saisir les sciences humaines et sociales.

2020, une marée rouge en Sibérie

Une « marée rouge » (appelée ainsi dans les médias occidentaux) survenue en mai 2020 près de la ville de Norilsk, à savoir le déversement d’une quantité massive d’hydrocarbure dans le réseau hydrographique alentour, a suscité la mobilisation de nombreux acteurs en Russie. Plusieurs d’entre eux, comme Nornickel, l’entreprise multinationale propriétaire du réservoir accidenté, mettent en avant la fonte du pergélisol (sol gelé en permanence dans les régions polaires et en Sibérie), donc le changement climatique, comme une des causes du sinistre. Lors de précédentes alertes survenues dans l’Arctique, avant comme après 1991, des controverses écologiques avaient traversé la société soviétique, puis russe.

Qu’en est-il en 2020, à l’heure des réseaux sociaux ? Quels sont les acteurs aujourd’hui, et comment évaluer ensemble leurs espaces d’expérience, autrement dit les héritages du passé, leurs horizons d’attente, et les possibilités du futur ?   

 

Coordonné par Laurent Coumel

La guerre russe en Ukraine. Enjeux environnementaux

L’invasion de l’Ukraine par l’armée russe le 24 février 2022 a causé d’immenses destructions de vies humaines, d’infrastructures et d’écosystèmes. Le retour de la guerre dans cette région, qui dispose d’un appareil industriel important et vieillissant hérité de la période soviétique, suscite de grandes inquiétudes. Bombardements d’usines chimiques et sidérurgiques, combats autour des installations nucléaires, destruction et contamination des écosystèmes par les armées : les dégâts environnementaux et sanitaires s’accroissent avec la poursuite des combats, et l’héritage toxique de cette violence est inquiétant pour l’après-guerre. Cet atelier propose un état des lieux des destructions en cours et de quelques risques environnementaux qui s’accumulent dans la région.

Les interrelations entre la guerre et l’environnement ont constitué l’un des sous-domaines les plus prolifiques de l’histoire environnementale au cours des deux dernières décennies. Les historiens français Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz ont même inventé un néologisme, le « thanathocène », pour caractériser le rôle prédominant joué par les guerres modernes et l’appareil militaire dans l’avènement de l’Anthropocène. Les dommages environnementaux des guerres modernes sont bien documentés depuis l’écocide de la guerre du Vietnam, mais l’actuelle agression russe en Ukraine suscite un niveau d’attention sans précédent sur les impacts environnementaux de la guerre de la part d’un large éventail d’ONG, d’activistes, de journalistes ou de chercheurs.

 

Coordonné par Marin Coudreau et Laurent Coumel

 

En ligne : la vidéo de la table ronde du 16 juin 2022 « Russia’s war in Ukraine: environmental issues »